Communication scientifique
Session of 10 juin 2014

Introduction de la séance dédiée aux porphyries

Jean-Marc LEGER *

En premier lieu, je souhaiterais en mon nom propre et celui des orateurs de cette séance, remercier l’Académie nationale de médecine et le Rédacteur en chef du Bulletin, Monsieur Jean Cambier, pour nous avoir donné l’opportunité d’organiser cette séance de l’Académie consacrée aux porphyries.

Mon introduction, brève comme il se doit, aura deux objectifs :

Mon premier propos, suggéré par Monsieur Cambier, est de rendre hommage à la fois à un éminent confrère de notre Académie, et un pionnier dans la recherche sur les porphyries.

Il s’agit du Professeur Henri Bénard, membre titulaire de la Quatrième Division, et Secrétaire Perpétuel de l’Académie nationale de médecine pendant 16 ans, de 1957 jusqu’à son décès le 3 août 1973.

Henri Auguste Bénard naquit le 11 avril 1885 dans une famille d’officiers, son père Louis fut lauréat du concours général de mathématiques et reçu à l’école polytechnique, avant de débuter sa médecine à l’âge de 28 ans. Ses 3 frères furent élèves de polytechnique ou de Saint-Cyr, l’un deviendra général.

Henri Bénard fut interne des hôpitaux de Paris à l’âge de 21 ans et nommé professeur agrégé de médecine à 43 ans, il devint Professeur de Pathologie Expérimentale en 1939, et mena sa carrière hospitalière à la Clinique Médicale de l’Hôtel Dieu, où il succéda à Noël Fiessinger.

Ce sont ses compétences reconnues en pathologie expérimentale qui lui valurent de succéder à Lucien Camus en 1935, comme Directeur de l’Institut Supérieur de Vaccine de l’Académie Nationale de Médecine. Cet Institut qui avait ses locaux au rez-de-chaussée de notre Académie, avait succédé au Comité Central de la Vaccine, créé en 1799 par le Duc de la Rochefoucauld pour promouvoir la vaccination anti-variolique.

Parmi les très nombreux thèmes de recherche du Professeur Henri Bénard, on retiendra pour illustrer la séance de cette après-midi, la publication en 1949 d’un ouvrage sur « Hémoglobine et pigments biliaires », qui fut suivi d’une étude clinique et biologique des porphyries, entreprise avec l’aide de Monsieur Gajdos et Madame Gajdos-Torok, et qui dura 9 ans. Cette étude fit l’objet d’une monographie, disponible à la Bibliothèque de notre Académie.

Dans la présentation de cet ouvrage faîte par Henri Bénard le 11 mars 1958, je retiendrai la phrase suivante : « Bien que les premières observations remontent déjà à trois quarts de siècle, les porphyries restent une question d’actualité, tant du point de vue pratique par les graves erreurs que leur connaissance permet d’éviter, que du point de vue général par les captivants problèmes que soulèvent la biosynthèse et le métabolisme des pigments porphyriques ». Je ne doute pas que, plus de 50 ans plus tard, cet avis ne soit partagé par les trois éminents spécialistes qui ont accepté d’animer cette séance : les Professeurs Jean-Charles Deybach et Hervé Puy, qui travaillent dans le Centre National de référence des Porphyries, à l’Hôpital Louis Mourier de Colombes, et le Professeur Laurent Gouya, généticien à l’Hôpital Bichat, établissements rattachés au CHU Paris Nord-Val de Seine et à l’Université Paris VII.

Mon deuxième propos consistera, dans des maladies « transversales » qui susciteront certainement l’intérêt de mes confrères, à faire un bref détour par leur présentation neurologique. En effet, la porphyrie aigue intermittente, mais également la porphyrie variegata et la coproporphyrie héréditaire sont reconnues pour donner lieu à des complications neurologiques sévères, parfois inaugurales, dominées par une polyneuropathie d’installation aigue.

Si les causes de polyneuropathie aigue, c’est à dire celles qui évoluent en moins de deux mois, sont peu nombreuses, le diagnostic différentiel majeur est celui de syndrome de Guillain-Barré. Ce diagnostic différentiel a bénéficié dans les années 70 d’un critère majeur, lié aux progrès des explorations électro-neuro-myographiques : la polyneuropathie aigue porphyrique est en effet une polyneuropathie axonale aigue, qui se distingue formellement du syndrome de Guillain Barré, qui est une polyneuropathie démyélinisante aigue.

Malheureusement pour cette belle démonstration diagnostique, le syndrome de Guillain Barré a vu au cours des 20 dernières années, son spectre se diversifier, et la description des formes axonales, fréquentes au Japon et en Chine, recevoir toute l’attention des chercheurs, en raison de leur précession par une infection à campylobacter jejuni, et de leur association à la présence d’anticorps anti-gangliosides, en particulier anti-GM1. Le syndrome de Guillain-Barré axonal est donc aujourd’hui le principal diagnostic différentiel de la neuropathie porphyrique.

Je tiens à remercier les orateurs pour leur contribution à cette séance dédiée aux porphyries, maladies à bien des titres exemplaires de la coopération nécessaire entre cliniciens et chercheurs impliqués dans la prise en charge des maladies rares.

 

Télécharger le document (PDF)

Bull. Acad. Natle Méd., 2014, 198, no 6, 1067-1068, séance du 10 juin 2014