Résumé
Introduction : Le processus décisionnel d’une intervention chirurgicale est très complexe et met en jeu plusieurs acteurs : patient, chirurgien, médecin traitant, personne de confiance, et de nombreuses sources d’informations. Ce processus nécessite une information claire, loyale et adaptée. Cependant, la première chambre civile de la Cour de cassation, dans un arrêt du 11 mars 2010 vient de rappeler qu’il incombait au chirurgien de laisser un temps de réflexion « adapté au patient pour que ce dernier puisse mûrir la décision et recueillir, s’il le désire, d’autres avis chirurgicaux ou d’autres informations. ». La réglementation et la jurisprudence ne donnent aucune précision sur la durée de ce temps de réflexion adapté. L’objectif principal de ce travail est d’étudier la notion de délai de réflexion et l’objectif secondaire, la place du chirurgien et du médecin traitant dans le processus décisionnel.
Matériel et méthode : Nous avons réalisé une étude prospective observationnelle longitudinale dans le service de chirurgie orthopédique, traumatologique et arthroscopique du CHRU de Nancy. La cohorte a été définie par les patients hospitalisés dans le cadre d’une intervention programmée en chirurgie orthopédique entre le 1er septembre 2017 et le 31 octobre 2017. Les critères d’exclusion étaient les suivants : patients ne désirant pas participer à l’étude, ou refusant de signer le protocole de consentement éclairé, patients mineurs, patients privés de liberté, patients placés sous une mesure de protection juridique (curatelle, curatelle renforcée, tutelle). Les patients de la cohorte étaient pris en charge en hospitalisation dite classique. Les analyses statistiques sont conduites à l’aide du logiciel R dans sa version la plus récente munie de tous les packages nécessaires à l’analyse des données : Development Core Team (2014), (R: A language and environment for statistical computing, Foundation for Statistical Computing, Vienna, Autriche). Les analyses comparatives entre les différents groupes considérés sont réalisées en utilisant les tests de Student ou Mann–Whitney–Wilcoxon en fonction de la distribution de la variable quantitative étudiée. Les distributions des variables qualitatives sont comparées par le test du Chi2 ou le test non-paramétrique de Fisher exact. Avant réalisation de chaque analyse, les conditions d’application des tests utilisés sont vérifiées (correction de Yates). Les tests sont considérés comme significatifs au seuil de 5 % (valeur du seuil alpha).
Résultats : Cent quatorze patients ont été inclus parmi les 134 opérés pendant la période. Dans le processus décisionnel plusieurs facteurs entrent en jeu : le médecin traitant est utile et très utile dans 61,7 % des cas. Chez 52,2 % des patients il est à l’origine de la consultation chez le chirurgien. Les patients prennent une décision concernant l’acte avant d’avoir vu le chirurgien dans 43 % des cas faisant confiance ainsi au médecin généraliste dont les connaissances sur les pathologies sont estimées bonnes (87,7 %). Dans le processus décisionnel le chirurgien est nécessaire dans 70,5 % des cas et la personne de confiance dans 20 % des cas. Le délai de réflexion semble nécessaire pour 45,2 % des patients. Parmi les patients, 27,7 % souhaiteraient qu’il soit rendu obligatoire. En moyenne, l’estimation du délai de réflexion nécessaire est de 25,8 jours IC95 % (17,1–34,5).
Conclusion : Notre étude est la première à étudier et à montrer l’articulation des différents protagonistes dans le processus décisionnel : le patient, le médecin généraliste, le chirurgien orthopédique, la personne de confiance, fonctionnent en harmonie. Cette étude montre que le délai de réflexion est utile dans la conceptualisation de l’information. Les patients considèrent cependant qu’il ne doit pas être rendu obligatoire par la réglementation.
Summary
Introduction: The decision-making process for surgery is very complex and involves several actors: patient, surgeon, attending physician, trusted person, and many sources of information. This process requires clear, fair and appropriate information. However, the first civil chamber of the French Cour de cassation, in a judgment of March 11, 2010 recalled that it was up to the surgeon to allow time for reflection “adapted to the patient so that the latter can mature the decision. And collect, if desired, other surgical advice or other information”. The regulations and case law do not give any details on the duration of this adapted reflection time. The main objective of this work is to study the concept of reflection time and the secondary objective the place of the surgeon and the attending physician in the decision-making process.
Materials and methods: We carried out a prospective longitudinal observational study in the department of Orthopedic, Trauma and Arthroscopic Surgery of the CHRU of Nancy. The cohort was defined by patients hospitalized within the framework of a planned intervention in orthopedic surgery between September 01, 2017 and October 31, 2017. The exclusion criteria were as follows: patients not wishing to participate in the study, or refusing to sign the informed consent protocol, underage patients, patients deprived of their liberty, patients placed under a legal protection measure (curatorship, reinforced curatorship, tutorship). The patients in the cohort were treated in so-called conventional hospitalization. Statistical analyzes are carried out using the most recent version of R software, equipped with all the packages necessary for data analysis=Development Core Team (2014). (R: A language and environment for statistical computing. R Foundation for Statistical Computing, Vienna, Austria). The comparative analyzes between the different groups considered are carried out using the Student or Mann–Whitney–Wilcoxon tests depending on the distribution of the quantitative variable studied. The distributions of the qualitative variables are compared by the Chi2 test or the non-parametric Fisher exact test. Before each analysis, the conditions of application of the tests used are checked (Yates correction). The tests are considered significant at the 5% threshold (alpha threshold value).
Results: One hundred and fourteen patients were included among the 134 operated on during the period. In the decision-making process, several factors come into play: the attending physician (GP) is useful and very useful in 61.7% of cases. In 52.2% of patients, he is the cause of the consultation with the surgeon. Patients make a decision concerning the procedure before having seen the surgeon in 43% of cases thus trusting the GP whose knowledge of pathologies is considered good (87.7%). In the decision-making process, the surgeon is necessary in 70.5% of cases and the trusted person in 20% of cases. The reflection period seems necessary for 45.2% of patients, however only 27.7% of patients would like it to be made mandatory. On average, the estimate of the necessary reflexion period is 25.8 days 95% (17.1–34.5).
Conclusion: Our study is the first to study and to show the links of the different protagonists in the decision-making process: the patient, the general practitioner, the orthopedic surgeon, the person of trust, work in harmony. Each being necessary and having a well-defined place. It emerges from this study that the reflection period is useful in the information process. However, patients consider that it should not be made compulsory by regulations.
Accès sur le site Science Direct : https://doi.org/10.1016/j.banm.2021.09.004
Accès sur le site EM Consulte
(b) Médecine générale, faculté de médecine de Nancy, Nancy, France
(c) CHRU Nancy, Nancy, France
(d) Médecine générale, EA 4432, université de Lorraine, Nancy, France
(e) EA 4432, université de Lorraine, Nancy, France
⁎Auteur correspondant.
Bull Acad Natl Med 2021;205:1129-368. Doi : 10.1016/j.banm.2021.09.004