Communication scientifique
Session of 15 mai 2001

Influence des vaccinations sur l’épidémiologie des maladies infectieuses

MOTS-CLÉS : adulte.. coqueluche. épidémiologie. rougeole. vaccination
Effect of immunizations on the epidemiology of infectious diseases
KEY-WORDS : adult.. epidemiology. measles. vaccination. whooping

P. Bégué

Résumé

Après quelques décennies de vaccination, certaines maladies infectieuses peuvent changer leurs caractéristiques cliniques ou épidémiologiques, en particulier par un glissement de l’âge vers l’adulte. Quatre exemples illustrent cette évolution. La vaccination contre la rougeole a une couverture insuffisante en France (80 %), ce qui provoque un recul de l’âge moyen et une augmentation importante des cas d’adolescents et d’adultes jeunes, chez qui la rougeole est plus grave. Une deuxième dose de vaccin et un rattrapage devraient éviter une épidémie, mais le foyer de rougeoles français persiste (17 954 cas en 1999) et menace les sujets non vaccinés et réceptifs dont beaucoup sont des adultes. La rubéole pose un problème similaire, avec deux épidémies (1993 et 1997) ayant entraîné une remontée du nombre de rubéoles congénitales. Un gros effort pour élever la couverture vaccinale au-delà de 90 % est nécessaire en France vis-à-vis de ces deux maladies. La coqueluche connaît une résurgence en France malgré un bon vaccin et une bonne couverture vaccinale. Des coqueluches surviennent en effet chez des adultes parfois anciens vaccinés qui contaminent de jeunes nourrissons non encore protégés. Cette baisse de l’immunité anticoquelucheuse dans la population âgée nécessite des rappels dans l’enfance (11-13 ans) et peut-être à l’âge adulte, possibles grâce aux nouveaux vaccins coquelucheux acellulaires, bien tolérés. La vaccination de la varicelle non encore conseillée en France pose un problème de choix et de stratégie, car, en cas de couverture vaccinale insuffisante, il existe un risque de voir progresser les varicelles de l’adulte. Ces quatre vaccinations démontrent par les échecs et les difficultés rencontrées en France et dans d’autres pays que la surveillance de la vaccination et de la maladie est plus que jamais indispensable. En effet, seule une surveillance complète clinique, biologique et épidémiologique peut déceler à temps les modifications de stratégie nécessaires en politique vaccinale. La modélisation mathématique peut beaucoup aider à ces prévisions, à condition de disposer de données nationales, actualisées et exploitables.

Summary

Immunizations may progressively modify the epidemiology and the clinical features of some infectious diseases, partially explained by a shift of ages towards adults. For measles, the coverage in France is low (80 %) and mean age of measles cases has raised from 7 to 9 years (40 % of cases are more than 10 years old). Measles may be more severe diseases in adolescents and adults, and for this reason a second dose of MMR vaccine has been recommanded using a predictive mathematical model of measles epidemiology. Nevertheless, an important focus of measles remains in France (17 954 cases in 1999) and the risk of outbreaks in adolescents and adults is always present if immunization coverage for 24 months infants and catch-up are not improved quickly. Rubella has the same profile, with two outbreaks in young adults (1993 and 1997) followed by a peak of congenital rubella. Pertussis immunization has always been well applied in France. Resurgence started in the 90’s, with pertussis in young adults (some being immunized in infancy) who transmitted pertussis to very young infants, not yet properly immunized. The situation requires a better immunity for old children and adults. For this reason, a booster is recommanded in France at 11-13 years, and perhaps in adult later, these late boosters are practicable with the new acellular pertussis vaccines. Varicella vaccine is not in the french immunization schedule, for the same argument of risk of varicella in adults in cases of insufficiency of the coverage. Now USA recommend the vaccine in children, but a strong surveillance has been established. Those four examples observed in the french recent immunization policy emphazise the necessity for a stronger and new surveillance of immunizations and infectious preventible diseases.

Après plusieurs décennies de vaccination, la présentation clinique et le profil épidé- miologique de certaines maladies infectieuses ont changé, souvent sous l’effet d’un déplacement des tranches d’âge vers l’adulte. Les causes en sont variées, dominées par une insuffisance de la couverture vaccinale et/ou une perte totale ou partielle de l’immunité post-vaccinale.

Les modifications d’un profil épidémiologique et/ou des signes cliniques d’une maladie infectieuse à prévention vaccinale ne peuvent être appréhendés qu’à l’aide d’une surveillance de très bonne qualité. En général, ce n’est qu’après plusieurs années de vaccination qu’une surveillance attentive et adéquate fait ressortir les « déviances » épidémiologiques et cliniques d’une maladie que l’on aurait pu croire aisément jugulée, voire éradiquée. Les conséquences qu’engendrent ces modifications ont un impact direct sur la politique vaccinale, étroitement dépendante aujourd’hui de cette veille épidémiologique. Cette vigilance doit se mettre en place en même temps que la décision vaccinale. Trop souvent, en effet, les premiers résultats encourageants d’une nouvelle vaccination, « lune de miel » des vaccinologues, font retarder les mesures de surveillance qui sont complexes et toujours onéreuses.

Nous voudrions démontrer l’actualité de ces transformations à partir de quatre maladies dont la stratégie vaccinale est particulièrement complexe : la rougeole, la rubéole, la coqueluche et la varicelle.

LA ROUGEOLE : UNE MALADIE INFANTILE QUI POURRAIT MENACER L’ADULTE

Les États-Unis ont été les premiers des pays industrialisés à généraliser la vaccination contre la rougeole dès 1963. Après un effondrement spectaculaire des cas entre 1964 et 1970, des épidémies se sont à nouveau produites. Leur analyse faite par les épidémiologistes américains, aurait pu susciter des réflexions plus précoces à l’échelon des autres pays occidentaux.

La première épidémie de Saint-Louis, en 1970, atteignait de jeunes enfants dont beaucoup étaient vaccinés. Les pédiatres américains écrivent dès cette date que, sans une modification radicale de la politique vaccinale, l’éradication de la rougeole est problématique [1]. En effet, la première injection à 12-15 mois d’un vaccin de la rougeole, même efficace et bien conservé, n’entraîne pas une séroconversion efficace ni une protection chez 100 % des enfants, puisque 5 % environ n’ont pas de réponse sérologique. En 1976, une autre épidémie atteignit cette fois des adolescents et des étudiants, ce qui suscita un renforcement important de la politique vaccinale afin de protéger plus de 95 % des enfants. Malgré cela, plusieurs épidémies se succédèrent, avec, respectivement,15 610 et 24 206 cas en 1989 et 1990 [2, 3].

Durant ces deux flambées épidémiques, on assista à la multiplication des cas chez les adultes de plus de 19 ans (maximum entre 20 et 24 ans), cinq fois plus en 1989 et dix fois plus en 1990 que les années précédentes (1981-1988) : au total 22 % des cas de rougeole étaient survenus chez des adultes. La courbe des âges des cas de rougeoles américains en 1989 montre un pic avant 12 mois chez les non vaccinés et surtout un second pic entre 12 et 20 ans, chez des malades qui ont été pour la plupart antérieurement vaccinés [3]. La rougeole de l’adulte est donc une résultante de l’insuffisance de couverture vaccinale et d’une politique de rattrapage lente et irrégulière.

La rougeole de l’adolescent et de l’adulte

Bien qu’exceptionnelle avant l’ère de la vaccination, la rougeole de l’adulte avait déjà été observée chez des patients ayant passé leur enfance dans des localités isolées et à l’abri des maladies infantiles éruptives. A. Trousseau en rapporte des observations dans ses Cliniques [4]. Durant la Première Guerre mondiale, on dénombra 96 817 cas de rougeoles dans l’Armée américaine, dont 2 367 décès [5]. A. Laporte fait des constatations similaires et insiste sur les caractères particuliers à la rougeole de l’adulte : incubation prolongée, catarrhe moins prononcé, éruption très importante rappelant souvent la scarlatine, signes nerveux très marqués [6]. Plusieurs publica-
tions récentes ont aussi insisté sur la plus grande sévérité de la rougeole à l’âge adulte. Les pneumopathies sont fréquentes et surtout mal tolérées avec une hypoxie possible nécessitant un séjour en réanimation [7, 8]. La fièvre élevée, les signes toxiques, l’évolution longue sont rapportées par plusieurs équipes. Dans une série de 3 220 rougeoles chez des recrues de l’US Air Force, Gremillion rapporte 106 pneumopathies sévères, surinfectées dans 30 % des cas et hospitalisées 14 jours en moyenne. Cependant, la guérison est obtenue et la mortalité est rare [9].

Les signes hépatiques sont fréquents, dans un tiers des cas, sous l’aspect d’une hépatite biologique ou clinique de bon pronostic [10].

Dans une récente épidémie de rougeole en Grèce atteignant 126 adultes (moyenne d’âge 20 ans), 79 ont été hospitalisés pour des pneumopathies graves et/ou une hépatite, mais sans cas de décès [11].

Ces complications sont donc responsables d’un taux élevé d’hospitalisations rejoignant par-là les taux d’hospitalisation des nourrissons. Lors des épidémies américaines de 1989 et 1990, 8 707 malades furent hospitalisés pour rougeole dont 22 % d’adultes. Les décès, au nombre de 130, sont survenus soit chez des enfants de moins de 5 ans (70 %), soit chez des adultes (22 % et 30 % des décès en 1989 et 1990 respectivement).

Insuffisance de couverture vaccinale en France et rougeoles d’adulte

La gravité de la rougeole chez l’adolescent et chez l’adulte justifie la crainte de voir survenir des épidémies dans les pays occidentaux où la couverture vaccinale continue de stagner.

En dépit des campagnes annuelles pour promouvoir la vaccination ROR depuis 1990, la couverture vaccinale est stagnante en France depuis 1993, estimée à 82 % en 1999 chez les nourrissons de 2 ans. La vaccination contre la rougeole est très efficace et, en théorie, une seule injection devrait suffire pour éliminer cette maladie dont le réservoir est purement humain. Mais la rougeole possède une contagiosité supé- rieure à celle de la varicelle et des oreillons, ce qui nécessite une couverture vaccinale proche de 100 %. Cette exigence tient compte du fait que 3 à 5 % des nourrissons correctement vaccinés à 13 mois n’ont pas de réponse sérologique et que l’efficacité vaccinale est de 90 à 95 %. En laissant stagner une couverture vaccinale insuffisante, on risque de voir survenir de plus en plus de rougeoles d’adolescents et d’adultes.

Depuis près de 10 ans, les sujets non vaccinés et n’ayant pas rencontré la rougeole se sont accumulés, auxquels il faut ajouter les nourrissons vaccinés mais n’ayant pas eu de séroconversion, soit 5 % environ des vaccinés, donc 10 à 20 000 enfants.

Certes, il n’y a plus actuellement de grandes épidémies de rougeole (600 000 à 700 000 cas par an avant la vaccination), mais l’incidence de la maladie est passée de 88 cas pour 100 000 en 1994 à 141 cas pour 100 000 en 1997, d’après le réseau télématique de surveillance des médecins sentinelles [12]. Actuellement, le nombre de cas de rougeoles semble en régression mais l’accumulation des sujets susceptibles

FIG. 1. — Évolution de l’âge de la rougeole en France (d’après les données du Réseau national de surveillance des médecins sentinelles).

demeure importante. D’autre part, l’âge médian des rougeoles s’élève, passant de 7 à 9 ans entre 1994 et 1997 : aujourd’hui plus de 40 % des cas de rougeole ont plus de 10 ans (Fig. 1).

La couverture vaccinale est hétérogène, plus élevée au Nord qu’au Sud de la France.

Si la rougeole a pratiquement disparu de zones à forte couverture comme la région parisienne, il persiste des foyers de plusieurs milliers de cas de rougeole – en particulier au Sud de la France – entretenant la circulation du virus et risquant de provoquer brusquement une épidémie chez des milliers de grands enfants, d’adolescents et d’adultes réceptifs accumulés au fil des années [13].

Une solution : la deuxième dose vaccinale

Une seule dose de vaccin antirougeoleux étant insuffisante pour parvenir à l’élimination de la rougeole, plusieurs pays ont instauré très tôt une deuxième dose de vaccin dans le calendrier vaccinal. C’est ainsi que la Finlande a pratiqué un programme en 2 doses dès 1982 et qu’elle a été le premier pays à éliminer la rougeole en 1994 [14]. Les États-Unis et la Grande-Bretagne n’ont officiellement instauré cette deuxième dose qu’en 1995.

Cette deuxième dose n’est pas un rappel : chez le vacciné qui a déjà fabriqué des anticorps après la première injection à 15 mois, elle ne suscite pas une réponse immunitaire humorale importante et constante, mais elle provoque une réponse immunitaire chez 90 % des enfants qui n’avaient pas répondu à la première dose lorsqu’ils étaient nourrissons. Elle peut aussi « rattraper » des enfants non vaccinés par négligence ou réticence, en particulier les préadolescents à 11-13 ans.

Le calendrier vaccinal français recommande depuis 1997 de faire une deuxième dose de vaccin ROR entre 3 et 6 ans d’après des modèles épidémiologiques prédictifs. Une étude épidémiologique française a, en effet, permis de choisir la meilleure stratégie en tenant compte des données nationales de 1996. Un modèle déterministe compartimental a inclus la structure en âge de la population, la force d’infection de la rougeole selon les tranches d’âge, les taux de couverture vaccinale connus à 2 et 6 ans et l’âge des enfants atteints de rougeole. Il est apparu clairement que maintenir une seule dose de vaccin allait conduire à une vaste épidémie (150 000 cas), avec des poussées tous les 3 ans. Une deuxième dose à 11-13 ans n’évite pas une flambée épidémique touchant adolescents et adultes et ne parvient pas à éliminer la rougeole sur 20 ans. En revanche, administrée entre 3 et 6 ans, cette deuxième dose permet une extinction très rapide des cas de rougeole, à condition que le taux de couverture vaccinale atteigne 90 % à 2 ans (première dose) et 75 % pour la deuxième dose [13].

Un rattrapage des non vaccinés à 11-13 ans est aussi justifié pendant plusieurs années.

Cette stratégie est nécessaire pour éviter l’évolution de la rougeole vers l’âge adulte et, aussi, pour atteindre les nouveaux objectifs de l’OMS qui s’orientent résolument vers l’élimination de la rougeole en Europe aux alentours de 2007, prélude à l’éradication. Certains pays en sont proches : Suède, Grande-Bretagne, certains pays d’Europe de l’Est et tout récemment les États-Unis qui ne comptent plus que 100 cas en 1999 (incidence à 0,5 cas /1 million d’habitants). En France la couverture vaccinale de la rougeole continue de stagner chez les nourrissons. La deuxième dose de vaccin ROR n’est pas évaluée et la survenue d’une vaste épidémie avec de très nombreux cas d’adolescents et d’adultes ne peut toujours pas être exclue.

On peut tirer plusieurs conclusions de cette situation : le vieillissement des maladies infectieuses avec les risques inhérents à la modification de pathologie ; la nécessité de corriger à temps les stratégies vaccinales en s’aidant de modèles mathématiques informatisés et, enfin, l’intérêt d’une surveillance nationale de la rougeole, de la couverture vaccinale et surtout de l’état sérologique des populations, pour connaître les tranches d’âge encore réceptives.

LA RUBÉOLE

Les mêmes considérations sont à faire pour la rubéole, dont la vaccination est liée à celle de la rougeole. Le taux insuffisant de la couverture vaccinale chez les nourrissons et les enfants a été la cause d’épidémies récentes en 1993, 1994 et 1997 chez les jeunes adultes. De ce fait, une recrudescence des infections rubéoleuses chez les femmes enceintes et des rubéoles congénitales fut observée au même moment, selon les données du réseau de surveillance des Armées et du réseau français de surveillance Renarub de l’Institut de la Veille Sanitaire [16].

LA COQUELUCHE : RÉSURGENCE D’UNE MALADIE QUE L’ON CROYAIT DISPARUE

Après une régression, puis une quasi-disparition, la coqueluche se manifeste à nouveau en France et ailleurs depuis 1990, sous un nouvel aspect déjà décrit en 1976 aux États-Unis sous le terme de résurgence. On observe en effet une augmentation progressive des cas de coqueluche chez de jeunes adultes. Sous l’effet du vaccin coquelucheux à germes entiers très efficace et grâce à une excellente couverture vaccinale, la coqueluche avait peu à peu disparu en France.

Depuis plus de 10 ans, on observe des cas de coqueluche chez de jeunes adultes, souvent anciens vaccinés, qui contaminent à leur tour de très jeunes nourrissons de moins de 6 mois, non encore vaccinés, en général leurs propres enfants. Nous avons démontré cette résurgence par une étude pilote conduite à l’hôpital Armand Trousseau dès 1991 chez les nourrissons suspects de coqueluche, aux urgences de cet hôpital [17]. En l’espace de quatorze mois, 29 enfants atteints de coqueluche confirmée furent hospitalisés : il s’agissait de très jeunes nourrissons puisque 23/29 avaient moins de 12 mois et 11/23 moins de 2 mois. D’autre part, 20 cas de coqueluche étaient retrouvés dans l’entourage de ces nourrissons chez des adultes, en règle leurs parents dont huit avaient été correctement vaccinés dans leur enfance (Fig. 2).

La coqueluche atteignait surtout les enfants de 4-5 ans avant la vaccination. On observe donc maintenant en France une inversion de la courbe des âges : de très jeunes nourrissons d’une part et des adultes de l’autre (Fig. 1). Une enquête faite en France à l’échelon national avec l’aide du Réseau National de Santé Publique a confirmé, en 1993, l’inversion de la courbe des âges [18]. Les données récentes du réseau de surveillance Renacoq confirment bien cette nouvelle distribution des âges sous l’influence de la vaccination [19].

La coqueluche de l’adulte

Il existe peu de publications concernant la coqueluche de l’adulte. En France, grâce à une très bonne vaccination, la coqueluche a été oubliée jusqu’aux années 1990.

Chez l’adulte, le diagnostic est, en règle, porté par l’enquête autour d’un cas d’enfant.

Dans notre expérience, les coqueluches de l’adulte prouvées dans l’entourage des nourrissons sont variables. Grâce à des études sérologiques précises, nous avons constaté un tiers de coqueluches typiques (quintes et reprises), un tiers de formes atténuées (formes sans chant du coq) et un tiers de formes asymptomatiques [20].

Pourquoi cette résurgence ?

Les différentes études épidémiologiques montrent que les adultes jouent le rôle de réservoir et de transmetteur de la coqueluche dans les pays où la vaccination est

FIG. 2. — Répartition des âges des cas de coqueluche observés à l’hôpital Armand Trousseau en comparaison à la courbe des âges de la coqueluche en Italie en 1991.

ancienne et bien généralisée. Cette modification de l’épidémiologie est liée à la très bonne couverture vaccinale telle qu’elle est observée en France où plus de 96 % des départements ont une couverture supérieure à 80 % pour les quatre injections (89 % de couverture nationale en 1996). L’étude nationale de 1993 a montré que la transmission se faisait de l’adulte au très petit nourrisson dans les départements ayant une forte couverture vaccinale pour les quatre injections, et plutôt des grands enfants aux nourrissons lorsque la couverture vaccinale est plus faible, en particulier pour la quatrième injection. Cette quatrième injection ou rappel est donc importante pour assurer une protection durable chez l’enfant, au moins jusqu’à 7 ans [21].

Malgré la vaccination, la circulation du bacille de Bordet-Gengou demeure présente et cette résurgence pourrait prendre de l’ampleur si l’on ne cherche pas une meilleure stratégie vaccinale. Il est donc souhaitable de prolonger l’immunité du jeune enfant vers l’adolescence et l’âge adulte. Malheureusement, les rappels vaccinaux n’étaient guère envisageables chez l’enfant ou l’adulte avec les vaccins à germes entiers fortement réactogènes. Aujourd’hui, les vaccins coquelucheux acellulaires bien tolérés permettent de pratiquer ces rappels. Depuis 1998, un rappel est recommandé en France à l’âge de 11-13 ans, grâce à la combinaison du vaccin DT Polio aux nouveaux vaccins coquelucheux acellulaires. Il est possible qu’une vaccination de l’adulte soit aussi conseillée dans quelques années avec de tels vaccins.

La coqueluche pose donc un problème de stratégie vaccinale différent de celui de la rougeole car elle n’est pas, a priori , éradiquable. Elle nécessite donc un ajustement de la politique vaccinale guidée par une surveillance encore plus difficile que pour la rougeole. En France, un réseau de surveillance s’est mis en place récemment en milieu hospitalier sous l’égide de l’Institut de la Veille Sanitaire (Renacoq).

LA VACCINATION ANTIVARICELLEUSE

Le vaccin de la varicelle est un vaccin vivant mis au point au Japon en 1974 par Takahashi [22]. Il s’agit d’un vaccin atténué, la souche OKA, et plusieurs essais ont confirmé l’efficacité et la bonne tolérance de ce vaccin tant chez l’enfant immunodéprimé que chez l’enfant sain.

La vaccination aux États-Unis

Cependant, ce vaccin n’est resté longtemps utilisé qu’au Japon et en Corée. Depuis mai 1995, il est recommandé aux États-Unis pour tous les enfants de 12 à 18 mois.

Deux études américaines ont aidé l’ACIP (Advisory Committee for Immunization Program) à réfléchir sur la recommandation vaccinale, en 1994. D. Huse a modélisé une étude de coût-bénéfice qui a comparé le coût du vaccin à celui de la maladie et de la perte de travail des parents [23]. Seule la perte du travail est capable de donner un bilan positif, qui est un gain de 66 dollars par vaccin. Lieu a fait une étude de coût-efficacité également modélisée. Pour une efficacité de 94 % et une couverture de 97 %, la vaccination des enfants, au prix de 35 dollars par dose vaccinale, permet d’économiser plus de 5 dollars pour chaque dollar investi dans la vaccination. Ici encore, seules les dépenses sociales liées à l’absentéisme des parents sont responsables de bénéfice, soit 384 millions de dollars par an [24]. Une étude récente de Beutels envisage 3 modèles de stratégies destinés à l’Allemagne : vaccination des nourrissons de 15 mois, vaccination des seuls adolescents n’ayant pas eu de varicelle (pas de sérologie) ou combinaison des 2 stratégies (avec rattrapage). Du seul point de vue économique, la stratégie de vaccination des adolescents est la meilleure mais elle est difficile à mettre en œuvre. Une seconde possibilité est de vacciner les enfants de 15 mois et de rattraper les adolescents pendant 11 ans et de n’utiliser que la vaccination des nourrissons à partir de la douzième année. Cet auteur fait remarquer que le bénéfice est possible si la couverture vaccinale est réellement de 70 % et si la vaccination des nourrissons coïncide avec la vaccination ROR. Là encore, les bénéfices indirects sont très supérieurs au seul coût de la maladie [25].

Ces trois études démontrent que chaque pays doit évaluer sa propre situation, et qu’il est important d’obtenir une couverture vaccinale suffisante. D’autre part, la prévention du zona n’est pas envisagée, faute de certitude sur la valeur protectrice du vaccin vis-à-vis de cette affection. Enfin, au cas où la couverture vaccinale est insuffisante, le bénéfice risque de s’inverser en raison de l’augmentation des formes de l’adulte.

Tous les pays européens restent encore réservés sur son utilisation universelle pour plusieurs raisons. En premier lieu, le coût du vaccin de la varicelle est élevé, même si le bénéfice est réel en regard du gain de travail des parents. En second lieu, la gravité des complications et leur fréquence ne sont pas identiques dans tous les pays, comme semble le démontrer une étude récente de A. Jaeggi [26]. En troisième lieu, on
redoute une insuffisance de la couverture vaccinale à l’instar des difficultés que rencontrent certains pays d’Europe pour obtenir une couverture vaccinale correcte du vaccin anti-rougeoleux. Même aux États-Unis, la couverture vaccinale varie beaucoup selon les états puisque, dans une enquête américaine de 1997 dans l’état de Washington, moins de 50 % des pédiatres proposaient la vaccination contre la varicelle [27].

Pour cette raison, plusieurs équipes japonaises et nord-américaines redoutent un vieillissement progressif des sujets susceptibles à la varicelle. Comme pour la rougeole, la diminution des cas de varicelle réduit les contacts et les rappels naturels.

Les sujets non vaccinés s’accumulent et vieillissent sans rencontrer le virus. Les adultes risquent de présenter des varicelles sévères. Halloran a élaboré plusieurs modèles épidémiologiques où elle a inclus différentes échelles d’efficacité vaccinale et plusieurs niveaux de couverture (50 %, 70 %, 90 %). Pour éviter l’apparition d’une population importante d’adultes réceptifs, cet auteur insiste sur la nécessité de faire un rattrapage vaccinal chez les enfants âgés n’ayant jamais eu la varicelle ; mais elle souligne toutefois que beaucoup de questions demeurent non ou mal résolues et qu’il faut donc continuer des recherches sur l’immunité de la varicelle et sur le vaccin [28]. Des épidémiologistes anglais, C. Fairley et E. Miller, ont récemment rapporté une étude de la varicelle en Grande-Bretagne sur près de 30 ans qui montre une modification progressive avec un vieillissement de l’âge de survenue de la varicelle [29].

En France, la surveillance par le réseau sentinelle ne permet pas de connaître les tranches d’âge, mais les consultations et avis requis pour des varicelles de jeunes adultes et des varicelles chez les femmes enceintes pourraient être des indicateurs en faveur d’une augmentation des cas d’adultes.

Dans les conditions actuelles, on peut donc comprendre les hésitations à mettre en œuvre une vaccination qui connaîtrait un sort identique à celui de la vaccination contre la rougeole. En tout état de cause, il paraît déraisonnable de laisser une telle vaccination s’instaurer sans contrôle ou sans concertation au niveau des Instances de Santé Publique. Ce sont d’ailleurs les propositions du groupe européen des vaccinations de l’OMS-Europe, qui recommande d’entreprendre cette vaccination généralisée chez l’enfant sain à condition d’obtenir une couverture de plus de 90 %, d’inscrire le vaccin au calendrier vaccinal national et de disposer d’une surveillance réelle de la varicelle et de la vaccination, conditions peu souvent réalisées actuellement dans la plupart des pays.

Une récente conférence de consensus de la Société de Pathologie Infectieuse de Langue Française a donc maintenu l’indication de la vaccination de la varicelle aux enfants immunodéprimés, telle qu’elle est recommandée depuis plusieurs années [30].

CONCLUSIONS

Les maladies infectieuses à prévention vaccinale devraient idéalement disparaître, mais, en réalité, la stratégie vaccinale, si elle est imparfaite, peut en modifier l’aspect clinique et/ou la distribution des âges. Dans le cas de la coqueluche, il ne s’agit pas d’une erreur stricto sensu mais d’une insuffisance de la durée de l’immunité vaccinale pour une fraction de la population.

Dans le cas de la rougeole, en revanche, le vaccin a une très longue immunité mais la stratégie vaccinale telle qu’elle est redéfinie en France (ou dans d’autres pays) est mal appliquée et/ou mal interprétée par les médecins et les familles. Il en résulte un déficit durable de couverture vaccinale. Il en va de même pour la rubéole et probablement pour la varicelle, mais avec des différences liées à la physiopathologie et au degré d’infectiosité de ces maladies.

Ces quatre exemples, qui sont d’actualité, démontrent qu’il n’y a pas de stratégie vaccinale moderne sans une surveillance complète de tous les secteurs concernés :

couverture vaccinale, surveillance de la maladie, populations réceptives, études sérologiques. Il est de plus en plus souhaitable de piloter ces vaccinations à l’aide de simulations et de modèles épidémiologiques mathématiques.

L’autre progrès nécessaire concerne la formation et l’information. La formation des médecins sur les maladies infectieuses et les vaccinations doit être plus complète, plus actuelle, plus transversale. En France, les vaccinations de l’enfant sont assurées par les médecins libéraux pour 90 % et chaque médecin est donc médecin vaccinateur, ce qui est le cas de l’Allemagne ou de la Belgique mais non des pays scandinaves ou des Pays-Bas, par exemple. L’information est à promouvoir, à la fois pour les médecins et pour les familles. Pour la vaccination contre la rougeole, la rubéole et les oreillons, une campagne annuelle est mise en place depuis 1989. Elle permet de constater les difficultés à augmenter la couverture vaccinale et la demande de formation des médecins sur ces concepts relativement nouveaux, qui leur permettent d’être des acteurs efficaces de la vaccination et de sa surveillance. Cette surveillance, qui nécessite des moyens lourds et la coopération de tous, est le garant d’une vaccination efficace qui ne transforme pas la maladie en la repoussant vers des formes de l’adulte, sources de nouveaux problèmes et d’échecs regrettables. Cette évolution serait certainement reprochée un jour à ceux qui auraient institué une prévention vaccinale mal comprise et mal guidée.

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DISCUSSION

M. Michel ARTHUIS

Ayant participé en 1981-1982 à la campagne de vaccination contre la rougeole, je voudrais savoir si cette vaccination a eu une action sur la prévention de l’encéphalite subaiguë de Dawson et Van Bogaert ? A l’occasion d’une séance à thème sur l’épilepsie de l’enfant organisée par S. Thieffry sous la présidence de M. Julien Marie à l’Académie nationale de médecine, on se posait des questions sur le rôle de la vaccination contre la coqueluche dans l’apparition d’un syndrome de Lennox-Gastaud, d’un syndrome de West ? Des paroles rassurantes furent prononcées par R. Mande. Qu’en est-il à ce jour ?

La vaccination contre la rougeole a été efficace sur la panencéphalite sclérosante subaiguë (PESS), qui a spectaculairement diminué aux États-Unis, ainsi qu’en France comme en témoignent les données récentes de l’Institut de la Veille Sanitaire. Ce fut aussi la preuve indirecte du rôle du virus morbilleux dans la PESS. À la question sur le rôle de la vaccination contre la coqueluche dans les maladies neurologiques chroniques, l’enquête britannique initiée en 1981 permet d’être pleinement rassurant, car sur une importante cohorte nationale britannique il n’a été retrouvé aucune relation ni avec le syndrome de West, ni avec les encéphalopathies chroniques, mais seulement avec les convulsions fébriles qui n’ont aucune spécificité.

M. Jean-Daniel SRAER

Serait-il logique de proposer aux malades en attente de greffe d’organe, une vaccination préventive anti-varicelle compte tenu de la gravité de cette maladie chez les patients immunodéprimés ?

Je réponds positivement à cette question qui pose le problème plus général de l’intérêt de la vaccination contre la varicelle dans une société où il y aura peut-être davantage de personnes immunodéprimées thérapeutiques pour des greffes dans les années à venir. La vaccination contre la varicelle avant greffe me paraît utile, peut-être sur l’argument d’une sérologie négative.

M. Jean SÉNÉCAL

Nous devons vous remercier pour avoir attiré l’attention sur les effets secondaires des vaccinations. Vous regrettez que la couverture vaccinale pour le ROR ne soit que de 80 %.

On doit cependant rappeler que la couverture vaccinale pour les vaccinations « anciennes » DTCoq Polio, BCG est très bonne, dépassant 95 % mais qu’il a fallu plusieurs décennies pour arriver à ce résultat. On peut donc espérer qu’il en sera de même pour le ROR dont le taux de couverture, après une expansion satisfaisante, a tendance à stationner incitant donc à poursuivre un effort d’information. En revanche, la couverture pour le rappel du DTCoq Polio est moins bonne, 87 % seulement. Ceci pose également la question des revaccinations chez l’adolescent et l’adulte. Un bon exemple de défaillance est celui du tétanos dont 84 % des cas surviennent chez des sujets âgés de plus de 70 ans, non ou mal vaccinés. Après ces remarques, je voudrais vous poser la question de la vaccination contre l’hépatite B pour laquelle les parents nous interrogent de plus en plus. Par les médias, ils ont appris l’hypothèse d’apparition de SEP après vaccination contre l’hépatite B. Bien qu’aucune enquête n’ait démontré une relation de cause à effet entre les deux, le doute est entretenu, en particulier par cette récente décision de justice prescrivant d’indemniser deux malades atteints de SEP et ayant été vaccinés auparavant contre l’hépatite. D’autre part, certains parents, bien renseignés, savent que la contamination pour l’hépatite B se fait essentiellement par voie sexuelle. Les parents demandent, devant le nombre croissant de vaccinations proposées chez le jeune enfant, s’il ne serait pas préférable de vacciner contre l’hépatite B plus tard, lors de l’adolescence, ce qui est d’ailleurs obligatoire pour certaines professions. Ma deuxième question concerne la poliomyélite. L’OMS espère arriver prochainement à éradiquer la maladie. Est-ce réaliste avec la persistance de foyers dans les pays sous-équipés et la rapidité des transports ?

Bien que nous n’ayons pas abordé la question de la vaccination contre l’hépatite B, il faut rappeler que la vaccination des nourrissons a été choisie pour avoir une meilleure couverture vaccinale, car beaucoup d’adolescents, dont les plus à risque, y échappent. La protection semble longue et l’immunité cellulaire durable, aucun cas d’affection démyé- linisante n’a été rapporté chez le nourrisson, arguments qui soutiennent cette vaccination, bien que moins de 30 % des nourrissons soient vaccinés en France, par une mauvaise compréhension de cette stratégie. L’élimination de la poliomyélite dans plusieurs continents fait espérer une éradication. Seule une certification mondiale permettra, comme pour la variole, d’arrêter la vaccination, ce qui, bien entendu, n’est pas actuellement concevable puisque des foyers se réveillent encore (tout récemment en Bulgarie).

M. Charles LAVERDANT

La surveillance de la rougeole tient-elle compte des formes atténuées ou atypiques ? Quelle est la place de la surveillance biologique ? Y a t-il une campagne d’information pour la vaccination ? En matière de surveillance mondiale, où en est le projet d’élimination de la rougeole en Europe et en Amérique ?

La surveillance de la rougeole se fait à l’aide d’une définition de l’OMS où se glissent beaucoup de faux diagnostics. En revanche, les formes atténuées qui semblent exister échappent certainement en partie aux critères de l’OMS. La surveillance sérologique devient indispensable dès qu’un pays est sur la voie de l’élimination de la rougeole. En Grande-Bretagne, pour des centaines de cas cliniques signalés, quelques dizaines seulement sont certifiés sérologiquement. À la question sur l’information, je réponds que nous avons contribué à mettre en place une campagne annuelle dite « ROR » avec la Direction de la Santé, la Caisse Nationale d’Assurance Maladie et le CFES depuis 1989 jusqu’à ce jour : elle concerne le public et les professions de santé. Quant au projet d’élimination de la rougeole il est sur une voie favorable en Amérique, puisqu’aux États-Unis, en 2000, il n’y a pratiquement plus de cas autochtones mais seulement des cas importés. En Europe, seules la Finlande et la Slovénie ont éliminé la maladie, mais beaucoup d’autres pays dont la Scandinavie, la Grande-Bretagne, l’Espagne, en sont proches. En revanche la France, l’Allemagne et l’Italie ne sont pas encore à ce stade.

M. Claude DREUX

Connaît-on les effets de la recommandation d’une 2ème vaccination contre la rougeole avant 6 ans ? Il faut mieux former les médecins à la pratique des vaccinations mais aussi les pharmaciens. Le Comité d’Éducation Sanitaire et Sociale de la Pharmacie (CESSPF) que je préside s’en occupe (fiche d’information tous les ans). Il faut aussi former le public (éducation sanitaire). Le rapport demandé par le Président de la République à l’Académie sur la politique de prévention devrait comporter des recommandations sur les vaccinations.

La réponse à votre 1ère question est effectivement difficile, car il n’y pas de surveillance nationale de la 2ème dose du vaccin de la rougeole en France. Pour le 2ème point, dans la prochaine campagne de vaccination, il est souhaité qu’une information sur la vaccination Rougeole-Oreillons-Rubéole soit aussi accessible chez les pharmaciens.

M. Jacques-Louis BINET

À cause de l’importance des problèmes que vous avez soulevés, ne pensez-vous pas que vous devriez présenter une note à la commission compétente qui serait ensuite votée par l’Académie ?

Je vous remercie de l’intérêt que vous portez à ce problème de l’épidémiologie des maladies sous l’influence des vaccinations. Je me tiens prêt à participer à l’élaboration de cette note en insistant sur les conséquences d’une couverture vaccinale insuffisante en France.


* Service de Pédiatrie Générale, Pathologie Infectieuse et Tropicale — Hôpital Armand Trousseau, 26 av. du Dr. Arnold Netter — 75012 Paris. Tirés à part : Professeur Pierre BÉGUÉ, à l’adresse ci-dessus. Article reçu le 9 janvier 2001, accepté le 22 janvier 2001.

Bull. Acad. Natle Méd., 2001, 185, no 5, 927-941, séance du 15 mai 2001