Communication scientifique
Session of 1 avril 2003

Effets indésirables médicamenteux observés dans des Services d’Accueil et d’Urgences français (Etude prospective de l’APNET et propositions pour des mesures préventives)

MOTS-CLÉS : affection iatrogénique. chimiothérapie. santé publique.
Adverse drug events observed in French primary care and emergency units (prospective study of APNET and proposals for prevention)
KEY-WORDS : drug therapy. iatrogenic disease. public health.

P. Queneau, B. Bannwarth, F. Carpentier, J.M. Guliana, J. Bouget, B. Trombert, X. Leverve et l’APNET (Association Pédagogique Nationale pour l’Enseignement de la Thérapeutique)

Résumé

L’importance de la pathologie médicamenteuse comme cause d’hospitalisation est un problème majeur de Santé Publique. Notre étude a consisté à recueillir systématiquement toutes les observations d’effets indésirables médicamenteux pendant deux semaines (la première en juin 99 et la seconde en décembre 99) dans 10 Services d’Accueil et d’Urgences (SAU) de 10 Centres Hospitaliers : 5 Centres Hospitaliers Universitaires (CHU) et 5 Centres Hospitaliers non universitaires (CH). Sur un total de 1 937 patients admis aux 10 SAU pendant ces deux périodes, nous avons retenu les 1 562 patients ayant pris au moins 1 médicament au cours de la semaine précédente. Parmi eux, 328 (21 % ; intervalle de confiance à 95 % : 19 %-23 %) avaient consulté en raison d’un effet indésirable médicamenteux (EIM). Le sex-ratio était le même dans les deux groupes, avec et sans EIM (1,04 vs 1,02 ; P = 0,83). Les patients avec EIM étaient globalement plus âgés que ceux sans EIM (63,5 vs 54,8 ans, P < 0,0001) et avaient un score de gravité plus élevé (P = 0,019). La proportion de malades traités par au moins 2 médicaments était plus élevée dans le groupe avec EIM que dans le groupe sans EIM (90,9 % vs 75,0 % P < 0,001). De même, le nombre moyen de médicaments consommés était significativement plus élevé chez les patients avec EIM que chez ceux sans EIM (5,17 vs 3,82 ; P < 0,0001). Les symptômes d’EIM les plus fréquemment observés furent digestifs (n = 53 : 16,2 %), neurologiques (n = 52 : 15,9 %), cardiovasculaires (n = 49 : 14, 9 %) et à type de malaises (n = 49 : 14, 9 %). Au total, 410 médicaments furent incriminés dans la survenue des 328 EIM. Les psychotropes (n = 84 : 20, 5 %), les diurétiques (n = 48 : 11,7 %), les anticoagulants (n = 38 : 9,3 %), d’autres médicaments cardiovasculaires (n = 63 : 15,4 %), les antalgiques et les anti-inflammatoires non stéroïdiens (n = 57 : 13,9 %) furent les classes médicamenteuses les plus fréquemment incriminées. Dans 106 cas (37,9 %), l’EIM fut considéré comme évitable en raison d’un mauvais usage du médicament.

Summary

Various studies have shown that adverse drug events (ADE) are a substantial cause of hospital admissions. However, little is known about the incidence and severity of ADE resulting in hospital visits. To address this issue, we conducted a prospective survey in 10 primary care and emergency departments of French public hospitals. This study was performed over two periods of one week, one in June 1999 and one in December 1999, in primary care and emergengy departments of five university hospitals and five general hospitals throughout France. Out of a total of 1 937 patients consulting, 1 562 were taking at least one drug during the previous week and were included for analysis according to the protocol. Altogether, 328 (21 % ; 95 % confidence interval 19 % to 23 %) of these patients receiving at least one drug consulted because of an ADE. The sex ratio (M/F) was the same in both groups with or without ADE (1.04 vs 1.02, respectively, P = 0.83). Patients with ADE were older than those without (63.5 vs 54.8 years, P < 0.0001). Furthermore, ADR patients were more likely to have a higher severity score than no-ADE group (P = 0.019). The outcome seemed to be worse in patients with an ADE. The percentage of patients treated with 2 or more drugs and the number of drug exposures were significantly higher in patients with ADE than in those without (90.9 % vs 75.0 %, P < 0.0001, and 5.17 vs 3.82, P < 0.0001, respectively). The most frequent causes of visits for ADE-patients were digestive (n = 53, 16.2 %), neurological (n = 52, 15.9 %), cardiovascular (n = 49, 14.9 %) and malaise (n = 49, 14.9 %) events. In total, 410 drugs were incriminated in the occurrence of 328 ADE. The most frequently incriminated drug classes were (1) psychotropic agents, including anxiolytics and/or hypnotics, antidepressants and antipsychotics (n = 84, 20.5 % ), (2) diuretics (n = 48, 11.7 %), (3) anticoagulants (n = 38, 9.3 %), (4) other cardiovascular drugs (n = 63, 15.4 %), and (5) analgesics, including non steroïdal antiinflammatory agents (n = 57, 13.9 %). The avoidability of ADE could be estimated by an external expert panel in 280 of the 328 cases. In 106 cases (37.9 %), ADE was considered to be preventable because a contra-indication or a warning about drug use had not been respected.

Effets indésirables médicamenteux observés dans des Services d’Accueil et d’Urgences français (Étude prospective de l’APNET et propositions pour des mesures préventives)

Adverse drug events observed in French primary care and emergency units (prospective study of APNET and proposals for prevention)

Patrice QUENEAU *, Bernard BANNWARTH **, Françoise CARPENTIER ***, Jean-Michel GULIANA ****, Jacques BOUGET *****, Béatrice TROMBERT ******, Xavier LEVERVE *******, et l’APNET (Association Pédagogique Nationale pour l’Enseignement de la Thérapeutique)

INTRODUCTION ‘‘ C’est notre impatience qui gâte tout et la plupart des hommes meurent de leurs remèdes et non de leurs maladies ’’ . Depuis cette prophétie malicieuse et excessive de

Molière, une méta-analyse d’études prospectives a évalué à 100 000 environ le nombre annuel de décès par effet indésirable médicamenteux (EIM) aux États-Unis chez les malades hospitalisés [1]. D’après une enquête menée sous l’égide des Centres de Pharmacovigilance Français, les EIM seraient responsables de 3,19 % (IC 95 % : 2,37-4,01 %) des hospitalisations [2].

C’est dans ce contexte que l’APNET travaille, depuis de nombreuses années, à la prévention des EIM évitables [11,14,15,18,20,28,29]. Notre étude, entreprise en 1998, s’est donnée pour objectif d’évaluer la fréquence et la gravité des consultations pour EIM dans les Services d’Accueil et d’Urgences (SAU), mais aussi les caracté- ristiques des malades concernés, les familles médicamenteuses incriminées, enfin l’évitabilité de ces EIM au bénéfice de recommandations de nature préventive.

DÉFINITIONS

En pleine concordance avec les définitions proposées par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), le décret no 95-278 du 13 mars 1995 [45] formule les définitions suivantes :

On entend par :

effet indésirable : réaction nocive et non voulue, se produisant aux posologies normalement utilisées chez l’homme pour la prophylaxie, le diagnostic ou le traitement d’une maladie ou la modification d’une fonction physiologique, ou résultant d’un mésusage du médicament ou produit ;

effet indésirable grave : effet indésirable létal, ou susceptible de mettre la vie en danger, ou entraînant une invalidité ou une incapacité, ou provoquant ou prolongeant une hospitalisation ;

effet indésirable inattendu : effet indésirable qui n’est pas mentionné dans le résumé des caractéristiques du produit ;

mésusage : utilisation non conforme aux recommandations du résumé des caractéristiques du produit, à l’exclusion de l’usage abusif.

Appliquées aux médicaments, ces définitions incluent à la fois les EIM liés à la prescription médicale, mais aussi ceux induits par des erreurs d’observance et des automédications inappropriées.

Les EIM incluent donc :

— les accidents liés à une négligence, une imprudence ou une prise de risque excessive, par non respect des ‘‘ bonnes pratiques thérapeutiques ’’ et du ‘‘ bon usage du médicament ’’, — les accidents aléatoires ou aléas [28, 40].

MÉTHODE

Notre étude, qui avait reçu l’accord de la Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés (CNIL), fut réalisée de façon prospective sur deux périodes d’une semaine, la première en juin 1999 et la seconde en décembre 1999 entre 8 h et 22 h, dans 10 SAU comprenant 5 SAU de Centres Hospitaliers Universitaires (CHU) et 5 SAU de Centres Hospitaliers non universitaires (CH). Ces Centres ont été retenus pour leurs capacités potentielles de recueil des informations, parmi 19 Centres ayant participé à une étude préalable de faisabilité. In fine , 9 des 10 Centres (5 SAU de

CHU et 4 SAU de CH) ont effectivement participé à l’étude.

Tous les malades reçus dans les SAU étaient inclus dans notre enquête, après avoir recueilli leur consentement, qu’ils aient ou non pris un ou plusieurs médicaments, à l’exclusion des malades âgés de moins de 15 ans, ainsi que ceux venus pour une pathologie traumatique ou obstétricale, une ivresse aiguë, une intoxication médicamenteuse aiguë volontaire ou une raison sociale.

Chaque malade fut examiné par deux médecins du SAU qui déterminaient si la consultation était ou non en relation avec un EIM. Les caractéristiques sociologiques et les antécédents médicaux furent notés pour chaque malade, de même que la prise des médicaments. Le devenir des malades (retour à domicile, convalescence, hospitalisation en réanimation ou dans un autre Service, décès) a été consigné.

Tous les dossiers furent ensuite réexaminés de façon anonyme et validés par un Comité d’experts indépendants comprenant des médecins spécialisés dans le diagnostic des affections iatrogènes. Ceux-ci se sont référés aux critères de la méthode française [16] pour juger du degré d’imputabilité de chaque EIM. Au total, les malades prenant au moins un médicament durant la semaine précédant l’arrivée au SAU se répartissaient en trois catégories :

— absence de iatrogénie, — iatrogénie possible mais douteuse correspondant au grade I1 (imputabilité intrin- sèque douteuse) de la classification de la méthode française, — iatrogénie plausible, vraisemblable ou très vraisemblable , correspondant respectivement aux grades I2, I3 et I4 (imputabilité intrinsèque plausible [I2, vraisemblable [I3] ou très vraisemblable [I4]) de cette méthode.

Les caractéristiques et la gravité des symptômes cliniques à l’arrivée furent codées selon la classification clinique des malades des urgences (CCMU) [43] adoptée dans les SAU français, qui comporte 5 stades de gravité croissante (Fig. 1). En outre, l’évolution des EIM a été évaluée selon un score de gravité en 5 items :

— S0 : Pas de gravité immédiate, — S1 : Régression spontanée, — S2 : Régression après traitement symptomatique, — S3 : Hospitalisation > 24 h sans risque vital, — S4 : Risque vital ou décès.

FIG. 1. — Gravité clinique de 1 299 patients selon la Classification Clinique des Malades des Urgences (CCMU).

Enfin, le Comité d’Experts a apprécié l’ évitabilité théorique éventuelle de chaque

EIM, à l’aide d’un score d’évitabilité en 4 items :

— E0 : Inévitable : respect du ‘‘ bon usage du médicament ’’ (conforme au ‘‘ résumé des caractéristiques du produit ’’ incriminé dans l’EIM) ;

— E1 : Evitabilité possible : imprudence (précautions d’emploi non respectées) ;

— E2 : Evitabilité plausible : ‘‘ mauvais usage du médicament ’’, par le médecin et/ou le malade :

• indication non conforme ou non respect d’une contre-indication, • durée de traitement et/ou posologie inappropriées, • interaction dangereuse, • bénéfices/risques mal évalués ;

— E3 : Evitabilité vraisemblable, essentiellement de 2 types :

• ‘‘ mauvais usage du médicament ’’, par le médecin et/ou le malade, comme pour E2, mais ici chez un malade à risques, • erreur caractérisée du malade : arrêt inapproprié du traitement ou mauvaise observance patente et/ou automédication dangereuse.

Le test chi-2 et les tests d’analyse de variance furent utilisés pour l’analyse statistique.

RÉSULTATS

Fréquence, sexe et âge

Sur un total de 1 937 malades venus en SAU lors des deux semaines considérées, nous avons inclus les 1 562 malades ayant pris au moins un médicament au cours de la semaine précédente (y compris les ruptures récentes de traitements). Parmi eux, 328 (21 % ; IC 95 % : 19-23 %) sont venus consulter en raison d’un possible EIM.

Ces EIM avaient l’imputabilité suivante selon la méthode française (Tableau 1) :

— I1 : imputabilité douteuse : n=152 (9,7 % de l’ensemble des 1 562 malades inclus et 46,3 % des 328 EIM possibles, plausibles, vraisemblables ou très vraisemblables ), — I2 : imputabilité plausible : n=62 (respectivement 4 % et 18,9 %), — I3 et I4 : imputabilité vraisemblable ou très vraisemblable : n=114 (7,3 % et 34,7 %).

Le sex-ratio (hommes/femmes) fut le même dans les deux groupes, avec ou sans EIM (1,04 vs 1,02 ; P = 0,83). Les patients avec EIM étaient globalement plus âgés que ceux sans EIM (63,5 vs 54,8 ans ; P < 0,0001).

TABLEAU 1. — Imputabilité par SAU des 1 562 malades recevant un (des) médicament(s).

Symptômes des EIM

Les symptômes d’EIM les plus fréquemment observés lors de l’arrivée des malades aux SAU furent digestifs (n=53 : 16,2 %), neurologiques (n=52 : 15,9 %), cardiovasculaires (n=49 : 14, 9 %) et à type de malaises et/ou vertiges, avec ou sans chute (n=49 : 14, 9 %).

Gravité des EIM

Les patients avec EIM présentaient un plus haut niveau de gravité que ceux sans EIM (P = 0,019) (Fig. 1). Pour corollaire, le devenir de ces patients fut observé comme plus grave chez les patients avec EIM que chez ceux sans EIM (Tableau 2).

TABLEAU 2. — Devenir des patients prenant un médicament avec ou sans effet indésirable médicamenteux (EIM).

retour à domicile convalescence hospitalisation décès inconnu % (n) % (n) % (n) % (n) % (n) Patients avec EIM 62,2 (204) 10,1 (33) 9,8 (32) 4,0 (13) 14,0 (46) Patients sans EIM 68,8 (848) 4,3 (53) 6,3 (78) 3,0 (37) 17,7 (218) Classes médicamenteuses incriminées

Nous référant à la classification internationale ATC (

Anatomical, Therapeutical, Chemistry code ) en 5 niveaux, les classes médicamenteuses les plus fréquemment incriminées furent les psychotropes, y compris anxiolytiques et/ou hypnotiques, antidépresseurs et antipsychotiques (n=84 ; 20,5 %), les diurétiques (n=48 ;

11,7 %), les anticoagulants (n=38 ; 9,3 %), les autres médicaments cardiovasculaires (n=63 ; 15,4 %), les antalgiques et les AINS (n=57 ; 13, 9 %).

Nombre de médicaments

La proportion de malades traités par au moins deux médicaments était significativement plus élevée chez les patients avec EIM que sans EIM (90,9 % vs 75,0 % ;

P < 0,0001). De même, le nombre moyen de médicaments consommés était significativement plus élevé chez les patients avec EIM que chez ceux sans EIM (5,17 vs 3,82 ; p. < 0,0001) (Fig. 2). Ce que corrobore notre constat que le pourcentage d’EIM s’élève nettement en fonction du nombre de médicaments pris par les malades : 9,5 % avec 1 seul médicament ; 19,4 % avec 2 à 4 médicaments ; 28,6 % avec 5 à 9 médicaments ; 35,6 % avec 10 médicaments ou plus (Fig. 3). Au total, 410 médicaments furent incriminés dans la survenue des 328 EIM observés.

FIG. 2. — Nombre moyen de médicaments prescrits.

Évitabilité

Enfin, l’évitabilité a pu être évaluée dans 280 cas sur 328. Dans 106 cas (37,9 %), elle a été jugée ‘‘ plausible ’’ (E2) ou ‘‘ vraisemblable ’’ (E3) (Fig. 4) :

— par le fait des malades (54 cas : 50,9 %) :

• par mauvaise observance caractérisée (24 cas), concernant les traitements suivants : psychotropes (n=8), digitalo-diurétiques ou antihypertenseurs (n=5), antibiotiques (n=5), antidiabétiques (n=4), antiasthmatiques (n=1), antipaludéens (n=1) ;

• par arrêt brutal, récent et inapproprié des traitements (22 cas), concernant les traitements suivants : anticomitiaux (n=13), digitalo-diurétiques (n=5), traitements de substitution chez des toxicomanes (n=3), traitement psychotrope lourd (n=1) ;

FIG. 3 — Pourcentages d’EIM en fonction du nombre de médicaments prescrits ou autoprescrits.

• par automédication inappropriée (8 cas), par AINS (n=5 : hémorragie digestive [n=3] ; insuffisance rénale aiguë [n=1] ; œdème de Quincke chez un asthmatique :

[n=1]), par anxiolytiques (benzodiazépines : n=2) et par traitement antiarythmique cardiaque de surcroît mal observé (n=1).

— mais aussi par le fait des prescripteurs (27 cas : 25,4 %) ou d’un manque de surveillance ou de suivi, par dysfonctionnement de la chaîne des soins (25 cas :

23,5 %), concernant les familles médicamenteuses suivantes : antihypertenseurs (n=12), antithrombotiques (n=11), psychotropes (n=9), AINS et antalgiques (n=5), antidiabétiques (n=3), digitalo-diurétiques (n=3), hormonothérapie (n=2), antiarythmiques (n=1), traitement antigoutteux (n=1), polychimiothérapie jugée « excessive », surtout en matière de psychotropes (n=5).

En réalité, certains de ces EIM pourraient avoir une origine mixte, liée à une mauvaise surveillance du traitement et/ou une mauvaise compréhension de celui-ci par les malades dans le contexte d’une éducation thérapeutique insuffisante ou mal assimilée.

FIG. 4. — Origine apparente des 106 EIM les plus évitables (E2 ou E3).

DISCUSSION

Particularités de notre étude

La fréquence de la iatrogénie médicamenteuse varie selon les études, notamment en fonction des lieux d’observation (médecine ambulatoire, hospitalisation dans diffé- rents secteurs…) et des critères d’imputabilité utilisés.

Globalement, les EIM seraient responsables de 4 à 10 % des admissions à l’hôpital et seraient observés chez 3 à 15 % des malades hospitalisés [32]. La mortalité par EIM est tout aussi difficile à évaluer (de 0,8 à 7 % selon les études). Deux à 12 % de la mortalité hospitalière lui seraient imputables.

La principale particularité de notre étude est d’avoir concerné des malades venus en consultation aux SAU , avec hospitalisation des seuls malades graves. A contrario , la plupart des études antérieures ont évalué l’incidence des EIM parmi les malades déjà hospitalisés ou admis en hospitalisation [1-8,10,23,24,41], comme l’étude récente relevant une incidence de 6,1 EIM pour 100 admissions (IC 95 % : 4,4-8,3) au SAU de Toulouse [30]. De plus, notre travail était prospectif, contrairement à d’autres travaux [6].

Ceci étant, notre enquête a montré que 21 % des patients traités par médicaments et adressés à un SAU pour une raison médicale, consultaient pour un possible EIM, dont l’imputabilité apparaissait ‘‘ plausible ’’, ‘‘ vraisemblable ’’ ou ‘‘ très vraisem-
blable ’’ chez 11,3 % des malades. Ces chiffres peuvent paraître élevés et il convient de les nuancer. En effet :

— notre enquête n’a porté que sur deux semaines, sur une dizaine de SAU et n’a inclus que les malades médicaux prenant au moins un médicament, à l’exclusion des malades, nombreux, venus consulter pour des affections traumatiques ou gynécologiques, des tentatives d’autolyse, des ivresses ou des raisons sociales ;

— la population des malades consultant dans les SAU diffère sans doute d’un SAU à l’autre, ne serait-ce que du fait de structures et d’environnements différents ;

— il n’existe pas aujourd’hui de méthode universelle conduisant au diagnostic d’imputabilité avec un degré de certitude ou de probabilité qui permette des comparaisons parfaitement fiables entre les études publiées ;

— la polychimiothérapie pose des problèmes d’imputabilité particulièrement difficiles comme par exemple lorsque la consultation est justifiée par un ‘‘ malaise ’’ chez une personne âgée dont les nombreux traitements peuvent être directement incriminés ou jouer le rôle d’un simple facteur favorisant (psychotropes, antihypertenseurs, diurétiques…).

Mécanismes des EIM

L’on distingue cinq mécanismes essentiels à l’origine des EIM [29] :

EIM ‘‘ secondaires ’’ , en relation directe avec les propriétés pharmacodynamiques principales ou accessoires du médicament et habituellement dose-dépendants .

Leur survenue, généralement prévisible , est souvent favorisée par le terrain physiopathologique du patient, ce qui permet de définir des ‘‘ populations à risques ’’ . Ces EIM sont en partie évitables par l’ajustement individuel des doses, le strict respect des contre-indications et précautions d’emploi et une surveillance régulière des malades pour les dépister précocement ;

EIM toxiques , consécutifs à un surdosage . Dans certains cas, ils sont liés à une posologie quotidienne excessive , notamment avec les médicaments à marge thé- rapeutique étroite (anticoagulants, anticonvulsivants, aminosides, digitaliques, hypoglycémiants, lithium, …). Ailleurs, c’est la dose totale cumulée qui est en cause (antipaludéens, …). Ils sont en général prévisibles et évitables si l’on respecte les règles du ‘‘ bon usage ’’ des médicaments (adaptation des doses au terrain, surveillance clinique ou biologique appropriée, limitation de la dose totale, …) ;

EIM immuno-allergiques , liés à un mécanisme d’hypersensibilité . Ils ont pour conséquence d’interdire l’emploi ultérieur de la molécule en cause ainsi que de toute autre molécule chimiquement apparentée . L’exemple classique est celui de l’allergie à la pénicilline qui contre-indique le recours aux β-lactamines. Aussi peuvent-ils être évités par un interrogatoire attentif des antécédents allergiques .

On les range parmi les ‘‘ EIM imprévisibles ’’ parce qu’ils sont susceptibles de survenir à tout instant, dès la première prise comme à n’importe quel stade du traitement, malgré une prescription et un mode d’administration corrects. Ces
‘‘ EIM imprévisibles ’’ comportent une seconde catégorie d’EIM qualifiés d’ ‘‘ intolérance ’’ , se traduisant par une réaction nocive au médicament pris aux doses usuelles, en raison du terrain particulier du sujet. L’exemple typique est celui de l’asthme à l’aspirine chez les malades atteints d’une maladie de Widal, qui contre-indique alors toute prescription d’AINS, quelle que soit leur structure chimique. La distinction entre ces deux variétés d’EIM est souvent difficile en pratique, les réactions d’intolérance pouvant donner le change avec une réaction d’hypersensibilité ;

— EIM par interactions médicamenteuses , pharmacocinétiques (pouvant intervenir au niveau de l’absorption, du transport, du métabolisme ou de l’élimination des médicaments) ou pharmacodynamiques (exemple : potentialisation de la toxicité rénale d’un AINS lors d’une prescription conjointe d’un inhibiteur de l’enzyme de conversion…) ;

EIM par sevrage médicamenteux (crises comitiales…) ou insuffisance thérapeuti- que (poussée hypertensive, décompensation d’un diabète…).

Il faut néanmoins souligner que cette classification est volontiers prise en défaut du fait de l’intrication de plusieurs mécanismes pour un EIM donné et de la méconnaissance du processus physiopathologique précis à l’origine de certains EIM.

Enfin, il convient de rappeler que tous les médicaments sont susceptibles d’entraîner des EIM, plus ou moins graves et plus ou moins facilement évitables. Toutefois, des EIM surviennent plus fréquemment en fonction de facteurs favorisants, liés aux patients, aux médicaments et aux prescripteurs.

Facteurs favorisants

Facteurs liés aux patients l’âge est un facteur majeur : dans notre étude, les malades avec EIM étaient plus âgés que ceux sans EIM (63,5 vs 54,8 ans, P < 0,0001), certainement du fait du nombre de médicaments pris, mais aussi probablement parce que les marges de sécurité sont souvent plus restreintes que chez l’adulte, en raison de mécanismes correcteurs plus facilement dépassés. Il existerait un risque individuel de 15 % par médicament après 65 ans contre seulement 6 % avant 60 ans [29]. De plus, dans notre étude, les EIM sont apparus plus sévères chez les sujets âgés. Ce que corrobore le rapport de 1985 de la

Food and Drug Administration portant sur 17 000 EIM dans lequel les sujets de plus de 60 ans, qui constituaient 17 % de la population des État-Unis, étaient impliqués dans 37 % des EIM imposant une hospitalisation et dans 49 % des EIM mortels [17, 31, 32]. Après 80 ans, 20 à 25 % des hospitalisations seraient en rapport avec un EIM ;

le sexe : dans notre étude, le sex-ratio était le même dans les deux groupes, avec ou sans EIM (1,04 vs 1,02 ; P = 0,83). Il n’est pas certain que les EIM soient plus fréquents chez la femme, si l’on prend en compte les consommations médicamenteuses et surtout la plus grande longévité féminine ;

l’existence d’autres maladies , aiguës et/ou chroniques, par altérations viscérales (notamment hépatorénales) et polymédication ;

la gravité de la maladie traitée nécessitant une forte intervention médicamenteuse ;

les antécédents d’EIM (risque individuel de 15 à 25 % contre 7 % chez les patients indemnes de tout antécédent d’EIM [32]) ;

les terrains allergiques , qui augmentent le risque d’EIM ;

d’autres terrains à risques : femmes enceintes, malades porteurs d’anomalies enzymatiques, diminution du volume de distribution (déshydratation…), hypo albuminémie, altération des fonctions rénales et/ou hépatiques… ;

l’arrêt brutal et inapproprié ainsi que la mauvaise observance des traitements par les malades, en cause dans 46 de nos 106 EIM ‘‘ évitables ’’ (43,4 %) ;

toute automédication inappropriée , notamment par AINS (en cause dans 5 de nos 106 EIM ‘‘ évitables ’’) ou par psychotropes.

Facteurs liés aux médicaments

Le nombre des médicaments pris par les malades est un facteur majeur, en partie expliqué par les interactions médicamenteuses, avec une augmentation très importante des accidents au-delà de 4 médicaments, ce que confirme notre étude (Fig. 2 et 3). Les médicaments incriminés dans les EIM sont habituellement, avec quelques variantes, ceux retrouvés dans notre étude.

Facteurs liés aux prescripteurs

Le prescripteur peut être à l’origine d’EIM par imprudence ou erreur, comme nous l’avons évoqué ci-dessus avec la question de l’ évitabilité en fonction des mécanismes des EIM.

En outre, le prescripteur se doit de respecter les indications, les contre-indications, la posologie, la durée des traitements, en prenant soin d’évaluer le rapport bénéfice/risque de chaque médicament en fonction de chaque malade (âge, poids, sexe, pathologie associée, état d’hydratation, fonction rénale…) et de discuter toute association médicamenteuse [2,14-15,44].

Les aides informatiques à la prescription peuvent être utiles en pratique quotidienne.

Diagnostic des effets indésirables médicamenteux et ‘‘ réflexe iatrogène ’’

La clinique des EIM est souvent atypique et trompeuse. Le diagnostic d’EIM est donc souvent un diagnostic difficile, parmi les plus délicats de la médecine. Il faut donc penser systématiquement à une cause iatrogène (‘‘ réflexe iatrogène ’’) devant tout symptôme nouveau et a fortiori inattendu et/ou grave chez tout malade traité, y compris par automédication, notamment :

— s’il s’agit d’un malade à risques et/ou d’une personne âgée, — lorsque le médicament prescrit est connu pour induire de fréquents EIM, — surtout lorsque le malade prend de nombreux médicaments.

Parmi les accidents graves , mettant en jeu la vie du patient, provoquant ou prolongeant une hospitalisation et/ou l’exposant à des séquelles, citons à titre d’exemples, les hémorragies digestives ou intracérébrales, le choc anaphylactique et le syndrome de Lyell, les colites pseudo-membraneuses, les troubles du rythme ou de la conduction cardiaque, les troubles hydro électrolytiques, l’insuffisance rénale aiguë, les leucopénies et/ou thrombopénies…

Mesures pédagogiques préventives

L’une des résultantes majeures de notre étude concerne le nombre élevé d’EIM paraissant évitables (n=106 ; 37,9 % des EIM), parmi lesquels 76 cas (68,9 %) ont été jugés graves (indices de sévérité S3 ou S4). D’où l’utilité de mesures préventives efficaces conduisant à optimiser le maniement des médicaments, qui paraissent devoir être axées sur un programme pédagogique de grande envergure [1,2,7,11- 13,15,20,24, 26-36, 44] incluant une pédagogie par l’erreur [26] :

renforçant la formation théorique et pratique des médecins, des pharmaciens , mais aussi de tous les soignants concernés (sages-femmes, infirmiers…) en matière de maniement des médicaments et d’apprentissage de la décision thérapeutique optimale, alliant la rigueur de l’ evidence-based medicine (EBM) et le bénéfice d’une prescription personnalisée. Une telle démarche, dont le bien-fondé a déjà été souligné par l’Académie nationale de médecine [11-15], devrait constituer un objectif institutionnel prioritaire des Facultés de médecine et de pharmacie, de même que de toutes les structures de formation continue ;

• complété par une éducation thérapeutique initiale et entretenue des malades, impliqués dans près de la moitié des EIM de notre série ;

• mais aussi par une éducation à la santé de tous les citoyens , et ce dès l’école primaire.

De nombreuses mesures préventives peuvent être explicitées, parmi lesquelles :

1. Définir avec précision, et en accord avec le malade, les objectifs thérapeutiques et en évaluer avec soin le rapport bénéfices/risques.

2. Respecter le ‘‘ bon usage du médicament ’’ et se référer aux recommandations élaborées par les organismes indépendants (Agence Nationale d’Accréditation et d’Évaluation en Santé [ANAES], Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé [AFSSAPS], …) et les sociétés savantes, prenant en compte les ‘‘ données acquises de la science ’’ (article 32 du Code de Déontologie médicale).

3. Intégrer les thérapeutiques non médicamenteuses susceptibles de renforcer l’efficacité des médicaments et/ou d’en restreindre l’emploi.

4. Personnaliser chaque prescription en tenant compte de l’âge, du contexte physiologique, pathologique et environnemental de chaque malade.

5. Limiter le nombre des prescriptions aux médicaments nécessaires , en tenant compte des médicaments prescrits par d’autres médecins et/ou autoprescrits par le malade.

6. Préciser la durée des prescriptions et penser à ‘‘ déprescrire ’’ tout traitement dont la poursuite n’est pas justifiée.

7. Peser le ‘‘ bénéfice-risque ’’ avant de poursuivre ou de prescrire à nouveau un médicament cause d’EIM.

8. Informer et éduquer le malade sur les risques d’EIM ; le convaincre :

— d’observer le traitement prescrit et de respecter les mesures préventives, — d’avertir son médecin en cas d’incident, — d’éviter toute automédication inappropriée, notamment prolongée et/ou chez des malades à risques.

9. Déclarer les EIM au Centre de pharmacovigilance régional, notamment toute présomption d’EIM grave, inattendu, voire nouveau.

PERSPECTIVES

Coût des effets indésirables médicamenteux

D.W. Bates [5] avait évalué en 1997 le coût annuel de la morbi-mortalité par EIM aux États-Unis à 76,6 milliards de $ US, chiffre nettement plus élevé que celui du diabète, estimé à 45,2 milliards de $ US. Cet auteur soulignait que le coût des EIM jugés ‘‘ évitables ’’ était plus élevé que celui des EIM ‘‘ inévitables ’’, notamment du fait d’une durée moyenne de séjour hospitalier plus longue (4,6 jours pour les EIM ‘‘ évitables ’’ contre 2,2 jours pour l’ensemble des EIM).

Des études récentes de cohorte ont par ailleurs estimé le nombre annuel de décès liés aux complications digestives graves (hémorragies, perforations) des AINS à environ 2 000 en Grande-Bretagne [33] et 16 500 en Amérique du Nord [34], chiffre voisin du nombre de décès dus au Sida. Par extrapolation, Tramer émet l’hypothèse d’un décès par complication digestive grave pour 1 220 patients traités par AINS pendant deux mois ou plus [35]. En outre, le ‘‘ surcoût iatrogène ’’ lié aux EIM est considé- rable [36, 37].

Des données médico-économiques précises devront quantifier l’ensemble des surcoûts induits par les EIM qu’ils soient directs (hospitalisations, chirurgie, traitements médicaux, séquelles, décès), mais aussi indirects , eux-mêmes très élevés (convalescences, handicaps, sans négliger les conséquences socio-familiales, souvent sous-évaluées) [18, 20].

Poursuite de l’étude de l’APNET

Notre étude comporte, après cet état des lieux, une phase de formation ciblée sur les médecins exerçant dans l’aire d’influence des SAU concernés par la première phase de l’étude, suivie d’une nouvelle enquête de type ‘‘ une semaine donnée ’’ (une semaine en janvier-février et une semaine en juin 2003).

De telles actions de formation, conjointes à un vaste programme d’éducation des pharmaciens, des autres soignants, des malades et des citoyens figuraient déjà dans nos propositions exprimées à l’Académie nationale de médecine en 1992 [14, 15], puis dans notre Rapport de mission remis à Monsieur le Ministre de la Santé en 1998 [20, 39], ceci dans l’esprit de plusieurs vœux de l’Académie nationale de médecine [12, 13], des recommandations de l’ANAES [19], de l’AFSSAPS et de la Conférence des Centres Français de Pharmacovigilance [2] : réduire l’incidence des EIM évitables . Outre les mesures précitées, la création d’un Observatoire National de la

Iatrogénie et la Vigilance Thérapeutique [20] serait utile afin d’évaluer en permanence la fréquence des EIM, leur gravité, leur imputabilité, mais aussi, par des mesures d’impact , l’efficacité des recommandations destinées à prévenir les EIM évitables [28, 40].

CONCLUSION

Les EIM :

— sont responsables d’une morbi-mortalité largement sous-estimée et d’un nombre important d’hospitalisations, causant un double et important préjudice : humanitaire à l’égard des victimes, économique à l’égard des organismes de prise en charge et de la société ;

— sont pour une part conséquente évitables , ce qui doit conduire à des changements de comportement [38] impliquant notamment :

• une meilleure maîtrise de la prescription, imposant de respecter scrupuleusement les recommandations du ‘‘ bon usage du médicament ’’ ;

• une meilleure vigilance de la part des médecins, de tous les soignants, mais aussi des malades et de leur entourage vis-à-vis de la surveillance et du suivi de tout traitement, notamment concernant les médicaments à marge thérapeutique étroite, prescrits au long cours, en association et/ou chez des malades à risques (personnes âgées prenant plusieurs médicaments notamment…) ;

• mais aussi une meilleure éducation des malades, notamment porteurs d’une affection chronique, chez lesquels l’éducation thérapeutique est un impératif essentiel.

La formation et l’éducation sont une clef majeure de la prévention des EIM évitables, immense domaine où la ’’rentabilité ’’ de l’effort pédagogique se compte en termes de
vies sauvées, de drames évités et de très importantes économies dans les budgets de la santé.

La prévention des EIM évitables illustre l’alliance des enjeux médicaux, humanistes et économiques en matière de santé.

Elle doit être une démarche ‘‘ pro-active ’’, appuyée sur une culture de gestion préventive des risques basée sur une approche positive de toutes formes d’imprudences et de dysfonctionnements de la chaîne des soins . À cet effet, les médicaments efficaces et utiles sont des bienfaits pour l’humanité, à condition d’être maîtrisés et maniés avec soin par et pour un bon usage .

REMERCIEMENTS — aux membres du Comité d’experts : Claire Bonithon-Kopp, Gilles Bouvenot, Philippe Casassus, Charles Caulin, Olivier Chassany, Alain Durocher, Jean-Pierre Fauvel, Jacques Kopferschmitt, Dominique Mottier, Jean-Marie Rodrigues ;

— à Gérard Duru, André Flory, Pierre Grandmottet, Jean Paccalin, Laure Papoz, Patrice Pinell, Joseph Lellouch, Pascale Tubert-Bitter, Christine Verdier ;

— aux Chefs des Services d’Accueil et d’Urgences (SAU) : Bernard Bedock (Annonay), François Bertrand (Nice), Jacques Bouget (Rennes), Françoise Carpentier (Grenoble) Jean-Michel Coulaud (Montfermeil), David Elkharrat (Paris Lariboisière), Thierry Jacquet-Francillon (Bourg-en-Bresse), Jacques Kopferschmitt (Strasbourg), Jacques Nicod (Agen), Eric Roupie (Paris Créteil), Jacques Tourret (Le Puy) ;

— aux assistants de recherche clinique (ARC) : Sophie Besson (Grenoble), Alexandre Bucci (Grenoble), Nathalie Dallery (Paris Lariboisière), Charline David (Rennes), Monique Gratteau (Nice), Rachel Portigliati (Annonay), Valérie Raphaël (Montfermeil), Neggar Sedghi (Strasbourg), Albert Trinh-Duc (Agen), Sophie Variclier (Bourg-en-Bresse).

Cette étude a bénéficié :

— d’un financement de l’INSERM : Convention d’animation de réseau 1997 : Convention no 4R007C ;

— de deux financements de type Programme Hospitalier de Recherche Clinique (PHRC) :

• PHRC 1997 attribué au CHU de Grenoble (Pr. X. Leverve), • PHRC 1998 no 9801118 attribué au CHU de Saint-Étienne (Pr. P. Queneau).

Aucun conflit d’intérêt déclaré.

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[45] Décret no 95-278 du 13 mars 1995 (Art. R. 5144 4) relatif à la pharmacovigilance et modifiant le code de la santé publique modifié par le Décret no 99-144 du 4 mars 1999. JO no 62 du 14 mars 1995, p. 3935 DISCUSSION

M. Roger NORDMANN

Deux questions concernant le rôle que peut jouer la consommation d’alcool dans les effets indésirables médicamenteux. Avez-vous observé des effets indésirables lors de traitements médicamenteux avec une posologie normale mais sans respect de la mise en garde concernant la consommation simultanée de boissons alcoolisées ? La mise en garde concernant les boissons alcoolisées est actuellement si fréquente au niveau des notices accompagnant les médicaments qu’elle est habituellement non respectée. Ne convient-il pas de hiérarchiser ce risque en le soulignant pour les seuls médicaments pour lesquels il est bien établi ?

Dans notre étude, le protocole comportait une question concernant les habitudes en matière de consommation ‘‘ habituelle ’’ de boissons alcoolisées. Nous n’avions pas prévu, peut-être à tort, de question concernant la prise concomitante d’alcool, le jour même, par les malades venant en consultation dans les Services d’Accueil et d’Urgences concernés. Je souhaiterais qu’au premier coup d’œil chaque malade puisse visualiser les 3 ou 4 points essentiels des recommandations, comme cela existe d’ailleurs sur les notices des médicaments de certains pays étrangers. Concernant la précaution spécifiquement liée à l’absence de prise concomitante de boisson alcoolisée, il faudrait en effet qu’elle apparaisse très clairement lorsqu’elle s’impose.

M. Claude DREUX

Existe-t-il une (ou des) étude(s) pratiquées sur des interactions majeures d’un point de vue clinique et non théorique ? Ce sujet est abordé actuellement par le CESPHARM (ordre des pharmaciens) pour donner aux professions de la santé (médecins et pharmaciens) des moyens pratiques de dépister les interactions majeures. Il faudrait créer un groupe de travail mixte Académie nationale de médecine — Académie nationale de pharmacie pour étudier cette importante question.

J’appelle votre attention sur les difficultés qui existent concernant la question des interactions dès lors que l’on se trouve en face de malades prenant de nombreux
médicaments : car si l’on connaît assez bien les interactions entre 2 voire 3 médicaments, il existe de grandes incertitudes concernant les interactions ‘‘ polychimiothérapiques ’’ dont l’étude est nécessairement très difficile et souvent aléatoire. Votre question renforce mon souhait de voir se créer un observatoire des effets indésirables médicamenteux enregistrés en situation de traitement , entre autres concernant les malades polymédicamentés et les malades ‘‘ à risques ’’.

M. Jean-Paul GIROUD

La consommation des Français est 2 à 3 fois supérieure à celle des pays européens et concerne l’ensemble des classes médicamenteuses. Deux enquêtes menées par les Centres de Pharmacovigilance révèlent qu’environ 1 500 000 personnes sont hospitalisées chaque année en France pour une cause médicamenteuse, avec décès de près de 10 000 patients, les personnes âgées étant les plus menacées en raison du volume élevé de leur consommation médicamenteuse. Ne pensez-vous pas qu’il existe une formation de base insuffisante (45 % des médicaments essentiels de l’OMS) ? Une formation continue mal contrôlée, voire inexistante ? Une information difficilement utilisable par le médecin généraliste ? Il serait donc important de mettre en jeu un traitement curatif de cet état.

Un très gros effort pédagogique concernant le ‘‘ bon usage du médicament ’’ est à encourager concernant les médecins, les pharmaciens et les autres professionnels de santé, en formation initiale et continue. En outre, l’information et l’éducation des malades, mais également celle des citoyens, doivent être considérablement renforcées, et ce dès l’école, afin que chacun comprenne bien que la prise d’un traitement médicamenteux impose une attention, une vigilance et une éducation spécifiques. Le médicament ne doit jamais être banalisé.

M. Claude JAFFIOL

Pour ce qui concerne le diabète sucré, quelle a été la fréquence des accidents hypoglycémiques chez les patients traités par sulfamides hypoglycémiants ? Dans quelles circonstances de survenue ? À la suite d’erreurs posologiques ou diététiques ? Quelle est la place de l’éducation du patient ?

Nous avons observé 10 accidents hypoglycémiques survenant 6 fois chez des malades traités par insuline et 4 fois chez des malades traités par hypoglycémiants oraux et notamment par sulfamides. Les hypoglycémies induites par les sulfamides sont souvent plus graves que les autres. Ces accidents hypoglycémiques relevaient de diverses causes :

mauvaise observance de la part du malade, écart de régime, exercice physique inhabituel, infection intercurrente, ce qui est classique. D’où l’importance, là aussi, de l’éducation thérapeutique, et tout particulièrement dans le diabète.

M. Pierre VAYRE

Tout médicament étant dangereux, singulièrement pour les personnes âgées, comment peut-on assurer en pratique la gestion du risque dans deux circonstances : à domicile sans assistance régulière, là où l’observance de l’ordonnance n’est pas acquise ? En institution où
le médecin d’établissement peut constater de ‘‘ mauvaises prescriptions ’’ faites par le médecin traitant… Que peut-il faire ? Quel est le profil psychologique des malades prenant de multiples médicaments, ceci en vue d’une éducation sanitaire ? Qui sont les professeurs de thérapeutique et comment les étudiants les perçoivent-ils ?

L’observance est facilitée par certains paramètres : une bonne explication du traitement et de sa justification, les facilités de prise (monoprise…) mais aussi le fait que l’ordonnance comprenne les traitements essentiels, ce qui revient à la notion de hiérarchisation des traitements, déjà soulignée. Mais il faut aussi qu’en cas de polypathologie, et notamment en institution, un médecin assume la synthèse de l’ensemble de la thérapeutique, ce qui n’est pas toujours la cas, d’où les fréquents accidents observés dans les maisons de retraite peu médicalisées. Des travaux ont cherché à établir le profil psychologique des malades enclins à la prise de médicaments multiples. De nombreux facteurs interviennent : la psychologie propre du malade, sa maturité, sa ‘‘ culture thérapeutique ’’, celle de son entourage… Mais ce qui compte le plus est l’importance de la relation tissée entre le médecin et le malade, avec pour corollaire la qualité de l’information et de l’éducation thérapeutiques de ce dernier. Les enseignants de thérapeutique sont des cliniciens responsables de Services hospitaliers de diverses spécialités. Ils sont donc au contact direct des malades et ils ont en commun une culture méthodologique utile pour la formation et la recherche cliniques. C’est dans ce contexte qu’ils situent leurs interventions, notamment en fin de deuxième cycle, ainsi bien sûr que dans la formation des étudiants à l’hôpital, en portant une attention particulière à l’apprentissage de la décision thérapeutique et de la prescription. C’est d’ailleurs une demande étudiante permanente qu’un apprentissage toujours plus concret des conduites thérapeutiques. Faut-il le rappeler, la thérapeutique est la finalité première de la médecine, science et art de guérir et de soulager les malades.

M. René MORNEX

Le fait que ces accidents touchent majoritairement des sujets âgés pose un problème de société. Avez-vous analysé les conditions de vie des sujets qui étaient maintenus à domicile ?

Etaient-ils seuls ? Avaient-ils un accompagnement ? De quel niveau de compétence ?

L’isolement de nombreuses personnes âgées est en cause dans un nombre élevé d’accidents. Nous devrons mesurer ce paramètre avec davantage de précisions lors d’une prochaine étape de ce travail, qui est en cours d’exploitation.

M. René KÜSS

Est-ce que le moment de l’absorption du médicament joue un rôle dans son efficacité ou sa toxicité (à titre d’exemple, le diabétique vasculaire prend 9 comprimés avant ses repas) ?

La prise d’un grand nombre de médicaments amène à se poser deux questions : la pertinence de chacun de ces médicaments, d’où la nécessité de toujours hiérarchiser les prescriptions en ne maintenant que les médicaments essentiels ; la question de savoir quand prendre ces médicaments : si l’on connaît assez bien les interactions entre 2 voire 3 médicaments, de grandes incertitudes entourent la prise concomitante de plus de 3 médicaments. En tout état de cause, il est sans doute préférable de ne pas les prendre simultanément et notamment d’éviter de les prendre à jeun, sauf si cela est explicitement
recommandé. Pour reprendre votre exemple du diabétique vasculaire, il me semble souhaitable de répartir les prises, au moins sur les trois repas, pour limiter le risque d’interactions au niveau de l’absorption. Il faut peut-être souligner que les repas constituent aussi des moments ‘‘ mémorisables ’’ et ‘‘ rituels ’’ pour la prise des médicaments.

M. Jacques-Louis BINET

Vous n’avez pas observé d’effets indésirables hématologiques. Comment l’expliquez-vous ?

Nous avons observé 5 cas d’aplasie sous chimiothérapie (notamment des thromboneutropénies) pour myélome (2 cas), lymphome (1 cas), cancer du sein (1 cas) et cancer de l’ovaire (1 cas).

M. Émile ARON

Vous nous proposez des mesures préventives. Dans l’éventualité de suites pénales, est-ce que ces complications correspondent au principe de précaution ou au principe de prévention ?

Comme vous avez pu le noter, nous avons tenu à exprimer nos propos avec une grande prudence et dans un souci de prévention, essentiellement par des mesures pédagogiques.

Je crois sincèrement qu’une des difficultés importantes de la prévention de ces effets indésirables médicamenteux résulte précisément de la menace punitive qui les entoure et qui, paradoxalement, gène profondément leur étude objective et dépassionnée. C’est dans un contexte non punitif, centré sur les précautions à prendre, que l’on pourra travailler rationnellement, par des mesures préventives efficaces auprès des médecins, des pharmaciens, des autres soignants, des malades et de leur entourage.

M. Adolphe STEG

Je voudrais attirer l’attention sur les difficultés d’interprétation des notices d’accompagnement des médicaments. Tantôt elles sont tellement terrorisantes qu’elles conduisent le patient à renoncer au traitement. Tantôt elles sont tellement bizarres quand, par exemple pour le même médicament, il est mentionné ‘‘ constipation, diarrhée ’’, ‘‘ somnolence, insomnie ’’, ‘‘ asthénie, excitation ’’… que le patient renonce à tenir compte de toute la notice qui ne lui paraît pas sérieuse !

J’ai souligné combien il me semble indispensable que soient mises en exergue les quelques précautions majeures à faire respecter par le malade (avec de petits pictogrammes, un soulignement, un encadré explicite…). Les firmes pharmaceutiques tiennent à s’entourer du maximum de précautions vis-à-vis de toute critique juridique, d’où le foisonnement parfois indigeste des informations des notices et du Dictionnaire Vidal, qui ne font que ‘‘ noyer ’’ la prise en compte des données essentielles.

M. Pierre GODEAU

Y a-t-il eu, dans cette série d’accidents thérapeutiques, des prescriptions hors AMM ?

Nous avons eu peu d’accident hors AMM, sauf pour ce qui concerne des prescriptions discutables d’antithrombotiques. Notre étude a porté sur des malades venus consulter dans des Services d’Accueil et d’Urgences, où il n’a pas toujours été possible de vérifier ce point de la conformité de la prescription avec les indications de l’AMM. C’est un paramètre fondamental que nous devrons davantage prendre en compte dans nos travaux à venir.

M. Roger BOULU

Parmi les effets indésirables que vous avez observés, quelle était la proportion des effets indésirables attendus (figurant dans le Résumé des Caractéristiques du Produit) et des effets indésirables inattendus (non escomptés) ?

Tous les effets indésirables observés étaient attendus , au sens où ils figuraient dans le

Résumé des Caractéristiques du Produit (RPC). Toutefois, leur prévisibilité était variable, tenant à leurs différents mécanismes possibles, que je n’ai pas eu le temps de préciser dans mon exposé. Concrètement, dans notre étude, tous les accidents ont été rattachés soit à des effets secondaires ou toxiques, donc relativement prévisibles, cas les plus fréquents ;

soit à des effets immuno-allergiques, le plus souvent imprévisibles en l’absence d’antécé- dents ; soit à de mauvaises observances des traitements et/ou des automédications inappropriées.


* Service de Médecine Interne et de Thérapeutique — Hôpital Bellevue — CHU — F 42055 St-Étienne cedex 2 — patrice.queneau@chu-st-etienne.fr ** Laboratoire de Thérapeutique — Université Victor Segalen — Bordeaux 2 — 146, rue Léo Saignat BP 38 — F 33076 Bordeaux cedex. *** Service d’Accueil et d’Urgences — CHU — BP 217 — F 38043 Grenoble cedex. **** Service d’Endocrinologie — CHU St-Antoine — 184, rue du Fbg St-Antoine — F 75571 Paris cedex 12 ***** Service d’Accueil et d’Urgences — CHU — Hôpital Pontchaillou — F 35033 Rennes cedex ****** Département de Santé Publique — Hôpital St-Jean Bonnefonds — CHU — F 42005 Saint-Étienne cedex 2. ******* Département de Médecine aiguë spécialisée et INSERM E 0221, Université Joseph Fourier, BP 53 — F 38041 Grenoble cedex 9. Tirés-à-part : Professeur Patrice QUENEAU, à l’adresse ci-dessus. Article reçu le 6 janvier 2003, accepté le 10 février 2003.

Bull. Acad. Natle Méd., 2003, 187, n° 4, 647-670, séance du 1er avril 2003