Avis
Session of 24 septembre 2024

Le principe de précaution en médecine : vingt ans après

MOTS-CLÉS : Facteurs de risque, Gestion du risque, Appréciation des risques, Santé publique, Prise de décision
The precautionary principle in medicine: Twenty years later
KEY-WORDS : Risk factors, Risk management, Risk assessment, Public health, Decision-making

Alain C. Masquelet* , Jacques de Saint-Julien, Renaud Denoix de Saint-Marc, Jean-François Mattei, Gérard Reach, Sylvain Rigal (a)

Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.

Résumé

Objectifs
Le principe de précaution (PP) est un mode de gestion des risques en situation d’incertitude scientifique. Son absence de définition dans les textes officiels et le flou qui entoure ses modalités d’application ont suscité de multiples interprétations et polémiques. Initialement limité à l’environnement puis étendu à la santé, la mise en œuvre de ce principe a fait craindre une judiciarisation de l’activité de soins et une entrave à la recherche biomédicale.

Méthode
Douze auditions ont été réalisées de vingt-quatre personnalités concernées par le principe de précaution ainsi qu’une analyse de la littérature.

Résultats
Notre analyse renouvelée du PP a fait apparaître les points suivants : le PP est une démarche formalisée qui repose sur une attitude de prudence, un raisonnement fondé sur des hypothèses et des dispositions de précaution. Son dévoiement, sous la forme du « précautionnisme », est responsable de l’application de mesures de précaution inappropriées ; la médecine de soins individuelle est parfaitement encadrée par le Code de déontologie médicale ; nul n’a besoin, en pratique courante, de solliciter le PP ; la recherche biomédicale obéit également à des procédures bien définies et autonomes. Cependant toute recherche doit se garder d’un « précautionnisme », d’essence administrative, susceptible d’élever des obstacles au déroulement de ses programmes. Dans les deux domaines précités, des innovations de rupture susceptibles d’engendrer des transformations sociétales pourraient mobiliser conjointement le PP et un questionnement éthique ; en revanche la santé publique est un domaine d’application du PP, dans la mesure où l’État a pour mission régalienne de protéger les populations ; on peut tenir pour assuré qu’en dehors de la santé publique, le PP ne s’applique pas dans le champ médical.

Conclusion
En conséquence, la maîtrise du PP implique de promouvoir des actions de formation à l’adresse des médecins, des décideurs politiques et administratifs, des établissements d’enseignement et des médias.

Summary

Objectives
The precautionary principle (PP) is a risk management method in situations of scientific uncertainty. Its lack of precise definition in official texts led to numerous interpretations in the past. The PP was initially limited to the environment. The extension to human health raised fears of an increase of proceedings and an interference with innovative research.

Method
Twenty-four people involved in the precautionary principle have been interviewed and a literature review has been carried out.

Results
A renewed analysis of the PP has emphasized several points: the PP is a complex process that includes a spirit of caution, rigorous reasoning, and evaluation of hypotheses and, lastly, precautionary measures. The major part of confusion raises when the PP is in danger of drifting into inappropriate precautionary measures; individual care medicine is well controlled by the “Code de déontologie médicale” (Code of Medical Ethics); biomedical research has scientific constraints and its own rules. In these two medical fields, PP is not applicable unless a major innovation raises an ethical problem; on the other hand, public health may be submitted to the PP.

Conclusion
Consequently, mastery of the PP implies to promote training actions devoted to medical doctors, administrative and political decision makers, educational establishments and the media.

Accès sur le site Science Direct : https://doi.org/10.1016/j.banm.2024.04.015

Accès sur le site EM Consulte

 

Note de la rédaction : La présentation de cette communication n’a pu avoir lieu  mardi 4 juin 2024. Elle a été repoussée au mardi 24 septembre 2024.

(a) Académie nationale de médecine, 16, rue Bonaparte, 75006 Paris, France
*Auteur correspondant

Bull Acad Natl Med 2024;208:772-80. Doi : 10.1016/j.banm.2024.04.015