Résumé
Les champignons microscopiques ou micromycètes représentent une fraction peu abondante du microbiote, identifiée comme le « mycobiote », et estimée à moins de 0.1 % de la biosphère microbienne de l’intestin. Des travaux récents suggèrent que des modifications de la composition du mycobiote jouent un rôle dans la physiopathologie de nombreuses affections dont les maladies inflammatoires de l’intestin. Beaucoup de ces travaux mettent en avant une augmentation de la fréquence de colonisation par Candida spp., et notamment C. albicans, un micromycète présent au niveau de l’intestin chez plus de 50 % des sujets sains. C. albicans est donc un organisme modèle pour comprendre le rôle physiopathologique du mycobiote intestinal. L’épithélium intestinal est la première barrière au cours de l’interaction de C. albicans avec la muqueuse. Dans les conditions normales, les entérocytes n’assurent pas l’internalisation de C. albicans par endocytose, et seule une pénétration active par C. albicans est possible. Nous présentons des résultats montrant que l’endocytose par les entérocytes est restaurée en cas d’altération des jonctions serrées qui ménage en temps normal un accès au pôle basolatéral des cellules épithéliales intestinales. Nous montrons d’autre part que C. albicans est capable d’utiliser les cellules microfold (ou cellules M), des cellules spécialisées dans l’endocytose de molécules ou de micro-organismes de la lumière intestinale, pour traverser la barrière intestinale in vitro. Ces résultats donnent une base cellulaire aux hypothèses impliquant le mycobiote dans la pathogenèse de l’inflammation intestinale. Ils permettent également de mieux comprendre les mécanismes en jeu à la phase précoce des candidoses systémiques d’origine intestinale.
Summary
Among micro-organisms that inhabit the gut, fungi represent a minor fraction, identified as the mycobiota, and estimated at less than 0.1 % of the entire microbiota. Recent works suggest that modifications of the microbiota are involved in the pathogenesis of multiple diseases, including inflammatory bowel diseases, with increased proportions of Candida spp. and noticeably Candida albicans, a micromycete part of the normal gut flora in more than 50 % of healthy individuals, being reported. Therefore, C. albicans represents a model organism for the analysis of the role of the intestinal mycobiota. The intestinal epithelium is the first barrier during C. albicans interaction with the mucosa. Enterocytes grown in mature differentiated monolayers cannot internalize C. albicans by induced endocytosis, and the only mechanism of penetration into enterocytes is by active penetration of the fungus. In the present paper, we present results showing that endocytosis by enterocytes is restored upon alteration of tight junctions, that provide access to the basolateral side of the cells. We also show that C. albicans is able to use microfold cells (or M cells), a population of epithelial cells specialized in endocytosis of molecules or micro-organisms from the intestinal lumen, to invade the mucosa. These data provide a cellular basis for hypotheses involving the mycobiota in the pathogenesis of gut inflammation. They also contribute to a better understanding of the mechanisms involved at the early stages of invasive candidiasis with an intestinal portal of entry.
Bull. Acad. Natle Méd., 2018, 202, no 7, 1401-1412, séance du 25 septembre 2018