Communication scientifique
Session of 30 mai 2006

Évolution du calendrier vaccinal au Maroc

MOTS-CLÉS : calendrier vaccination. maroc.
Evolution of the Vaccination Timetable in Morocco
KEY-WORDS : immunization schedule. marocco

Naima Lamdouar Bouazzaoui

Résumé

Les premières campagnes de vaccination au Maroc remontent au début des années soixante, le programme élargi de vaccination (PEV) à 1981. Ce dernier a été restructuré en Programme national d’immunisation (PNI) six ans plus tard. Parallèlement à la mise en route de ces différents programmes, un suivi continu de la couverture vaccinale a permis de moduler le calendrier national de vaccination en introduisant de nouveaux antigènes et des rappels. Ainsi au fil des années la couverture vaccinale contre les principales maladies cibles, à savoir la tuberculose, la diphtérie, le tétanos, la coqueluche et la poliomyélite, a connu une amélioration appréciable. En effet, la diphtérie et le tétanos néonatal ont été éliminés, et la demande de certification de l’éradication de la poliomyélite formulée en 2001 par le Maroc a été acceptée par l’OMS. Les perspectives d’avenir visent actuellement la réduction des disparités entre le milieu urbain et rural. Une meilleure adaptation du calendrier vaccinal prévoit son enrichissement par d’autres antigènes et l’adoption du programme d’élimination de la rougeole et de la rubéole congénitale de l’OMS.

Summary

Morocco has always been aware of the importance of vaccination and has been implementing an ambitious vaccination policy for several decades.The first vaccination campaigns started in the sixties. The Extended Vaccination Program (EVP) was launched in 1981 and restructured six years later, being renamed the National Immunization Program (NIP). Regular follow-up of vaccine efficacy has led to several changes in the national vaccination timetable, including new antigens and boosters.Protection against tuberculosis, diphtheria, tetanus, whooping cough, poliomyelitis, etc. has considerably improved in Morocco. Neonatal tetanus and diphtheria have been eliminated, along with poliomyelitis (certified by WHO in 2001).Future efforts will focus on reducing urban-rural disparities, and on implementing the WHO program for eliminating measles and congenital rubella.

L’intérêt majeur que représente la vaccination pour le bien-être de l’humanité demeure indéniable à travers les temps et les espaces. Contre les maladies infectieuses à évolution invalidante ou mortelle, elle s’avère un moyen de lutte remarquable assurant la prévention sécuritaire et la protection salutaire pour les populations ciblées. Le Maroc a toujours été persuadé de l’importance de cet acte préventif. Il est parmi les pays qui ont mis en place depuis plusieurs décennies une politique vaccinale ambitieuse qui n’a pas été vaine. Les premières campagnes de vaccination remontent au début des années soixante, le programme élargi de vaccination (PEV) à l’année 1981. Ce dernier a été restructuré en Programme national d’immunisation (PNI) six ans plus tard. Parallèlement à la mise en route de ces différents programmes, un suivi continu de la couverture vaccinale a permis de moduler le calendrier national de vaccination en introduisant de nouveaux antigènes et des rappels. Ainsi, au fil des années, la couverture vaccinale contre les principales maladies cibles à savoir la tuberculose, la diphtérie, le tétanos, la coqueluche et la poliomyélite a connu une amélioration appréciable. En effet, la diphtérie et le tétanos néonatal ont été éliminés, et la demande de certification de l’éradication de la poliomyélite formulée en 2001 par le Maroc a été acceptée par l’OMS. Les perspectives d’avenir visent actuellement la réduction des disparités entre les milieux urbain et rural. Une meilleure adaptation du calendrier vaccinal prévoit son enrichissement par d’autres antigènes et l’adoption du programme d’élimination de la rougeole et de la rubéole congénitale de l’OMS.

INTRODUCTION

Pierre angulaire de la médecine préventive, la vaccination concerne toute préparation administrée par voie parentérale, orale ou nasale capable de conférer une protection immunitaire contre une maladie déterminée à un sujet réceptif à cette même maladie.

Les vaccins proviennent d’agents infectieux pathogènes de la même famille que l’agent sauvage engendrant la maladie, rendus inoffensifs en conservant leur propriété immunisante. Cette conservation s’acquiert par inactivation, on parle de vaccin tué, par atténuation il s’agit alors de vaccin vivant atténué ou par fractionnement et le vaccin est dit chimique.

Au Maroc et depuis le début du XXe siècle, le secteur de la santé publique n’a cessé de déployer des efforts considérables dans les domaines de l’expansion de la vaccination pour assurer la protection infantile. A ce propos nous aborderons successivement la réglementation des vaccins au Maroc, l’historique de la vaccination dans notre pays et les différentes étapes évolutives du calendrier vaccinal. Nous analyse-
rons ensuite la couverture vaccinale contre les principales maladies cibles et terminerons cet article en évoquant quelques perspectives d’avenir du Programme National d’Immunisation.

RÉGLEMENTATION DES VACCINS AU MAROC

Depuis l’aube du XXe siècle inauguré par l’apparition du Dahir (Loi) du 7 novembre 1918 inséré dans le bulletin officiel no 319 du 2 décembre 1918, décrets et circulaires alternent et se succèdent pour instituer tour à tour vaccins et campagnes de vaccination en fonction de l’évolution sociale, des conjonctures épidémiologiques et des possibilités humaines et financières [1].

HISTORIQUE

La vaccination au Maroc a connu une importante évolution durant le XXe siècle.

Ainsi, le vaccin contre la variole a été introduit en 1929, le BCG en 1949 et l’anti-diphtérique, l’anti- tétanique et l’anti-coquelucheux (DTC) en 1963. Entre 1964 et 1967 furent organisées des campagnes de vaccination contre la poliomyélite.

L’année 1967 fut celle du lancement des premières activités de vaccination de masse et de vaccination au niveau de points fixes.

En 1980, l’évaluation des stratégies vaccinales du pays souligna leur faible efficacité d’où l’adhésion en 1981 au programme élargi de vaccination ou PEV dans le cadre d’un plan quinquennal de développement 1981-1985 [2, 3].

En 1986 cette dernière stratégie a été évaluée par une enquête sur la couverture vaccinale, utilisant la méthodologie de sondage-échantillonnage par grappes préconisée par l’OMS. Cette enquête a mis de nouveau le point sur l’insuffisance de la couverture vaccinale chez les enfants âgés de un à cinq ans puisque le taux de couverture national se fixait à 60 % répartis en 42 % en milieu rural et 83 % en milieu urbain. Aussi, afin d’atteindre l’objectif assigné à savoir une couverture vaccinale nationale dépassant les 80 %, le ministère de la santé publique a mis en œuvre des mesures de restructuration du PEV en programme national d’immunisation dit PNI. Ce dernier a été rattaché à la division de la santé maternelle et infantile relevant de la Direction de la population. La structure qui le gère comprend différentes cellules chargées :

— de la programmation et de la relation avec les organismes, — de la formation, la supervision, l’encadrement et l’information-éducationcommunication (IEC), — de la gestion des vaccins ;

— de la gestion du matériel de vaccination et du système d’information ;

— de l’évaluation et des statistiques [3].

L’objectif principal du PNI fut l’intensification des efforts en vue de vacciner contre six maladies autant meurtrières qu’handicapantes à savoir la tuberculose, la diphtérie, le tétanos, la coqueluche, la poliomyélite et la rougeole, les enfants de la naissance à cinq ans, et contre le tétanos les femmes en âge de procréer. Il s’est traduit par l’organisation, dès l’automne 1987, de grandes campagnes de vaccination dites « Journées Nationales de Vaccination » ou JNV.

Ces JNV se sont déroulées en trois passages successifs : en octobre, novembre et décembre 1987. Elles ont été l’occasion pour développer l’information sur la vaccination dans tous les milieux en utilisant largement les média et les moyens de communication traditionnels. Pour la première fois au Maroc, les femmes en âge de procréer du milieu rural ont été vaccinées par l’anatoxine tétanique.

L’année 1988 se distingua alors par une amélioration spectaculaire de la situation.

Ainsi, au niveau national, la couverture vaccinale contre les six maladies cibles précitées a atteint 81 % chez les enfants de 12 à 17 mois et 87 % pour ceux âgés de 12 à 59 mois [4,5].

Le PNI a connu une évolution depuis. L’année 1995 a inscrit le lancement d’une stratégie nationale d’éradication de la poliomyélite visant l’obtention de la certification de cette éradication vers l’an 2008. En outre, d’autres vaccins ont été introduits. Il s’agit :

• de la vaccination des nouveau-nés et des nourrissons contre l’hépatite virale type B en 1999 ;

• de la vaccination combinée contre la rougeole et la rubéole (RR) en 2003 pour les élèves de la première année de l’enseignement primaire ;

• du premier rappel DTCP (diphtérie-tétanos-coqueluche et poliomyélite) à l’âge de 18 mois également en 2003.

En somme, l’adoption du PNI et son évolution ont amené celles du calendrier vaccinal national [3].

ÉVOLUTION DU CALENDRIER VACCINAL AU MAROC

Le calendrier vaccinal définit la politique vaccinale d’un pays généralement en accord avec les orientations retenues par l’OMS.

Si le premier objectif est d’instituer une immunité par les primo-vaccinations chez le nourrisson, le second est d’entretenir cette immunité chez l’enfant et l’adulte. C’est ce qui amène le calendrier vaccinal à faire l’objet de révisions régulières le modifiant ou introduisant de nouveaux vaccins selon les données scientifiques disponibles, l’épidémiologie et les priorités de chaque pays [6, 7].

Le calendrier de vaccination, recommandé par l’OMS et l’UNICEF et réalisé jusqu’en 1998 par le ministère de la santé au Maroc, comportait la vaccination contre les six maladies cibles des plus meurtrières et /ou handicapantes précitées. Ce calendrier s’arrêtait à l’âge de neuf mois (calendrier 1) [8].

CALENDRIER 1. — Appliqué par le ministère marocain de la santé jusqu’en 1998 [8].

AGE DE L’ENFANT

VACCINS

A la naissance BCG + VPO zéro*

6 semaines DTC + VPO 1 1 10 semaines DTC + VPO 2 2 14 semaines DTC + VPO 3 3 9 mois VAR*

* VPO zéro : vaccin polio oral zéro destiné uniquement à mettre l’enfant en contact avec le virus polio mais sans valeur vaccinante VAR :

vaccin anti-rougeole L’année 1999 fût marquée par l’introduction du vaccin contre l’hépatite B et 2003 par celle du rappel DTCP à l’âge de dix-huit mois et d’une dose rougeole-rubéole (RR) à l’âge de six ans coïncidant avec la rentrée scolaire (calendrier 2).

Toutefois, le ministère de la santé a toujours laissé à l’appréciation individuelle des médecins du secteur privé et de ceux du secteur public, dans la mesure de leur possibilité, l’utilisation d’autres vaccins comme l’anti-haemophilus influenzae b ou l’anti-rougeole-rubéole-oreillons (ROR), ainsi que les autres rappels avec l’application, si les parents y adhèrent, du calendrier 3.

Concernant la vaccination anti-tétanique des femmes en âge de procréer, elle a été introduite au Maroc en 1987 selon le calendrier 4 [9].

STRATÉGIES VACCINALES

Les stratégies adoptées par le Programme National d’Immunisation (PNI) visent, à titre gracieux pour toute la population une couverture vaccinale satisfaisante et uniforme à tous les niveaux. Leur application s’appuie sur les structures de base de la couverture sanitaire selon un mode fixe et mobile renforcés par des minicampagnes de vaccination et par les JNV.

STRATÉGIE FIXE

Elle s’adresse à une population ayant des facilités d’accès aux formations sanitaires publiques du réseau de soins de santé de base. Des séances de vaccination y sont régulièrement programmées et réalisées de façon permanente.

Quoique dans une moindre proportion, le secteur privé joue également un rôle dans la réalisation des actes vaccinaux. Il contribue ainsi à l’amélioration de l’accessibilité aux prestations vaccinales d’une certaine catégorie de la population.

CALENDRIER 2. — Actuellement en vigueur dans le secteur public.

AGE DE L’ENFANT

VACCINS

A la naissance BCG + VPO (zéro) + HB *

1 6 semaines DTC + VPO + HB 1 1 2 10 semaines DTC + VPO 2 2 14 semaines DTC + VPO 3 3 9 mois VAR + HB3 18 mois 1er Rappel DTC 6 ans (rentrée scolaire) RR*

* HB : vaccin anti-hépatite B RR : vaccin anti-Rougeole-Rubéole CALENDRIER 3. — Laissé à l’appréciation des praticiens à titre privé [9].

AGE DE L’ENFANT

VACCINS

A la naissance BCG + VPO (zéro) + HB1 6 semaines — 2 mois DTCP + HB + Hib*

1 2 1 10 semaines — 3 mois DTCP + Hib 2 2 14 semaines — 4 mois DTCP + Hib 3 3 12 mois VAR + HB3 18 mois 1er rappel DTC 5 ans plus tard ROR+ 2eme rappel DTC Tous les 5 à 10 ans Rappels DTP puis T * Hib : vaccin anti-haemophilus influenzae b CALENDRIER 4. — Vaccination anti-tétanique des femmes en âge de procréer telle qu’elle est préconisée au Ma.

DOSES

QUAND ?

VAT Dès que possible chez la femme en âge de procréer ou le plus tôt possible 1 au cours de la grossesse VAT Au moins quatre semaines après le VAT 2 1 VAT Au moins six mois après le VAT ou au cours d’une grossesse ultérieure 3 2 VAT Au moins un an après le VAT ou au cours d’une grossesse ultérieure 4 3 VAT Au moins un an après le VAT ou au cours d’une grossesse ultérieure.

5 4 VAT : vaccin anti-té

STRATÉGIE MOBILE

Cette stratégie inclut deux modes de couverture, par itinérance ou par équipe mobile.

Vaccination par itinérance

Dans le cadre de ce mode, l’infirmier itinérant opère par :

— la relance des femmes et des enfants non ou incomplètement vaccinés qu’il réfère aux formations sanitaires ;

— la vaccination des femmes et des enfants non ou incomplètement vaccinés qu’il rassemble au niveau d’un point de contact.

Vaccination par équipe mobile

Une équipe composée d’un médecin et d’au moins deux infirmiers(es) se déplace par véhicule ou autre moyen de transport pour couvrir les zones éloignées. Cette équipe mobile reste efficace mais suppose la disponibilité des moyens de transport, de carburant et d’équipements adéquats pour répondre aux besoins de la population.

Elle assure la vaccination des femmes et des enfants non ou incomplètement vaccinés au niveau de points de rassemblement selon un programme préétabli.

VACCINATION PAR MINI-CAMPAGNE

Cette activité est limitée dans le temps et l’espace. Elle concerne les localités ou un ensemble de localités à couverture vaccinale insuffisante.

LES JOURNÉES NATIONALES DE VACCINATION

Depuis 1987, le Maroc organise chaque année des Journées Nationales de Vaccination (JNV) contre les maladies cibles de l’enfant déjà mentionnées. Grâce à cette stratégie, notre pays a pu améliorer la couverture vaccinale et la maintenir à un niveau élevé. En fait, ces JNV permettent la prise en charge des enfants et des femmes ayant échappé au programme permanent ou ayant abandonné leur cycle de vaccination.

Leur organisation a connu un réajustement en rapport avec les plans d’éradication ou d’élimination de certaines maladies comme la poliomyélite, le tétanos néonatal ou la rougeole [10].

ÉVOLUTION DE LA COUVERTURE VACCINALE CONTRE LES PRINCIPALES MALADIES CIBLES

Un des indicateurs de l’état de santé de l’enfant dans un pays est la proportion d’enfants protégés par la vaccination contre des maladies graves.

Grâce au PNI, le Ministère de la Santé a pu, en quelques années, réduire considé- rablement les niveaux de mortalité et de morbidité liées à la tuberculose, à la diphtérie, au tétanos néonatal, à la coqueluche, à la poliomyélite et à la rougeole.

Le taux de couverture vaccinale a atteint et même dépassé les 90 % à tous les niveaux aussi bien provincial, préfectoral, régional que national. Aussi, allonsnous suivre son évolution en fonction de chaque maladie infectieuse considé- rée.

ÉVOLUTION DE LA COUVERTURE VACCINALE PAR LE BCG (Fig. 1)

Le BCG a été introduit au Maroc en 1949, bien avant le PEV. Utilisant d’abord la forme orale entre 1957 et 1964, une large campagne a permis de vacciner 2,4 millions de personnes. La forme intra-dermique a été introduite en 1965 .A partir de 1967, cette vaccination s’est organisée dans le cadre de campagnes de masse et de quelques points fixes. L’évaluation en 1980 de cette stratégie conclut à une faible couverture vaccinale. Le BCG fût alors programmé dans le cadre du PEV à partir de 1981. Une nouvelle évaluation en 1986 a relevé de nouveau l’insuffisance de la couverture puisque celle-ci ne dépassait pas 50 %. Avec la restructuration du PEV en PNI, d’autres enquêtes d’évaluation furent organisées. La plus large a été l’enquête de Panel sur la Population et la Santé (EPPS) de 1995 qui a été réalisée par le Service des Etudes et de l’Information Sanitaire (SEIS) de la Direction de la Planification et des Ressources Financières du Ministère de la Santé Publique, avec la collaboration de Macro-International et l’appui financier de l’Agence Américaine pour le Développement International (USAID). Cette enquête a fait suite à l’Enquête Nationale sur la Population et la Santé (ENPS-II) de 1992. Elle a montré que la quasi-totalité (98 %) des enfants âgés de douze à vingt-trois mois ont reçu le BCG quel que soit l’âge à la vaccination, et 96 % l’ont reçu avant l’âge de un an [10, 11].

ÉVOLUTION DE LA COUVERTURE VACCINALE CONTRE LA DIPHTÉ- RIE (Fig. 2)

La diphtérie désigne une maladie infectieuse contagieuse affectant les voies respiratoires supérieures, le rhinopharynx et le larynx. Cette pathologie à évolution souvent fatale et atteignant adultes et enfants, remonte à l’antiquité [12].

Il a fallu attendre 1883 pour la découverte par Krebs de la bactérie que Loeffler cultive en 1884. En 1889, Roux isole la toxine diphtérique et l’année suivante,
* Source : Ministère Marocain de la santé FIG. 1. — Évolution du taux de recrutement BCG/naissances attendues 1987-2003*

* Source : Ministère marocain de la Santé FIG. 2. — Impact de la couverture vaccinale par le DTC sur la situation des cas de diphtérie 3 1987-2003*

Behring réussit à immuniser des animaux en leur injectant à doses croissantes la toxine que, quelques années plus tard, Ramon atténuera en anatoxine.

La vaccination anti-diphtérique, mise au point en 1923, contribua à la régression de la fréquence de la maladie dans plusieurs pays.

Au Maroc, l’impact de cette vaccination sur la situation épidémiologique est considérable. Avant 1987, la maladie sévissait par épidémies mortelles. Depuis la mise en œuvre du PNI en 1987, l’incidence de la maladie n’a cessé de diminuer avec quatorze cas en 1989 et un seul en 1991 pour s’annuler. En effet, grâce aux trois doses DTCP et à l’amélioration de la couverture vaccinale, aucun cas de diphtérie n’a été déclaré au Maroc depuis 1992 et la couverture vaccinale oscille entre 88 et 90 % selon les milieux [13-15]. La surveillance épidémiologique de la diphtérie passe par la déclaration obligatoire de tout cas de diphtérie suspect ou confirmé. Cette déclaration est faite auprès de la Délégation Médicale qui elle-même transfère l’information immé- diatement à la Direction de l’Epidémiologie et de Lutte contre les Maladies du Ministère de la Santé.

ÉVOLUTION DE LA COUVERTURE VACCINALE CONTRE LE TÉTANOS (Fig. 3 et 4)

Le tétanos est la toxi-infection la plus meurtrière en dépit des progrès de réanimation. Cette maladie infectieuse est accessible à une prévention efficace grâce au vaccin, l’anatoxine tétanique mise au point en 1924 par le savant français Ramon.

Avant 1987, le Maroc enregistrait annuellement des centaines de décès par tétanos néonatal. L’introduction depuis 1987 de la vaccination anti-tétanique (VAT) des femmes en âge de procréer s’est révélée hautement bénéfique réduisant le nombre de cas annuel de tétanos néonatal de 103 en 1983 à huit seulement en 1994. En outre, le taux de couverture vaccinale contre le tétanos n’a cessé d’augmenter pour atteindre 91 % dès l’année 2002.

Aussi, déjà en 2002, le Maroc est-il devenu le premier pays de la région EMRO à avoir validé l’élimination du tétanos néonatal selon le nouveau protocole OMS/UNICEF [16,17].

ÉVOLUTION DE LA COUVERTURE VACCINALE CONTRE LA COQUELUCHE (Fig. 5)

La coqueluche est une maladie infectieuse contagieuse susceptible d’être mortelle lorsqu’elle est contractée en bas âge, notamment chez le nourrisson de moins de trois mois. Au Maroc, avant la mise en œuvre du PNI, des milliers de cas étaient enregistrés annuellement et la couverture vaccinale n’atteignait guère les 85 %. La diminution appréciable de la fréquence de cette maladie découle d’une meilleure couverture vaccinale par le DTC comme l’illustre la figure 5 [9, 17, 18].

3
* Source : Ministère marocain de la Santé FIG. 3. — Évolution de l’incidence du tétanos néonatal 1987-2002 *

* Source : Ministère marocain de la Santé FIG. 4. — Pourcentage des enfants marocains nés protégés contre le tétanos néonatal 1999-2003 *

* Source : Ministère marocain de la Santé FIG. 5. — Impact de la couverture vaccinale par le DTC sur le nombre des cas de coqueluche 3 1982-2003 *

ÉVOLUTION DE LA COUVERTURE VACCINALE CONTRE LA POLIOMYELITE (Fig. 6)

Les premières campagnes de lutte contre la poliomyélite utilisant le vaccin oral furent organisées au Maroc entre 1964 et 1967 dans les grandes villes. La vaccination a été par la suite réalisée dans le cadre du PEV à partir de 1980 puis dans celui du PNI à partir de 1987.

Depuis, des actions de programmation, de formation, de supervision et de mobilisation sociale ont amené la couverture vaccinale à un niveau dépassant les 90 %.

L’impact a été alors considérable sur la situation épidémiologique amenant le Maroc à être l’un des premiers pays de la région à avoir adopté le programme d’éradication de la poliomyélite qui a été initié en 1988 par l’OMS.

En 1994, un système de surveillance des paralysies flasques aiguës a été généralisé amenant notre pays à déposer en novembre 2001, auprès du Bureau Régional de l’OMS pour la Méditerranée Orientale (EMRO), le dossier de certification de l’éradication de la poliomyélite. En effet, comme le montre la figure 6, aucun cas n’a été enregistré depuis 1988. A noter que le dossier de certification a été accepté en mars 2002 [9, 19-23].

ÉVOLUTION DE LA COUVERTURE VACCINALE CONTRE LA ROUGEOLE (Fig. 7)

Les vaccins contre la rougeole sont apparus en 1963, dix ans après la culture du virus de la rougeole par Enders et Peeble en 1954.La vaccination n’a été introduite dans le calendrier du ministère marocain de la santé qu’en 1981. La couverture vaccinale a été bonne et l’enquête précitée réalisée en 1995, a montré que 89 % des nourrissons ont été vaccinés contre la rougeole, avec les deux tiers (77 %) avant l’âge de douze mois. Cependant, malgré l’importante couverture vaccinale et la réduction de l’incidence de la maladie, la pathologie continue à sévir chez les enfants âgés de quatre à ciinq ans et surtout chez ceux âgés de cinq à neuf ans. Deux pics d’incidence ont été enregistrés durant la dernière décade 1993-2003, avec une incidence maximale évaluée à 10841en 2003.

Ce profil épidémiologique s’explique par la stratégie vaccinale qui consistait à administrer une seule dose de vaccin anti-rougeoleux aux nourrissons âgés de neuf mois .Or la réponse vaccinale à cet âge n’est que de 80 % à cause de la persistance des anticorps maternels. Aussi, le PNI préconise-t-il depuis l’an 2003 une deuxième dose combinée à une autre contre la rubéole chez les enfants âgés de six ans [9, 23, 24].

PERSPECTIVES D’AVENIR DU PROGRAMME NATIONAL D’IMMUNISATION

Grâce aux efforts déployés depuis que le PNI a été mis en œuvre en 1987, le Maroc a atteint une couverture vaccinale appréciable et les résultats se sont révélés satisfaisants. Aussi, actuellement, l’objectif prioritaire devient-il la réduction des disparités entre le milieu urbain et le milieu rural.

Des perspectives plus ambitieuses, visent principalement :

— Le contrôle de l’état vaccinal des enfants de moins de cinq ans pour tous les vaccins précités, — La réduction des occasions manquées pour les enfants et aussi pour les femmes en âge de procréer pour le vaccin anti-tétanique, — La sensibilisation et l’encouragement des parents à conserver les carnets de santé et les cartes de vaccination, — L’introduction d’autres antigènes en particulier le vaccin contre l’haemophilus influenzae b et éventuellement le vaccin contre les oreillons, — L’implication du secteur privé comme partenaire dans le programme permanent, — L’élaboration d’un plan national dans le cadre du programme d’élimination de la rougeole et de la rubéole congénitale de l’OMS, — L’aboutissement de la législation nationale dans le domaine de la vaccination.

* Source : Ministère marocain de la Santé FIG. 6. — Impact de la couverture vaccinale par le DTC sur le nombre des cas de coqueluche 3 1982-2003 *

* Source : Ministère marocain de la Santé FIG. 7. — Impact de la couverture vaccinale par le VPO sur la situation épidémiologique de la 3 poliomyélite au Maroc 1987-2003

Enfin, même si la population marocaine reste en majorité jeune, l’avenir plaide en faveur de la vaccination des sujets âgés. En effet, ceux-ci demeurent particulièrement et dangereusement exposés aux infections telles que la grippe, le tétanos et l’infection à pneumocoque. En outre, le risque d’apparition à un âge avancé, même chez le sujet vacciné dans l’enfance, de certaines maladies infectieuses incite à recommander tous les dix ans et à vie, les rappels anti-tétaniques, antipoliomyélitiques et anti-diphtériques [27,28]. En somme, le vieillissement en cours de la population marocaine laisse prévoir la nécessité d’un calendrier de vaccination du sujet âgé planifiant :

— une fois par an la vaccination anti-grippale ;

— tous les cinq ans la vaccination anti-pneumococcique ;

— tous les dix ans la vaccination anti-tétanique, anti-poliomyélitique et antidiphtérique, cette dernière à dose réduite d’anatoxine.

La vaccination, en définitive, demeure à jamais la pierre angulaire de la médecine préventive et l’illustration parfaite de l’adage courant « Prévenir vaut mieux que guérir ».

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Rabat, 2005, 327-344.

[26] AMAL et al. — Genetic analysis of measles viruses isolated in Morocco. Journal of medical virology ,2002, 68 , 441-444.

[27] TRIVALLE C. — Quelles vaccinations chez le sujet âgé ?

Gériatrie, 2000, 20 , 50-54.

[28] SALIOU P., LESOURD B. — La vaccination des personnes âgées.

L’année gérontologique , 1999, 405-419.

DISCUSSION

M. Pierre BÉGUÉ

Pourquoi avez-vous choisi l’âge de la deuxième dose de vaccin rougeole à six ans ? Quel est l’âge moyen de vos cas de rougeole ces dernières années ?

L’âge choisi pour la deuxième dose de vaccin anti-rougeoleux a été fixé à six ans parce que l’âge des pics épidémiologiques relevés en 1999 et en 2003 se situait entre cinq et neuf ans. D’autre part, six ans représentent l’âge de la rentrée scolaire au Maroc et correspond à un moment où l’on peut toucher le maximum d’enfants pour atteindre l’objectif d’une couverture vaccinale autour de 90 %. Les enfants atteints de rougeole ces dernières années sont âgés de cinq à neuf ans soit à un âge moyen de sept ans.

M. Jean-Daniel SRAER

Existent-ils des obstacles culturels à la vaccination ? Les vaccins sont-ils produits au Maroc ou sont-ils importés ?

A la première partie de la question, je réponds qu’il n’existe aucun obstacle à la vaccination dans notre pays et certainement pas du point de vue religieux comme il a été débattu suite à la présentation relative à l’éradication de la poliomyélite. Au contraire, à l’approche des Journées Nationales de Vaccination, les Imams prêchent dans les diffé- rentes mosquées du Royaume les bienfaits de la vaccination pour la santé infantile et générale. Je précise que le Maroc importe la totalité de ses besoins en vaccins pré-qualifiés par l’OMS et agréés par les Nations Unies à travers l’UNICEF et, depuis 1993, ces acquisitions se font sur le budget de l’Etat Marocain.

M. Michel ARTHUIS

Étant donné la persistance de la rougeole au Maroc, avez-vous observé des cas d’encéphalite subaiguë sclérosante de Van Bogaert ?

J’exerce dans les services de pédiatrie du Centre Hospitalier Universitaire de Rabat depuis 1969 et je n’ai jamais observé de cas d’encéphalite subaiguë sclérosante de Van Bogaert. En outre, jusqu’à ce jour, le système de surveillance épidémiologique des fièvres éruptives dont la rougeole n’en a jamais fait mention.


* Chef du service de Pédiatrie, Centre national de référence en néonatologie — CHU Avicenne — Rabat — Maroc. Tirés à part : Professeur Naima LAMDOUAR BOUAZZAOUI, 45, avenue Moulay Ismaïl — Rabat — Maroc. Article reçu le 3 octobre 2005 et accepté le 7 novembre 2005.

Bull. Acad. Natle Méd., 2006, 190, nos 4-5, 1017-1033, séance du 30 mai 2006