Communication scientifique
Session of 13 novembre 2007

Intérêt de l’acide triiodothyroacétique pour le traitement du goitre euthyroïdien. Nouvelles données sur son mode d’action. Comparaison avec la L-Thyroxine

Triidothyroacetic acid in euthyroid goiter. New data on its mechanisms of action. Comparison with I-thyroxin

Mario Pisarev, Gabriela Brenta, Marta Schnitman, Diana L. Kleiman de Pisarev (Buenos Aires)

Summary

Euthyroid goiter is usually treated with THS-inhibiting doses of L-thyroxin (L-T4), which can have troublesome adverse effects. It has been suggested that triiodothyroacetic acid (Triac), a TSH suppressor, might have fewer peripheral effects and better tolerability than T4. We therefore compared the risk-benefit ratios of the two drugs. Thirty-six women with euthyroid goiter (no thyroid cancer) were randomized to receive either Triac (19.6 ug/kg) (n=19) or L-T4 (1.7 ug/kg) (n=17) for 11 months. Goiter volume, lumar and femoral bone mineral density, and serum osteocalcin, deoxypyridinoline, TSH, free T4, and total cholesterol, high-density cholesterol (HDL), low-density cholesterol (LDL), and triglycerides were determined before and after treatment. Student’s test and X2 analysis were used. TSH values (microunits/ml) in the Triac and T4 groups were respectively 1.91 fi 0.6 (basal) and 0.18 fi 01 (after) and 2.1 fi 2.5 (basal) and 0.18 fi 0.3 (after). Thyroid volume fell by 37.9 fi 35.4 % in the Triac group and by 14.5 fi 39.5 % in the L-T4 group (p=0.069). Goiter volume fell by at least 50 % in 42 % of patients treated with Triac and in 17.7 % of patients treated with L-T4 (p=0.15). Triac was associated with fewer adverse events. Changes in bone mineral density, serum deoxypyridinoline, serum osteocalcin and the lipid profile did not differ between the treatment arms. However, the Apo B level fell more strongly on Triac than on T4. These results show that Triac is more effective than L-T4 on goiter size, while having similar peripheral effects.

INTRODUCTION

Les hormones thyroïdiennes (L-thyroxine, L-T4, et L-triiodothyronine, L-T3) sont couramment employées pour traiter les goitres sporadiques avec des résultats variables. Leur usage, dans cette indication, repose sur leur pouvoir freinateur de la TSH, reconnue comme l’un des facteurs de croissance de la glande thyroïde.

Toutefois, pour être efficace, le freinage nécessite des doses élevées génératrices d’effets secondaires largement rapportés dans la littérature. L’acide triiodothyroacétique (Tiratricol ou Triac) est un métabolite de la L-T3. À doses pharmacologiques, il exerce une action inhibitrice sur les cellules thyréotropes avec une forte affinité pour ses récepteurs pituitaires. Le Triac se lie pendant une courte durée avec des récepteurs nucléaires ; sa demie vie est brève (6 à 8 h), expliquant la nécessité d’une administration pluri-quotidienne. Comparé à la L-T4, le Triac aurait des effets différents sur les tissus périphériques : il n’entraîne pas d’élévation du métabolisme basal, du catabolisme protéique, d’accélération cardiaque, de modification du remplissage et de l’éjection ventriculaires, mais parait avoir un tropisme hépati-
que et osseux. Ces données ont suscité un intérêt thérapeutique pour cette molécule conduisant plusieurs auteurs à la proposer pour traiter diverses affections thyroï- diennes. Jaffiol et al. l’ont employée pour la première fois dans la thérapeutique du goitre diffus ou nodulaire. L’objet de cette étude est de comparer l’efficacité et les effets secondaires du Triac et de la Thyroxine lors du traitement de goitres euthyroï- diens qui représentent, en pratique quotidienne, une très large indication à la mise en œuvre d’un traitement suppresseur de la TSH.

MÉTHODE D’ÉTUDE

Patients

Trente-six femmes caucasiennes euthyroïdiennes présentant un goitre diffus ou nodulaire ont été incluses après avoir donné leur consentement éclairé. Elles vivaient dans une région non carencée en iode (iodurie : 200 µg/24 h). On a exclu les femmes enceintes, hyper ou hypothyroïdiennes, celles avec un nodule kystique, chaud ou néoplasique ainsi que les patients présentant une pathologie rénale, hépatique, cardiaque, diabétique ou ceux recevant des hormones thyroïdiennnes, des oestrogè- nes ou des biphosphonates. Cette étude a été approuvée par les comités de recherche et d’éthique de l’Hôpital français de Buenos Aires.

Paramètres évalués

Le volume du goitre et des nodules a été mesuré par échographie tridimensionelle selon la formule d’une ellipsoide [18] :

V (mL) = π × L × l × e 6 (L = hauteur du lobe ; l = largeur ; e = épaisseur) L’échographie a été faite par le même professionel à chaque temps de l’étude pour réduire l’erreur de la méthode. Pour chaque malade présentant une hypertrophie thyroïdienne diffuse ou un nodule solitaire, les volumes du goitre ou du nodule ont été comparés avant et à la fin du traitement. Chez les patients avec un goitre multinodulaire, les volumes de chaque nodule ont été additionnés et le résultat comparé pour chaque sujet avant et à l’issue du traitement.

Une scintigraphie thyroïdienne a été réalisée après injection d’une dose de 5 mCi de 99mTc. Une cytoponction des nodules a été pratiquée selon une technique personnelle [19] et le matériel recueilli examiné par le même cytologiste. La TSH, la T4L et les anticorps anti thyropéroxidase (TPO) et anti thyroglobuline (Tg) ont été mesurés par chémoluminescence (DPC Immulite) ; les valeurs normales sont :

TSH : 0,3-5,0 mU/L ; T4 L : 0,8-2,0 ng/dL. Une technique enzymatique (Roche Diagnostics) a évalué la glycémie (n= 76-120 mg/dL), la cholesterolémie
(n= 130-200 mg/dL). Le LDL-cholesterol a été mesuré par turbidimétrie (n < 150 mg/dL), l’HDL- cholesterol par précipitation enzymatique (n > 45 mg/dL), les triglycérides par un test colorimétrique (Incstar Antibodies Stillwater MN) (n< 200 mg/dL), les apoprotéines A et B par une méthode immuno turbidimétrique (Apo A= 1132-152 mg/dL, Apo B= 70-96 mg/dL) ; la Sex Hormone Binding Globulin (SHBG) par immuno dosage (DPC Immulite) (n = 16-120 nMol/L).

L’ostéocalcine (n = 2-12 ng/mL) et la D-pyridinoline (2.3-7 nM pyr/mM creatinine) par chémoluminescence.

Une densitométrie osseuse fémorale et lombaire a été réalisée par une technique d’absorptiométrie des Rx (coefficient de variation pour la région lombaire (1,6 %) et pour le col fémoral (2 %).

La tolérance des deux thérapeutiques (Triac ou Thyroxine) a été évaluée à l’aide d’une grille remplie par le patient hors de toute influence médicale.

Protocole

Les patientes ont été réparties par tirage au sort aveugle en deux groupes, l’un traité par le Triac, l’autre par de la Thyroxine, à doses croissantes, jusqu’à obtenir une TSH < 0,30 mU/L. La Thyroxine était conditionnée en comprimés dosés à 50, 100, 150 ug et le Triac en capsules de 350 µg. Les patients ont été évalués à 0, 6, 8, 12, 20, 26, 32 et 38 semaines. Un sous groupe de trente-trois sujets a bénéficié, en complé- ment, de la mesure de SHBG et des Apo A et B.

Analyse statistique

Dans chaque groupe, la variation de chaque paramètre entre le début et la fin de l’étude a été calculée et son degré de signification analysé par le test t apparié. Une comparaison intergroupes a utilisé le test de Student. Le test exact de Fischer a été employé pour comparer entre les deux groupes le pourcentage de patients dont le goitre avait diminué de plus de 50 %, et la prévalence des effets défavorables du Triac et de la Thyroxine. La répartition des goitres diffus était comparable entre les deux groupes assurant de ce fait la valeur de la comparaison intergroupe. Le volume des nodules a été calculé et comparé entre les deux groupes.

RÉSULTATS (Tableaux I et II)

Dix-neuf femmes âgées de 48 fi 12 ans ont reçu du Triac à une posologie quotidienne de 19,6 µg/kg, soit en moyenne 1400 µg/j, en deux doses quotidiennes. Deux avaient un goitre diffus et dix-sept une forme nodulaire. Dix sept femmes ont été traitées par la Thyroxine avec une prise unique de 1,7 µg/kg, soit en moyenne 110 µg/j. Quatorze avaient un goitre nodulaire et trois présentaient une hypertrophie homogène.

L’indice de masse corporelle était de 28,9 fi 7,3 kg/m2 dans le groupe traité par Triac et de 25 fi 5,5 kg/m2 dans celui recevant de la L-T4. A l’issue du traitement les patientes sous Triac avaient perdu significativement du poids : 74,2 fi 18 kgs avant l’induction thérapeutique, 71 fi 19 kgs à la fin du traitement (p< 0,05), ce qui n’était pas le cas dans le groupe sous Thyroxine : 65 fi 12 kgs- 65 fi 10 kgs.

La TSH diminuait significativement dans les deux groupes atteignant des valeurs comparables chez les sujets traités par Triac (0,18 fi 0,1 mU /L) et chez ceux recevant de la Thyroxine (0,18 fi 0,3 mU/L) après quatre à huit semaines de traitement. La T4L s’abaissait sous Triac et s’élevait sous Thyroxine. Les valeurs de Thyroglobuline (Tg) diminuaient dans les deux groupes sans corrélation avec la réduction volumétrique du goitre.

Le volume thyroïdien se réduisait significativement chez les patientes recevant du Triac (4,8 fi 4,9 mL — 2,59 fi 2 mL, p. < 0,01) mais non chez celles traitées par la Thyroxine (5,1 fi 4,8 mL — 4,3 fi 4 mL). Exprimée en pourcentage, la diminution de volume du goitre était plus importante au onzième mois dans le groupe Triac :

37,9 fi 35,4 %, que dans celui recevant de la Thyroxine : 14,5 fi 39,5 %, p. < 0,08.

Dans le groupe Triac, 42 % des goitres diminuaient de plus de 50 % contre 17,7 % dans celui sous Thyroxine.

La fréquence cardiaque et la tension artérielle ne présentaient aucune variation significative lors de la comparaison intra et intergroupes.

La cholestérolémie et sa fraction LDL diminuaient significativement au onzième mois de traitement sous Triac mais non sous Thyroxine. L’Apo B chutait plus intensément dans le groupe Triac (12,6 fi 12 %) que dans celui sous Thyroxine (0,4 fi 14 %). Les taux de SHBG, et d’Apo A s’élevaient, sans différence significative, entre les deux groupes (SHBG : 92 fi 107 % sous Triac, 57 fi 87 % sous Thyroxine ; Apo A : 12,5 fi 13 % et 4,24 fi 9 %, respectivement).

En ce qui concerne le métabolisme osseux, la déoxypyridinoline augmentait dans les deux groupes (85,7 fi 95 % sous Triac, 52,9 fi 75 % sous Thyroxine) alors que l’óstéocalcine ne présentait pas de variation significative (36,7 fi 123 % avec Triac, 13 fi 91 % avec la Thyroxine). La densité osseuse fémorale diminuait sous Triac comme sous Thyroxine.

La tolérance fonctionnelle était meilleure dans le groupe traité par Triac avec une moindre fréquence d’effets secondaires statistiquement significative (p < 0,01, Tableau III).

TABLEAU I. — Variation de différents paramètres sous traitement par L-Thyroxine ou par TRIAC.

Paramètres

TRIAC

L-Thyroxine

P

Poids corp.

– 5 % (75 vs 71 kgs) + 1 (64 vs 67) <0.01 Fréq. Card.

0 (79 vs 80mn) 0 (79 vs 82) n.s.

Volume thyroïd.

– 37.9 % (6.6 vs 3.6 ml) – 14.5 % (5.1 vs 4.6 ml) <0.08 Tens. Artérielle 0 0 n.s.

Cholestérolémie – 9 (211 vs 193 mg/dl) 0 (225 vs 226 mg/dl) n.s.

HDL-cholest.

0 (52 vs 55 mg/dl) + 14 (48 vs 55 mg/dl) n.s.

LDL-cholest.

-24 (143 vs 109 mg : dl) + 32 (148 vs 137 mg/dl) n.s Triglycérides 0 (112 vs 100 mg/dl) 0 (111 vs 116 mg/dl) n.s.

Apo B – 12 – 0.4 <0.05 SHBG + 92 + 57 n.s.

Ostéocalcine + 8 (6.9 vs 7.5 ng/ml) + 8 (5.7 vs 6.2 ng/ml) n.s.

D-Pyridinoline + 61 (8.6 vs 13.9 nMol) + 8 (9.6 vs 10.4 nMol) n.s.

Densité osseuse – 1 (974 vs 967) – 3 (997 vs 972) n.s.

Les résultats sont exprimés en pourcentage de variations par rapport aux valeurs moyennes initiales.

Les valeurs de p. correspondent à une comparaison inter groupes.

TABLEAU II. — Rapport entre le pourcentage de diminution de la TSH et la diminution du volume du goitre.

% diminution de la TSH % diminution du goitre Groupe TRIAC 99 – 37.9 Groupe LT4 99 – 14.5 Les résultats montrent qu’il n’y a pas de rapport entre l’inhibition de la TSH et la diminution du volume du goitre, quelque soit le traitement par TRIAC ou LT4.

TABLEAU III. — Comparaison de l’incidence d’effets secondaires affectant la tolérance fonctionnelle chez les sujets traités par TRIAC ou LT4.

TRIAC LT4 Palpitations 2 5 Insomnie 2 Chute des cheveux 2 Nervosisme 1 Hypertension 2 Bouffées de chaleur 1 TOTAL 2 13 % de sujets symptomatiques : p<0.01 d’accord au test de Fisher (2/19) (13/17) Sans insomnie, chute de cheveux et hypertension, dans le groupe LT4 nous avons 6/17 = 35,3 % vs.

2/19 = 10.5 %. La différence est encore significative : p<0.01.

DISCUSSION

Nos résultats confirment le pouvoir réducteur du Triac sur la sécrétion thyréotrope, avec deux prises quotidiennes, en accord avec les données de Menegay et al. qui observent la persistance de l’effet freinateur pendant douze heures avec une dose de 1050 µg [10].

La diminution de volume du goitre est beaucoup plus importante chez les sujets traités par du Triac que chez ceux recevant de la Thyroxine. Cette différence conduit à s’interroger sur les mécanismes susceptibles de l’expliquer.

Un freinage plus intense de l’axe pituitaire par le Triac que par la thyroxine ne peut être invoqué puisque les taux plasmatiques de TSH sont identiques dans les deux groupes traités par l’une ou l’autre de ces hormones. Par ailleurs, l’analyse de la littérature met en doute le rôle exclusif de la TSH comme agent goitrigène, bien que son action stimulante sur la croissance folliculaire soit reconnue [20]. D’autres facteurs de croissance du tissu thyroïdien on été isolés [21, 22] et leur rôle dans la goitrigénèse pourrait expliquer l’échec ou l’efficacité réductrice partielle des traitements freinateurs sur le volume des goitres et des nodules thyroïdiens. L’iode contenu dans la molécule de Triac, soit environ 800 µg aux doses utilisées, pourrait il expliquer la supériorité de ce traitement ? Plusieurs études en zones de carence iodée ont montré qu’un supplément d’iode apporté en complément de la thyroxine augmente ses effets antigoitrigènes. Toutefois, le Triac est épuré majoritairement par le foie et l’iode contenu dans sa molécule ne peut accroître très significativement son pool mobilisable. Par ailleurs, l’efficacité d’un apport iodé a été rapportée dans des régions d’endémie goitreuse [23, 24] ce qui n’était pas le cas de nos patientes dont l’iodurie moyenne était de 200 µg/j.

Une action directe de la molécule de Triac sur la glande thyroïde ouvre d’intéressantes perspectives physiopathologiques permettant de mieux comprendre la supé- riorité de son effet réducteur sur le volume des goitres. Il est acquis que les hormones thyroïdiennes peuvent se lier à des récepteurs intra thyroïdiens spécifiques [25-27].

Nous avons montré que le Triac et la Thyroxine inhibent in vitro la synthèse de RNA dans des tranches de thyroïde [26]. La liaison du Triac avec des isoformes de ses récepteurs intra thyroïdiens pourrait être plus importante que celle de la Thyroxine, expliquant ainsi son puissant effet antigoitrigène. DeGroot et Strausser ont démontré que la liaison du Triac aux récepteurs nucléaires hépatiques est plus importante que celle de la T3 avec une très fort affinité [28].

Dans un travail expérimental conduit chez le rat [29], nous avons observé que le Triac avait une action préventive à l’égard de l’hypertrophie thyroïdienne induite par le Méthimazole, supérieure à celle de la T3, malgré des taux plasmatiques de TSH comparables chez tous les animaux. Dans cette étude nous avons pu préciser que le Triac avait un effet inhibiteur sur un enzyme thyroïdien, l’ornithine décarboxylase, qui active la synthèse de polyamines goitrigènes. Ces données apportent des arguments solides à l’hypothèse d’une action directe du Triac sur la glande thyroïde.

L’action extra pituitaire du Triac a fait l’objet de multiples controverses. De nombreux auteurs ont fourni des données cliniques et expérimentales confirmant que cette molécule aurait une action moins intense sur les tissus périphériques que les hormones thyroïdiennes [10-12]. Toutefois, un travail récent [15] fait état d’un effet significatif sur les métabolismes hépatique et osseux.

L’action du Triac sur le tissu adipeux avait conduit à le proposer comme traitement des surcharges pondérales : notre étude met effectivement en évidence une réduction significative du poids des malades traitées par le Triac (Tiratricol) qui ne se produit pas chez les sujets recevant de la Thyroxine ; toutefois, ces résultats demanderaient une confirmation sur une plus large échelle.

Les conséquences de l’hyperthyroïdie sur le cœur sont largement documentées et les effets secondaires d’un traitement freinateur de la TSH par la thyroxine sur le fonctionnement myocardique ont été précisés, entre autres, par Biondi et al. [9].

Plusieurs auteurs ont confirmé la bonne tolérance cardiaque du Triac et sa faible incidence sur le rythme cardiaque [13], sur le remplissage et l’éjection ventriculaires [30]. Chez le rat, le Triac entraîne une hypertrophie cardiaque moindre que celle induite par la T4 ou la T3, malgré une action hépatique comparable [31]. Dans notre étude, nous n’observons pas de différence dans les variations du rythme cardiaque quelque soit le traitement utilisé. Toutefois, la TSH n’était pas parfaitement freinée (0,18 mu/L), contrairement à d’autres protocoles rapportés dans la littérature où elle était abaissée au dessous de 0,05 mu/L ; il est possible qu’une différence dans la fréquence cardiaque soit apparue entre nos deux groupes de patientes, si les doses quotidiennes de Triac et de Thyroxine avaient été accrues pour mieux freiner la TSH.

L’action du Triac sur les fonctions hépatiques est bien documentée [15]. Nous observons une diminution du cholesterol total et LDL, de l’Apo B et une augmentation de la SHBG. La réduction des concentrations plasmatiques de l’Apo B, molécule athérogène, est significativement plus importante sous Tiratricol que chez les sujets traités par Thyroxine. Dans une étude expérimentale chez le rat [28], nous avons mis en évidence que le Tiratricol accroissait beaucoup plus que la T3 les activités hépatiques de l’enzyme malique et de la L-glycérol-3-phosphate déhydrogénase ; cette différence pourrait être liée à une plus grande affinité du Triac pour les isoformes des récepteurs β β prédominant dans le foie et l’os.

1 2 Les conséquences délétères de l’hyperthyroïdie sur l’os sont bien connues, avec un risque fracturaire accru après la ménopause. Les effets préjudiciables de la thyroxine utilisée à des doses suffisamment élevées pour freiner activement la TSH font l’objet de controverses, mais une méta-analyse confirme qu’elle peut induire une perte osseuse chez les femmes ménopausées [32].

Notre étude met en évidence une diminution de la densité osseuse du col fémoral dans les deux groupes traités par Thyroxine et par Triac, sans différence significative entre eux. Dans une expérimentation conduite chez le rat [29] nous avons observé une augmentation de l’activité ostéoclastique chez les animaux traités par Triac sans
diminution significative de la masse osseuse. Les données de la littérature sont hétérogènes : Sherman et al [15] rapportent un accroissement des activités ostéoclastiques et ostéoblastiques. Kawaguchi et al [33] concluent à une action comparable du

Triac et de la T3 sur la libération de 45Ca qui s’avère dose dépendante. Allain [34] et Tarjan [35] signalent une augmentation de la formation et de la résorption osseuse par la T3. Il est difficile de comparer ces travaux dont les divergences peuvent tenir à des différences dans les protocoles, la dose de Triac ou d’hormones thyroïdiennes, la durée de l’étude, le sexe et l’age des patients ou des animaux d’expérience.

La tolérance fonctionnelle à une thérapeutique est un élément important à prendre en compte quand il s’agit d’un traitement très prolongé, dans la mesure ou elle conditionne le confort de vie et la compliance. Nos données confirment la meilleure tolérance du Triac par rapport à la Thyroxine établie à partir de la comparaison des effets secondaires relevés dans les deux groupes de patientes. Cet avantage a été rapporté par d’autres auteurs qui ont proposé le recours préférentiel au Triac dans diverses situations pathologiques justifiant un traitement freinateur de la TSH [36, 37].

En conclusion, notre étude confirme la plus grande efficacité du Tiratricol pour réduire le volume des goitres diffus ou nodulaires et sa meilleure tolérance par comparaison avec la thyroxine. Son tropisme hépatique est multifocal avec une action hypolipémiante importante. Le Triac apparaît comme une intéressante alternative dans tous les états pathologiques appelant un freinage de la sécrétion thyréotrope et la recherche d’un effet antigoitrigène.

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DISCUSSION

M. Claude JAFFIOL

Pensez-vous que le frein thyroïdien puisse avoir un effet immunosuppresseur sur le cours évolutif des thyroïdites auto-immunes ?

Nous n’avons pas observé de variation significative du taux des anticorps antithyroïdiens sous T4. Mais nous n’avons pas fait d’étude avec le Triac.

Bull. Acad. Natle Méd., 2007, 191, no 8, 1705-1715, séance du 13 novembre 2007