Monsieur le Président, Monsieur le Secrétaire perpétuel, Chers confrères et chères consœurs, Mesdames, Messieurs
« Pour raconter sa vie, il faut avoir vécu ». C’est ainsi que commence « Les confessions d’un enfant du siècle ». Musset voulait, par-là, opposer les hommes qui avaient eu 20 ans en 1789 et pu vivre les événements de la Révolution et de l’Empire à ceux qui avaient atteint le même âge au début de la Restauration, 30 ans plus tard, dont la seule ambition était de faire fortune. Gabriel Richet eut 20 ans en 1936. La guerre d’Espagne commençait. Il allait connaître la guerre, l’occupation, la guerre de nouveau et, enfin, la reconstruction du pays. Sa famille fixée à Paris depuis le milieu du 19ème siècle compte une lignée de trois professeurs à la Faculté de médecine de Paris qui ont, chacun, marqué leur époque. Le portrait d’Alfred Richet, l’arrière-grand-père, chirurgien des hôpitaux, domine le grand escalier de l’Ecole de médecine et le montre soignant les blessés du siège de Paris en 1871. Le grand père, Charles Richet, physiologiste de renom, découvrit l’anaphylaxie, fut lauréat du Prix Nobel en 1913, événement dont l’Académie a célébré le centenaire en présence de son petit-fils. Agé de 19 ans à sa mort, Gabriel Richet fut profondément influencé par son grand-père qui l’orienta vers une médecine basée sur des connaissances scientifiques apportées par l’expérimentation. Son père, enfin, Charles Richet fils, médecin des hôpitaux de Paris, fut déporté à Buchenwald par les allemands. A son retour, il étudia les conséquences de la dénutrition chez ses compagnons de captivité. Du côté maternel, la famille Trélat participa également à l’histoire de notre pays. Gabriel Richet a rejoint dans son tombeau au Père Lachaise Ulysse Trélat, vice-président de l’Assemblée constituante, puis ministre des travaux publics en 1848.
La vie de Gabriel Richet peut être examinée sous trois aspects : le militaire, patriote au service de son pays, le médecin et chercheur, le chef d’une école de néphrologie.
Sa carrière militaire commença en septembre 1939 lorsque débuta la deuxième guerre mondiale, quelques mois après sa nomination à l’internat des hôpitaux de Paris. Médecin auxiliaire, il prit part à la Campagne de France. Il y montra dévouement et courage, ce qui lui valut d’être cité à l’ordre de son régiment et d’être décoré de la Croix de Guerre. Fait prisonnier, il fut libéré, étant médecin, en application des conventions de Genève, après quelques semaines de captivité et rentra à Paris occuper les fonctions d’interne. Toute sa famille participa à la résistance contre l’occupant. J’ai déjà dit que son père fut déporté à Buchenwald ; son frère, Olivier, le fut aussi à Buchenwald, puis à Dora et, enfin, à Bergen Belsen et sa cousine, Jacqueline Richet-Souchère à Ravensbrück. Ils racontèrent à leur retour leurs vies dans ces camps dans un livre intitulé « Les trois bagnes ». Sa mère, Marthe Richet, fut emprisonnée quelques mois à Fresnes. Lui-même s’impliqua dans des actions de résistance. Il s’engagea dès la libération dans l’Armée qui, sous le commandement du Général Leclerc libéra Strasbourg en novembre 1944. Durant tout le début de l’année 1945, les combats continuèrent autour de la poche de Colmar. Gabriel Richet y participa comme médecin du 4ème commando de France. Il fut blessé d’une balle à la cuisse à Durrenentzen, hospitalisé pendant 2 mois et retourna au Commando au moment où il traversait le Rhin. Il participa de nouveau aux combats jusqu’à l’armistice. Il fut cité trois fois à l’ordre de l’Armée et décoré de la Légion d’Honneur par le Général de Gaulle en avril 1945 à Karlsruhe. Gabriel Richet revenait régulièrement à Durrenentzen aux réunions des anciens du commando. Il se considérait selon ses propres termes comme « un alsacien de passage » et restait très attaché à cette région du Haut Rhin.
La médecine resta toute sa vie la passion de Gabriel Richet. Dès le départ, il fut persuadé qu’il fallait sortir d’une médecine purement descriptive sans aucune base physiologique, sans aucune information chiffrée, sans données histologiques solides, sans exploration fonctionnelle. Cela lui valut au début de sa carrière, au mieux des sourires désabusés, souvent des critiques méchantes et l’absence de responsabilité hospitalière durant son clinicat. Heureusement, une nouvelle génération apparaissait, celle de la reconstruction de la médecine française qui s’inspirait largement des progrès venus d’outre atlantique. Devenu en 1951 l’adjoint de Jean Hamburger à l’Hôpital Necker, Gabriel Richet put enfin réaliser son rêve d’exercer une médecine basée sur des connaissances scientifiques. Eux deux créèrent la néphrologie en France. Jusqu’à eux, la connaissance de la pathologie rénale se limitait aux notions que l’accumulation dans le sang des déchets azotés signait l’insuffisance rénale et que la rétention du chlorure de sodium était la cause des oedèmes. Comme l’a écrit Gabriel Richet, « Il y avait fort à faire ». Citons quelques exemples des découvertes faites à Necker durant la décennie que Gabriel Richet y passa. Le pronostic létal de l’insuffisance rénale, qu’elle soit aiguë ou chronique ne dépend pas de l’urémie, mais des troubles hydroélectrolytiques qui l’accompagnent comme l’hyperkaliémie, l’acidose et l’hyponatrémie. Gabriel Richet fut le premier à montrer que l’eau provenant de l’oxydation des aliments était un déchet comme un autre s’accumulant au cours des anuries sous la forme de ce qu’il appelait l’eau endogène. Avec J Hamburger et J Crosnier, il conceptualisa la notion de réanimation, c’est-à-dire de suppléance des grandes fonctions métaboliques qu’il appliqua aux désordres hydroélectrolytiques, mais fut vite étendue avec succès à d’autres disciplines. Ces recherches sont analysées dans un ouvrage « Techniques de réanimation médicale et de contrôle de l’équilibre humoral » que tout nouvel interne arrivant dans le service se devait de lire aussitôt. Ces études furent permises grâce à l’acquisition des premiers appareils de laboratoire innovants, photomètre à flamme d’émission pour la mesure du sodium et du potassium, pHmètre et gazomètre pour la mesure du gaz carbonique. Un laboratoire de service fut créé, alors jugé indispensable. Une autre découverte prémonitoire fut la mise en évidence d’une érythroblastopénie médullaire passagère dans l’insuffisance rénale aiguë réversible qui lui permit de faire l’hypothèse ultérieurement confirmée du rôle d’une hormone rénale, l’érythropoïètine, dans la production des hématies. Il participa à la mise en route des premières méthodes de dialyse. Après l’échec de la dialyse intestinale, il passa deux mois à Boston dans le service de John Merrill pour se familiariser avec l’usage du premier rein artificiel, l’appareil rotatif de Kolff-Brigham. De retour à Paris, il fit construire le premier rein artificiel Français et créa à Necker le premier centre d’hémodialyse, alors réservé exclusivement au traitement des insuffisances rénales aiguës. Je me souviens de l’afflux dans le service de jeunes médecins Français et étrangers venus apprendre cette nouvelle technique. Une étape majeure dans la description des maladies rénales fut la biopsie rénale d’origine danoise, vite adoptée à Necker. En même temps, il introduisit l’utilisation du microscope électronique dans l’examen de ces biopsies, ce qui aboutit aux premières descriptions, avec Paul Michielsen, des podocytes et des cellules mésangiales du glomérule. La pratique des biopsies conduisit à la description des principaux types de glomérulonéphrites avec Renée Habib et Hyacinthe de Montera. La grande affaire du service restait la transplantation rénale. On savait déjà que l’obstacle à sa réussite était la barrière immunologique ; d’où l’espoir de l’atténuer en utilisant des transplants familiaux. L’occasion se présenta en 1952 avec la greffe d’un rein maternel chez un jeune couvreur qui avait perdu un rein unique après un traumatisme. Après trois semaines de bon fonctionnement du greffon, survinrent le rejet et la mort du patient. Sept ans plus tard, ce fut le succès lors du transplant d’un rein entre deux jumeaux hétérozygotes facilité par l’irradiation préalable du patient afin de faciliter la tolérance. Ainsi, la néphrologie était-elle créée en France. L’ancienne Société de pathologie rénale devenait Société de néphrologie en 1959. Ce changement de nom signifiait que la physiologie, l’anatomie pathologique, l’immunologie, la biologie cellulaire y avaient leurs places à l’égal de la clinique. Gabriel Richet en fut le président pendant deux ans. Il participait également aux activités du club des treize qui réunissait plusieurs services parisiens de disciplines diverses dont les responsables étaient tous soucieux de promouvoir une médecine scientifique.
L’année 1961 fut celle de l’indépendance et de nouvelles responsabilités. Gabriel Richet voulait créer sa propre école et former ses propres élèves. Il prit un service de médecine générale à l’hôpital Tenon qu’il transforma en service de néphrologie. Ce ne fut pas facile. L’hôpital était dans un état de décrépitude depuis de nombreuses années ; l’équipement de base manquait cruellement, les services environnants se limitaient à la pratique clinique, les facilités de recherche étaient nulles et l’équipe médicale se bornait au seul assistant que j’étais. Le programme réalisé en 4 ans fut de créer un laboratoire de recherche avec 2 secteurs, la physiologie et l’anatomie pathologique rénale, de faire bâtir un nouveau service, d’organiser l’enseignement de la néphrologie et de recruter des élèves. Les deux premiers furent Claude Amiel qui, avec moi, installa un laboratoire de physiologie et mena à bien un programme de recherches fait au début uniquement d’investigation clinique, et Liliane Morel-Maroger qui se révéla être une brillante anatomopathologiste active et pleine d’imagination. Les premiers travaux de physiologie furent consacrés à l’excrétion rénale des ions H+, ses relations avec la calcémie et la production de ces ions H+ au cours du métabolisme des aliments. D’autres portèrent sur les effets rénaux de la calcitonine et les mécanismes de l’excrétion urinaire de l’acide urique.
Le service connut son plein développement à partir de 1966 avec la disponibilité de nouveaux locaux de recherche et de soins et la création de l’Unité INSERM 64 dont l’intitulé « néphrologie normale et pathologique » annonçait un vaste champ de recherches. De même, Gabriel Richet, lorsqu’il fut élu professeur titulaire de chaire en 1967, donna à sa chaire le nom de « Chaire de néphrologie clinique et expérimentale » voulant dire par-là que ces deux aspects de la néphrologie étaient complémentaires et que le premier reposait sur le second. De nombreux néphrologues furent formés à Tenon. Les uns restèrent à Paris comme Jean-Daniel Sraer, Françoise Mignon, Alain Meyrier, Jean-Philippe Méry, Pierre Ronco, Eric Rondeau et Michel Paillard, tous plus tard professeurs de néphrologie ou de physiologie et chefs de service à l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris. D’autres comme Jean-Paul Fillastre et Claude Leroux-Robert créèrent des services de néphrologie, respectivement à Rouen et à Limoges. D’autres enfin restèrent en Ile-de-France comme Olivier Kourilsky, Alain Kanfer et Michel Beaufils. Quelques-uns firent carrière à l’INSERM comme Pierre Verroust et René Alexandre Podevin. Liliane More-Maroger, devenue Liliane Striker, quitta la France et poursuivit une brillante carrière aux Etats-Unis. Il en fut de même pour Claude Lechêne qui devint professeur à Harvard. Le Service d’explorations fonctionnelles que je créai à Tenon travaillait en étroite liaison avec le service de néphrologie. Plusieurs de mes collaborateurs que ce soit à l’Hôpital ou dans l’équipe que je dirigeai à l’Unité INSERM furent aussi des élèves de Gabriel Richet comme Laurent Baud, Françoise Paillard, Josée Sraer et mon épouse, Nicole Ardaillou. Gabriel Richet laissait à ses élèves toute liberté pour définir et conduire leurs propres programmes de recherche. Il administra l’Unité de recherches jusqu’à sa retraite en 1985. Auparavant, il avait réussi à étendre ses locaux dans un bâtiment construit par l’INSERM contigu de ceux dépendant de l’Hôpital et de l’Université. On doit remarquer que Gabriel Richet voulut toujours garder son propre programme de recherches indépendant de celui de ses élèves. En plus de nombreux articles cliniques sur des maladies rénales, il s’intéressa essentiellement à deux sujets, les cellules du tube collecteur et la protéine de Tamm-Horsfall. Il était aidé dans son travail par jacqueline Hagège, professeur agrégée de sciences naturelles dans un lycée de Paris qui occupait son temps libre au laboratoire. Eux deux, dans les années 1968-1970, étudièrent les modifications apportées aux cellules du tube distal et du tube collecteur du rat en alcalose ou acidose métabolique en utilisant les techniques histologiques classiques couplées à la microscopie de balayage. Ils analysèrent les caractères morphologiques qui opposent les cellules claires ou principales aux cellules sombres ou intercalaires, moins nombreuses que les précédentes. Ils montrèrent surtout qu’une surcharge en bicarbonates ou une acidose gazeuse augmentaient passagèrement durant la période expérimentale le nombre des cellules sombres et en conclurent que ces cellules jouaient un rôle dans le transport des bicarbonates. Ce type de modification était absent durant une acidose métabolique prouvant ainsi que des cellules différentes assuraient la sécrétion des ions H+. Ces travaux furent les premiers à introduire la distinction actuelle entre cellules intercalaires de type A et B, les premières intervenant dans la sécrétion des ions H+ et les secondes dans celle des bicarbonates. Gabriel Richet s’est également intéressé à la protéine de Tamm Horsfall ou uromoduline. Utilisant des anticorps monoclonaux obtenus dans le laboratoire, il étudia ses propriétés et sa distribution dans diverses néphropathies.
Gabriel Richet s’est toujours passionné pour l’enseignement. Dans le service, il était constamment disponible pour répondre aux demandes des étudiants et passaient beaucoup de temps à critiquer et corriger les observations. Il stimulait ses internes en les poussant à s’investir au laboratoire dans des travaux de recherche, ce qui leur apprenait comment concevoir des protocoles, les appliquer, traiter et interpréter les résultats. Il tenait beaucoup à éveiller le goût de la recherche chez ses élèves, en faisant un élément essentiel de leur stimulation intellectuelle. Comme beaucoup d’enseignants, il jugeait néfaste le concours d’entrée aux études médicales en fin de première année lui préférant une sélection à la fin des études secondaires. Aux contributions scientifiques spécialisées qu’il écrivit, s’ajoutent de nombreux ouvrages didactiques sur l’équilibre hydroélectrolytique, la néphrologie et la sémiologie rénale, tous abordant la clinique par des données physiopathologiques. Réédités, ces livres ont nourri des générations d’étudiants.
Tenon devint rapidement un centre de néphrologie de réputation internationale. De nombreux médecins étrangers y effectuaient des stages ou y passaient des années sabbatiques comme professeurs associés à la Faculté ou boursiers de l’INSERM. Je ne peux pas les citer tous ici, mais seulement quelques-uns : Detlef Schlondorff, membre de notre académie, professeur de néphrologie à Munich, alors chercheur au Mount Sinai Hospital de New York, Gary Striker, futur directeur de département au National Institute of Health, Morris Schambelan, endocrinologue à San Francisco, Stanislas Czekalski, professeur de néphrologie à Sczcecin en Pologne, Vadislav Stefanovic, professeur de néphrologie à Nis en Serbie, Hedi Ben Maïz, professeur de néphrologie à Tunis et, également, membre de notre académie, Jean-Pierre Cosyns, anatomopathologiste belge, Kiyoshi Kurokawa, professeur de néphrologie à Tokyo, Judith Withworth, professeur de néphrologie à Melbourne. Gabriel Richet avait organisé à Evian en 1960 le premier Congrès mondial de néphrologie dont il fut le secrétaire au côté de Jean Hamburger et avait participé à la création de la Société internationale de néphrologie qu’il présida de 1981 à 1984. Il fut rédacteur en chef de Néphron, le premier journal de la Société. Des liens particuliers furent tissés avec le service de néphrologie de l’Université Rui Jin de Shanghai. Son responsable, Dong Dechang, envoya à Tenon de nombreux élèves dont Nan Chen qui lui a succédé et passa 5 ans à Tenon, est membre de notre Académie.
Gabriel Richet fut élu à l’Académie en 1980. Il y joua un rôle actif et fut membre de son Conseil d’administration. Il participait aux travaux portant sur l’hôpital et l’enseignement de la médecine. En outre, il conduisait des travaux en histoire de la médecine et, principalement de la néphrologie. Citons son travail sur pierre Rayer qu’il considérait comme le premier néphrologue Français et celui sur le Rapport de Georges Cuvier sur les Progrès des sciences naturelles en France écrit en 1810 à la demande de l’Empereur. Par les dons qu’il fit à l’Académie, il permit la création du Fonds Charles Richet dans notre bibliothèque. Il accepta également d’exercer d’autres responsabilités comme sa participation au Comité national d’évaluation des universités à la demande de René Mornex qui en assura la présidence. La carrière de Gabriel Richet fut reconnue exceptionnelle par les autorités publiques de notre pays. Déjà grand officier de l’Ordre national du mérite, il fut promu grand officier de l’ordre national de la Légion d’Honneur en 2012. A sa retraite, Gabriel Richet laissa un héritage impressionnant : deux services de néphrologie et une unité Inserm. Il fit plus que créer un centre de néphrologie à côté de celui de Necker. Il transforma l’Hôpital, par son exemple, en en faisant un véritable centre hospitalo-universitaire.
Quelle fut la personnalité de Gabriel Richet ? Il se décrit dans la dernière leçon qu’il donna à Tenon en octobre 1985 comme un « angoissé intellectuel ». Il voulait dire par là que dès le début de sa carrière médicale il ne voulait pas se satisfaire d’une médecine purement descriptive, mais qu’il était angoissé par la soif de comprendre. Deux autres de ses qualités découlent directement de cette angoisse intellectuelle : l’ardeur au travail et l’ouverture aux autres. En effet, pour comprendre, il faut travailler et, pour apprendre, on a besoin des compétences et de l’aide des autres. Gabriel Richet travaillait beaucoup, lisait avec soin les principaux journaux de néphrologie et d’investigation clinique et voulait connaître tout ce qui se faisait dans son service et son laboratoire en matière de recherche. Il était très accueillant. Sa première pensée quand il rencontrait un chercheur pour la première fois était « Quelles idées nouvelles peut-il me donner ? Que peut-il m’apprendre ? ». Il s’enthousiasmait facilement et cherchait à orienter ses élèves vers de nouvelles directions. Il fallait souvent tempérer cet enthousiasme, mais comme il est écrit dans la parabole du semeur rapportée par Saint Matthieu, si beaucoup de graines meurent, il en est une, tombée dans la bonne terre, qui va germer et assurer la récolte. Lorsqu’il recrutait un futur interne, les deux qualités auxquelles il était le plus sensible étaient l’imagination et le goût du travail. Il cherchait ainsi chez les autres ce qu’il portait en lui. Il ne supportait pas ceux qui ne respectaient pas leur contrat implicite, c’est-à-dire qui oubliaient l’aide apportée dans leur éducation et leur carrière lorsqu’ils auraient dû s’engager pour défendre les intérêts du service et des autres médecins et chercheurs qui y travaillaient. La fidélité était pour lui une qualité à laquelle il était très attaché. Gabriel Richet était un homme généreux. Il manifestait un intérêt non feint pour la vie de de ses élèves, était fier de leurs réussites et triste de leurs échecs.
Dans le dialogue éternel, si bien décrit par Molière entre Alceste qui dit « Je veux que l’on soit homme, et qu’en toute rencontre, le fond de notre cœur, dans nos discours se montre » et Philinte qui répond « Je prends tout doucement les hommes comme ils sont » et plus loin « le monde par vos soins ne se changera pas », Gabriel Richet était résolument du côté du premier. Il l’a montré par son patriotisme, l’œuvre accomplie à Necker dans la construction d’une médecine scientifique et la création de la néphrologie et, plus tard à Tenon où il fit preuve de ses qualités de bâtisseur et de chef d’Ecole. Même si chaque génération doit faire face à ses propres problèmes, il restera pour nous un exemple, peut être difficile à toujours suivre, mais auquel nous essaierons de nous référer.