Communication scientifique
Session of 5 décembre 2006

Des mitochondries aux maladies métaboliques et dégénératives

MOTS-CLÉS : génétique. maladies . métabolisme
KEY-WORDS : diseases. genetics. metabolism

From mitochondria to metabolic and degenerative diseases Daniel Ricquier

Daniel RICQUIER *

Les mitochondries

Les principales activités et fonctions des mitochondries sont la respiration cellulaire, le cycle de Krebs, l’oxydation des acides gras, des étapes de la synthèse de l’urée, de la néoglucogenèse, de la synthèse des stéroïdes, de la synthèse de l’hémoglobine. A ce rôle majeur des mitochondries dans les métabolisme oxydatif et le métabolisme, il faut ajouter leur participation à la thermogenèse, la production de radicaux libres oxygénés, l’homéostasie du calcium, l’apoptose et la synthèse des protéines. Les mitochondries sont des organites caractérisés par la présence de deux membranes délimitant deux compartiments principaux. La membrane externe est perméable à de nombreux métabolites, contrairement à la membrane interne dont la perméabilité est strictement contrôlée afin de maintenir un potentiel membranaire élevé établi par la chaîne respiratoire dont l’activité est étroitement liée à la synthèse de l’ATP.

Ainsi, nous assistons à une reconnaissance du rôle sans cesse croissant des mitochondries dans la physiologie cellulaire. Parallèlement, la contribution des mitochondries, via des mutations ou délétions de leur propre ADN ou non, à des pathologies est maintenant très largement démontrée, les situations pathologiques en question étant très diverses et souvent très graves.

Les mitochondries et les maladies métaboliques

Les mitochondries produisant 90 % de l’ATP de nombreux types cellulaires, toute altération de cette activité a immédiatement des conséquences énérgétiques expli-
quant leurs implications dans de nombreuses maladies métaboliques. Sans faire référence à toutes les maladies métaboliques concernées, il est possible de citer deux grandes catégories de pathologies, celles provoquées par des déficits de la chaîne respiratoire, et celles dont les origines sont les déficits d’oxydation des acides gras. Tous ces déficits appartiennent aux maladies héréditaires du métabolisme, maladies rares mais représentantautotalàungrandnombredepatients.Parailleurs,onpeutciterlacontributionpossibledetransporteursmitochondriauxparticuliers,lesUCPs.

La chaîne respiratoire mitochondriale, composée de plusieurs complexes enzymatiques, assure la réoxidation des coenzymes réduits qui se traduit par un accroissement d’énergie libre disponible. Cette énergie est utilisée par l’ATP-synthase mitochondriale pour fabriquer l’ATP cellulaire. Ces réactions, oxydation et phosphorylation, sont couplées et dénommées phosphorylations oxydatives ou oxydations phosphorylantes. Un déficit de la respiration cellulaire est immédiatement traduit en déficit d’ATP pour une cellule, déficit rapidement délétère. Les déficits de la chaîne respiratoire résultent de mutations d’un très grand nombre de gènes codant les nombreuses sous-unités des complexes et induisent une grande hétérogénéité clinique, pour laquelle les solutions thérapeutiques, même si elles sont activement cherchées, sont très limitées.

Il existe douze types de déficits de la β-oxydation mitochondriale. Ces déficits sont rares mais non exceptionnels et sont l’objet de dépistages néonataux systématiques dans certaines nations. Les déficits de ce type correspondent à des mutations des gènes CPT2, VLCAD, MCAD. Des essais cliniques thérapeutiques basés sur la pharmacologie sont en cours ou en projet.

Le niveau de couplage de la respiration à la synthèse de l’ATP dans les mitochondries détermine le flux d’ATP produit. Ce couplage n’est pas de 100 % et une partie de l’énergie des oxydations mitochondriales est dissipée sous forme de chaleur, la fonction thermogenique des mitochondries ne devant pas être ignorée. Le adipocytes bruns sont des cellules présentes chez les nouveau-nés (et chez les animaux hibernants et les rongeurs adaptés au froid) dont la particularité est une intense libération de chaleur en réponse à un besoin de thermogenèse. Le mécanisme impliqué est l’activation d’un transporteur membranaire mitochondrial nommé UCP1 qui découple la respiration de la production d’ATP, dissipant ainsi toute l’énergie des oxydations sous forme de chaleur. Cette UCP1 n’induit pas de maladie connue mais représente une piste thérapeutique expérimentale pour accroître l’oxydation des acides gras chez les patients obèses. Plus récemment des protéines homologues d’UCP1 ont été identifiées. En particulier, UCP2 contrôle la production de radicaux libres par les mitochondries, contribue à l’immunité innée et protége contre des pathologies dégénératives telles l’athérosclérose et la sclérose en plaque.

Les mitochondries et les maladies dégénératives

Outre les UCPs, transporteurs et effecteurs métaboliques mitochondriaux, il a été démontré, de manière surprenante, que des mutations de gènes d’enzymes du cycle
de Krebs, enzymes d’intérêt métabolique par excellence, induisent des pathologies dégénérativess et des cancers. Des déficits héréditaires d’enzymes du cycle de Krebs (fumarase et succino-déshydrogénase ou SDH) ont été associés à des encéphalopathies de l’enfant. Plus récemment, il a été montré que des déficits de ces deux enzymes sont à l’origine de formes familiales de tumeurs, les paragangliomes et les phéochromocytomes pour la SDH et des leiomyomes et des cancers du rein dans le cas de la fumarase. Ces tumeurs concernent des porteurs hétérozygotes dont l’allèle non muté est perdu par délétion dans la tumeur. Dans le cas de tumeurs associées à un déficit en SDH, le mécanisme implique une stabilisation anormale d’un facteur induit lors de l’hypoxie (travaux de Pierre Rustin et Jean-Jacques Brière). Ainsi le cycle de Krebs et l’homéostasie des métabolites peuvent contrôler les processus de tumorigenèse.

La médecine mitochondriale

Ce terme, désignant un vaste ensemble de pathologies et représentant un nouveaau domaine de recherche de thérapeutiques est maintenant utilisé. La tâche est immense mais les progrès dans la connaissance des mécanismes impliqués génèrent quelque espoir dans la mise au point de meilleurs diagnostics, voire dans certaines solutions thérapeutiques.


* Membre de l’Académie des Sciences CNRS UPR 9078, Université Paris Descartes- site Necker, 156 Rue de Vaugirard 75730 Paris Cédex 15 et AP-HP Hôpital Necker-Enfants Malades Service Biochimie Métabolique. Tirés à part : Professeur Daniel RICQUIER, même adresse.

Bull. Acad. Natle Méd., 2006, 190, no 9, 1917-1919, séance du 5 décembre 2006