Présentation ouvrage
Session of 30 mai 2017

Giroud JP. Automédication. Le guide expert. Editions de la Martinière. Paris. 2017. 1 vol. 512 pp.

Raymond ARDAILLOU *

Cet ouvrage fait suite à celui publié en 2011 chez le même éditeur et intitulé « Médicaments sans ordonnance. Les bons et les mauvais » dans lequel l’auteur examinait l’ensemble de ces médicaments afin que le lecteur sache distinguer ceux efficaces et dénués de toxicité de ceux inefficaces et anodins, voire source d’effets indésirables et, parfois même, dangereux. Ce nouvel ouvrage est une mise au point de la situation actuelle qui n’est plus celle de 2011. En effet, des médicaments ont été retirés du marché, d’autres sont maintenant délivrés sur prescription. Pour d’autres, les informations les concernant ont été modifiées parce que de nouvelles contre-indications ou précautions d’utilisation ont été formulées et de nouveaux effets indésirables sont apparus. Enfin, de nouveaux médicaments ont été mis sur le marché. Autre nouveauté, les médecins ont depuis 2 ans l’obligation de rédiger les ordonnances en utilisant la dénomination commune internationale (DCI) pour mieux identifier la substance active, éviter les surdosages par combinaison de deux médicaments ne portant pas le même nom, mais contenant la même molécule, et faciliter un achat à l’étranger. Un exemple frappant est celui du paracétamol présent sous des noms différents dans 201 médicaments en vente sur le marché dont un peu moins de la moitié sans ordonnance. Dans un avant-propos, JP Giroud nous explique l’objet de son ouvrage : juger du rapport bénéfice / risque pour les médicaments sans ordonnance en indiquant les motifs de son évaluation et, en terminant par l’attribution d’une note de 0 à 20 calculée en fonction de l’efficacité et de la tolérance. JP Giroud souligne que l’autorisation de mise sur le marché n’implique ni efficacité, ni absence de dangerosité, ce qui justifie amplement l’étude critique à laquelle il s’est livré. Les personnes âgées, les enfants et les femmes enceintes sont particulièrement vulnérables à l’automédication. Les personnes âgées atteintes souvent de maladies chroniques (arthrose, hypertension artérielle, syndrome métabolique, insuffisances cardiaque, rénale ou respiratoire …) se voient donner des ordonnances comportant des médicaments multiples, chacun pouvant contre indiquer le médicament déjà pris spontanément. Ces personnes âgées du fait de la diminution progressive du débit de filtration glomérulaire éliminent moins bien les médicaments ou leurs métabolites et, aussi, si leurs fonctions cognitives sont affaiblies, se trompent facilement dans la posologie. Durant la grossesse de nombreux médicaments sont proscrits du fait des dangers courus par l’embryon ou le fœtus ; d’où la nécessité pour une femme enceinte de ne jamais prendre un nouveau médicament sans l’autorisation de son médecin. L’automédication est aussi interdite chez l’enfant plus sensible que l’adulte à des posologies mal adaptées. En fait l’automédication doit obéir à des règles simples que JP Giroud énumère : être réservée aux adultes en bonne santé pour traiter des troubles bénins pendant un temps limité, privilégier les médicaments contenant une seule molécule active, demander son avis au pharmacien qui les délivrent, en informer son médecin lorsqu’on le consulte, ne pas conseiller à un ami de prendre un médicament qui vous a été bénéfique, éviter l’alcool durant la période de traitement et conduire prudemment, de nombreux médicaments entraînant une perte de vigilance. JP Giroud avant d’examiner les 4000 médicaments vendus sans ordonnance énumère ce que le grand public doit savoir des médicaments : comment ils sont mis sur le marché, présentés, classés selon leur dangerosité et les risques d’accoutumance, à quels prix ils sont vendus et quelles informations sont données dans les notices d’accompagnement, quel est leur devenir dans l’organisme, qu’appelle-t-on effets placebo et nocebo, quelle est l’influence de l’âge, de la grossesse, de l’allaitement et de l’alimentation, quels sont les effets indésirables les plus fréquents et comment les éviter, quels sont les effets des excipients, que faut-il savoir sur les médicaments génériques, et quels sont les dangers auxquels exposent les achats sur internet.

Le livre est ordonné en chapitres dont chacun a pour objet le traitement d’un symptôme donné considéré comme fréquent et bénin et, donc, susceptible de conduire à l’automédication. Chaque chapitre débute par le paragraphe « ce qu’il faut savoir » dans lequel les causes du trouble sont expliquées. Ensuite, les interdits sont énumérés, les bonnes pratiques sont définies, puis les médicaments sont examinés. Si le problème est plus complexe, ces paragraphes sont étoffés par un « en savoir plus » et des descriptions plus détaillées des différentes causes du symptôme traité dans le chapitre. Chaque médicament est désigné par son nom commercial et la dénomination commune internationale. Une note lui est attribuée et il fait l’objet de commentaires portant sur son efficacité et sa tolérance. L’auteur indique ensuite quels sont ses médicaments favoris avec pour chacun d’entre eux la note, le prix, le remboursement par l’assurance maladie, la classe thérapeutique, les contre-indications, les précautions à prendre, les associations à éviter, la posologie, les incidents, les circonstances imposant l’arrêt du médicament, la composition et l’excipient utilisé, enfin le laboratoire fournisseur et la présentation. Il est intéressant de considérer la signification de la note et son mode de calcul. JP Giroud examine en premier l’efficacité qui est le paramètre le plus important dans l’attribution de la note avec des valeurs de 15 à 18 si l’efficacité est bonne, 12 à 14, moyenne, 11, limitée, 10, très limitée et 7, inefficace. Cette première évaluation est affinée en tenant compte de la tolérance qui diminue la note si elle est moyenne ou mauvaise, de l’avis du pharmacologue clinicien qui la diminue également si le médicament est considéré comme dépassé ou dangereux et, enfin, d’un jugement tenant compte de l’indication pour laquelle le médicament est proposé. La liste des médicaments disponibles est souvent très longue et il peut y avoir plusieurs médicaments favoris. C’est le cas des affections répandues comme, par exemple, la toux ou les douleurs du dos légères à modérées. L’auteur sépare bien toux sèche et toux grasse, réservant les antitussifs à la première catégorie. Ils rejettent tous les antihistaminiques dont la liste est longue. Les 2 médicaments favoris ne dépassent pas la note 12 et demeurent réservés à un emploi de courte durée, l’auteur concluant que l’inhalation d’autrefois reste toujours d’actualité. Une toux persistante ou accompagnée de fièvre, de crachats ou de difficulté respiratoire nécessite une consultation médicale immédiate. Les douleurs du dos sont aussi un motif fréquent de consultation. Là, l’auteur attribue la note maximum 18 au paracétamol et, donc, aux spécialités qui le contiennent. Il est plus réservé sur les associations qui sont sous notées par rapport à la molécule seule. Les antiinflammatoires non stéroïdiens comme l’ibuprofène sont considérés comme des médicaments efficaces, mais de seconde intention vu leurs effets indésirables. L’aspirine enfin n’est plus l’antalgique de référence du fait du risque hémorragique. Toute douleur persistante, surtout si elle s’accompagne de symptômes évocateurs d’une sciatique doit faire consulter un médecin. Dans quelques cas comme le coup de chaleur aucun médicament n’est indiqué, mais des mesures de prévention conseillées. On est surpris de voir l’auteur retenir parfois des médicaments homéopathiques dont l’efficacité n’a jamais été prouvée par des essais thérapeutiques de méthodologie reconnue. En fait, il les réserve du fait de leur bonne tolérance au traitement de troubles mineurs de santé pour éviter le risque que leur prise retarde celle de médicaments efficaces.

On ne peut être qu’admiratif devant l’étendue et la qualité des informations fournies. L’ordre alphabétique choisi pour les symptômes à traiter et un index des médicaments proposés sous leurs deux dénominations, commerciale et internationale, permet au lecteur de trouver facilement le renseignement qu’il cherche. Le livre est utile au malade parce que, écrit en langage simple, il lui permet d’obtenir facilement une documentation fiable avant de faire son achat. Il est surtout utile au professionnel qui ne peut pas mémoriser toutes les informations fournies et ne trouvera pas dans le Vidal, dictionnaire médical de référence, grand nombre de ces médicaments vendus sans ordonnance. S’il consulte le livre de JP Giroud, il saura tout de suite quelles sont l’efficacité et la tolérance d’un médicament acquis en vente libre par son patient. Il trouvera facilement quel médicament prescrire lorsque, amené à soigner un trouble bénin, il pensera que l’effet placebo est suffisant. Cet ouvrage ne peut que souligner l’utilité de quelques mesures afin d’éviter les accidents thérapeutiques : renforcer l’enseignement de la pharmacologie dans le 2e cycle, ne pas laisser le monopole de l’information des médecins à l’industrie pharmaceutique, développer la pharmacovigilance et retirer du marché les médicaments à la fois inefficaces et dangereux et, enfin, fournir au public une base d’informations fiables. C’est à ce dernier point que cet ouvrage est dévolu, ce qui devrait lui assurer la diffusion qu’on lui souhaite.

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