Communication scientifique
Séance du 15 novembre 2011

Introduction

Jacques Risse *

 

SÉANCE COMMUNE ACADÉMIE D’AGRICULTURE DE FRANCE/ ACADÉMIE NATIONALE DE MÉDECINE

Les viandes d’origine bovine dans l’alimentation

INTRODUCTION

Jacques RISSE *

Même si les français restent, pour reprendre le mot d’un journaliste, « d’incorrigibles viandards » (les végétariens et les végétaliens ne représentent en effet chez nous que 1,2 à 1,3 % de la population), leur consommation de viande diminue régulièrement. La viande bovine, même si elle reste la viande par excellence, souffre peut-être, plus que d’autres, d’attaques répétées et de plus en plus vives faites au nom tout à la fois de la protection de la santé et de l’environnement.

La crise de la vache folle, de l’ESB, ne peut être tenue, quoi qu’on en dise, pour seule responsable du recul de la viande bovine dans nos assiettes. Les reproches formulés sont multiples : ils vont pêle-mêle du bien-être des animaux à l’inutilité, voire à la nocivité, de la viande de bœuf dans l’alimentation de l’homme en passant par le modèle industriel de l’agriculture française, l’émission de gaz à effet de serre par les élevages de ruminants et le besoin de terres arables pour nourrir la population mondiale en croissance.

Accusée de tous les maux : cancer, obésité, diabète, maladies cardio-vasculaires, risques de contamination, on peut se demander si la viande bovine n’apparaît pas comme le symbole ou le témoin d’un changement structurel de nos modes de consommation.

Tendance ou profonde remise en question ?

La prétendue surconsommation de viande bovine vaut d’être expliquée, analysée en faisant la part des idées reçues, de certaines prises de position idéologiques et en tenant compte des études les plus récentes sur la question. Concernant notamment l’appellation viande bovine, un certain nombre d’amalgames, d’adjectifs outranciers ne permettent pas aux consommateurs de se forger sereinement une opinion.

 

La campagne contre « la mal viande » essentiellement fondée sur des questions environnementales et sociétales, dont nous ne nions pas l’intérêt, tend surtout finalement à occulter la dimension santé de la consommation de viande.

C’est pour cette raison que l’Académie nationale de médecine et l’Académie d’Agriculture de France ont choisi, pour thème de leur séance commune annuelle, la viande bovine avec pour objectif de faire le point sur le rapport bénéfice/risque pour la santé humaine de la consommation de cette viande, arguments scientifiques et médicaux à l’appui sans pour autant omettre d’apporter quelques réponses à certaines des questions posées par ailleurs.

NIVEAU ET ÉVOLUTION DE LA CONSOMMATION DE VIANDE

La consommation individuelle — En France, la consommation se situe à 90/91kg par personne et par an. Des chiffres qui, il faut le savoir, sont exprimés en équivalents-carcasses, c’est-à-dire os compris, et non pas en viande disponible (20 à 25 % en moins). Après avoir stagné pendant une vingtaine d’années, grosso modo de 1980 à 2000, cette consommation est, semble-t-il en légère décroissance.

— La consommation européenne est de l’ordre de 84 kg par personne et par an. Elle augmente lentement depuis plusieurs années (1 à 1,5 % par an) essentiellement du fait des pays qui ont intégré l’Europe depuis peu.

— Aux États-Unis, la consommation atteint 130 kg par personne et par an et continue à croître, lentement certes mais réellement en dépit du niveau record déjà atteint. Ceci étant, il doit être tenu compte dans ces chiffres de la part du gaspillage : il atteint lui aussi des niveaux records !

— En Chine, la consommation se situe à 53/54 kg par personne et par an et augmente à un rythme soutenu proche de 3 % l’an.

Quelle est, dans ce total, la part des trois principales viandes (bœuf, porc, volailles) ?

En 2007, la part de la viande bovine était en France de 29 %, celle de porc de 39 %, celle de volailles de 27 %. La même année, dans l’Union européenne, les chiffres étaient respectivement de 20, 53 et 25 % et, dans le monde, de 25, 29 et 30 %.

Qu’en était-il il y a vingt-cinq ou trente ans ?

En 1985, dans l’Hexagone, la part du bœuf atteignait 35/36 % soit 8 à 9 % de plus qu’aujourd’hui, celle du porc 38 à 39 % et celle de la volaille 20 % soit environ 5 % de moins qu’en 2007.

Dans le même temps, dans l’Union européenne à 15, la part du bœuf a baissé de 6 %, celle du porc a augmenté de 3 % et celle de la volaille de 5 %.

 

Aux États-Unis, les parts relatives sont restées plutôt stables au cours des dernières années : 24 à 25 % pour la viande de bœuf, 34 à 35 % pour la viande de porc et un peu plus de 40 % pour la volaille.

En Chine, la viande de porc représente à elle seule 75 % du total des viandes consommées.

Quels sont les facteurs qui influencent la consommation de viande dans notre pays ?

Depuis longtemps, on sait que la consommation de viande est pour une large part tributaire du niveau de vie. Son élévation s’accompagne toujours d’un accroissement de la consommation sauf, bien sûr, dans les pays riches où elle atteint des niveaux élevés et où en consommer plus que ses voisins ne constitue plus un discriminant social.

— Le consommateur souhaite désormais, et de plus en plus, préserver sa santé. Les conseils de modération du corps médical ont joué un rôle non négligeable dans cette évolution, même s’ils ne sont pas toujours très précis quant aux différences entre les trois principales viandes.

— La consommation de viandes, de toutes les viandes, diminue notablement avec l’âge : de 56 gr par jour à trente ans, elle chute à 45 gr par jour à 60 ans pour ne pas dépasser 10 gr par jour à 65 ans et plus.

— Les prix relatifs jouent bien entendu un rôle non négligeable et la viande bovine n’est pas la moins chère À ces différents facteurs viennent désormais s’ajouter :

— D’abord la crainte grandissante des maladies d’origine animale : l’ESB, la grippe aviaire ont, par exemple, quelques maladresses des pouvoirs publics aidant, laissé de graves séquelles derrière elles.

— Ensuite certaines évolutions sociétales : les préjugés sur l’élevage moderne, l’augmentation du nombre des végétariens et des végétaliens et leur activisme.

Les conférenciers que vous entendrez après moi parleront de ces différentes questions et essaieront de vous apporter les éléments qui devraient vous permettre de vous forger une opinion. Je leur laisse la parole.

 

<p>* Membre de l’Académie d’Agriculture de France, e-mail : risse.jg@orange.fr</p>

Bull. Acad. Natle Méd., 2011, 195, no 8, 1783-1785, séance du 15 novembre 2011