Communication scientifique
Session of 22 janvier 2008

Le réseau national Comète sur les tumeurs de la surrénale

MOTS-CLÉS : aldostérone. catécholamines. hydrocortisone. hypertension artérielle. pronostic. récidive. tumeurs de la surrénale
Comete, a network for the study and management of hypersecreting adrenal tumors
KEY-WORDS : adrenal gland neoplasms. aldosterone. catecholamines. hydrocortisone. hypertension. prognosis. recurrence.

Pierre-François Plouin, Anne-Paule Gimenez-Roqueplo, Xavier Bertagna

Résumé

Les tumeurs sécrétantes de la surrénale exposent aux risques d’une récidive tumorale souvent maligne et à ceux de l’hypersécrétion. Les phéochromocytomes et paragangliomes dérivent du tissu chromaffine et sécrètent des catécholamines ; ils peuvent être bénins ou malins, sporadiques ou familiaux. Les adénomes et carcinomes de la surrénale dérivent du cortex et peuvent se manifester par un hypercortisolisme, un hyperminéralocorticisme ou une hypersécrétion d’androgènes. Ces tumeurs sont généralement assez volumineuses pour fournir du matériel à des études biologiques après les prélèvements nécessaires au diagnostic. De nombreux patients ayant des tumeurs surrénales sont adressés aux Départements d’Hypertension de l’Hôpital Européen Georges Pompidou et d’Endocrinologie de l’Hôpital Cochin à Paris. Les responsables de ces Départements on créé en 1993 le réseau COMETE, dont l’objectif est de promouvoir la recherche fondamentale et clinique sur les tumeurs surrénales. Les implications sont les suivantes. Dans des études transversales, réunir et maintenir une collection d’échantillons tumoraux et d’ADN leucocytaire ; conserver des annotations concernant les principales données biologiques et cliniques ; et distribuer des échantillons biologiques et des données biocliniques anonymisées aux laboratoires de recherche associés au réseau. Au cours d’études prospectives, assurer la surveillance indéfinie, conforme aux bonne pratiques cliniques, des patients dont la tumeur présente un risque * Membre correspondant de l’Académie nationale de médecine ** Département de Génétique, Hôpital Européen Georges Pompidou *** Service des Maladies Endocriniennes et Métaboliques, Institut Cochin ; INSERM U772 et U567 ; CNRS UMR8104 Tirés-à-part : Professeur Pierre-François PLOUIN, Unité d’Hypertension artérielle, Hôpital Européen Georges Pompidou, 75908 Paris cedex 15 Article reçu le 10 juillet 2007, accepté le 3 octobre 2007 de malignité ou de récidive, c’est-à-dire mettre en place des cohortes de patients ayant des carcinomes ou de volumineux adénomes corticaux, et une cohorte de patients opérés d’un phéochromocytome ou d’un paragangliome.

Summary

Patients with adrenal tumors are at risk of the consequences of tumor growth (including metastasis) and of hormone hypersecretion. These tumors arise from tissues with distinct embryonic origins. Pheochromocytomas and paragangliomas arise from the adrenal medulla and produce catecholamines ; they may be benign or malignant, and sporadic or familial. Adrenal adenomas and carcinomas arise from the adrenal cortex. Patients with adrenocortical tumors may develop ACTH-independent hypercortisolism, mineralocorticoid excess, and androgen hypersecretion. The tumors are frequently large enough to provide material for biological studies in addition to diagnostic investigations. In France many patients with hypersecretory tumors are referred to the Hypertension Unit of Georges Pompidou European Hospital, and to the Department of Endocrinology at Cochin Hospital, Paris. In 1993, the heads of these departments created the COMETE network (COrtico et MEdullo-surrénale, les Tumeurs Endocrines). The overall objective of COMETE is to promote basic and clinical research into adrenal tumors. This implies — in cross-sectional studies : collecting adrenal tumors, maintaining a collection of tumor and leukocyte DNA samples, keeping a computerized record of relevant biological and clinical data, and distributing biological samples and bioclinical information anonymously to collaborating research laboratories ; — in prospective studies : ensuring indefinite follow-up of patients with tumors at risk of malignancy or recurrence, which means establishing and maintaining a cohort of patients with large adrenocortical tumors or carcinomas and a cohort of patients with pheochromocytomas or paragangliomas.

INTRODUCTION

Les tumeurs sécrétantes de la surrénale exposent aux conséquences de l’hypersécré- tion, notamment l’hypertension, le diabète et/ou les diverses manifestations de l’hypercortisolisme. Les phéochromocytomes (PH) ou paragangliomes (PGL) et les tumeurs corticosurrénales hors de l’adénome de Conn comportent en outre un risque de malignité ou de récidive. Pour les PH et les PGL comme pour les tumeurs corticosurrénales, il n’y a pas de critère histologique fiable de malignité en dehors de la présence d’une extension ganglionnaire ou métastatique, et nous en sommes aux premiers indicateurs pronostiques validés par des études de cohorte.

Au début des années 1990, l’INSERM a développé dans les hôpitaux un réseau d’unités de recherche, lieux de conception de savoir-faire et de nouveaux outils, notamment dans les domaines biologique et statistique. L’organisation d’équipes en réseaux de recherche avait pour but de favoriser la coordination et le continuum de la recherche d’amont vers la recherche clinique et en santé publique. À sa création en 1992, le Programme Hospitalier de Recherche Clinique (PHRC) a considéré que « L’activité de recherche clinique, située en amont du développement des innova-
tions thérapeutiques, conditionne à moyen et long terme le maintien de la qualité de soins et de l’efficience de l’ensemble du système de santé. Le développement de la recherche clinique constituait dès lors un des axes prioritaires de la politique hospitalière et de santé publique » [1]. COMETE a été créé en 1993 comme un réseau INSERM de recherche clinique, avant d’être régulièrement soutenu par le PHRC de 1995 au présent.

GENÈSE ET OBJECTIF

COMETE a été créé par deux auteurs de cet article (PFP, XB) avec l’idée que le recrutement des tumeurs surrénales du service d’hypertension artérielle de Broussais, puis de l’Hôpital Européen Georges Pompidou, et du service d’endocrinologie et maladies métaboliques de Cochin, est une ressource exceptionnelle pour la recherche clinique et physiopathologique. Les conditions posées à cette recherche étaient un recueil impeccable des données cliniques et des matériels biologiques, dans le respect de l’éthique et des règles de conservation des données cliniques et biologiques. Aujourd’hui, l’association des deux services fondateurs et de plusieurs laboratoires institutionnels a permis plus de 100 publications originales portant sur la physiopathologie des tumeurs, les aspects génétiques, et la prise en charge des patients. Le réseau COMETE est un élément phare du dispositif Tumeurs Endocrines du GHU-Ouest. Il a désormais l’initiative de projets Européens. L’objectif institutionnel du réseau COMETE est d’étendre nos connaissances des tumeurs endocrines de la surrénale dans trois domaines : la tumorigénèse et le potentiel d’évolution maligne ; la physiopathologie de l’hypersécrétion ; les implications pour la surveillance et le traitement des patients atteints, en particulier dans le cadre de syndromes génétiques.

ORGANISATION

Organigramme

Le noyau de COMETE associe deux services cliniques du Groupe HospitaloUniversitaire Ouest et des unités de recherche de Paris, Rouen et Grenoble. Les équipes fondatrices (Service d’hypertension artérielle de Broussais puis de l’Hôpital Européen Georges Pompidou, et service d’endocrinologie de Cochin) ont collecté, en collaboration avec les services d’anatomo-pathologie de leur hôpital et en conformité avec la législation, des données informatisées et des échantillons tumoraux et de cellules circulantes concernant plus de 1000 patients opérés d’un PH, d’un adénome de Conn ou de Cushing, ou d’un carcinome corticosurrénal.

Douze cliniques régionales participent à une action de COMETE sur les adénomes de Conn et recueillent des données informatisées et de l’ADN lymphocytaire. Ces

FIG. 1. — Organigramme du réseau COMETE équipes ne recueillent pas d’échantillons tumoraux. COMETE est par ailleurs associé à deux réseaux français dont le promoteur est le GIS-Institut des Maladies Rares : le réseau PGL.NET, dédié aux patients porteurs de paragangliomes (coordonnateur AP Gimenez-Roqueplo) ; et le réseau Carney, dédié aux patients porteurs d’un complexe de Carney, une maladie autosomique dominante pouvant associer une lentiginose, des myxomes et une hyperplasie nodulaire de la surrénale (Coordonnateur J. Bertherat). Enfin COMETE a une extension européenne, le réseau ENS@T (European Network for the Study of Adrenal Tumors) (Figure 1).

Organes

Le Bureau

Ses membres sont des médecins et chercheurs de Grenoble, Paris et Rouen. Le bureau constitue l’exécutif et le conseil scientifique de COMETE. Il se réunit deux fois par an. Il examine les projets des membres de COMETE et, éventuellement des demandeurs extérieurs, pour accepter ou non l’envoi d’échantillons biologiques et les annotations afférentes. Ces demandes internes ou externes sont formatées dans le cadre d’un Material Transfer Agreement (disponible sur demande). Le bureau
contrôle également la structure du réseau, son extension éventuelle à de nouveaux participants et ses relations extérieures (contacts avec les réseaux étrangers) ; il établit le programme des réunions techniques ou plénières du réseau et coordonne les réponses aux différents appels d’offre.

Le coordonnateur

Il convoque les réunions et en établit l’ordre du jour avec les membres du Bureau. Il est en charge des aspects administratifs et de la répartition des fonds communs, en contact avec un organisme de gestion. Il fait un relevé annuel du recrutement et des consentements informés des patients et tient à jour la liste des publications du réseau. Avec l’aide du Bureau, il produit en fonction des besoins les rapports d’activité et les résumés à l’intention du promoteur ou des réseaux étrangers. La coordination est assurée par P.F. Plouin depuis la création de COMETE.

Réunions plénières

L’ensemble du réseau se réunit au moins une fois par an pour des présentations scientifiques (treize réunions plénières depuis la création de COMETE).

PATIENTS ET PROCÉDURES

Nosologie

COMETE s’adresse à des patients ayant l’un des quatre types suivants de tumeurs :

— Un phéochromocytome (PH) ou un paragangliome (PGL) : tumeurs du tissu chromaffine surrénal (PH) ou extrasurrénal (PGL) sécrétant ou non des caté- cholamines. Les PGL, antérieurement nommés PH ectopiques, sont par définition extra-surrénaux. Ils sont néanmoins inclus dans le recrutement de COMETE parce que les PH et les PGL ont la même origine embryonnaire, le même potentiel sécrétoire, et peuvent coexister chez un même patient.

— Un adénome de Conn (APA pour Aldosterone Producing Adenoma), tumeur bénigne de moins de deux centimètres sécrétant exclusivement de l’aldostérone.

— Un autre adénome (NAPACA pour Non-Aldosterone Producing Adrenocortical Adenoma) ou une hyperplasie nodulaire de la surrénale, responsable ou non d’un syndrome de Cushing.

— Un carcinome (ACC pour Adrenal Cortical Carcinoma) ou une tumeur suspecte de la corticale : tumeur volumineuse, sécrétant ou non des stéroïdes biologiquement actifs et/ou des précurseurs. Les sigles anglo-saxons sont ceux des bases de données dédiées à chacun de ces types de tumeurs, bases de données qui ont été adoptées par le réseau européen ENS@T.

Critères de sélection

Les patients éligibles sont ceux dont l’exploration permet d’établir la présence ou l’absence d’une hypersécrétion ; ayant une imagerie quantifiable ; candidats ou non à la chirurgie, la décision reposant sur les indications cliniques usuelles ; donnant leur consentement pour le prélèvement et l’usage d’ADN lymphocytaire et, s’il y a lieu, pour la conservation et l’usage d’échantillon tumoraux. Le formulaire de consentement précise que les prélèvements sont seulement utilisés pour la recherche physiopathologique et l’identification de nouveaux marqueurs pour le diagnostic et le pronostic des tumeurs surrénales. Ne sont pas éligibles les mineurs, les patients ayant une autre pathologie engageant le pronostic vital à court terme et ceux qui ne peuvent pas être suivis, par exemple qui n’habitent pas la France métropolitaine.

Annotations biocliniques

Elles sont conservées dans quatre bases de données (PH/PGL, APA, NAPACA, ACC). Ces bases de données sous ACCESS sont structurées de la même façon avec des vues Identification (d’usage local dans le service en charge du patient), Initial Work-up, Tumor Form (qui décrit l’intervention et ses suites et les caractéristiques de la tumeur), Sample Form (qui décrit les conditions de recueil et le site de stockage de la tumeur), et Follow-up (qui reprend au cours de suivi autant de vues Work-up que nécessaire).

Préparation des échantillons tumoraux

Recueil de la tumeur

Un technicien est chargé de recueillir la ou les pièces tumorales. Dès que la pièce est réséquée, il l’emporte au laboratoire d’anatomo-pathologie, où elle est dégraissée, mesurée et pesée de façon stérile par l’anatomo-pathologiste. Ce dernier prélève tout élément nécessaire au diagnostic et décide de ce qui peut être utilisé pour la recherche. Dans la mesure du possible, il alimente deux à cinq cryotubes (un cube de 5 mm d’arête environ par tube). L’ensemble des tubes est alors plongé dans l’azote liquide et mis en collection. Le délai entre le prélèvement de la pièce opératoire et la congélation est généralement inférieur à quinze minutes.

Stockage et conservation

Les échantillons sont répartis dans plusieurs fûts d’azote liquide, leur adresse et le nombre d’échantillons restants étant gérés par le logiciel Biobase® qui permet d’assurer la traçabilité des échantillons, de documenter les évènements survenus sur les échantillons (chaîne du froid) et de gérer les quantités cédées et restantes. Leur conservation est indéfinie.

FIG. 2. — Recrutement de tumeurs surrénales par spécialité Abréviations : PH/PGL, phéochromocytomes/paragangliomes ; ACC, carcinomes corticosurrénaux ; APA, adénomes produisant de l’aldostérone ; NAPACA, adénomes ne produisant pas d’aldostérone (voir Nosologie) ÉTAT ACTUEL DU RECRUTEMENT

Nous avions recueilli mille quarante tumeurs secrétantes de la surrénale à la fin de 2006, ce qui fait de COMETE la plus grande banque mondiale dans ce domaine. La poursuite du recrutement reste néanmoins nécessaire pour des raisons de puissance statistique et de représentativité, et parce que certaines tumeurs, rares ou associées à des mutations spécifiques, sont les plus demandées.

La figure 2 montre la distribution des tumeurs par catégorie et par recrutement. On remarque le caractère complémentaire du recrutement d’un service d’endocrinologie (nombreux NAPACA et ACC, qui se présentent fréquemment avec un syndrome de Cushing avec ou sans virilisation) et d’un service d’hypertension (nombreux APA, qui se présentent comme une hypertension avec ou sans hypokaliémie) ; les PH/PGL sont également répartis dans les deux services.

PUBLICATIONS

Lors du dernier recensement à la fin de 2006, cent-seize publications de COMETE étaient parues dans des journaux à comité de lecture : cinquante-neuf concernaient les tumeurs corticales hors de l’adénome de Conn (NAPACA et ACC), quarantedeux les PH et PGL, quatorze les adénomes de Conn, et une l’ensemble des tumeurs

TABLEAU 1. — Principales publications de COMETE dans les revues à comité de lecture Journaux

Articles

Journaux

Articles

Endocrinologie

Cancérologie

J Clin Endocrinol Metab 36 Cancer Res 5 Eur J Endocrinol 10 Int J Cancer 2 Clin Endocrinol 6 J Clin Oncol 1 Endocrinology 4 Ann Oncol 1 Mol Endocrinol 1 Cell Tissue Res 1 Nat Clin Pract Endocrinol Metab 2 Am J Pathol 1 J Mol Endocrinol 1 Cardiovasculaire et rein

Génétique

Hypertension 2 Am J Hum Genet 3 Nephrol Dial Transplant 2 Hum Mol Genet 1 Am J Hypertens 1 Nat Genet 1 J Hypertens 1 sécrétantes de la surrénale. Le Tableau 1 donne la liste des revues internationales qui ont publié nos principaux résultats et dont le facteur d’impact est supérieur à deux (mise à jour de décembre 2006). Quelques résultats obtenus au cours des cinq dernières années sont brièvement résumés ci-dessous. Le lecteur intéressé trouvera une plus ample information dans les deux articles de ce même numéro traitant des tumeurs corticosurrénales et des PH/PGL.

Apports de COMETE à la génétique du phéochromocytome

A travers l’étude d’une maladie rare, le PGL héréditaire, la recherche en génétique a transformé la prise en charge des patients atteints de PH/PGL. Le PGL héréditaire est une forme de prédisposition génétique au cancer qui se manifeste par des tumeurs de la tête et du cou. En Février 2000, l’analyse de liaison et de clonage positionnel menée par Bora Baysal [2] aboutissait à l’identification des premières mutations sur le gène SDHD . L’identification des gènes du PGL héréditaire a eu des répercussions importantes pour les patients atteints de PH car des mutations du gène SDHD et SDHB ont ensuite été rapportées chez des patients ayant un PH familial et même chez des patients ayant un PH d’apparence sporadique.

Fréquence des mutations germinales

On sait désormais qu’un quart des patients ayant un PH ou un PGL ont une maladie génétiquement déterminée : PGL héréditaire, maladie de von Hippel Lindau, néoplasie endocrinienne multiple de type 2, neurofibromatose de type 1 [3-5]. Ceci inclut 12 % des patients ayant une forme apparemment sporadique de PH/PGL, et
qui sont en réalité porteurs d’une mutation germinale, affectant le plus souvent les gènes SDHB et VHL . Notre équipe a montré que les gènes SDHs sont des gènes suppresseurs de tumeur, dont la mutation constitutionnelle hétérozygote est toujours associée à une perte de l’allèle normal dans la tumeur et à une perte complète et sélective de l’activité de l’enzyme, quel que soit le gène muté [6-8]. Grâce à une étude rétrospective menée sur quatre-vingt-quatre patients de la cohorte COMETE, nous avons découvert que la présence d’une mutation germinale du gène SDHB est un facteur de risque important de malignité (risque relatif : 9.8) [9]. Ce résultat a été confirmé dans une étude multicentrique française menée chez trois cent-quatorze patients [4] et dans une collaboration internationale menée avec le Consortium International SDH [10].

Apports de COMETE à l’étude des tumeurs corticosurrénales

Ces tumeurs sont diverses et nous rapportons brièvement ici quelques avancées concernant les NAPACA et ACC. Au nom de COMETE, nous avons été invités à rédiger une mise au point dans une nouvelle revue prestigieuse du Groupe Nature Publishing sur les mécanismes moléculaires de la tumorigénèse du cortex surrénal [11].

Syndrome de Cushing (NAPACA)

Nous avons décrit un nouveau gène qui code pour la phosphodiestérase 11A2 (PDE 11A2), et qui intervient dans le métabolisme de l’AMPc et du GMPc [12]. Ses mutations germinales sont responsables d’une nouvelle forme de dysplasie nodulaire bilatérale des surrénales avec syndrome de Cushing indépendant de l’ACTH, survenant chez l’enfant. Sur un plan fondamental, au-delà de la découverte d’un nouveau gène, ces résultats renforcent l’idée du rôle primordial de la voie de l’AMPc dans la tumorigénèse corticosurrénale. Ces résultats ont pu être obtenus grâce à la collaboration du réseau Carney.Net, à l’intérieur de COMETE (voir Figure 1), avec l’équipe de Constantin Stratakis au NIH (Bethesda, Md, USA).

Corticosurrénalomes (ACC)

Nous avons rapporté la plus grande série de corticosurrénalomes, portant sur deux cent-deux patients suivis sur plus de vingt ans [13]. Elle met en avant l’évolution survenue dans la présentation et le diagnostic, et l’amélioration pronostique qui semble essentiellement corrélée à une prise en charge plus précoce. Le caractère péjoratif des formes sécrétantes est démontré, mais ce sont les seules formes qui bénéficient d’un traitement par l’Op’DDD en termes de survie. Un problème majeur pour l’évaluation des tumeurs de la corticosurrénale est la grande difficulté d’appré- cier leur pronostic par l’approche histologique. Les algorithmes les plus sophistiqués (Score de Weiss) ne permettent pas toujours de distinguer les lésions bénignes des lésions malignes. Un progrès majeur dans ce domaine a été la mise au point de marqueurs moléculaires. Nous avons établi une corrélation indépendante, en ana-
lyse multivariée, entre la perte d’allèle en 11p13 et le risque de récidive ou de métastases chez des patients opérés de tumeurs surrénales « localisées » (stade chirurgical 1 ou 2) [14]. Ce nouvel outil moléculaire est maintenant disponible en routine et permet de mieux cibler les patients relevant d’un traitement adjuvant après l’exérèse complète d’un corticosurrénalome, et qui restent malgré tout à risque de récidive.

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[14] GICQUEL C., BERTAGNA X., GASTON V. et al. — Molecular markers and long-term recurrences in a large cohort of patients with sporadic adrenocortical tumors.

Cancer Res., 2001, 61 , 6762-6767.

DISCUSSION

M. Raymond ARDAILLOU

Comment conciliez-vous l’anonymat avec le suivi, c’est-à-dire l’évaluation des corrélations entre les données de la biologie (transcriptome, protéome) et la réponse thérapeutique ou l’évolution de la maladie ?

Les médecins des deux services-support de COMETE recrutent, traitent et suivent les patients qui donnent leur consentement de participation. Ils disposent de l’identification nominale qui relie l’observation initiale, le matériel biologique en collection, et les données de l’évolution. Lorsqu’ils adressent du matériel biologique et les annotations correspondantes aux laboratoires demandeurs sous couvert d’un contrat de transfert de matériel, ils codent ces données en simple anonymat, opaque aux demandeurs. Ils peuvent ensuite décoder les résultats de la recherche pour les transmettre aux patients.

Comme le prévoit la loi, le consentement informé mentionne « J’accepte que les données nominatives me concernant recueillies à l’occasion de cette étude puissent faire l’objet d’un traitement automatisé par les organisateurs de la recherche. Le droit d’accès et de rectification prévu par la loi Informatique et Liberté s’exerce à tout moment auprès des responsables de l’étude. Pour toutes les informations de nature médicale, j’exercerai ce droit par l’intermédiaire d’un médecin de mon choix (article 40 de la loi 78.17 du 6 janvier 1978). Les données recueillies demeureront strictement confidentielles. Elles ne pourront être consultées que par l’équipe médicale, les personnes dûment mandatées par le promoteur de la recherche et éventuellement par des représentants des autorités administratives » M. Jean-Louis CHAUSSAIN

Quelle est actuellement la place de la pédiatrie dans le réseau Comète ?

Ne sont éligibles dans COMETE que les adultes aptes à donner un consentement informé.

M. Christian NEZELOF

Quels sont les critères de distinction entre les phéochromocytomes et les paragangliomes ?

Quel est le volume de la tumeur que vous conservez dans l’azote liquide ?

Les phéochromocytomes et les paragangliomes sont distingués par le siège, surrénal pour les premiers, extrasurrénal pour les seconds. Nous conservons pour chaque tumeur trois à dix tubes de congélation contenant chacun un fragment grossièrement cubique de 5 mm d’arête.

M. Alain-Abbas SAFAVIAN

Comment expliquer, dans votre réseau Comète, la proportion de fréquence entre les adénomes de Conn et les autres corticosurrénalomes, qui y apparaissent à peu près de même
fréquence ? Alors qu’en pratique nous observons beaucoup plus fréquemment les adénomes de Conn avec hyperaldostéronisme primaire que les autres tumeurs de la corticosurrénale qui sont effectivement très rares.

Ces proportions dérivent de la présentation clinique des patients et du recrutement propre à chacun des deux services-support. A ce jour le recrutement du service d’hypertension a porté sur trois cent-onze patients porteurs d’un adénome de Conn, tous hypertendus, et quarante patients ayant un adénome ou un carcinome corticosurrénal sécrétant d’autres stéroïdes, le plus souvent du cortisol avec un syndrome de Cushing. La distribution était inverse pour le service d’endocrinologie, avec quatre-vingt-quatre cas d’adénome de Conn et trois cent-trois cas d’autres adénomes ou carcinomes corticosurrénaux. La distribution des phéochromocytomes et paragangliomes était similaire dans les deux services : deux cent-trois patients du service d’hypertension et cent quatre vingt-dix patients du service d’endocrinologie.

M. René MORNEX

Au milieu des nombreuses informations biologiques, avez-vous les moyens pour identifier la nature biochimique des productions tumorales : Adrénaline ? Noradrénaline ? Mélange et leur rapport avec la présentation clinique et topographique ?

Notre base de données retient la concentration plasmatique de l’adrénaline et de la noradrénaline et l’excrétion urinaire des métanéphrines pour les patients porteurs de phéochromocytome ou de paragangliome. Il y a en effet une relation entre le phénotype sécrétoire et le phénotype tumoral. Nous avons montré en particulier que les tumeurs malignes ou extrasurrénales secrètent une moindre proportion d’adrénaline que les phéochromocytomes bénins, et que l’excrétion urinaire des métanéphrines totales est corrélée au volume tumoral.

M. Jean-Daniel SRAER

Existe-t-il des métastases malignes de tumeurs primitives apparemment bénignes ?

Oui, des patients qui avaient une tumeur apparemment bénigne (sans métastase ganglionnaire ou à distance) lors de l’intervention initiale peuvent développer ultérieurement des métastases. Cette éventualité est plus fréquente dans les tumeurs d’origine paraganglionnaire que dans les tumeurs corticosurrénales.

M. Claude JAFFIOL

Quelle est la répartition géographique du recrutement des tumeurs surrénaliennes ?

Collectez-vous les tumeurs endocrines associées (N.E.M.) ?

Le recrutement de COMETE provient actuellement de deux services-support parisiens.

Certains de nos patients ont des maladies à tumeurs qui peuvent atteindre aussi la thyroïde (dans la néoplasie endocrinienne multiple de type 2), les reins et le névraxe (dans la maladie de von Hippel Lindau), le pancréas et les parathyroïdes (dans la néoplasie endocrinienne multiple de type 2). Toutefois nous ne conservons que les tumeurs corticosurrénales ou dérivées du tissu paraganglionnaire (phéochromocytomes et corticosurrénalomes).

M. Jacques-Louis BINET

Comment avez-vous choisi, dans vos publications le nom et l’ordre des auteurs ?

En fonction du projet scientifique. L’équipe qui a conçu et réalisé une recherche à partir de nos bases de données et/ou de nos collections de matériel biologique fait le choix final du nom et de l’ordre des auteurs. Elle inclut un ou plusieurs membres du service-support qui a collecté les données et/ou le matériel soit dans la liste des auteurs, soit dans les remerciements, en fonction de leur participation au contenu intellectuel. Le contrat de transfert de matériel comporte un chapitre sur la propriété intellectuelle où cette question est abordée.

Bull. Acad. Natle Méd., 2008, 192, no 1, 73-85, séance du 22 janvier 2008