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Session of 26 juin 2018

Experts, expertises, et liens d’intérêt en médecine

MOTS-CLÉS : EXPERTS. EXPERTISES. CONFLITS D’INTÊRET
Experts, expertises, and conflict of interest
KEY-WORDS : EXPERTS. EXPERTISES. CONFLICTS OF INTEREST

Michel HUGUIER*, Jean-Paul TILLEMENT*, Didier HOUSSIN*, Gérard MILHAUD*, au nom de la commission VIII** (dépenses de santé, assurance maladie).

M. Huguier, JP. Tillement, G. Milhaud n’ont pas de conflit d’intérêt avec le contenu de cette information. D. Houssin est membre du conseil d’administration de l’Autorité européenne de sécurité sanitaire.

Résumé

Un conflit d’intérêt a été défini comme une situation d’interférence entre une mission de service public et l’intérêt privé d’une personne qui concourt à l’exercice de cette mission. Initialement, la réflexion sur le sujet a surtout été orientée vers la sécurité sanitaire et l’indépendance de l’évaluation des risques et de leur gestion. La qualité d’expert est étroitement liée à l’expérience, aboutissant à l’assimilation des qualifications de spécialiste et d’expert. Il est alors presque inéluctable que l’expert médical ait eu ou ait un lien d’intérêt avec les firmes pharmaceutiques et les fabricants  de dispositifs médicaux. Paradoxalement, alors que les exigences sur les liens d’intérêts des experts sont de plus en plus prégnantes, depuis quelques années le populisme scientifique et la suspicion généralisée vis-à-vis de toute décision ont abouti à contester les expertises. Les conflits d’intérêt ont été définis de façons de plus en plus pertinentes et précises qui ont entrainé une grande complexité des procédures et l’élimination inutile de candidats utiles. La collégialité de l’expertise minimise les risques que l’expertise soit entachée, mais expose à des influences prédominantes. L’indépendance de jugement et l’objectivité des experts peuvent et doivent être contrôlables et contrôlées par l’expertise méthodologique à partir de données factuelles et de leurs niveaux de preuve. De façon générale, c’est à l’organisme qui sollicite les experts de se garder des marges de manœuvre suffisantes pour déterminer des règles de comportement qui leur paraissaient adaptées aux questions particulières qui se posent. Le rôle d’expertise des Académies par l’indépendance de ses membres, leur pluridisciplinarité, leur déclaration de liens d’intérêt pourraient aujourd’hui en faire des instances privilégiées d’expertise.

Summary

Conflicts of interest have been defined as interference between the public interest and the private interest of a person contributing to a mission. Initial reflections were mostly centered on sanitary security and independence of health risks management.  Expertise is strongly correlated with experience, leading to the merging of qualification and expertise. It is therefore almost unavoidable that medical experts have links to pharmacological companies or medical device makers.  Paradoxically, while requirements about potential conflicts of interest between experts and companies are more and more robust, scientific populism and generalized distrust towards all form of decision-making have contributed to expertise being viewed with increasing suspicion over the last few years. Conflicts of interest have been more and more specifically defined, creating a significantly more complex process and putting many useful experts on the sidelines. Collegial expertise structures decrease the risk of distorted expert opinion but also expose the whole process to prevailing influences.  Independence of judgment and experts’ objectivity can and must preserve adequate margins of manoeuvre in order to determine which compartmental rules seem to be the most appropriate to each particular expertise.  Nowadays, academies should play an active role when assessing the independence, interdisciplinary skills and potential conflict of interest among their members.  

* Membres de l’Académie nationale de médecine. ** Ont participé à ce travail : Y. Chapuis, R. Denoix de Saint-Marc, G. Dubois, A. Durrleman, C. Géraut, M. Huguier, G. Milhaud, JP. Tillement, D. Bertrand, D. Houssin et F. Richard.

Bull. Acad. Natle Méd., 2018, 202, nos 5-6, 1201-1210, séance du 26 juin 2018