Résumé
Le mécanisme d’action supposé de la plupart des traitements anticancéreux résulte d’une
action cytotoxique directe sur les cellules tumorales. Dans un numéro de 2008 du Bulletin de l’Académie nationale de médecine, nous proposions une théorie alternative ou complémentaire fondée sur nos résultats expérimentaux selon laquelle le système immunitaire contribuerait à l’efficacité de certaines chimiothérapies et radiothérapies antitumorales. Notre travail a montré certains des mécanismes moléculaires de l’immunogénicité de la mort cellulaire induite par les agents thérapeutiques classiques. Ainsi, les signaux échangés entre la tumeur mourante et le système immunitaire conduiraient-ils à l’activation des lymphocytes T par les cellules dendritiques (CD). Nous avons décrypté l’importance du stress du réticulum endoplasmique qui permet la relocalisation de la calréticuline à la membrane plasmique de la cellule tumorale, contribuant ainsi à la phagocytose des corps apoptotiques par les CD. Nous rapportons ici qu’un second stress prémortem, l’autophagie, doit être déclenché pour permettre l’émission de l’ATP dans le milieu extracellulaire, générateur du recrutement des cellules présentatrices d’antigènes et de l’activation de l’inflammasome des CD pour la sécrétion d’IL-1β et la polarisation des lymphocytes T effecteurs. L’architecture de la tumeur se modifie après chimiothérapie efficace, permettant l’accumulation intratumorale séquentielle d’acteurs de l’immunité innée et acquise qui agiront de concert pour l’élimination des cellules tumorales. Ces résultats permettent de générer de nouveaux facteurs prédictifs de réponse aux anthracyclines et de nouvelles stratégies d’immunochimiothérapie
Summary
Most anticancer agents are thought to act through direct induction of tumoral, stromal and endothelial cell death by apoptosis or necrosis. In a 2008 issue of Bulletin de l’Académie Nationale de Médecine, we described an alternative (or complementary) theory whereby the immune system participates in the antitumoral effects of some chemotherapy or radiotherapy regimens by promoting an immunogenic cell death pathway. In particular, we
showed the critical importance of two pre-mortem stressors that determine the immunogenicity of dying tumor cells. The first, an ER stress response culminating in calreticuline exposure at the tumor cell surface, is mandatory for the uptake and efficient phagocytosis of apoptotic bodies by dendritic cells. In the second, autophagy leads to the release of ATP by dying tumor cells, resulting in the recruitment of inflammatory phagocytes and antigenpresenting cells, and also triggering the inflammasome that causes IL-1β release and CD8+ T cell polarization. The tumor microenvironment changes following chemotherapy, favoring sequential accumulation of a series of innate and cognate effectors that act in a coordinated fashion to promote tumor eradication. These findings will help to identify immune predictors of the response to conventional anticancer treatments and to design innovative combinatorial immunochemotherapy regimens.
Bull. Acad. Natle Méd., 2012, 196, no 6, 1075-1086, séance du 12 juin 2012