Communication scientifique
Séance du 9 novembre 2010

La vaccination rotavirus en Europe en 2010

MOTS-CLÉS : infections à rotavirus/prevention et contrôle. vaccination
Rotavirus vaccination in Europe in 2010
KEY-WORDS : rotavirus infections/prevention and control : vaccination

Emmanuel Grimprel

Résumé

Le poids considérable des infections à rotavirus du nourrisson justifie une prévention vaccinale quel que soit le niveau socio-économique des pays. Deux vaccins rotavirus atténués ont obtenu une AMM européenne en 2006. Ils ont depuis, pleinement démontré sur leur terrain leur efficacité protectrice vis-à-vis des formes sévères de diarrhée à rotavirus chez le nourrisson et leur impact épidémiologique. Pourtant, peu de pays européens ont mis cette vaccination à leur calendrier vaccinal à ce jour. Cette apparente réticence des autorités sanitaires s’explique aujourd’hui en partie par le profil de tolérance de ces vaccins qui exposeraient à un très risque faible d’IIA mais surtout par leur rapport coût-efficacité qui varie de façon importante selon les pays.

Summary

The important burden of rotavirus infections in infants largely justifies vaccine prevention. Two attenuated oral vaccines were licensed in Europe in 2006 and have proven effective against severe rotavirus gastroenteritis in infants, yet few countries have implemented vaccination. This hesitation may be related to a very low risk of intussusception in vaccinees, but is mainly due to national differences in cost-effectiveness.

INTRODUCTION

La réduction importante de la mortalité par diarrhée aiguë ne s’est pas accompa- gnée d’une réduction similaire de la morbidité qui demeure élevée dans le monde entier [1]. Les rotavirus sont les premiers agents infectieux identifiés au cours des diarrhées aiguës chez l’enfant quel que soit le niveau socio-économique des pays concernés.

Deux vaccins antirotavirus du nourrisson, le RotaTeq® (laboratoires SanofiPasteur-MSD) et le Rotarix® (laboratoires GlaxoSmithKline Biologicals) ont obtenu en 2006 une autorisation de mise sur le marché (AMM) européenne. La vaccination rotavirus du nourrisson a été depuis recommandée par l’OMS [2] et les sociétés savantes américaines [3, 4] et européennes [5]. Ces vaccins sont utilisés aux États-Unis mais six pays d’Europe seulement (Autriche, Belgique, Chypre, Finlande, Lettonie et Luxembourg) ont recommandé la vaccination.

Malgré l’efficacité démontrée de ces deux vaccins, des questions restent posées qui concernent la tolérance de ces vaccins, la sécurité virale et le rapport coût-efficacité d’une vaccination généralisée.

Poids des infections à rotavirus chez le nourrisson dans le monde et en Europe.

Les rotavirus seraient responsables de 111 millions d’épisodes diarrhéiques annuels dans le monde, générant 25 millions de consultations médicales, 2 millions d’hospitalisation et 440 000 décès [6]. Les pays en voie de développement supportent l’essentiel de la mortalité.

Aux États-Unis, les rotavirus seraient responsables chaque année de 3,5 millions d’épisodes de gastroentérite aiguë (GEA), 500.000 consultations, 50.000 hospitalisations et une vingtaine de décès. Le coût direct annuel est estimé à 500 millions de dollars et le coût indirect supérieur à 100 millions de dollars [7]. En Europe, les rotavirus seraient responsables chaque année d’environ 3,6 millions d’épisodes de GEA chez l’enfant de moins de cinq ans [8], 700 000 consultations et 87 000 hospitalisations. Les coûts annuels directs et indirects sont estimés respectivement supérieurs à 50 et 100 millions d’euros par an mais leur répartition varie selon les pays.

En France, les GEA représentaient en 1997 51 000 admissions annuelles dont 18 000 d’origine virale et 28.000 d’origine non déterminée dont 8000 à rotavirus, 25 % d’entre elles générant des complications [9]. Les rotavirus seraient responsables chaque année de 300 000 épisodes de GEA par an chez l’enfant de moins de 5 ans, générant 138 000 consultations, 18 000 hospitalisations et une dizaine de décès [10].

Le poids des infections à rotavirus est majoré en France par rapport à d’autres pays du fait de la coexistence chaque hiver, de plusieurs épidémies hivernales (bronchiolites à VRS, GEA à rotavirus et grippes), entraînant de façon brutale pendant les mois de décembre et janvier, une demande brutale et considérable de soins médicaux et d’hospitalisations très difficile à satisfaire sur un plan logistique et organisationnel.

Les dysfonctionnements générés par ce ‘‘ chaos épidémique hivernal ’’ sont responsables d’un grand nombre d’infections nosocomiales. L’infection à rotavirus compliquerait 4 à 15 % des séjours hospitaliers des nourrissons chaque hiver [11-12] et représente la première infection nosocomiale en pédiatrie (31 à 83 %) [13]. Les mesures de contrôle sont partiellement efficaces mais difficiles à appliquer en période épidémique hivernale dans des services débordés.

Les nouveaux vaccins rotavirus

Les deux nouveaux vaccins rotavirus sont des vaccins vivants atténués oraux [14]. Ils s’administrent par voie orale en deux ou trois doses selon le vaccin, à partir de l’âge de six semaines. Ils ont pour objectif de prévenir de façon précoce les infections à rotavirus les plus sévères et correspondant aux sérotypes circulants les plus fré- quents (G1 à G4 et G9). Ils font suite à un premier vaccin (RotaShield® — Laboratoires Pfizer, ex-Wyeth-Ayerst) retiré du marché en 1999 après une seule saison hivernale devant la survenue d’un nombre anormalement élevé d’invaginations intestinales aiguës (IIA).

Le vaccin RotaTeq® est vaccin pentavalent réassortant construit sur le même schéma que le vaccin RotaShield® [14]. Il est constitué de cinq souches dérivant d’une souche commune d’origine bovine (souche WC3 de sérotype G6,P7 et de génotype P[5]) auxquelles ont été respectivement incorporées par réassortiment génétique les gènes humains VP7 codant les protéines sérotypiques G1, G2, G3 et G4 ainsi que le gène VP4 codant la protéine P1A. Le choix de développement de ce type de vaccin repose sur deux hypothèses principales :

— le risque d’IIA observé avec le vaccin RotaShield® était peut-être lié au choix d’une souche simienne qui s’est avérée réactogène lors des premiers essais vaccinaux alors que la souche bovine choisie ne l’est pas, — la couverture des principaux sérotypes, de G1 à G4 et du sérotype commun P1A devrait garantir une efficacité optimale et élargie.

Le vaccin Rotarix® ne comporte qu’une seule souche vaccinale d’origine humaine caractérisée par les sérotypes G1,P1A et le génotype P [8]. Le choix de développement de ce type de vaccin monovalent repose sur deux principales hypothèses [14] :

— les souches humaines de rotavirus ne seraient pas responsables d’IIA chez l’homme — le sérotype/génotype P1A [8] est le plus répandu parmi les souches circulantes humaines de sérotypes G1, G3, G4 et G9 et conférerait ainsi une protection croisée avec ces souches non G1 grâce à cet épitope neutralisant commun.

 

Efficacité et efficience des nouveaux vaccins rotavirus en Europe

Les essais conduits en Europe ont confirmé les résultats obtenus aux États-Unis et en Amérique Latine en montrant, pour chacun de ces vaccins, une efficacité protectrice élevée contre les formes sévères d’infection à rotavirus du nourrisson [15].

L’efficacité la plus forte est observée pendant la première saison hivernale consécutive à la vaccination (voisine de 100 %) et elle se maintient l’année suivante à un niveau élevé, soit une efficacité supérieure à 95 % pendant les deux premières années de vie. Cette efficacité a été également démontrée pour les principaux sérotypes circulant en Europe G1, G2, G3, G4 et G9 [15]. Enfin, l’efficacité est satisfaisante avec des schémas vaccinaux incomplets : 89 % entre la première et la seconde dose pour le Rotarix® [16], 88 et 94 % après respectivement une ou deux doses pour le RotaTeq® [17].

L’efficacité sur le terrain, ou efficience, est un élément majeur d’appréciation de ces vaccins. Elle est mesurée par la surveillance épidémiologique établie dans les pays qui ont mis en place une vaccination.

Aux États-Unis, la couverture vaccinale du RotaTeq® a atteint 72 % en juin 2009 pour au moins une dose sur l’ensemble du territoire avec quelques variations selon les états [18]. Une réduction importante (> 80 %) des infections communautaires et des admissions pour GEA à rotavirus a été systématiquement observée [19-20]. Un effet de protection indirecte a également été démontré (réduction de plus de 70 % des admissions pour GEA à rotavirus) chez les sujets non vaccinés (2 à 18 ans) [21]. Une réduction additionnelle de 15 à 20 % de l’incidence globale des épisodes de GEA à rotavirus pourrait être obtenue avec une couverture vaccinale de 70 % chez le nourrisson [22].

Au Mexique, une chute spectaculaire de la mortalité par diarrhée aiguë a été observée dans les deux années qui ont suivi la mise en place de la vaccination avec le Rotarix® avec une couverture vaccinale de 74 % pour au moins une dose avant onze mois [23].

En Belgique, le réseau de surveillance virologique des laboratoires Vigies a montré une chute progressive du nombre de cas hivernaux de GEA à rotavirus après la mise en place d’une vaccination généralisée du nourrisson avec le Rotarix® [24].

En Autriche, l’incidence des admissions pour GEA à rotavirus a chuté de 70 % avec une couverture vaccinale de 87 % [25].

En France, une étude prospective conduite dans la Communauté Urbaine de Brest a montré, avec une couverture de 51 % pour au moins une dose avant un an et 47 % pour trois doses de RotaTeq®, une réduction de 98 % [IC95 % 83-100] des admissions pour GEA à rotavirus des nourrissons de moins de 2 ans ayant reçu trois doses [26] et une réduction des infections nosocomiales hospitalières. Aucun impact n’a été observé au-delà de deux ans.

 

Tolérance des nouveaux vaccins rotavirus : le risque d’invagination intestinale aiguë (IIA).

Le premier vaccin rotavirus enregistré aux Etats-Unis en août 1998, le RotaShield® a été retiré de la commercialisation au bout d’une saison devant la survenue d’un nombre anormalement élevé de cas d’IIA [14]. Cet effet indésirable grave a été rapidement attribué au vaccin, sans toutefois qu’un quelconque mécanisme physiopathologique ait pu être mis en évidence à ce jour. Les cas d’IIA sont survenus préférentiellement dans les sept jours suivant l’administration de la première dose (OR = 25 ; [IC95 % 9,5-65,1]), suggérant une relation de causalité. Une étude cas-témoin a estimé le risque d’IIA à 1 pour 5000 à 10 000 nourrissons vaccinés [27].

Un tel niveau de risque n’avait pas été identifié lors des essais vaccinaux du dossier d’enregistrement du fait d’effectifs limités. Une seconde analyse a suggéré que les cas d’IIA seraient survenus chez des sujets prédisposés qui auraient fait cet accident à un âge plus précoce que celui auquel il aurait dû survenir, le risque global d’IIA n’étant ainsi pas augmenté [28]. La dernière analyse a montré qu’en majorité, les cas d’IIA avaient été vaccinés de façon tardive, soit un mois plus tard par rapport à la recommandation du calendrier (schéma 2, 4, 6 mois), suggérant ainsi une susceptibilité accrue avec l’âge des sujets [29].

Dès lors, les vaccins de seconde génération, RotaTeq® et Rotarix® ont dû démontrer que leur profil de tolérance était acceptable pour des effets indésirables aussi rares que les IIA. La tolérance a été évaluée sur des cohortes de plus de 60.000 sujets répartis dans différents pays du monde. Les résultats ont été jugés rassurants puisqu’il n’a pas été observé d’augmentation des cas d’IIA chez les vaccinés par rapport au groupe placebo [30, 31]. Toutefois, une surveillance renforcée postcommercialisation a été mise en place afin de détecter un éventuel risque, même très faible, d’IIA. Ces données sont désormais disponibles pour les deux vaccins.

Les données de surveillance du RotaTeq® proviennent essentiellement des EtatsUnis où à ce jour, plus de trente millions de doses ont été administrées.

Le laboratoire Merck a effectué une étude de phase IV de suivi longitudinal de cohorte portant sur 44.000 enfants vaccinés dans un délai de 0 à 30 jours après vaccination. Les résultats publiés en 2009 ont montré une augmentation du risque relatif d’IIA (RR supérieur à 1) après la première dose par comparaison avec la deuxième et la troisième dose pour un délai compris entre 0 et 42 jours [32]. Le risque relatif était évalué à 1,6 mais jugé non significatif du fait d’un intervalle de confiance très large englobant le chiffre 1 [IC99 % ; 0.40-6.4].

L’équivalent américain de la pharmacovigilance européenne appelé « Vaccine Adverse Events Reporting System » (VAERS) est un système de surveillance passive provenant de multiples sources et relevant les effets indésirables sévères. En août 2008, le nombre de cas d’IIA confirmés et signalés au VAERS n’était pas significativement supérieur au nombre de cas attendus (RR = 0,84, [IC95 % 0,61-1,17]) [33].

Toutefois, une augmentation du nombre d’IIA était observée dans les 7 jours suivant la première dose, mais non significative (RR = 1,71, [IC95 % 0,97-3,01]) [33].

 

Le « Vaccine Safety Datalink » (VSD) du Centers for Disease Control nord américain (CDC) effectue, en collaboration avec huit organisations privées de soins (managed care organizations), la surveillance active et continue (actualisation hebdomadaire des données de surveillance par « analyse cyclique rapide ») d’une cohorte de nourrissons vaccinés avec divers vaccins dont le RotaTeq®. Pendant les deux premières années de surveillance, toutes doses confondues, aucune augmentation significative du risque d’IIA n’a été mise en évidence dans les trente jours (RR = 0.81 ; [IC95 % 0.44-1.53]) comme dans les sept jours (RR = 0,81 ; [IC95 % 0,19-3,98]) après vaccination par le RotaTeq® [33]. Des résultats similaires ont été obtenus après la première dose, tant dans la fenêtre des trente jours (RR = 1,46 ;

[IC95 % 0,40-7,98]) que dans celle des sept jours (RR = 0.67 ; [IC95 % 0.04-39.71]) après vaccination [33].

Une surveillance a également été mise en place en Australie à partir d’un réseau de quatre hôpitaux et de pédiatres et comparant les résultats de surveillance entre juillet 2007 et décembre 2008 à la période de référence 2000-2006. Aucune augmentation de risque n’a été observée pour l’ensemble des doses de RotaTeq® administrées chez le nourrisson. Par contre, après la première dose, le risque relatif apparaît augmenté dans les sept premiers jours (RR = 5,26, [IC 99 % ; 1,1-15]) et dans les trois premières semaines suivant la vaccination (RR = 3,5, [IC 99 % ; 1,3-7,6]). [34].

Le bilan international de pharmacovigilance montre enfin, pour le RotaTeq®, un taux bas de notification à 0.4 pour 100 000 doses administrées et surtout une répartition des cas d’IIA égale entre les trois doses (source : Afssaps).

En ce qui concerne le Rotarix® aucune donnée américaine n’est disponible, ce vaccin ayant été commercialisé plus tardivement.

Les principales données viennent du Mexique où ce vaccin a été utilisé de façon exclusive et avec une forte couverture vaccinale (> 70 %) pour au moins une dose.

L’analyse intérimaire de la surveillance post-commercialisation mise en place sur une cohorte de 575 000 naissances par l’Institut de Sécurité Sociale Mexicain (IMSS) a montré en 2010 une augmentation du risque relatif d’IIA (RR = 1,8, [IC95 % 1-3,1]) dans les trente et un jours suivant l’administration du Rotarix® [35].

Selon les données de surveillance Australienne, le risque relatif de survenue d’une IIA apparaît augmenté de façon non significative pour le Rotarix® dans les sept premiers jours (RR = 3,45 ; [IC95 % 0,7-10]) comme dans les trois premières semaines (RR = 1,53 ; [IC95 % 0,4-4]) suivant la vaccination [34].

Le bilan international de pharmacovigilance retrouve enfin, un taux de notification d’IIA de 1,4 pour 100 000 doses de Rotarix® et une répartition préférentielle des cas après la première dose (63 %) et un excès de cas entre J2 et J8 (source Afssaps).

Au total, les données disponibles suggèrent une discrète augmentation du risque d’IIA dans les sept jours suivant la première dose de vaccination. Le risque attribuable pour le Rotarix® est cependant 50 à 100 fois inférieur à celui qui a été estimé pour le RotaShield®. S’il n’est pas possible de calculer un risque d’IIA pour le RotaTeq® on ne peut exclure un risque faible après la première dose.

 

Selon l’Afssaps, le risque est de l’ordre de deux cas pour un million d’enfants vaccinés alors qu’il avait été estimé à un cas pour dix mille enfants vaccinés avec RotaShield® [36]. L’OMS estime que ces éléments ne modifient pas la balance bénéfice risque en faveur de la vaccination et ajoute que certaines études ont suggéré que les vaccins rotavirus pourraient avoir globalement un effet protecteur au long cours contre l’IIA, effet qui pourrait contrebalancer l’excès de risque à court terme d’invagination après la première dose du vaccin [37].

Une nouvelle question concernant les vaccins rotavirus : la sécurité virale.

En février 2010, une équipe de chercheurs de l’université de San Francisco rapporte la détection d’une quantité importante d’ADN de circovirus porcin de type 1 (PCV1) dans deux lots de vaccin Rotarix® grâce à l’utilisation d’une nouvelle méthode moléculaire ultra sensible. Aucun ADN n’a été détecté dans les lots de RotaTeq® analysés. Le laboratoire GSK confirme rapidement la présence d’ADN de PCV1 dans les lots des vaccins incriminés mais également dans la totalité des produits de fabrication d’amont du produit, c’est-à-dire les lignées cellulaires de culture et les semences vaccinales. Il s’avère que le Rotarix® contient non seulement des fragments d’ADN de PCV1 mais également des éléments génomiques complets transmissibles sur lignées cellulaires. L’origine de la fuite de DNA cellulaire provient probablement d’un produit dérivé du porc, la trypsine, qui est utilisée dans les différentes phases de fabrication du vaccin tant pour les lignées cellulaires que pour la semence virale. L’être humain ingère quotidiennement en grande quantité des virus dans les produits alimentaires, viandes, plantes [38]. Les PCV1 et 2 ne sont pas pathogènes chez l’homme. Le PCV1 n’est pas pathogène chez l’animal ; par contre le PCV 2 entraîne une maladie chez le porc. Toutefois, la majorité des produits alimentaires à base de porc en vente aux Etats-Unis contiennent les deux virus PCV1 et PCV2 et ces virus ont été identifiés dans les selles humaines. Ces particules virales ne semblent pas infectantes chez l’homme, aucune réponse immunitaire vis-à-vis des virus 1 et 2 n’ayant été démontrée à ce jour.

La Food and Drug Administration (FDA) américaine demande la suspension de l’utilisation du Rotarix® le 22 mars 2010 [39] mais modifie sept semaines plus tard son avis en levant la suspension du Rotarix® et en rappelant l’absence de pathogé- nicité des circovirus porcins chez l’homme et l’importance de la balance bénéficerisque au profit du vaccin, en particulier dans la population américaine au regard des résultats épidémiologiques observés [40].

En mars 2010, l’agence européenne (EMA) lance une procédure d’évaluation du Rotarix® au niveau européen. Une seconde évaluation montrera la présence de fragments d’ADN de deux circovirus porcins, PCV1 et PCV2 dans les lots de RotaTeq®, mais sans éléments génomiques complets transmissibles sur lignées cellulaires et une procédure européenne d’évaluation sera également lancée pour ce vaccin. L’évaluation du Rotarix® sera rendue publique en juillet 2010. Elle conclut à une balance bénéfice-risque positive, la présence d’une petite quantité de particu- les virales ne présentant pas de risque pour la santé publique. Il est par contre demandé à l’industriel de proposer des mesures pour aboutir à la production d’un vaccin dépourvu de particules virales [41]. L’évaluation du RotaTeq® sera publiée en septembre 2010 et aboutira aux mêmes conclusions et demandes vis-à-vis de l’industriel [42].

La dernière autorité à se prononcer sera l’AFSSAPS qui demandera en mars 2010 de ne plus initier de vaccination avec le Rotarix ® et qui lèvera cette restriction par un nouvel avis en date du 28 janvier 2011 [43].

Rapport coût-efficacité de la vaccination rotavirus en Europe

L’évaluation économique de la vaccination rotavirus est difficile comme en témoigne la grande variabilité des résultats des différentes études publiées à ce jour. Les principales difficultés tiennent à la qualité des données épidémiologiques et au choix de la perspective économique dans laquelle on souhaite se situer : la société ou le système de santé. Le coût de la maladie varie de façon importante selon que l’on intègre les coûts directs imputables au système de santé (par exemple, les consultations, les hospitalisations, les médicaments remboursés, les infections nosocomiales…) et les coûts indirects à charge des familles et donc de la société (par exemple, les couches, les mesures de garde de l’enfant malade…). Le bénéfice attendu de la vaccination varie également selon que l’on prend en compte l’efficacité vaccinale individuelle mesurée dans les essais vaccinaux ou sur le terrain, l’effet de protection collective, et la qualité de vie estimée par divers indicateurs dont le plus communé- ment utilisé est le QALY qui mesure les années de vie gagnées ajustées sur la qualité et les années de vie perdues ajustées sur l’incapacité. Le dernier paramètre essentiel est le coût du schéma complet de vaccination.

La vaccination universelle du nourrisson a été estimée « coût-efficace » aux EtatsUnis, en Australie et dans quelques pays d’Europe. L’analyse médico-économique Française jugée défavorable en 2006 a été réactualisée en 2010 avec une mise à jour des données épidémiologiques et une modification de certains choix méthodologiques. Elle a conclu que la vaccination restait peu coût-efficace à moins de diminuer de façon importante le prix du vaccin [44]. Le coût global de la vaccination a été établi à 112 millions d’euros, pour un coût total annuel de l’infection à rotavirus de 79 millions d’euros.

D’autres pays européens ont abouti à une conclusion identique comme l’Angleterre et le pays de Galles. A l’opposé, la Finlande et la Belgique ont conclu à un rapport coût-efficacité plus favorable et ont choisi de mettre en place une stratégie vaccinale.

Une étude Anglaise a repris l’analyse économique de cinq pays d’Europe avec une méthodologie commune [45]. En considérant au minimum la perspective du système de santé, la qualité de vie, et l’absence d’immunité collective, seule la Finlande apparaît comme pouvant prétendre à une rentabilité de la vaccination. La prise en compte du coût sociétal et de l’immunité collective permettrait de rendre la vacci- nation coût-efficace en France, en Belgique et aux Pays-Bas, mais à la condition d’un important abaissement du prix du vaccin.

CONCLUSION

L’ensemble des données épidémiologiques plaide fortement en faveur d’une prévention vaccinale de la GEA à rotavirus en Europe et particulièrement en France. Les deux vaccins rotavirus ont démontré leur efficacité et leur efficience en termes de protection contre les infections sévères à rotavirus chez le nourrisson. Le problème de contamination par des circovirus porcins non pathogènes chez l’homme doit être résolu par les industriels. Le risque d’IIA qui semble inhérent à ce type de vaccin oral atténué pose un problème plus délicat car il soulève la question de notre capacité à accepter un tel risque, même minime. Enfin, seule une baisse importante du prix du vaccin permettrait aux gouvernements d’envisager une stratégie vaccinale coûtefficace.

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http://www.afssaps.fr/Infos-de-securite/Communiques-Points-presse/Vaccins-Rotarix-R-etRotateq-R-Actualisation-de-l-information-de-securite-Communique [44] Haut Conseil de la Santé publique — vaccination systématique contre les rotavirus des nourrissons âgés de moins de 6 mois. Rapport du groupe de travail du Comité technique des vaccinations. http://www.hcsp.fr/docspdf/avisrapports/hcspr20100528_vacnourota6mois.pdf [45] Jit M., Bilcke J., Mangen M-J.J. et al . — The cost-effectiveness of rotavirus vaccination:

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DISCUSSION

M. Charles LAVERDANT

Malgré la grande efficacité des deux vaccins, n’y aurait-il pas intérêt à incorporer dans ceux-ci, le génotype G8 (même s’il est d’origine bovine) dont on connaît le risque d’émergence, et d’autre part le génotype G 12 (malgré sa rareté) très adapté à l’homme ?

La composition des deux vaccins actuellement sur le marché a été conçue il y a plus de dix ans et a pris en compte l’épidémiologie des souches circulant à l’époque, donc avant l’émergence de ces souches. Si ces souches devaient s’installer de façon durable en Europe, et si la protection induite par ces vaccins ne couvrait pas ces souches, une adaptation de leur composition deviendrait alors nécessaire. Cette éventualité a été anticipée et a justifié la mise en place de réseaux de surveillance dans de nombreux pays d’Europe, dont la France.

M. Jacques-Louis BINET

Quelle est votre attitude, à Trousseau, au sujet de cette vaccination ?

Mon opinion personnelle, en tant que pédiatre hospitalier et médecin sur le terrain est que ces vaccins sont efficaces et utiles et devraient être utilisés en France afin d’améliorer de façon significative la santé de notre population de nourrissons et de réduire le poids considérable des épidémies hivernales sur notre système de soins. Cependant, un autre vaccin serait sans doute encore plus utile dans ce cadre, celui dirigé contre les infections respiratoires à virus respiratoire syncytial. Il est malheureusement encore loin d’être au point.

M. Denys PELLERIN

La survenue d’invaginations intestinales aiguës (IIA) chez de très jeunes enfants est en effet préoccupante. S’agit-il d’IIA « essentielles », c’est-à-dire sans aucune cause mécanique, fut-elle, une adénolymphoïte métastatique localisée, pariétale, responsable d’une IIA « mécanique » sur cette pseudo tumeur pariétale d’origine virale ? S’il s’agit d’une IIA « essentielle », elle est aujourd’hui devenue un évènement extrêmement facile à diagnostiquer et à traiter par réduction hydrostatique sous contrôle échographique. La morbidité et la mortalité de cette IIA, chez un enfant de deux mois, est extrêmement faible. Le faible risque et la faible gravité de cet évènement « post vaccinal » justifient-ils à inverser la balance du coût-risques ?

 

Les invaginations intestinales aiguës rapportées avec les vaccins rotavirus ont été qualifiées d’« essentielles », c’est-à-dire survenant en l’absence de lésion digestive malformative. Le diagnostic est en effet désormais devenu facile grâce à l’échographie dans les centres d’urgences pédiatriques équipés. La mortalité est ainsi devenue très faible.

Cependant, cet accident survient à un âge inhabituel (deux mois), âge auquel des troubles digestifs mineurs appelés coliques du nourrisson sont fréquents et se manifestent par des pleurs, un des signes d’appel de l’IIA. D’autre part, les cas d’IIA rapportés aux EtatsUnis avec le premier vaccin RotaShield® ont été sévères puisqu’ils ont nécessité une réduction chirurgicale dans plus de la moitié des cas et une résection digestive dans 20 % des cas, chiffres très élevés par comparaison avec ceux observés avec les IIA dites « naturelles » en Europe. Aucune explication claire n’a été avancée pour expliquer cette apparente gravité des cas.

M. Pierre AMBROISE-THOMAS

L’histoire des vaccins à rotavirus n’illustre-t-elle pas les méfaits du principe de précaution et de la recherche obsessionnelle du risque zéro ? Le premier vaccin proposé était responsable dans un à deux cas sur dix mille d’invaginations intestinales. Très logiquement, la FDA a refusé un visa, considérant que les hôpitaux américains pouvaient sans difficulté traiter les déshydratations majeures, facteurs de gravité de ces infections. Une décision tout à fait justifiée donc malheureusement les pays d’Afrique sub-sahariens ont pris la même décision.

Ils ont ainsi sûrement évité quelques centaines d’invaginations intestinales mais, dans le même temps, ils ont été responsables de plusieurs centaines de milliers de morts d’enfants infestés qu’il était matériellement impossible de réhydrater correctement.

Effectivement, la balance bénéfice-risque est nettement plus favorable dans les pays où la déshydratation par gastroentérite aiguë virale est difficilement évitée par l’utilisation des solutés de réhydratation. La mortalité par infection à rotavirus y est très élevée. C’est dans ces pays que la vaccination aurait le plus gros impact en termes de mortalité.

M. Jean-Jacque HAUW

La courbe, que vous nous avez montrée sur la prévalence de la maladie aux Etats-Unis après vaccination par le Rotarix® et le RotaTeq®, montrait une augmentation de cette prévalence.

Etait-elle statistiquement significative, est-elle maintenue et signifie-t-elle une adaptation des souches de rotavirus aux vaccins ?

Une augmentation relative du pic épidémique a en effet été observée aux Etats-Unis la seconde saison hivernale d’utilisation du vaccin. Toutefois, cette observation ne s’est pas reproduite les années suivantes, suggérant une fluctuation épidémiologique naturelle, classique avec les infections virales épidémiques, ou un biais de notification. Le recul, désormais plus important aujourd’hui, ne montre pas de phénomène d’échappement au vaccin et aucune souche émergente non couverte par les vaccins ne s’est installée à ce jour dans les pays qui vaccinent.

Mme Monique ADOLPHE

Puisque la contamination par ces virus est due à la trypsine de porc, pourquoi ne peut-on pas y pallier ?

 

C’est en effet ce qui a été demandé aux firmes. Mais il leur faudra un peu de temps car c’est l’ensemble du processus de fabrication qui est concerné.

M. Claude-Henri CHOUARD

En dehors du risque d’invagination intestinale, pourriez-vous préciser les raisons pour lesquelles on ne revaccine pas les jeunes enfants tous les deux ans ?

La raison tient à l’immunité post infectieuse induite par les infections à rotavirus. Celle-ci s’installe progressivement chez le nourrisson et se renforcera au gré des infections itératives. Les infections les plus sévères surviennent donc entre six et douze mois, lors de la première infection d’où la nécessité de vacciner tôt, dès les premiers mois de vie. Les réinfections ultérieures seront moins sévères, du fait de l’acquisition progressive d’une immunité protectrice. Après l’âge de deux ans, les infections sévères sont rares et ne justifient plus de prévention vaccinale.

 

<p>* Pédiatrie générale, Hôpital Trousseau, 26, avenue du Docteur Arnold Netter, 75012 Paris, e-mail : emmanuel.grimprel@trs.aphp.fr Tirés à part : Professeur Emmanuel Grimprel, même adresse Article reçu le 24 octobre 2010, accepté le 8 novembre 2010</p>

Bull. Acad. Natle Méd., 2010, 194, no 8, 1451-1464, séance du 9 novembre 2010