Communication scientifique
Session of 6 octobre 2009

Influences du transport aérien sur la santé

MOTS-CLÉS : médecine aérospatiale. santé. véhicules de transport aérien
Air transport, aeronautic medecine, health
KEY-WORDS : aerospace medicine. aircraft. health

Michel Cupa

Résumé

De trente millions de passagers aériens dans le monde en 1950, nous sommes passés en 2006 à trois milliards deux cents millions. Cela engendre des flux migratoires transcontinentaux qui peuvent avoir une influence sur la santé des populations. La mondialisation et l’hétérogénéité des niveaux sanitaires font redouter l’apparition d’épidémies. D’où la prise de mesures particulières concernant récemment le SRAS et la grippe aviaire tant au niveau des aéroports que des aéronefs, ainsi que contre les vecteurs du paludisme et des arboviroses, ce qui conduit à une lutte anti-vectorielle visant à éradiquer les moustiques tant au niveau des aéroports que des aéronefs. A quoi il faut ajouter les mesures territoriales et individuelles (lutte contre les eaux stagnantes, chimiothérapie préventive du paludisme, vaccination et usage de répulsifs). Ces mesures sont détaillées et actualisées dans le règlement sanitaire international qui existe depuis 1851 et dont la dernière mise à jour date du 15 juin 2007. Une autre préoccupation est la protection des passagers et des équipages. Le vol en avion de ligne expose à l’hypobarie (cabine pressurisée à 2 000 m) ce qui ne pose pas problème aux voyageurs sains, mais peut être délétère par exemple chez l’insuffisant respiratoire. Sont envisagés : l’hypoxie relative, l’expansion des gaz, l’air sec, l’ozone, les rayons cosmiques, le mal des transports, le décalage horaire (jetlag) sans oublier l’influence de l’alcool et du tabac et plus récemment le syndrome dit « de la classe économique » responsable de thrombose veineuse et d’embolie pulmonaire. Une nouvelle médecine a vu le jour avec l’aide médicale à bord des aéronefs. Le Comité Européen de l’Aviation Civile a fait des recommandations concernant la formation au secourisme du personnel navigant commercial et a défini l’obligation de matériel médical à bord (trousse secouriste, trousse médicale, défibrillateur). De fait, les statistiques des compagnies aériennes font état d’un incident médical pour vingt mille passagers, d’un décès pour cinq millions de passagers, et d’un déroutement médical pour vingt mille vols en sachant que 40 % de ces déroutements seront a posteriori injustifiés. Dans plus de 80 % des cas il y a un médecin passager à bord des long-courriers mais se pose le problème de sa compétence compte tenu de sa spécialité et de son statut juridique. Avec l’apparition de la télémédecine et l’aide des centres médicaux de régulation au sol qui peuvent être joints par téléphone satellite, on peut améliorer la médicalisation à bord mais pour cela il faudra former les chefs de cabine pour qu’ils deviennent des correspondants médicaux des centres de régulation. Le développement des voyages aériens est inéluctable. La médecine des passagers est facilement maîtrisable avec les moyens modernes de télé-transmission. Les risques épidémiques sont bien plus difficiles à appréhender compte tenu de la complexité des réseaux aériens. Cela ne peut être fait que par une coopération internationale au niveau du Règlement Sanitaire International.

Summary

There were 3.2 billion airline passengers in 2006, compared to only 30 million in 1950. Intercontinental health disparities create a risk of pandemics such as SARS and so-called bird ‘flu. Precautions are now being implemented both in airports and in aircraft, in addition to measures intended to prevent the spread of malaria and arboviral diseases, such as vector eradication, elimination of stagnant water, malaria prophylaxis, vaccination, and use of repellents. These measures are dealt with in international health regulations, which have existed since 1851 and were last updated on 15 June 2007. Flying on an airliner also carries a risk of hypobaria (cabin pressure at 2000 m), which can aggravate respiratory problems. Other problems include relative hypoxia, gas expansion, air dryness, ozone, cosmic rays, airsickness, jet lag, the effects of alcohol and tobacco, and, more recently, deep vein thrombosis (DVT) and pulmonary embolism (PE), collectively known as ‘‘ coach class syndrome ’’. A new type of medicine has appeared, in the form of on-board medical assistance. The European Civil Aviation Committee has recommended first-aid training for cabin crews and onboard medical equipment such as first-aid kits and defibrillators. Airline statistics show that one in-flight medical incident occurs per 20 000 passengers, as well as one death per 5 million passengers and one medical reroute per 20 000 flights (40 % of reroutes turn out to be unjustified). More than 80 % of long-haul flights have a physician travelling on board. However, depending on his or her specialty, problems of competence and legal responsibility may arise. Ground-based medical centers can provide help via satellite telephone, but this implies the need for airline staff training. International cooperation is the only way to minimize the health risks associated with the growth in global air travel.

INTRODUCTION

Depuis les années 1950, le transport aérien s’est largement développé. On compte un gain d’environ 30 millions de passagers par an. En 2006, le nombre total de passagers a été de 3 milliards 200 millions. Il s’agit, aujourd’hui, de flux migratoires très importants qui comportent des nœuds de concentration au niveau des aéroports. Ainsi par exemple, l’aéroport d’Atlanta, dont le flux migratoire est le plus important au monde, accueille plus de 100 millions de passagers par an. L’aéroport Charles De Gaulle à Roissy comptabilise pour sa part un passage de 60 millions de passagers par an. De plus, à bord, les cabines sont de plus en plus vastes. Si dans les années 50, le Constellation comprenait 45 sièges, aujourd’hui l’Airbus A 380 en comporte plus de 800.

 

Compte tenu de cette densité de population, le transport aérien pose des problèmes médicaux collectifs, en particulier en ce qui concerne la contamination et la transmission de maladies infectieuses (développement d’épidémies locales, régionales et mondiales), sachant que jusqu’à présent, aucune épidémie mondiale n’a été recensée par l’OMS.

Le transport aérien, doit d’une part assurer aux passagers des conditions qui permettent de respecter sa physiologie (nous verrons que les cabines modernes limitent au maximum les contre-indications au vol) et d’autre part garantir des soins à bord pour les passagers qui peuvent présenter un problème médical en vol. La formation des personnels navigants au secourisme, mais aussi l’évolution de la prise en charge par la télé-médecine permettent d’obtenir ces garanties.

DISPERSIONS DES MALADIES, ÉPIDÉMIES

Les nœuds de concentration, la mondialisation et l’hétérogénéité des niveaux sanitaires font redouter l’apparition d’épidémies. Deux alertes, l’une liée au SRAS et l’autre à la grippe aviaire ont provoqué récemment une mobilisation et la révision complète du Règlement Sanitaire International (RSI). D’autre part, les voyages aériens ont favorisé l’extension du SIDA, du paludisme et des maladies émergentes dues aux arbovirus (fièvre jaune, dengue, chikungunya, fièvre du Nil, fièvre de la vallée du Rif). Le vecteur de ces arbovirus comme pour le paludisme est le moustique. Cela a conduit à une lutte contre les moustiques dans les aéroports, dans les avions et en matière de recommandations de protection individuelle. Après l’examen du RSI, nous exposerons les mesures qui ont été décidées à l’encontre de la grippe aviaire et celles qui ont été prises contre les moustiques, car elles nous paraissent exemplaires.

Règlement sanitaire international (RSI)

La première conférence sanitaire internationale s’est tenue à Paris en 1851 après les épidémies européennes de choléra de 1830 et de 1847, mais ce n’est qu’après la Seconde Guerre mondiale que fut mis en place le RSI avec pour objectif principal la lutte contre les cinq grandes maladies épidémiques : choléra, peste, fièvre jaune, variole, typhus. Plus récemment, la lutte contre les fièvres hémorragiques (Ebola et Marbourg, puis le SRAS et la grippe aviaire).

La dernière réévaluation du RSI date du 15 juin 2007. La coordination avec les différentes agences de l’ONU, en particulier avec l’OMS et l’OACI, est depuis lors imposée à tous les États. Ceux-ci doivent prévoir dans des plans d’actions l’ensemble des mesures permettant de pratiquer une veille épidémique et le cas échéant d’avoir les moyens sanitaires nécessaires capables de combattre une épidémie si elle venait à se déclarer.

Les nouveaux objectifs du RSI sont « de prévenir la propagation des maladies, de s’en protéger, de la maîtriser et d’y réagir par une action de Santé publique proportionnée et limitée aux risques qu’elle présente pour la Santé publique en évitant de créer des entraves au trafic et au commerce internationaux ». Il prévoit, en particulier, un comité d’urgence (voir en annexe le logigramme).

Mesures prises à l’encontre de la grippe aviaire

Cette menace d’épidémie a mobilisé les épidémiologistes, les chercheurs en virologie ainsi que les structures sanitaires. A ce titre, les mesures de protection à l’encontre de la grippe aviaire ont été exemplaires et elles ont permis un élargissement et une restructuration du RSI. Des épidémies de grippe maligne ont lieu régulièrement. En 1916 la grippe espagnole fit vingt millions de morts ; plus récemment, si la grippe de Hongkong et la grippe asiatique ont été responsables d’épidémies moins importantes, la grippe aviaire a renouvelé le risque d’une épidémie potentielle [1].

Au niveau aérien trois types de mesures ont été prises :

— Aéroports L’objectif est de ne pas embarquer de passagers suspects (détection d’une hyperthermie par l’utilisation de caméra thermique). Le passager fait alors l’objet d’une visite médicale avant l’embarquement. Ces mesures sont difficiles à appliquer en dehors d’épidémie déclarée compte tenu des aspects humains et commerciaux [2].

— Aéronefs Le personnel naviguant est formé aux mesures à prendre à bord lorsqu’un passager est suspect de grippe aviaire. Compte tenu du système de ventilation des cabines, les mesures concernent la restriction d’utilisation des trois rangs en avant et en arrière du passager malade. Il a été admis que le malade doit porter un masque chirurgical, la contamination se faisant pas voie aérienne. Le personnel s’occupant de ce passager doit porter un masque de type FPT2 (masque qui filtre l’air inspiré). Par ailleurs une réserve de Tamiflu est présente à bord [3].

RTI Le règlement du transport international fixe les mesures à mettre en place.

 

Mesures prises à l’encontre de la contamination par les moustiques

Nous assistons à l’expansion des maladies vectorielles dont sont responsables en première ligne les moustiques ainsi que les mouches, les tics, les puces, les punaises et les poux. Ces vecteurs transfèrent des parasites, le paludisme et certaines filarioses et des virus en cas d’arboviroses. Pour certains auteurs leur prolifération est liée au réchauffement climatique et à la résistance aux insecticides.

Paludisme

Il est déclaré annuellement en France six cents cas de paludisme d’importations ce qui justifie une information des voyageurs sur les risques dans certains pays et sur la prophylaxie à entreprendre [4]. Le paludisme autochtone concerne des moustiques transportés par avion qui vont infecter une personne autour d’un aéroport.

Soixante-dix huit cas de ce genre ont été recensés en France depuis 1998. Pour le paludisme le RSI a pris des mesures anti-vectorielles (anophèle).

 

Arboviroses

Les vecteurs responsables sont

Aedes albopictus , Aedes egyptis, Culex pipien fatigans. Les arboviroses comprennent :

la fièvre jaune dont la zone d’endémie comprend l’Afrique et l’Amérique du Sud.

On craint cependant une possibilité de développement en Inde et en Chine. En 2005, 206 000 cas ont été déclarés. Il y a eu 52 000 décès. Le traitement est symptomatique. La vaccination des passagers pour les régions infectées est obligatoire. La protection prend effet dix jours après l’injection et dure dix ans (vaccination déconseillée chez la femme enceinte).

les dengues dont la zone d’endémie se situe dans toutes les zones tropicales (cent pays). Le traitement est symptomatique. Il n’existe pas de vaccin. Cent pays sont touchés et 400 000 cas de dingues sont déclarés par an et 30 000 décès.

le chikungunya dont la zone endémique recouvre l’Afrique de l’est et du sud-est,

Madagascar, il ya aussi des cas dans l’Océan Indien. Il existe des risques en Italie et en France, dans la mesure où A edes albopictus est présent dans ces pays. Le réchauffement climatique peut permettre le développement du virus lors de l’importation d’un patient atteint. A la suite de l’épidémie récente dans l’île de la Réunion 30 % de la population a été atteinte. C’est en général une maladie bénigne mais très douloureuse associant fièvre et arthralgies pouvant perdurer plusieurs mois après la guérison. Quelques cas d’évolution défavorable ayant entraîné le décès du patient ont été signalés chez les personnes âgées. Il n’existe ni vaccin, ni traitement spécifique.

— le Virus West Nile ou virus du Nil occidental dont la zone d’endémie se trouve en

Afrique, Moyen-Orient, Inde et Bassin méditerranéen. La maladie peut provoquer des encéphalites aboutissant au décès ou à des séquelles graves. En 2003 quelques cas ont été relevés dans le Var.

la fièvre du Rift (FVR) dont la zone d’endémie est l’Afrique. Il s’agit d’une méningo-encéphalite avec des troubles hémorragiques. Il existe un vaccin.

L’ensemble de ces maladies impose la lutte anti-vectorielle [5]. Celle-ci comprend trois formes de mesures : démoustication aéroportuaire, lutte anti-vectorielle à bord des aéronefs et mesures individuelles.

Les mesures prises pour lutter contre les vecteurs sont de deux ordres : à l’extérieur des aéronefs et à bord.

Démoustication aéroportuaire

Il est pratiqué un assainissement du milieu de toutes les eaux stagnantes (mares, récipients inutilisés, pneus usagers). A cela s’associe des pulvérisations régulières d’insecticides. Comme le prévoit le RSI, elles sont pratiquées à au moins quatre cents mètres autours des zones aéroportuaires.

 

Lutte anti-vectorielle à bord des aéronefs

Cette lutte nécessite l’observation du RSI qui impose l’utilisation d’aérosol en bombe composé de 2 % d’insecticide (pyréthrinoides de synthèse) et 98 % de fréon.

Ces aérosols sont ininflammables et non toxiques aux doses prescrites pour les personnes. Les doses sont choisies en fonction du type d’avion (exemple pour un Bœing 747 : trois bombes de cent quarante grammes). Les bombes utilisées doivent être visibles lors des contrôles. Cette manœuvre peut se faire avant le décollage, portes fermées (nommée : désinfection cales enlevées), ou au sol avant l’arrivée.

Sinon, le traitement rémanent est moins utilisée, car il faut immobiliser l’avion sans passagers durant trois heures. Il s’agit de pulvériser le même type d’insecticide en brouillard (la quantité d’aérosol et le temps d’exposition dépend du volume de la cabine). Ce traitement doit être renouvelé toutes les trois semaines et fait l’objet d’un certificat conforme au modèle du RSI.

Mesures individuelles : elles imposent l’utilisation de vêtements protecteurs (manches longues, pantalons longs) et l’utilisation de moustiquaires en dehors des zones climatisées [6]. Les zones cutanées exposées doivent être recouvertes de répulsifs (leur durée d’action est de deux à trois heures) ; il convient ne pas dépasser trois applications par jour, cette prescription est exclue chez des enfants de moins de trente mois. Quatre produits répulsifs sont utilisés : le DEET*, l’Icaridine*, l’IR 3535* et le Citrodiol*.

PROTECTION DES PASSAGERS ET DES ÉQUIPAGES

Pressurisation des cabines À l’altitude de croisière, soit 11 000 à 12 000 mètres (FL 360 à 400), la pression cabine est ramenée à une altitude située entre 1 800 et 2 400 mètres. Cela entraîne une diminution de la teneur en oxygène (hypoxie) et une augmentation de volume des gaz dans les espaces clos de l’organisme. A cette altitude, on comprime et réchauffe l’air extérieur (-56°). Cet air est sec et stérile. Des filtres micropores éliminent les bactéries et la plupart des virus (0,3 µ). Le renouvellement d’air de la cabine est réalisé à partir de 50 % d’air extérieur et 50 % d’air cabine recyclé.

Oxygène et hypoxie Les effets de l’altitude cabine (pO2 = 60 mmHg et saturation 90 %) sont chez les passagers en bonne santé parfaitement compensés compte tenu de la courbe de dissociation de l’hémoglobine qui présente un plateau [7]. Pour ceux qui présentent des affections de types cardiaques, pulmonaires ou d’anémie, une consultation pourra être nécessaire. Certaines compagnies mettent à disposition des bouteilles d’oxygène. On peut aussi utiliser des extracteurs d’oxygène, mais ceci nécessite une source d’électricité (batterie). En cas de décompression brutale, voire explosive, des masques à oxygène tombent du plafond ce qui permet d’avoir une oxygénation à 4 litres/minute le temps que l’avion redescende à une altitude inférieure à 3 000 mètres.

 

Expansion des gaz

La pression barométrique baisse avec la montée en altitude et augmente lors de la descente. Ceci a une conséquence sur les gaz emprisonnés au niveau des cavités naturelles. Pour cela on limite la variation de la cabine à 300 pieds minutes (1,5 m/seconde) tant à la montée qu’à la descente. Au niveau de l’oreille moyenne, à la montée les gaz augmentent de volume et à la descente si la trompe d’Eustache est obstruée (par exemple en cas de rhume) l’air ne pouvant s’écouler, une douleur, voire une otite barotraumatique peuvent apparaître. D’où la manœuvre de Valsalva et pour les bébés l’intérêt de leur faire sucer une tétine. Des douleurs au niveau des sinus et des dents (si celles-ci ont été mal obstruées) peuvent également se manifester.

Enfin au niveau des intestins une gêne importante peut se produire à la montée (d’où la recommandation de ne pas transporter les opérés de l’abdomen avant quelques semaines.) Humidité Comme l’air pris à l’extérieur l’air est sec (l’humidité est inférieure à 3 %, peut arriver à 10 % en fin de voyage compte tenu de la vapeur d’eau rejetée par les passagers). Contrairement aux idées reçues cela n’a pas d’influence sur l’hydratation générale mais cela provoque une gêne au niveau oropharyngé et au niveau oculaire en particulier ; il est alors déconseillé de garder des lentilles en avion [8].

Ozone Les avions modernes disposent de convertisseurs catalytiques qui dissocient l’ozone.

Par ailleurs le fait de réchauffer l’air à 200° améliore aussi la situation.

Rayons cosmiques Ils sont plus intenses au niveau des pôles, d’où des précautions particulières prises pour les équipages (limitation du nombre de vols transpolaires, surveillance par le système Sievert). Les passagers volant moins que les équipages n’ont quant à eux pas de problème [9].

Syndrome de « la classe économique » En fait, les thromboses veineuses touchent toutes les classes (non spécifiques au transport aérien). Ce syndrome est dû à l’immobilité. On recommande les déplacements en cabine et une gymnastique appropriée (conseillée sur les vidéos de bord).

Le port de bas de contention peut être utile pour les vols supérieurs à six heures.

Pour les passagers présentant un risque de thrombose ils doivent consulter leur médecin qui pourra éventuellement prescrire une héparine de bas poids moléculaire [10, 11].

Mal des transports Les passagers susceptibles de ce type de pathologie (non spécifique au transport aérien) doivent consulter leur médecin qui leur conseillera un médicament adapté.

 

Alcool et tabac Le tabac est interdit dans les avions, mais ce sevrage peut provoquer anxiété et irritabilité (antinicotiniques conseillés préalablement au vol). Pour ce qui concerne l’alcool, la consommation doit être modérée, car les effets sont majorés par l’hypoxie de l’altitude cabine [12].

Plongée Il est conseillé d’attendre douze, voire vingt-quatre heures, après la dernière plongée pour éviter l’aéroembolisme qui peut provoquer des arthralgies, voire des blocages articulaires.

Décalage horaire (jet lag)

Aucun médicament n’est efficace (mélatonine). Il faut respecter une hygiène de vie, nourriture saine et pas trop abondante, pas ou peu d’alcool. L’adaptation est plus difficile dans les voyages ouest/est.

Aspects psychologiques Les mesures de sûreté ont augmenté les difficultés d’embarquement au niveau des aéroports, ce qui provoque parfois un stress important. Pour ce qui concerne proprement le vol, 30 à 40 % des voyageurs continuent à avoir peur (certaines compagnies proposent des stages afin de combattre cette appréhension). Sous l’effet du stress, de l’alcool et de l’interdiction de fumer, certains passagers peuvent présenter des états d’agitation importants.

Cas des passagers présentant des problèmes particuliers Conformément au RSI, les compagnies aériennes doivent refuser à bord tous malades contagieux. Les nourrissons ne peuvent voyager que sept jours après la naissance ; les femmes enceintes, jusqu’à la trente-sixième semaine ou la trentedeuxième semaine dans le cas d’une grossesse gémellaire. Un certificat médical est exigé qui indiquera la date du début de la grossesse.

Maladies préexistantes Il ne s’agit pas de transporter des malades accompagnés d’un médecin [13], mais de passagers présentant une infection médicale et voyageant seuls. Ces passagers devront êtres autonomes durant le vol, en particulier s’ils ont besoin d’oxygène ou de médicaments. Rappelons que l’oxygène peut être fourni par certaines compagnies [14].

Pour ce qui est des problèmes de sûreté, les passages présentant un pace-maker, un défibrillateur automatique ou du matériel médical nécessaire durant le vol devront avoir une ordonnance s’il s’agit de médicaments ou un certificat médical décrivant l’appareillage.

 

Passagers handicapés Ils doivent pouvoir être autonomes, en particulier en cas d’évacuation sinon il faut un accompagnant. La plupart des compagnies ont maintenant un service adapté aux passagers handicapés.

AIDE MÉDICALE À BORD

Le Comité Européen l’Aviation Civile (CEAC) et les recommandations européennes prévoient d’une part la formation du personnel navigant au secourisme médical et d’autre part, la présence à bord de matériel médical, à savoir :

— Une trousse secouriste qui peut être utilisée par le personnel navigant commercial.

— Une trousse médecin qui est à utiliser par un médecin passager dûment reconnu (carte professionnelle).Sur les vols longs courriers, des études ont montré que dans 80 % des cas un passager médecin se trouvait à bord [15], mais celui-ci n’a pas toujours les compétences requises en médecine d’urgence ce qui a conduit certaines compagnies à lister les médecins compétents en urgences qui volent régulièrement.

— Un défibrillateur : les personnels navigants commerciaux (PNC) sont habilités à les utiliser. Ils équipent la plupart des compagnies et sont obligatoires aux États-Unis.

Au sujet des urgences médicales à bord, les statistiques médicales de la compagnie Air France dénombrent un incident médical pour 20 000 passagers. Un décès imprévisible pour cinq millions de passagers. Parfois, l’urgence médicale nécessite un déroutement, un pour 20 000 vols, mais dans 40 % des cas ces déroutements s’avèrent injustifiés.

En ce qui concerne le problème juridique, en France, en Belgique, en Espagne, en Italie et au Japon, une loi concernant la non-assistance à personne en danger s’applique. Le médecin a une obligation de porter secours. En cas de responsabilité civile il sera pris en charge par l’assurance de la compagnie [16]. Aux Etats-Unis et dans le monde anglo-saxon il n’y a pas d’obligation. Mais si le médecin intervient, il ne sera pas poursuivi (loi dite du bon Samaritain).

Pour avoir des soins de meilleures qualités à bord et pour éviter les déroutements abusifs, il faudra mettre en place un système de télémédecine par liaison satellite permettant l’envoi de données médicales vers un centre d’écoute médicale. Nous avons vu qu’il n’y a pas toujours un médecin à bord. D’où la proposition de former parmi les PNC un « correspondant médical de bord » qui pourrait faire la liaison entre l’éventuel médecin ou soignant passager et le centre de régulation médicale, sachant qu’en dernier recours c’est toujours le commandant de bord qui restera maître de la décision en particulier lors d’un éventuel déroutement. Ce correspon- dant médical de bord devra savoir se servir du matériel de télétransmission. Comme celui qui existe déjà à bord de certains bateaux, ce matériel permet de transmettre la pression artérielle, l’oxymétrie, l’électrocardiogramme, la température et des images par caméra. Au vu des paramètres transmis, le médecin régulateur au sol pourra conseiller le traitement adapté, voire la nécessité d’un éventuel déroutement qui devra être préparé afin qu’il y ait un accueil médical de qualité, mais aussi un accueil logistique, un gros porteur ne pouvant dérouter n’importe où dans le monde que si ces deux conditions sont requises. D’où la nécessité d’une relation triangulaire, entre l’avion, le centre opérationnel de la compagnie chargée de la faisabilité technique et logistique du déroutement et le centre d’écoute médical qui doit prévoir l’accueil médical. Les médecins régulateurs de ce centre devront avoir une double culture médicale de médecine d’urgence et de médecine aéronautique. C’est le Professeur Maurice Cara qui a introduit cette procédure depuis 1975 pour la compagnie Air France, mais à l’époque les liaisons radio de type BLU ne permettaient pas la transmission de données.

Par ailleurs sur les gros porteurs type AIRBUS A380 un espace médical sera aménagé permettant l’examen, les soins et la télétransmission.

CONCLUSION

Le développement des voyages aériens est inéluctable. La médecine aux passagers est facilement maîtrisable avec les moyens modernes de télé-transmission. Les risques épidémiques sont bien plus difficiles à appréhender compte tenu de la complexité des réseaux aériens. Cela ne peut être fait que par une coopération internationale au niveau du Règlement Sanitaire International.

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[3] LAFORCE L.M., NICHOL K.L., COX N.J. — Influenza: virology, epidemiology, disease, and prevention . Am. J. Prev. Med., 1994 , 10(Suppl), 31-44.

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[6] NOZAIS J.P., DATRY A., DANIS M. — Traité de parasitologie médicale,

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France, 1996.

[7] BAUDOUIN G., PASQUET B. — Recommandations médicales pour le voyage aérien. Conc. Med. , 1997, 119(25), 1824-1937.

[8] Recommandations sanitaires pour les voyageurs 2004. BEH no 26-27/2004.

[9] COTTREL J.J. — Altitude exposures during aircraft flight. Chest, 1988, 93 (1) , 81-84.

[10] The very large airplane: safety, health, and comfort considerations. Air Transport Medicine Committee, Aerospace Medical Association. Aviat. Space Environ Med ., 1997 Oct., 68(10) , 943-6.

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[12] PHIBRICK J.T., SHUMATE R., SIADATY M.S., BECHER D.M. — Air travel and Venous thromboembolism: a systematic review. Society of general internal medicine. 2007, 22 , 107-14.

[13] SCHWARZ T., SIEGERT G., OETTLER W., HALBRITTER K., BEYER J., FROMMHOLD R., GEHRISCH S., LENZ F., KUHLISCH E., SCHROEDER E., SCHELLONG S.M. — Venous thromboembolis after long-haul flights. Arch. Intern. Med ., 2003 Dec 8-22, 163(22), 2759-64.

[14] CRAWFORD W.A, HOLCOM L.C. — Environment tobacco smoke (ETS) in airliners-a health hazard evaluation. Aviat. Space Environ Med., 1991, 62, 580-586.

[15] Flying fitness of patients with neurologic diseases-aircraft travel and the central nervous system Wien Med. Wochenschr, 2002, 152 (17-18), 466-8. German [16] Voyage aérien et maladies respiratoires, à l’exclusion de la pathologie infectieuse — Recommandations de la Société de Pneumologie de Langue Française, de la Société Belge de Pneumologie, et de la Société de Médecine des Voyages daté de 2007.

[17] DEDOUIT F. et coll . — Medical liabilities of the french physician passenger during a commercial flight.

Med. Sci. Law , 2007, 1 , 45-50.

[18] Weekly epidemiological record — Relevé épidémiologique hebdomadaire 27 may 2005, 80th Year/ 27 mai 2005, 80e année, No. 21, 2005, 80 , 181-192.

[19] Medical assistance by doctors on board an aircraft —

Ned Tijdschr Geneeskd . 2006 Mar 25, 150(12), 660-4. Review.

 

DISCUSSION

M. Yves CHAPUIS

Puisque la règle sur les avions d’Air France n’est pas la même que sur les appareils américains, dans l’éventualité du besoin de l’intervention d’un passager médecin, pouvez- vous préciser les conditions de sa couverture en responsabilité et plus particulièrement celle qui se pose lorsqu’il s’agit d’un médecin à la retraite dépourvu de ce fait d’assurance professionnelle ?

En France, la non assistance à personne en danger s’applique. Tout citoyen doit prêter assistance, y compris les médecins retraités. Ils sont alors pris en charge par l’assurance de la compagnie aérienne. Aux USA, la loi du Bon Samaritain s’applique. Il n’y a pas d’obligation à porter secours, le médecin a le choix mais s’il engage une action médicale, la loi annule toute poursuite judiciaire .

 

M. Jean-Claude CHAUSSAIN

Quelle est la fréquence des phlébites et embolies pulmonaires après un voyage aérien ?

Les derniers travaux font état chez les voyageurs ne présentant pas de risques particuliers d’une incidence de thrombose des membres inférieurs symptomatiques : — Pour les vols <5 000 km : 0,11 par million de passagers, — Pour les vols >5 000km et < à 7 500 km : 0,4 par million de passagers, — Pour les vols >7 500 km et < 10 000km : 3,66 par million de passagers, — Pour les vols > 10 000km : 4,77 par million de passagers.

 

<p>* Conseil médical de l’Aéronautique civile, 93 boulevard du Montparnasse, 75006 — Paris, e-mail : michel.cupa@aviation-civile-gouv.fr Tirés à part : Docteur Michel CUPA, même adresse Article reçu le 3 mars 2008, accepté le 16 mars 2009</p>

Bull. Acad. Natle Méd., 2009, 193, no 7, 1619-1631, séance du 6 octobre 2009