Résumé
Le monde numérique est partie intégrante de notre environnement journalier. La médecine en particulier bénéficie de nouvelles techniques d’acquisition de données, d’imagerie et de thérapies assistées par ordinateur. En recherche et développement d’appareillages et de prothèses complexes, tels que le cœur artificiel, les techniques de simulation numérique encore insuffisamment utilisées peuvent fournir des informations souvent plus fiables que l’expérimentation sur gros animaux. Dans ce contexte particulier, l’expérimentation animale doit servir à valider les méthodes de simulation numérique plus qu’à tenter de démontrer la fiabilité d’un système complexe.
Summary
We live in a digital world. In medicine, computers are providing new tools for data collection, imaging, and treatment. During research and development of complex technologies and devices such as artificial hearts, computer simulation can provide more reliable information than experimentation on large animals. In these specific settings, animal experimentation should serve more to validate computer models of complex devices than to demonstrate their reliability.
Dans sa leçon inaugurale de la Chaire d’Innovation Technologique du Collège de France, Gérard Berry annonçait récemment qu’une véritable révolution était en marche [1]. « La révolution numérique, disait-il, modifie profondément notre schéma mental et notre manière de voir le monde. Rien ne pourra l’arrêter ». Nous en voyons déjà les effets : plus de téléphone à fil, plus de disques musicaux, plus de carnet d’adresses, tout est transformé en nombres et séries binaires qui, par des algorithmes génériques, permettent de stocker, analyser, modifier, rediffuser sans limite les informations les plus diverses.
La révolution numérique a atteint le domaine médical il y a quelques décennies déjà avec l’introduction de l’informatique et des nouvelles techniques d’imagerie. Dans de nombreux services hospitaliers, données chiffrées et images sont numérisées, analysées, exploitées, diffusées au point de faire progressivement disparaître le traditionnel dossier médical. Nous restons cependant en arrière de la main dans un domaine qui devrait révolutionner nos pratiques en chirurgie expérimentale, celui des simulations numériques.
L’EXEMPLE DU CŒUR ARTIFICIEL TOTAL
Dans les années 68-70, les premières transplantations cardiaques chez l’homme suscitèrent un intérêt considérable pour l’étape suivante : la mise au point d’un cœur artificiel, seule solution permettant d’éviter les problèmes posés par le manque d’organes à transplanter disponibles. Liotta et De Bakey s’y essayèrent sur l’animal puis très vite Denton Cooley sur l’homme [2]. Les modèles se multiplièrent ensuite, révélant les limites de l’expérimentation animale : celle-ci ne permettait pas de prévoir tous les avatars possibles rencontrés chez l’homme et, plus grave encore, ne permettait pas une évaluation précise des différents facteurs impliqués. Anatomie, physiologie, croissance, hémobiologie et coagulation diffèrent sensiblement chez l’homme et l’animal rendant une analyse comparative difficile et aléatoire.
L’implantation de la prothèse globale est par ailleurs fort coûteuse dans la mesure où chaque modification notable d’un de ses éléments nécessite une dizaine d’implantations pour les valider, ce qui induit des coûts supplémentaires de l’ordre de quelques 250 000 euros. Si en compensation, on obtenait la fiabilité désirée, c’est-à- dire une certaine assurance que le modèle expérimenté sur l’animal se comportera de la même façon une fois implanté sur l’homme, on aurait une justification suffisante d’une telle dépense, mais tel n’est pas le cas comme en témoigne tout récemment encore le moratoire imposé au plus récent modèle de cœur artificiel américain, l’Abiocor en raison de la survenue d’accidents thrombo-emboliques que l’expérimentation animale n’avait pu prévoir 1. Il en résulte une réduction de l’effort de recherche de cœurs artificiels au profit d’appareils d’assistance circulatoire, simples pompes centrifuges branchées en dérivation entre le cœur et l’aorte et de très petites dimensions, ces appareils sont efficaces dans la mission limitée qui leur est dévolue :
la prise en charge d’une partie seulement de la circulation pour attendre 1. À la suite de la première implantation chez l’homme réalisée en avril 1969 par Denton Cooley avec un cœur artificiel développé par Domingo Liotta à l’Université Baylor, la question fut posée à ces auteurs du nombre d’expérimentations animales ayant précédé l’implantation de cette prothèse et leur durée de survie. La réponse, qui garde toute son actualité, fut la suivante : « Les problèmes posés par le maintien en vie d’un animal avec un tel appareil sont considérablement plus complexes que chez l’homme de sorte que nous devons éviter d’assigner une grande valeur à la longueur des survies » [2].
Fig. 1. — Prothèse CARMAT. Principes et composants.
Deux groupes moto pompes (A) aspirent et injectent alternativement un fluide dans les cavités ventriculaires (B) déplaçant la membrane de pulsion (C). Lorsque le compartiment hydraulique se vide, le retrait de la membrane aspire le sang dans le ventricule : (Diastole D) Lorsqu’il se remplit la membrane pulse le sang dans les artères : (Systole E) L’électronique de commande moteur et de régulation médicale occupent les espaces interventriculaires.
la récupération du cœur natif laissé en place, ou la disponibilité d’un greffon cardiaque. Pour autant on ne peut renoncer à la mise au point de cœurs artificiels car un réel besoin non couvert par les pompes d’assistance existe : quelque 5 à 6 000 prothèses par an en France — dix fois le nombre de greffons cardiaques disponibles — et plus de 100 000 dans le monde, prothèses qui permettraient de traiter les infarctus massifs irrécupérables du cœur [3]. Au regard du coût et du peu de fiabilité qu’apporte l’expérimentation animale dans ce domaine précis, il faut revoir les méthodes de développement et d’expérimentation des systèmes complexes et recourir notamment aux outils que met à notre disposition la révolution numérique :
conception assistée par ordinateur, modèles hémodynamiques, algorithmes de régulation, simulations. Telle fut, dès son origine en 1990, la démarche adoptée pour le développement du cœur artificiel total CARMAT pris ici comme exemple (Fig. 1).
NOUVELLES APPROCHES MÉTHODOLOGIQUES
Tout processus de recherche et développement nécessite au préalable une analyse critique des limites et inconvénients rencontrés par les solutions antérieures. La complication dominante des prothèses cardiaques actuelles est la thrombose — cause principale du moratoire évoqué plus haut. Or, les facteurs thrombogènes sont bien connus. Ce sont l’hypercoagulabilité du sang, l’hémo-incompatibilité des surfaces artificielles, et les perturbations hémodynamiques intra-prothétiques. Les anticoagulants agissent efficacement sur le premier facteur, même si leur maniement est difficile et comporte des risques. Les deux autres facteurs, nécessitent d’agir sur la prothèse elle-même.
Hémocompatibilité des matériaux
La science des matériaux a fait des progrès considérables ces cinquante dernières années pour les besoins des industries mécanique, micro-électronique, aérospatiale ou nucléaire. Dans le domaine chirurgical au contraire, peu d’avancées significatives ont été faites à l’exception de l’orthopédie. En chirurgie cardiaque par exemple, les mêmes composants fondamentaux sont utilisés depuis trente ans en combinaisons diverses. Silicones, polyuréthanes, polyesters, alliages métalliques, carbone pyrolytique servent à la fabrication de prothèses, notamment des valves cardiaques dites mécaniques. Celles-ci ont bénéficié en leur temps de nombreuses expériences d’implantation sur l’animal. Déterminantes, elles permirent de mettre en relief quelques principes qui paraissent simples aujourd’hui : supériorité des surfaces dotées d’un poli optique et prise en compte de cette zone critique qu’est l’interface entre matériaux polis et matériaux rugueux. Dans son article de réception du Prix Lasker 2007, Albert Starr faisait état des nombreuses implantations animales qui furent nécessaires pour évaluer divers modèles d’interfaces [4]. Aujourd’hui, avec des modèles numériques incorporant les paramètres géométriques, physiques, hémodynamiques et biologiques, validés par quelques expériences seulement sur l’animal, il obtiendrait la meilleure solution en dix fois moins de temps et à un coût bien moindre. Même remarque pour Gibbon 2, qui mit vingt ans pour développer le premier cœur-poumon artificiel [5].
Même assortis des meilleures caractéristiques possibles, les matériaux synthétiques ne sont pas réellement athrombogènes. Seuls les matériaux dits biologiques le sont, comme l’ont montré dans les années 1960, Ross pour les valves d’origine humaine [6] et Binet pour les valves d’origine animale [7]. Pour ces dernières, cette qualité non thrombogénique, largement confirmée par la suite [8], était malheureusement contre-balancée par des problèmes de rejet immunologique qui en interrompirent l’usage. Le tournant fut la découverte de l’effet du glutaraldehyde utilisé pour traiter chimiquement le tissu avant implantation [9]. Par ce procédé, encore utilisé aujourd’hui pour la fabrication industrielle de ce type de valve biologique, l’antigénicité du tissu était réduite et ses qualités physico-chimiques renforcées. À l’opposé des greffes valvulaires et des théories de Paul Bert et Jean Nageotte [10], la pérennité de ces implants est fondée sur la stabilité physico-chimique du tissu et non sur la réhabitation par les cellules de l’hôte. C’est du reste pour souligner l’origine biologique et la destinée prothétique de ce tissu que fut forgé le terme de ‘‘ bioprothèse ’’ [11]. Le procédé de conditionnement chimique, des tissus animaux n’ayant pas été breveté en raison du principe pasteurien de désintéressement, plusieurs compagnies ont pu immédiatement l’exploiter commercialement et le font encore aujourd’hui, évitant régulièrement de faire référence aux travaux initiaux. La découverte de l’effet du glutaraldéhyde n’aurait pu se faire sans la mise au point préalable d’un modèle 2. Toujours à court d’animaux de laboratoire, John Gibbon, aidé de sa femme Mary, allait les nuits sans lune traquer les chats dans les rues de Boston. La légende raconte que les habitants se plaignirent à la police d’une prolifération des rats dans la ville.
expérimental, en l’occurrence la simple implantation sous-cutanée sur le rat de fragments tissulaires traités par différents produits chimiques, modèle validé par les ré- sultats cliniques obtenus quelques années plus tard [12]. Ainsi, les animaux contribuèrent-ils doublement au progrès dans ce domaine, comme pourvoyeurs de matériaux — valves, péricarde, fascias — et comme animaux d’expérimentation. Ayant été à l’origine de ces matériaux bioprothétiques athrombogènes, il était naturel d’y recourir pour équiper les structures mobiles de la prothèse CARMAT les plus exposées à la thrombose c’est-à-dire les valves artificielles et la membrane de pulsion.
Dans le modèle expérimental cité, tout comme en recherche pharmaceutique, l’expérimentation animale sur des petits animaux s’est révélée aisée, peu coûteuse, et reproductible en nombre quasi-illimité car il ne s’agissait que d’implants tissulaires sous-cutanés. Tout différent est le développement d’un organe artificiel implanté sur le gros animal avec les difficultés anatomiques (thorax en carène), physiologiques (quadripède) et biologiques (coagulation) déjà signalées. Il est préférable d’en analyser les parties avant d’en évaluer le tout. C’est ici que l’approche numérique est irremplaçable. Elle comprend conception assistée par ordinateur, analyse informatique des données fournies par les bancs d’essai, modélisation mathématique des fonctions de régulation et simulation numérique. L’implantation à long terme de la prothèse intégrée n’est pas toujours possible en raison de différences morphologiques et s’est révélée peu fiable en raison de différences biologiques.
De l’importance des facteurs hémodynamiques
Les matériaux bioprothétiques semblaient pouvoir régler le problème des thromboses intra-prothétiques. En fait, le meilleur matériau en terme d’hémocompatibilité cesse de l’être si l’hémodynamique intra-prothétique est imparfaite. Ici, entrent en jeu de nouveaux facteurs thrombogènes qui bénéficient d’une approche numérique :
flux intra-prothétiques, pertes de charge résultant de la miniaturisation, régulation médicale.
Les flux intraprothétiques s’étudient par la répartition et l’évacuation de microparticules visualisables (Fig. 2). Le but est d’éliminer les zones de stase génératrice de thrombose et ceci à chaque étape d’optimisation des composants de la prothèse : raccords de fixation de la membrane, profils des voies d’admission et d’éjection, positionnement des valves.
La miniaturisation est un défi permanent lorsqu’on désire intégrer tous les composants en une structure monobloc logeable dans un espace défini, en l’occurrence le sac péricardique. Les méthodes d’imagerie médicale numérisée (Fig. 3) ont été déterminantes. Elles ont permis non seulement d’adapter la forme et la taille de la prothèse mais aussi de procéder à des implantations virtuelles permettant de prévoir les difficultés voire l’impossibilité d’implantation d’une prothèse de telle taille ou de telle forme chez tel malade donné (Fig. 4).
t = 750 ms Déploiement de la membrane
Fig. 2. — Simulation des mouvements de la membrane de pulsion et des flux intra-prothétiques.
Dans ce cas, pris pour exemple, la simulation a permis d’identifier une dysfonction (flux en rouge) source potentielle de complication et de le corriger.
A B C Fig. 3. — Construction par ordinateur de la cage thoracique humaine et de différents types de prothèse. Le modèle animal (A), utilisé pour valider les choix technologiques, est incompatible avec la morphologie humaine (B). Le modèle humain (C) a été miniaturisé et ses composants disposés de façon à être logeables dans le sac péricardique d’un insuffisant cardiaque. Ce modèle est par contre incompatible avec la morphologie en carène du thorax de veau rendant impossible de cet animal pour une évaluation à long terme.
La régulation médicale, c’est-à-dire l’adaptation en temps réel aux besoins de l’organisme, imposait au préalable la mise au point d’un banc d’essai reproduisant en tous points les différents composants du système vasculaire : réseau pulmonaire et réseau systémique avec leurs caractéristiques respectives d’élastance, de capacitance et de résistance (Fig. 5). Le cœur artificiel à tester est branché sur ce système qui permet d’évaluer numériquement les fonctions ventriculaires droite et gauche séparées, et de faire varier autant que nécessaire les caractéristiques circulatoires. Le banc est inclinable dans toutes les directions de l’espace, ce qui permet de juger du comportement de la prothèse dans n’importe quelle position corporelle. Il permet également d’étudier les réactions de la prothèse dans certaines situations pathologiques simulées : embolie pulmonaire, hémorragie massive, choc vaso-vagal. Ce banc doublé d’une approche théorique nous a montré qu’une régulation médicale physiologique nécessitait de prendre en compte le caractère visco-élastique de la contraction cardiaque. Un algorithme de régulation médicale a été développé qui, au-delà du simple respect de la loi de Starling (la prothèse éjecte le sang qu’elle reçoit), permet de reproduire cette caractéristique fonctionnelle et ainsi d’obtenir des courbes de pressions physiologiques. Cette régulation permet aussi d’adjoindre une régulation de type sympathique, qui maintient un niveau de pression systémique minimum suffisant en cas de diminution importante du retour sanguin.
Cette description même brève des contraintes d’ordre biomédical et des solutions adoptées pour y répondre n’a pas permis d’aborder les contraintes d’ordre mécanique et électronique qui, elles aussi, ont bénéficié de la même approche méthodologique : groupes moto-pompes, électronique de commande moteur, détection de position des membranes, capteurs de pression ont nécessité d’autres évaluations numériques, d’autres simulations et le recours à une évaluation des parcours de risque suivant des méthodes utilisées dans l’aéronautique. Pour chaque sous-ensemble de cette prothèse, un risque de défaillance proche de zéro pour une durée de cinq ans a été recherché, sécurité que n’aurait jamais pu atteindre l’évaluation d’une prothèse globale testée sur l’animal. Ceci ne signifie pas que tout risque de dysfonction ait été aboli, une fois tous ces éléments intégrés en vue d’une implantation chez l’homme.
Mais cette démarche nouvelle donne à ce type de prothèse le maximum de chance pour remplir sa fonction de façon durable.
NOUVEAUX OUTILS D’ÉVALUATION POUR DE NOUVELLES RÈGLEMENTATIONS
Précédant les réglementations, les chercheurs ont depuis longtemps eu le souci d’optimiser l’expérimentation animale en la réduisant au strict nécessaire. L’exemple choisi dans cet article portait à dessein sur la place de cette expérimentation dans la mise au point d’un système complexe. Il ne met pas en cause l’utilité de l’expérimentation animale qui reste à la base même de la sécurité nécessaire dans la mise au point de médicaments et appareillages nouveaux. Il en souligne les limites et en précise les missions.
Pour les prothèses cardiaques, l’expérimentation sur le gros animal dont on connaît mieux les limites aujourd’hui doit être utilisée en complément des nouveaux outils d’évaluation que fournit la révolution numérique. Autrefois censée démontrer l’efficacité d’un nouveau procédé thérapeutique, l’expérimentation animale, aujourd’hui, a pour mission la mise au point de ces méthodes et la validation de leur efficacité. Dans ce contexte précis, méthodes numériques et simulations se substitueront progressivement à l’expérimentation animale pour un surcroît de rigueur. Multipliant à l’infini les conditions expérimentales, elle permettront d’aboutir plus rapidement et à moindre coût aux solutions les plus fiables.
REMERCIEMENTS
L’auteur remercie les équipes techniques qui ont participé au développement de cette prothèse, successivement CETIM, MATRA ELECTRONIQUE, EADS et CARMAT ; notamment par ordre chronologique Bernard Berthier, Claude Wartelle, Guillaume du Boisbaudry, Marc Grimmé et Patrick Coulombier.
BIBLIOGRAPHIE [1] Berry G. — Pourquoi et comment le monde devient numérique. In
Leçons inaugurales du
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[8] Carpentier A., Lemaigre G., Robert L., Carpentier S, Dubost Ch. — Biological factors affecting long-term results of valvular heterografts. J. Thorac. Cardiovasc. Surg., 1969, 58 , 4, 467-483.
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DISCUSSION
M. Jacques-Louis BINET
Pouvez-vous nous dire combien d’animaux ont été utilisés dans votre travail depuis trente ans, c’est-à-dire le va et vient expérimental et numérique ?
Il faut distinguer deux types d’expérimentations animales : les expérimentations à finalité biologique et les expérimentations à finalité hémodynamique. Les premières ont utilisé des lapins ou des rats en grand nombre, une centaine environ. Elles ont servi à adapter les matériaux bioprothétiques dont nous avions certes une longue expérience mais qu’il fallait mettre en forme et en condition pour leurs nouvelles fonctions. La membrane de pulsion, par exemple, nécessitait des collages matériaux synthétiques — biomatériaux dont il fallait vérifier qu’ils n’altéraient pas les qualités peu thrombogènes de ces derniers matériaux. Les expérimentations à finalité hémodynamique ont été réalisées sur de gros animaux, moutons et veaux. Un peu plus d’une dizaine a suffit car leur but n’était pas de rechercher quelques survies à long terme, au demeurant impossibles en raison des contraintes morphologiques, mais de valider les algorithmes de régulation médicale et les méthodes de simulation numérique. Je sais que, disant cela, je suscite quelques critiques au regard de la réglementation américaine mais j’attire votre attention sur le fait que les quelque dix à quinze expérimentations animales de moyenne durée réalisées aux États-Unis pour la prothèse totalement implantable de dernière génération Abiocor n’avaient pas permis de prévoir et donc de prévenir les complications qui ont entraîné l’arrêt de son utilisation. Lorsqu’une méthode de validation se révèle peu fiable, il vaut mieux en changer. C’est ce que nous avons fait ; très tôt car il y avait eu de nombreux précédents. Nous avons adopté une méthodologie radicalement différente que nous pensons plus sûre. L’avenir le dira.
M. Jean SASSARD
Je désirerais savoir si le passage de pompes neuromusculaires à une pompe biventriculaire plus physiologique fut la décision des médecins ou des supérieurs de votre équipe ?
Le cahier des charges et les grands principes furent élaborés par moi-même. Leur mise en application et les nombreux ajustements nécessaires sont l’œuvre de l’équipe initiale. Chacun de ses huit membres a joué un rôle essentiel. Personne ne sait plus qui a amené ceci ou cela.
M. André VACHERON
Pouvez-vous nous indiquer quelle est l’énergie utilisée dans votre prototype de cœur artificiel et comment celle-ci est transmise aux deux pompes ventriculaires de la prothèse ?
Nous nous sommes attachés à résoudre, si possible, les problèmes de thrombose intra-prothétique pour lesquels nous avions un certain nombre de propositions originales à faire valoir. En matière d’énergie et de transmission d’énergie, nous n’avions pas d’idée originale à apporter. Nous utilisons les technologies existantes :
batteries au lithium, transmission par fils électriques ou par induction.
Bull. Acad. Natle Méd., 2009, 193, no 8, 1747-1756, séance du 10 novembre 2009