Communication scientifique
Session of 21 mars 2006

Introduction

Jean Natali *

Séance consacrée à l’ischemie critique des membres inférieurs.

Introduction

Jean NATALI *

Il y a un peu plus de cinquante ans, en 1954 exactement, René Fontaine avec deux de ses assistants, M. Kim et R. Kieny publièrent dans un journal suisse, mais en Allemand [1], leur célèbre travail sur la classification en quatre stades des artériopathies oblitérantes des membres inférieurs :

Le stade I — asymptomatique Le stade II de claudication intermittente Le stade III de douleurs de decubitus Et le stade IV de troubles trophiques : nécrose et gangrène Ils y associèrent dans leurs commentaires leur maître Leriche et cette fameuse classification de Leriche et Fontaine fit le tour du monde, les stades III et IV correspondant à ce que rapidement on appela ischémie critique, ce terme de critique ayant — pour une fois — la même signification dans le dictionnaire anglais d’Oxford et le Littré.

Et la définition suivante a été adoptée : l’ischémie critique correspond à des lésions artérielles telles que sans traitement efficace elle conduit à la perte du membre. Ce terme implique aussi une certaine chronicité, ce qui permet de mettre à part l’ischemie aigue consécutive à une embolie.

Mais cette classification était purement clinique et très rapidement, on imagina d’affiner ce concept par des examens complémentaires — au premier rang l’index de pression systolique à la cheville : < 50 mmg Hg pour les Européens, < 70 mmg Hg pour les Nord Américains, et en segmentant les stades en II a, II b, III a et III b. On a également insisté sur l’intérêt de la mesure transcutanée de la pression partielle d’oxygène (TcPO ) à la base du gros orteil : plus petit que 30 mmHg.

2 Un grand nombre de publications ont vu le jour ces vingt dernières années et nous en citerons deux essentielles : une en 1991 parue dans Circulation et exclusivement
consacrée à l’ischemie chronique critique [2] à laquelle nous avons participé avec Jean-Noël Fiessinger et une autre en 2000 concernant l’ensemble du traitement des artériopathies périphériques dit TASC — Transatlantic InterSociety Consensus [3] La question que l’on doit se poser est celle de l’impact actuel de l’IC : « en France, en se basant sur le PMSI, on a pu établir qu’en 2003, 17 551 actes d’amputation avaient été enregistrés et qu’un diabète avait été retrouvé dans 52 % des cas. L’incidence générale avait été estimée à 26/100 000 [4].

Aux Etats-Unis, une étude bien documentée publiée en 2000, démontre que le taux d’amputation est passé en vingt ans de 19 à 30 pour 100 000 [5]. Les auteurs attribuent ce fait à l’augmentation de la fréquence du diabète et aussi bien sûr au vieillissement de la population. Mais on doit également remarquer, comme l’a fait l’American Diabetes Association [6] que la prévention des lésions coronariennes tout particulièrement chez les diabétiques améliore l’espérance de vie et ainsi expose les patients à une plus forte incidence d’artériopathie décompensée.

Une enquête réalisée en 1995 par la Vascular Surgery Society de Grande Bretagne et d’Irlande [7] basée sur le fait que 5 % des artéritiques présenteront une ischemie critique dans les cinq ans aboutit à une incidence annuelle de 400 par million d’habitants soit 24 000 pour une population équivalente à la France, avec en définitive 80 % d’amputations.

Les statistiques provenant de deux pays scandinaves sont à considérer.

L’une vient de Norvège [8] où l’on relève un taux d’incidence annuelle de 600 par million d’habitants : 200 d’entre eux bénéficient d’une reconstruction artérielle (chirurgie ou endovasculaire), 200 doivent subir une amputation majeure et 200 reçoivent un traitement conservateur.

L’autre qui vient de Finlande [9] apporte deux notions intéressantes : 39 % des patients présentant une IC n’avaient jamais eu de claudication intermittente et 54 % étaient diabétiques (notion retrouvée dans toutes les études). Ce travail aboutit par ailleurs à un taux annuel d’IC de l’ordre de 600 à 800 par million.

Une conclusion, de ces données statistiques pratiquement actuelles (puisqu’elles datent de 2000) publiée dans le TASC [3] regroupant des données, nord-américaines et européennes, retrouve qu’un an après la survenue d’une ischemie critique, 25 % des patients sont morts, 25 % ont eu une amputation majeure et 50 % sont encore vivants en plus ou moins bon état. Un travail plus récent de 2004 [10] rapporte qu’au bout de dix ans, seulement 13,7 % des patients sont encore en vie.

On a donc pu dire que le pronostic de l’IC est comparable à celui des maladies oncologiques les plus malignes [11] L’examen essentiel est l’artériographie.

De son résultat, après concertation pluridisciplinaire, dépend la décision thérapeutique : l’utilisation de nouvelles médications, ou revascularisation par des méthodes chirurgicales classiques, ou revascularisation par des méthodes endo-vasculaires BIBLIOGRAPHIE [1] FONTAINE R., KIM M., KIENY R. — Die chirurgische Behandlung der peripheren Durchblutungsstorungen. Helvetia Chirurgica Acta. , 1954, 199-205.

[2] European Consensus Document on chronic Critical Leg Ischemia.

Circulation, 1991, 84 , suppl.

4, 1-26.

[3] Management of peripheral arterial disease (PAD). Transatlantic InterSociety Consensus (TASC). J. Vasc. Surg., 2000, 31 , S1-S296.

[4] FOSSE S., JACQUEMINET S.A., DOPLAN H., HARTEMAN-HEURTIER A., HA VAN G., GRIMALDI A., FAGOT-CAMPAGNA H. — Incidence et caractéristiques des amputations des membres inférieurs chez les personnes diabètiques. Bulletin Épidémiologique Hebdomadaire , 2006, 10 , 71-73.

[5] KALRA M., GLOVICZKI P., BOWER TC. — Limb salvage after successful pedal bypass grafting is associated with improved long term survival . J. Vasc. Surg., 2000, 33 , 6-16.

[6] American Diabetes Association : Diabets in the news. Alexandria VA 2000, Nov 12.

[7] The Vascular Surgical Society of Great Britain and Ireland. Critical limb ischemia : management and outcome. Report of a national survey. Eur. J. Vasc. Endovasc. Surg., 1995, 108-113.

[8] MYHRE H., WITSO E. — What are the costs of Critical Limb Ischemia.

The international Journal of Vascular Medicine, Critical ischemia ., 1995, 5 , 83-87.

[9] MATZKE S., LEPANTALO M. — Claudication does not always precede Critical Leg Ischemia.

Vasc. Med., 2001, 6 , 77-80.

[10] NOVO S., COPPOLA G., MILIO G. — Critical Limb Ischemia : Definition and Natural History.

Current Drug Targets, Cardiovascular and Haematology Disorders., 2004, 4 , 219, 225.

[11] BOCCALON H. — L’ischemie critique chronique des membres :

organisation de la prise en charge d’une maladie maligne. Journal des maladies vasculaires, Paris, 2005, 231-216.

* Membre de l’Académie nationale de médecine Tirés à part : Professeur Jean NATALI, à l’adresse ci-dessus.

Bull. Acad. Natle Méd., 2006, 190, no 3, 631-633, séance du 21 mars 2006