Communication scientifique
Session of 25 novembre 2004

La prise en charge judiciaire de l’adolescent violent

Judicial management of the violent adolescent

Martine de Maximy*

Résumé

Après avoir décrit le cadre de l’intervention judiciaire, pénale et civile dans sa logique de fonctionnement : procédure, acteurs, mesures spécifiques au droit des mineurs, un point est effectué sur l’importance et les formes de la violence des adolescents avec la prudence nécessaire dans la lecture des statistiques. Les réponses possibles seront abordées en insistant sur celles qui paraissent plus particulièrement adaptées aux mineurs violents : la réparation, les suivis éducatifs ou les placements en institution à condition que la prise en charge s’inscrive dans la durée et en évitant toute réponse symétrique à l’acte de l’adolescent.Le juge des enfants peut s’entourer pour cela de nombreux acteurs participant tous à la prise en charge judiciaire.

Summary

After describing the general framework of judicial, penal and civil intervention in France, in terms of its procedural rationale, actors, and measures specifically relating to minors, the author examines the volume and different forms of adolescent violence, interpreting available statistics with care. The possible responses to this violence are then dealt with, underlining those particularly suited to the violent minor, namely retribution, educational accompaniment, or detention in a specialized institution. Long-term accompaniment is essential, and one must avoid responses symmetrical to the adolescent’s violent act. The judge of minors can rely on the back-up of multiple support workers involved in the judicial management system.

INTRODUCTION

Je m’attacherai tout d’abord à définir les termes de violence et d’adolescence dans le cadre judiciaire, plus spécialement du juge des enfants dont il convient au préalable de préciser le cadre d’intervention.


Le juge des enfants a une double compétence :

La protection de l’enfance en danger (de la naissance à 18 ans, voire exceptionnellement 21 ans) et la réponse aux actes de délinquance commis par des mineurs.

Ces deux aspects de la prise en charge judiciaire des mineurs sont souvent interpé- nétrés quand il s’agit des adolescents violents. Un mineur dangereux est souvent un mineur en danger et une action éducative de longue durée n’empêche pas des réponses plus ponctuelles à des délits.

À partir de quel âge peut-on considérer un mineur comme un adolescent ?

Le droit pénal prévoit des stades à partir desquels la sanction s’aggrave mais ne fixe pas d’âge pour la responsabilité pénale, mais seules des mesures éducatives peuvent être prises à l’encontre des mineurs âgés de 13 ans et moins, au moment des faits.

Dans la pratique, c’est en moyenne à cet âge que commencent vraiment les délits mais les actes de violence peuvent survenir beaucoup plus tôt. Ils font alors plus souvent l’objet d’une procédure d’assistance éducative mais la tendance actuelle est un glissement vers l’ouverture d’un dossier pénal pour des mineurs de plus en plus jeunes (dix ans et parfois moins).

De quelle violence s’agit-il ?

Le droit pénal est un indicateur fiable lorsqu’il s’agit de traiter de la violence. La nomenclature des crimes et des délits permet de distinguer actes violents et actes non violents.

Sont prévues et réprimées les violences volontaires contre les personnes, du meurtre aux violences n’ayant pas entraîné d’incapacité temporaire de travail de plus de 8 jours. Sont également prises en compte les agressions sexuelles. La violence peut aussi être retenue dans les délits contre les biens, essentiellement les vols avec violence, les vols de téléphones portables étant ainsi qualifiés, car ils sont souvent commis « à l’arrachée ». Leur nombre important est certainement un facteur à prendre en compte dans les statistiques sur la violence des mineurs.

Mais il existe une violence de l’adolescent que nous rencontrons en deçà et au-delà du cadre pénal ; violence interne, née souvent de la violence à laquelle l’enfant a été confronté très jeune et qu’il a très fréquemment lui-même subie.Le regard de l’autre lui est souvent insupportable, les contraintes d’un cadre également. Il met les adultes (enseignants, éducateurs, notamment) à l’épreuve et risque de commencer alors un long périple d’établissement en établissement et de rejet en rejet. Sa violence est parfois qualifiée de maladie psychiatrique, parfois de ‘‘ caractérielle ’’ et les institutions éducatives et psychiatriques se le renvoient dos à dos.

Après avoir donné quelques éléments sur le cadre légal et procédural du juge des enfants, je rechercherai comment le traitement judiciaire, en relation avec les institutions éducatives et psychiatriques peut faire cesser cette violence, autrement dit faire cesser le danger ou prévenir la récidive.

LE CADRE DU TRAITEMENT JUDICIAIRE

L’ordonnance du 2 févier 1945

C’est le texte de référence, du traitement judiciaire des mineurs délinquants.

De nombreux projets de réforme s’y sont attaqués mais les modifications apportées n’ont pas encore porté atteinte à la philosophie de cet acte fondateur. Il faut s’en réjouir.

Les principes généraux

L’ordonnance du 2 février 1945 est fondée sur « le pari de voir en tout enfant un sujet éducable, que la violence ait été donnée ou subie » 1. Le système français de protection judiciaire de la jeunesse, complété par l’ordonnance du 23 décembre 1958 relative à l’assistance éducative, repose sur la compétence d’un juge des enfants qui intervient pour les mineurs en danger, qu’ils soient victimes ou auteurs d’infractions.

Cette institution à double compétence est tout à fait originale du point de vue international et se fonde sur le principe de l’unicité du traitement civil et pénal autour de la notion de « danger. » Le principe de base, rappelé dans les articles 2 et 11, est la primauté de l’éducatif sur le répressif qui induit le caractère exceptionnel de toute condamnation à une peine d’emprisonnement et de toute détention provisoire.

Les mineurs ont une responsabilité atténuée qui s’apprécie en fonction de l’âge :

— les mineurs de 13 ans ne pourront faire l’objet que de mesures de protection, d’assistance, de surveillance ou d’éducation à l’exclusion de toute peine, excepté les sanctions éducatives depuis la loi du 9 septembre 2002.

— les mineurs de 13 à 16 ans bénéficient automatiquement d’une atténuation de responsabilité (le maximum de la peine est divisé par deux). La détention provisoire en matière correctionnelle est impossible, sauf s’ils sont placés dans un centre éducatif fermé dans le cadre d’un contrôle judiciaire. Les mineurs criminels sont jugés par le Tribunal pour Enfants.

— les mineurs de 16 à 18 ans peuvent être écartés du bénéfice de l’excuse atténuante de minorité. La détention provisoire en matière correctionnelle est possible, à titre exceptionnel et dans des délais courts (un mois, renouvelable un mois, une 1. Selon Denis SALAS, maître de conférence à l’École Nationale de la Magistrature.

seule fois, pour les délits dont la peine encourue n’est pas supérieure à 7 ans).

Pour les autres cas, crimes ou délits graves, la durée de la détention provisoire ne peut excéder une durée totale fixée par la loi. En matière criminelle, ils sont jugés par la Cour d’Assises des Mineurs (deux juges des enfants y siègent et les débats se font à publicité restreinte, l’excuse atténuante de minorité ne peut être écartée que par un vote d’au moins 8 voix sur 12).

Les acteurs de la mise en œuvre de l’ordonnance du 2 février 1945

Le Juge des enfants

Dans le cadre de l’ordonnance du 2 février 1945, le juge des enfants est amené, dans certains dossiers ne nécessitant pas une instruction complexe, à instruire et juger à la fois. Cette exception au principe strict de séparation des fonctions n’a pas été condamné par la Cour européenne des Droits de l’Homme car il repose sur la compétence spécifique du juge des enfants, justifiée par l’intérêt du mineur qui est ainsi évalué et jugé par un magistrat qui le connaît et connaît son environnement. Le juge des enfants a en effet une compétence territoriale qui n’est pas celle du droit commun (lieu de l’infraction), mais celle du lieu de résidence du ou des parents du mineur.

L’instruction comporte obligatoirement un bilan sur la personnalité du mineur, voire sur sa santé physique et psychique. Elle peut être assortie d’une mesure éducative, la liberté surveillée préjudicielle.

A l’issue de l’information, le Juge des enfants peut, s’il ne prononce pas un non-lieu, juger le mineur en audience de cabinet ou le renvoyer devant le tribunal pour Enfants.

— L’audience de cabinet se déroule avec l’assistance obligatoire d’un avocat ; le juge ne peut pas y prononcer de sanctions pénales mais une « admonestation » ou une « remise à parents », mesures essentiellement symboliques mais qui entraînent cependant inscription au bulletin no 1 du casier judiciaire du mineur jusqu’à sa majorité. Ces décisions peuvent être assorties d’une mesure de « liberté surveillée » pour une durée déterminée ou jusqu’à majorité du mineur.

Le Tribunal pour enfants

Il est présidé par le juge des enfants, assisté de deux assesseurs qui ne sont pas des magistrats professionnels mais des volontaires. Ces volontaires sont proposés à l’agrément du Garde des Sceaux par le président du Tribunal, en considération de l’intérêt qu’ils portent aux questions de l’enfance et de l’adolescence. Les décisions sont rendues à la majorité après délibération. La participation de nonprofessionnels de la justice est très enrichissante car il s’agit souvent de représentants d’autres secteurs d’intervention auprès des mineurs (Éducation nationale,
pédiatrie, psychologie, moniteurs de sports, animateurs). Ils peuvent ainsi apporter un éclairage original sur la problématique du mineur et sur les mesures à mettre en place.

La compétence territoriale en fonction du domicile du mineur induit la connaissance par le juge du tissu social et des équipes éducatives du secteur. Il peut ainsi prendre des décisions adaptées au cas spécifique de chaque mineur.

L’audience se déroule selon la même procédure que l’audience correctionnelle pour les majeurs. L’analyse de la personnalité du prévenu y est cependant plus détaillée et le principe de responsabilité atténuée pèse sur les décisions. Ici aussi, le juge doit privilégier la réponse éducative. Ainsi une « remise à parents » peut être prononcée et/ou un placement sous protection judiciaire qui peut s’étendre au-delà de la majorité du prévenu. Si cela s’avère nécessaire (gravité du délit, récidive), une sanction pénale peut être ordonnée, mais l’excuse atténuante de minorité réduit de moitié le maximum de la peine et les peines d’emprisonnement doivent demeurer exceptionnelles. Les peines sont souvent assorties de mesures éducatives telles que liberté surveillée ou placements en milieu éducatif.

Le Juge d’instruction

Une habilitation est nécessaire pour instruire les affaires dans lesquelles sont mis en examen des mineurs. Cependant il existe peu de juges d’instruction réellement spécialisés, sauf dans quelques grosses juridictions. C’est, à mon sens, une lacune qu’il faudrait réparer car les décisions de placement en détention provisoire sont généralement prises par les juges d’instruction qui sont chargés d’instruire les affaires criminelles ou complexes. Une bonne connaissance du terrain d’intervention des éducateurs et travailleurs sociaux et des dispositifs mis en place, m’apparaît dès lors essentielle et on pourrait ainsi éviter certaines détentions provisoires non justifiées par les considérations exclusives de la conduite de l’information.

Le Procureur de la République

C’est lui qui dispose de l’opportunité des poursuites et oriente le dossier vers le juge d’instruction ou le juge des enfants. Il doit lui aussi prendre en compte la dimension particulière de la minorité. On assiste, ces dernières années à une véritable spécialisation des Parquets des Mineurs, qui sont des acteurs à part entière dans le traitement judiciaire des Mineurs comme on le verra plus loin.

L’Avocat

Sa présence est devenue obligatoire, notamment dès la garde à vue, et les barreaux se sont eux aussi spécialisés, permettant ainsi d’avoir un défenseur au fait de l’aspect particulier de la défense des mineurs. Sa participation tout au long de la procédure permet que s’instaure un véritable débat contradictoire. Cependant il est parfois difficile pour l’avocat de trouver sa place dans une audience où le mineur est souvent
assisté de son éducateur et où le juge qui connaît très bien le jeune justiciable, est présumé agir dans son intérêt.

L’Éducateur

L’ordonnance du 2 février 1945 l’a institué en même temps que le juge des enfants.

Il s’agit souvent d’un éducateur de la Protection Judiciaire de la Jeunesse (exÉducation Surveillée). À l’origine, il s’agissait de « délégués à la liberté surveillée » qui travaillaient en collaboration étroite avec le juge. Petit à petit sont nées des structures pluridisciplinaires regroupant éducateurs, assistant-social, psychologue, parfois psychiatre. Ces « Centres d’Action Éducative » se révèlent très opérationnels notamment dans les mesures d’investigations avant jugement et dans la prise en charge des problématiques familiales lourdes qui nécessitent plusieurs « éclairages » et un travail en équipe.

Les délégués à la liberté surveillés ont été regroupés en Service Educatif Auprès du Tribunal (SEAT) ; ils doivent obligatoirement recevoir tous les mineurs déférés par le Parquet, rédiger un rapport écrit renseignant le magistrat sur la situation du mineur et faisant des propositions éducatives, notamment dans le but d’éviter l’incarcération. Les éducateurs du SEAT sont également chargés d’exercer les mesures de liberté surveillée avant et après jugement. Ils doivent également assurer le suivi des mineurs incarcérés et leur intervention auprès du juge, sous forme de propositions de solutions éducatives permet souvent de réduire la durée des détentions provisoires.

Des associations habilitées par le Ministère de la Justice concourent aussi à la prise en charge des mineurs délinquants, notamment pour assurer les décisions de placements prises par le juge ou le tribunal.

La procédure d’assistance éducative

Elle s’inscrit dans les textes relatifs à l’autorité parentale et permet au juge des enfants de porter atteinte à l’exercice de ce droit si « la santé, la stabilité, la sécurité d’un mineur sont en danger ou si les conditions de son éducation sont gravement compromises » (article 375 du code civil).

Le juge doit, selon la loi « s’efforcer de maintenir le mineur dans son milieu actuel ».

Une évaluation de la situation sera souvent nécessaire et le placement en institution ou en famille d’accueil n’interviendra qu’en cas d’absolue nécessité ou s’il est préparé et a recueilli l’adhésion de la famille (autre exigence légale qui aboutit souvent à faire de la justice des mineurs une juqstice plus négociée qu’imposée) Ces décisions s’inscrivent dans une prise en charge dans la durée. Est privilégié un travail de restauration des liens familiaux.

Dans ce contexte intervient une évaluation et un véritable travail éducatif avec l’enfant et sa famille et un travail en relation avec les autres institutions (psychiatrie,
santé, éducation nationale, police, services sociaux, PMI). Contrairement aux autres fonctions judiciaires, le juge des enfants suit l’exécution de ses décisions.

C’est donc dans ce contexte civil et pénal que va intervenir la prise en charge complexe des adolescents violents.

LES RÉPONSES JUDICIAIRES PLUS SPÉCIFIQUEMENT APPLIQUÉES A LA VIOLENCE

Quelques chiffres

Le Parquet de Paris a enregistré au cours de l’année 2003, 5.532 affaires dans lesquelles au moins un mineur était impliqué. Sur ce nombre total, 1.345 affaires peuvent être considérées comme des délits violents ; encore faut-il être prudent en ce qui concerne les vols avec violence puisque tout vol de téléphone portable est systématiquement assorti de la circonstance eggravant de violence ; de même les faits d’outrage et de rébellion (156) s’ils dénotent une part de violence, celle-ci peut n’être que verbale et elle répond souvent à ce qui peut être ressenti par des adolescents fragiles comme une provocation ; par exemple, contrôles d’identités systématiques sur des jeunes très connus des policiers du quartier.

Pour mémoire, il est intéressant de noter que pendant la même période, une seule procédure de meurtre et une de coups mortels mettant en cause un mineur ont été reçues au Parquet de Paris. Parmi les 865 infractions directement dirigées contre les personnes, 679 actes de violence ont été commis sans ITT au avec ITT inférieure ou égale à 8 jours.

Quelles sont les réponses données dans le cadre d’une procédure pénale ?

Au départ de la procédure, il sera nécessaire de procéder à une évaluation de la personnalité du mineur, de son histoire familiale et de son environnement social.

Ceci pourra être effectué sous la forme d’une Investigation d’Orientation Educative exercée en général par un service de la PJJ. Parfois, il sera nécessaire de recourir à un examen psychiatrique, psychologique, voire médical du mineur. Ces mesures d’investigation pourront s’accompagner d’une mesure de Liberté Surveillée confiée à un éducateur de la PJJ, il s’agit dune action éducative destinée à éviter la réitération de l’infraction en aidant le mineur et sa famille et en retissant le lien social qui souvent s’est défait.

Il faut garder à l’esprit que l’adolescent s’inscrit dans un temps qui ne correspond pas toujours à nos exigences de réponse rapide, « en temps réel ». Si une mise en examen dans les jours ou semaines qui suivent l’infraction apparaît nécessaire, il faut admettre que l’action éducative ne va pas avoir un effet immédiat. Une mesure
plus coercitive, telle que l’incarcération, n’a pas non plus d’« effet miraculeux ». Si néanmoins on doit y avoir recours (dans le cas d’un mineur multi-récidiviste, par exemple ou dans des cas de nécessité pour les exigences de l’instruction du dossier), il faut que l’action éducative se poursuive ou démarre immédiatement afin de préparer la sortie du mineur et de maintenir ou créer un lien avec celui-ci. En tout cas, la violence qui règne souvent dans les prisons n’apparaît pas une réponse comme « éducativement adaptée » aux mineurs violents.

En revanche, une mesure relativement récente se révèle efficace dans les cas de violence, tant au stade de l’instruction du dossier que du jugement : la réparation.

La réparation

Il va s’agir d’amener le mineur, par le biais de cette mesure qui sera exercée par une association ou dans le cadre de la liberté surveillée, à prendre conscience de l’existence d’une victime par sa faute. L’émergence de la culpabilité au sens de la responsabilité pénale est le pivot de cette mesure qui devrait amener ce jeune à compter avec « l’autre ». Or lorsqu’on interroge certains mineurs délinquants, on peut s’apercevoir que la représentation d’autrui et par là-même de sa souffrance est quasiment inexistante. Le travail éducatif dans le cadre de la réparation va amener le mineur à formuler une offre de réparation qui ne sera pas nécessairement directement en relation avec la victime. Par exemple, il pourra encadrer des enfants dans une activité sportive, aider à servir les repas aux restaurants du cœur, assister les chiffonniers d’Emmaüs. il existe aussi un stage de citoyenneté au cours duquel divers professionnels initient les mineurs à la vie civique.

Certaines prises en charge, à co-notation plus psychologique vont au préalable faire réfléchir le mineur sur son rapport personnel à la violence et faire ainsi émerger la relation entre sa problématique et sa conduite violente.

La réparation ne peut bien entendu fonctionner que si la victime en accepte le principe, ce qui est très fréquemment le cas. Si la victime estime son dommage réparé, le juge des enfants pourra prononcer une dispense de peine.

Le Tribunal pour Enfants peut également utiliser cette procédure. Il lui est même possible, après avoir déclaré coupable le mineur, d’ordonner un « ajournement du prononcé de la peine » lorsque les perspectives d’évolution de la personnalité du mineur le justifient (article 20-7). Au cours de cette période, qui ne peut excéder 6 mois, le Tribunal peut ordonner un placement, une liberté surveillée ou une activité d’aide ou de réparation. Si le délai d’épreuve s’est révélé positif, le mineur pourra faire l’objet d’une dispense de peine.

Dans le cadre des mesures éducatives, outre le suivi en milieu ouvert qui doit être suffisamment proche, on retrouve le placement en foyer ou en famille d’accueil qui peut se révéler particulièrement nécessaire pour un adolescent violent, évoluant souvent lui-même dans un milieu violent.

Certains établissements sont spécialement prévus pour les mineurs délinquants (Centres de Placement Immédiats -CPI, centre d’éducation renforcée -CER, centre éducatifs fermés -CEF). Je ne pense pas qu’ils soient plus adaptés que d’autres établissements pour la prise en charge des mineurs violents. La composition de l’équipe éducative, le projet éducatif et la personnalité du directeur sont essentiels. Il faut d’emblée vouloir « tenir » avec ces adolescents difficiles qui vont vouloir reproduire violence et exclusion dont ils ont été aussi victimes. Souvent, ces centres emploient des éducateurs ou éducatrices inexpérimentés et proposent des programmes assez courts sans suite éducative à la sortie. Seuls obtiennent des résultats de réinsertion et de non-récidive, ceux qui ne demandent pas une main-levée du placement dès le premier incident et qui intègrent la sortie du mineur dans leur travail, notamment en gardant le contact avec l’éducateur chargé du suivi éducatif et même en prévoyant une continuité de leur prise en charge lors du retour du mineur dans sa famille.

Cette réflexion s’applique également à l’assistance éducative.

CONCLUSION La violence se situe souvent dans le cadre intra-familial et se révèle d’autant plus difficile à traiter, impliquant des relations à la fois fusionnelles et rejetantes. La réponse à un adolescent violent ne doit pas être une réponse en miroir. Il est nécessaire de lui laisser le temps de créer un lien dont il va tester la solidité, tant dans les mesures de milieu ouvert que dans les placements. La communication entre les différents intervenants est nécessaire et doit souvent s’effectuer sous la forme de synthèses à laquelle le juge participera et où chacun devra définir, puis garder son rôle. Une telle pratique revêt une fonction de contenant et peut permettre à l’adolescent de s’apaiser.

Il est en tout cas nécessaire de garder à l’esprit que pour ces jeunes au parcours souvent chaotique, selon les termes du projet institutionnel d’un foyer qui reçoit des adolescentes souvent très violentes : ‘‘ le plus souvent, le travail de reconstruction personnelle et de socialisation ne peut être entrepris qu’au terme d’une étape de résistance, caractérisée par le refus d’établir des liens ’’. On peut également retenir cette proposition et l’appliquer à la prise en charge judiciaire : il convient de proposer ‘‘ un cadre de référence symbolique fort au regard d’un cadre organisationnel et règlementaire souple et évolutif ’’. Le juge des enfants va jouer un rôle de référence symbolique autour duquel s’ordonneront les actions nécessaires à l’établissement d’un ou de liens forts et structurants qu’ils soient éducatifs ou psychothérapeutiques ou les deux.

DISCUSSION

M. Maurice GUENIOT

Que faites-vous quand, pour les contacts même élémentaires avec le mineur délinquant, vous vous heurtez à un obstacle linguistique total ? L’obstacle sera identique pour les éducateurs et pour l’étude de la psychologie de l’enfant. En pareil cas, êtes-vous éventuellement contrainte de classer l’affaire sans suite ?

Il ne peut pas y avoir d’obstacle linguistique total car nous pouvons et nous devons nous faire assister d’un interprète. La traduction n’empêche pas qu’il puisse y avoir une incompréhension due à la différence de culture. Dans certains cas, le Juge des Enfants peut être amené à ordonner une intermédiation culturelle. A l’audience, et ce avec l’accord de la famille, sera également présent un « intermédiateur » de la même origine culturelle que la famille, (diplômé de l’Université française, anthropologue, psychologue, sociologue) qui pourra aider au passage de l’information de la famille au juge, et du juge à la famille. Par exemple : quelle est la structure familiale ? Quel est le statut de la famille dans son pays d’origine ?

M. Louis HOLLENDER

Dans quelle mesure et jusqu’à quel point les parents naturels ou les parents adoptifs peuvent-ils s’opposer aux décisions du Juge des Enfants ?

En assistance éducative, la loi nous prescrit de nous efforcer « de recueillir l’adhésion de la famille à la mesure envisagée ». L’opposition reste donc assez marginale. Dans ce cas, les parents peuvent interjeter appel de la décision. Il existe dans chaque Cour d’Appel une chambre spécialisée dans les affaires concernant les mineurs.


* Vice-présidente chargée des fonctions de juge des enfants au Tribunal de Grande Instance de Paris. 4, boulevard du Palais. 75001 PARIS. Tirés-à-part : Madame Martine DE MAXIMY, 30 rue des petites écuries. Article reçu et accepté le 8 novembre 2004.

Bull. Acad. Natle Méd., 2004, 188, no 8, 1361-1369, séance du 25 novembre 2004