Communication scientifique
Session of 20 mars 2012

La carcinogenèse colorectale

MOTS-CLÉS : adénomes. polypes coliques. tumeurs colorectales
Colorectal carcinogenesis
KEY-WORDS : adenoma. colonic polyps. colorectal neoplasms

Nicki Agnantis, Anna C. Goussia

Résumé

Pendant longtemps, les adénocarcinomes colorectaux ont été considérés comme une entité homogène et les adénomes traditionnels ont représenté les lésions précancéreuses les mieux connues. Les données morphologiques et moléculaires actuelles montrent une voie alternative appelée voie des tumeurs festonnées. Cette voie paraît responsable d’environ 10 à 15 % de la survenue des adénocarcinomes colorectaux sporadiques. Les lésions festonnées, qui peuvent aboutir à un cancer, ont des caractéristiques épigenétiques, moléculaires et histopathologiques distinctes. Ils représentent un sous-type relativement fréquent et distinct de cancers colorectaux qui comporte un phénotype CIMP et/ou MSI-H et/ou des mutations de BRAF. Les caractéristiques spécifiques de la voie des tumeurs festonnées sont la mutation du gène BRAF, la méthylation excessive de l’îlot CpG et la grande fréquence de l’instabilité microsatellitaire. Une meilleure caractérisation moléculaire et morphologique de ces nouvelles lésions précancéreuses potentielles s’impose afin d’améliorer la stratégie de prise en charge de ces lésions.

Summary

Colorectal adenocarcinomas were long thought to be an homogeneous entity, in which traditional adenomas of the colon were the best-recognized and most common precursor lesions. Current morphological and molecular data suggest an alternative pathway of colorectal carcinogenesis involving ‘‘ serrated neoplasia ’’. This pathway seems to be responsible for approximately 10 % to 15 % of sporadic colorectal adenocarcinomas. These serrated lesions, that may progress to cancer, show relatively distinct histopathological molecular and epigenetic features not commonly seen in traditional adenomas. Key characteristics of the serrated neoplasia pathway include BRAF gene mutations, excess CpG island methylation, and subsequent microsatellite instability. A major challenge for pathologists is to identify these new potential precursor lesions, in order to enable early diagnosis and treatment.

Le cancer colorectal (CCR) est l’un des cancers les plus fréquents dans les pays industrialisés. Son incidence est particulièrement élevée en Amérique du Nord et en Europe de l’Ouest. Il constitue la deuxième cause de décès par cancer après le cancer du poumon. Environ 70 % des CCR sont sporadiques, et moins de 10 % des patients ont une prédisposition héréditaire. La polypose adénomateuse familiale (FAP) et le syndrome de Lynch ou syndrome HNPCC (pour cancer colorectal héréditaire sans polypose) sont des conditions héréditaires dominantes.

Depuis des années, de nombreuses études ont essayé d’identifier les lésions qui précèdent le CCR. Elles ont conduit au concept que le CCR se développait par l’intermédiaire une succession d’étapes distinctes du point de vue histologique. Les adénomes tubuleux, villeux et tubulo-villeux, ont été considérés comme des précurseurs de presque tous les CCR sporadiques. Le trait morphologique qui caractérise ces adénomes est la présence de dysplasie ou néoplasie intra-épithéliale.

Ces dernières années, il a été montré qu’un groupe distinct de lésions colorectales, appelées des « lésions festonnées », sont des prolifération épithéliales clonales dont les altérations génétiques ont été identifiées et qui sont maintenant considérées comme les précurseurs de certains CCR [1]. Ces observations ont nuancé le dogme de la séquence univoque adénome-carcinome dans la carcinogenèse colorectale.

La voie « classique » de la séquence adénome-carcinome .

La séquence adénome-carcinome est le concept qui décrit le passage progressif d’un épithélium normal à un épithélium dysplasique, puis à un cancer, qui va de pair avec des évènements génétiques et épigénétiques multiples. Les lésions précoces sont constituées de cellules adénomateuses, légèrement dysplasiques, immatures et pseudo-stratifiées. Dans certains cas, on peut observer un spectre histologique continu dans le développement de la dysplasie. Plusieurs données soutiennent le concept de la séquence adénome-carcinome : distribution anatomique similaire des deux lésions qui peuvent coexister dans la même tumeur, incidence plus élevée des CCR chez les malades qui ont des adénomes, diminution de l’incidence des CCR après exérèse des adénomes, absence de carcinome in situ en dehors des zones adénomateuses, enfin, existence d’altérations génétiques et moléculaires similaires dans les deux lésions [2].

 

Bien que tout adénome ait la capacité d’avoir une évolution maligne, seul un petit nombre d’entre eux évolue vers un cancer invasif. La plupart des adénomes se stabilisent ou même régressent. Une évolution vers l’apoptose, l’inflammation lymphoïde stromale et la thrombose des vaisseaux est parfois observée histologiquement, ce qui suggère que ces mécanismes jouent un rôle important dans la régression de certains adénomes [3, 4].

Les éléments qui sont considérés comme étant des facteurs de risque d’évolution maligne des adénomes sont leur taille, leur architecture, et leur degré de dysplasie [5].

Les adénomes de moins d’un centimètre de diamètre ont un risque très faible (<5 %) d’évoluer vers un cancer, alors que les adénomes plus volumineux ont un risque plus important, qui augmente avec leur taille. La morphologie des lésions intervient également. Dans les adénomes villeux, le risque de cancer est de 17 % et dans les adénomes avec dysplasie de haut grade de 40 % environ. Des dysplasies de haut grade ou des cancers invasifs sont observés dans 75 % des adénomes plans non polypoïdes, alors que ce taux n’est que de 8 % dans les adénomes polypoïdes. Ces données montrent que les adénomes plans ont un risque plus élevé de transformation maligne que les autres adénomes [6]. Le délai moyen de dégénérescence n’est pas connu précisément. Néanmoins, des délais de 7 à 11 ans ont été rapportés, respectivement dans le cas d’adénomes avec dysplasie sévère ou dysplasie modérée.

Des études ont décrit des lésions microscopiques de la muqueuse colique qui seraient des précurseurs morphologiques précoces du CCR [7]. Ce sont des lésions non polypoïdes, minuscules, connues sous le nom de « foyers cryptiques aberrants » (ACF) et, aujourd’hui, la séquence traditionnelle adénome-carcinome de la carcinogenèse colorectale à évolué vers la notion de séquence ACF-adénome-carcinome.

Microscopiquement, trois types d’ACF ont été reconnus : le type dysplasique (ACF-D), le type hyperplasique-hétéroplasique (ACF-H) et le type mixte. Le type ACF-D ressemble aux micro-adénomes : les cellules cryptiques sont de taille augmentée, allongées et parfois stratifiées avec absence de polarisation des noyaux. Le nombre de cellules caliciformes est accru [8]. Le type ACF-H ressemble aux polypes hyperplasiques en miniature. Le type ACF-D est reconnu comme une lésion précurseur du CCR, mais la corrélation entre ACF-H et CRC est moins certaine. Néanmoins, certaines données récentes suggèrent la réalité de cette séquence : potentiel clonogénique des ACF-H, incidence similaire et distribution anatomique des lésions ainsi que certaines altérations génétiques communes avec le CCR.

Altérations moléculaires dans la séquence adénome-carcinome

Depuis longtemps, Fearon et Volgestein ont proposé une base moléculaire à la carcinogenèse colorectale dans le modèle séquentiel adénome-carcinome. Ils ont décrit une accumulation d’événements génétiques conférant chacun un avantage au développement sélectif de la cellule du côlon intéressée [9]. Dans leur modèle, l’activation mutationnelle des oncogènes et l’inactivation mutationnelle des gènes suppresseurs de tumeur conduisent au développement des tumeurs colorectales.

 

Des mutations du gène suppresseur de tumeur responsable de la polypose adénomateuse du côlon (APC), constituent un événement décisif dans la carcinogenèse colorectale. Elles surviennent précocement dans la séquence adénome-carcinome et certaines données soulignent le rôle d’APC comme « garde-barrière » dans l’évolution du cancer [10]. La protéine codée est une protéine multifonctionnelle, qui interagit avec différentes protéines dans la cellule incluant la β-caténine, la γ-caténine, la « glycogen synthase kinase » (GSK)-3 β, l’axine et la tubuline [2,11].

Ces interactions interviennent dans l’adhérence cellulaire, la stabilité du cytosquelette microtubulaire, et la régulation du cycle cellulaire et de l’apoptose. L’une des fonctions importantes d’APC est la régulation de la β-catétine intracellulaire [12-14]. Les mutations du gène APC ont pour résultat l’insuffisance de la régulation de la β-caténine produisant l’hyperprolifératon de l’épithélium colique. Les mutations d’APC ont été trouvées dans les adénomes (20 % à 80 %) et dans les carcinomes (52 % à 60 %), fait qui suggère que ces mutations ont lieu précocement au cours du développement du CCR. De plus, dans les polyposes adénomateuses familiales, des mutations ont été plus fréquemment trouvées dans les petits adénomes que dans les grands, ce qui renforce l’idée que de telles mutations se rencontrent précocement dans la séquence adénome-carcinome [2].

À elles seules les mutations d’APC sont insuffisantes dans le développement des adénomes. Les candidats précoces à la transformation des adénomes sont les oncogènes RAS. L’oncogène KRAS code une protéine de 21 kDa impliquée dans la traduction du signal de voies de régulation importantes pour la prolifération normale et la différenciation [15]. Les mutations du gène KRAS induisent une croissance de l’activité cellulaire qui transforme l’épithélium hyperprolifératif en adénome. Les mutations de KRAS surviennent dans 35 % à 45 % des CCR, dans 50 % des adénomes de plus de 1 cm et seulement dans 9 % des petits adénomes [2,16]. Ces données suggèrent que les mutations de KRAS ont lieu précocement dans la séquence adénome-adénocarcinome, mais il est peu probable qu’elles soient un facteur qui déclenche la carcinogenèse colorectale.

Tandis que les mutations de KRAS s’observent dans la muqueuse histologiquement normale, elles sont présentes dans la muqueuse dysplasique et coexistent avec les mutations d’APC. Cela signifie que les mutations de KRAS ne confèrent aucun avantage de croissance en l’absence d’une mutation du gène APC. Notre expérience sur des coupes tissulaires de tumeurs colorectales a montré que l’expression immunohistochimique de KRAS est plus élevée dans les adénomes que dans les carcinomes et que, dans les adénomes, elle augmente avec le degré de la dysplasie [17-19].

Les mutations du gène DCC, identifié comme suppresseur de tumeur, représentent une troisième étape dans la séquence des altérations génétiques identifiées par Fearon et Vogelstein. La perte du chromosome 18q sur lequel est localisé le gène DCC a été observée dans les adénomes précoces (10 % à 30 %) et dans les adénomes tardifs (50 % à 60 %) [20, 21]. D’autres gènes suppresseurs de tumeur ont été identifiés dans cette région, comme les gènes SMAD2 et SMAD4. Les protéines de ces gènes sont des médiateurs TGFβ, qui exerce des effets importants sur les cellules, intervenant dans la régulation de la croissance cellulaire, la différenciation, la production de matrice et l’apoptose [22, 23). Les mutation des gènes SMAD2 et SMAD4 ont été rapportées dans 25 % à 30 % des CCR [4].

Les altérations du gène P53 ont été observées dans 4 % à 25 % des adénomes, dans 50 % des adénomes avec foyers de dégénérescence et dans 50 % à 75 % des CCR [24, 25]. Ces données suggèrent que l’inactivation fonctionnelle de la protéine p53 est associée à la transformation d’adénome en carcinome. Les mutations du gène p53 sont fréquemment corrélées avec l’expression immunohistochimique accrue de la protéine p53. L’hyper-expression de la protéine p53 a rarement été observée dans les adénomes avec dysplasie de bas grade, mais fréquemment dans les adénomes avec dysplasie de haut grade et les CCR [26].

La voie des tumeurs festonnées

La voie des tumeurs festonnées a récemment été identifiée comme une voie distincte et alternative à celle de la séquence classique adénome-carcinome [27, 28]. Des données attestent que la progression des tumeurs dans le cadre de cette voie est plus rapide que dans la séquence habituelle adénome-carcinome [29-31]. Certaines nouvelles lésions précurseurs ont été reconnues comme pouvant conduire à un groupe de CCR caractérisé par des traits moléculaires et morphologiques distincts des CCR habituels. La voie des tumeurs festonnées va des polypes festonnés à une lésion maligne, l’adénocarcinome festonné. Les polypes festonnés forment un groupe hétérogène de lésions muqueuses qui incluent des polypes non dysplasiques, des polypes hyperplasiques, des polypes/adénomes sessiles festonnés, et des polypes avec dysplasie cytologique évidente, notamment les adénomes festonnés traditionnels et les polypes mixtes [32-34]. Les lésions précurseurs potentielles des polypes festonnés, sont les ACF-H, ce qui suggère la séquence ACF-H, polypes festonnés, carcinome [27, 35].

Les critères morphologiques du diagnostic des polypes festonnés sont contradictoires et beaucoup de ces lésions sont mal reconnues. On a récemment proposé des critères histopathologiques d’identification [36].

Les polypes hyperplasiques sont des petites lésions sessiles qui représentent 80 % à 90 % de toutes les lésions festonnées et sont le plus souvent localisés dans le côlon distal et le rectum. Histologiquement, les polypes hyperplasiques sont faits de cryptes développées selon un modèle luminal contourné. La dentelure épithéliale est resserrée à la surface des cryptes qui contiennent des cellules matures avec une quantité variée de mucine. Il n’y a pas d’atypie nucléaire à l’exception de quelques noyaux vésiculaires.

Les adénomes festonnés traditionnels ont une prédilection pour le côlon distal et le rectum, constituant environ 2 % des adénomes colorectaux. Ils ont un modèle de croissance polypoïde avec une base élargie et une architecture dentelée complexe. La dysplasie (90 % de bas grade et 10 % de haut grade) apparaît habituellement avec

Fig. 1.

une stratification nucléaire et un cytoplasme éosinophile. Les cellules épithéliales se différencient de celles de l’adénome conventionnel par le fait que les cellules de celui-ci ont une hyperchromie nucléaire proéminente et un cytoplasme basophile.

Les polypes/adénomes sessiles festonnés constituent approximativement 10 % à 20 % des polypes festonnés. Ils sont sessiles avec une prédilection pour le côlon droit et se voient souvent chez des femmes d’âge moyen. Histologiquement, les cryptes sont dilatées et bifurquées, pleines de mucine et la dentelure se voit surtout à leur base. Les cryptes peuvent présenter une croissance parallèle à la muscularis mucosae .

Des atypies cytologiques subtiles peuvent être observées.

Les polypes mixtes sont des polypes de morphologie dentelée (dysplasique ou non) qui contiennent des aires de composante dysplasique conventionnelle (tubuleuse, villeuse ou tubulo-villeuse). Ces polypes se différencient des adénomes festonnés par des zones adénomateuses qui ont une architecture tubuleuse, contrastant avec les lumières dentelées observées dans les adénomes festonnés.

Des données récentes suggèrent quecertains polypes, surtout les adénomes festonnés traditionnels et les polypes/adénomes sessiles festonnés ont un risque de transformation mailgne au moins aussi important que les adénomes classiques. Ces données incluent : la reconnaissance de régions dysplasiques dans les adénomes festonnés traditionnels et les polypes/adénomes sessiles festonnés, la reconnaissance d’adénomes festonnés adjacents aux carcinomes, et le risque accru de CCR dans la polypose hyperplasique/festonnée, et l’existence d’altérations communes génétiques et épigénétiques dans les diverses étapes de la voie des tumeurs festonnées [34, 37-39].

Altérations moléculaires dans la voie des tumeurs festonnées

Les altérations génétiques précoces des lésions festonnées sont les mutations des gènes BRAF et KRAS [32]. Les mutations de BRAF ont plus souvent été trouvées dans les polypes/adénomes sessiles festonnés (75 % à 80 %) et les polypes mixtes (40 % à 90 %) que dans les polypes hyperplasiques (19 % à 36 %) ou que dans les adénomes festonnés traditionnels (20 % à 33 %) [40-42]. De plus, des mutations du gène BRAF ont été trouvées dans 43 % à 76 % des CCR sporadiques [43]. Les mutations de BRAF sont, au contraire, rares dans l’ACF-H [32]. Les mutations de KRAS ont été observées dans environ 82 % des ACF-H, dans 80 % des adénomes festonnés traditionnels et moins souvent dans les polypes/adénomes sessiles festonnés (7 %) et les polypes hyperplasiques (4 % à 37 %) [41, 44, 45]. Une inhibition de l’apoptose survient souvent dans la voie des tumeurs festonnées. Elle est probablement médiée par KRAS ou BRAF activé/muté. L’activation de la transduction du signal anti-apoptotique de BRAF dans les lésions festonnées se fait par la voie MEK/Erk [46].

L’hyperméthylation est un phénomène précoce de la voie des tumeurs festonnées [36]. La méthylation du promoteur est un mécanisme important de la perte d’expression des gènes au cours de la carcinogenèse. Le phénotype de méthylation des îlots CpG (CIMP) comporte une méthylation épigénétique des îlots CpG des régions promotrices du génome, qui abolit la transcription des gènes correspondants. En fonction du nombre de gènes méthylés, on décrit un phénotype CIMP-H élevé et CIMP-L réduit [41, 45]. Le phénotype CIMP-H a été détecté dans les polypes hyperplasiques, l’ACF et même dans la muqueuse normale du côlon proximal chez des patients ayant une polypose hyperplasique, et dans la muqueuse de patients avec CCR [47, 48]. Le phénotype CIMP est lié à divers traits moléculaires et cliniques comme le sexe féminin, l’âge avancé, la présence de mutations du point V600E du gène BRAF et la haute fréquence de l’instabilité microsatellitaire (MSI-H) [49].

L’instabilité microsatellitaire due à la méhtylation de l’ADN a été décrite pour la première fois dans le syndrome de Lynch, où les mutations germinales des gènes de réparation des erreurs de replication de l’ADN (gènes MMR pour MisMatch

Repair) ont pour résultat un phénotype MSI-H dans plus de 90 % des cas. Les CCR sporadiques MSI-H se développent en conséquence de l’inactivation du gène MMR MLH1 par due à la méthylation acquise de son promoteur. La méthylation de MLH1 a été trouvée dans 30 % des polypes hyperplasiques, 70 % des polypes/adénomes sessiles festonnés et dans 86 % des CCR MSI-H sporadiques [50, 51]. La perte de l’expression de MLH1 en immunohistochimie a été mise en évidence dans les lésions festonnées, surtout dans les polypes/adénomes sessiles festonnés, ce qui suggère que ces lésions sont de fréquents précurseurs des CCR sporadiques MSI-H [29, 43]. Des niveaux bas de MSI (MSI-L) s’associent à la méthylation de la méthyltransférase de l’ADN méthylguanine 0-6. Une méthylation de la MGMT a été trouvée dans 22 % des polypes hyperplasiques, dans 25 % des polypes/adénomes sessiles festonnés, dans 16 % à 22 % des adénomes festonnés traditionnels, et dans 50 % des adénocarcinomes festonnés {52, 53]. Il a été suggéré que la plupart des adénocarcinomes festonnés prennent leur origine à partir d’adénomes festonnés.

CONCLUSION

En se basant sur les observations morphologiques, les études moléculaires montrent qu’en plus du paradigme maintenant ancien de la séquence traditionnelle adénomecarcinome, une voie alternative intervient dans la carcinogenèse colorectale, appelée voie des tumeurs festonnées. Les adénocarcinomes festonnés sont l’aboutissement de cette voie et représentent un sous-type relativement fréquent et distinct de CCR, qui comporte un phénotype CIMP et/ou MSI-H, et/ou des mutations de BRAF. Les lésions festonnées précurseurs du CCR ne sont pas des lésions homogènes et les anatomopathologistes ne possèdent pas de critères suffisamment uniformes pour leur diagnostic. Une meilleure caractérisation moléculaire et morphologique s’impose afin d’améliorer la stratégie de prise en charge de ces lésions.

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DISCUSSION

M. Jacques BATTIN et M. Jacques ROUËSSÉ

Le management que vous évoquez permet-il, par la génétique, de séparer dans les familles d’adénomatose polypeuse familiale dominante, les sujets sains des sujets mutés à risque cancérogène qu’il faudra colectomiser précocément ?

Il n’existe pas de test génétique pour ce groupe des patients. Une colectomie totale est indispensable, généralement avant l’âge de vingt ans.

M. Daniel SRAER

Existe-t-il des modifications épigénétiques qui expliquent l’effet des régimes dans le développement des cancers colo-rectaux ?

Il n’existe pas de modifications épigénétiques. Pourtant, il y a longtemps que nous connaissons la relation de la nutrition avec le développement d’un cancer, surtout gastrointestinal.

M. Daniel COUTURIER

Les deux mécanismes de cancérogénèse recto-colique : séquence adénome-cancer avec intervention d’une suite de mutation APC, K1Ras, P53 et instabilité des microsatellites correspondent-ils à des pronostics différents et des localisations différentes sur le cadrecolique ?

Les patients qui montrent une instabilité des microsatellites ont un meilleur pronostic.

Au niveau histologique nous observons une intense réaction lymphoplasmacellulaire du stroma.

M. Claude DREUX

Avez-vous observé un rapport entre le saignement de certains polypes avant leur transformation en carcinome et la mise en évidence de facteurs génétiques (K-Ras par exemple) ?

Il n’existe pas un tel rapport.

 

<p>* Chaire d’anatomie pathologique, Faculté de médecine, Université de Ioannina, Grèce. Tirés à part. Madame le professeur émérite, Niki Agnantis. Chaire d’Anatomie pathologique, Faculté de médecine, Université de Ioannina — 45110 Ioannina Grèce. e.mail : agnantin@gmail.com Article reçu le 7 avril 2011, accepté le 9 janvier 2012</p>

Bull. Acad. Natle Méd., 2012, 196, no 3, 705-716, séance du 20 mars 2012