CONCLUSION
Origine précoce des maladies :
ouverture d’une ère nouvelle
Paul VERT *
Pour ébaucher des conclusions, trois ordres de faits, contribuent à réviser et à réorienter nombre de concepts en médecine du développement.
L’observation des effets à long terme de la restriction de croissance précoce sur la santé de l’enfant et de l’adulte est à la conjonction de données épidémiologiques et expérimentales. L’hypothèse émise par Barker d’une programmation périnatale de caractéristiques développementales susceptible d’induire des maladies de l’adulte, comme l’hypertension artérielle ou le diabète de type 2, a trouvé une confirmation rapide non seulement grâce à la reproduction des phénomènes sur des modèles animaux, mais aussi grâce aux concepts récents sur la modulation épigénétique de l’expression du phénotype. Il s’agit d’une plasticité développementale où des facteurs environnementaux sont susceptibles d’induire une programmation (programing) biologique durable. Dans une vision finaliste, celle-ci est nécessaire à l’adaptation des organismes et des comportements à la diversité des conditions de vie [1].
Les observations des épidémiologistes concernent initialement les disciplines scientifiques et médicales qui se consacrent par essence au développement : embryologie, tératologie organogénétique et comportementale, fœtologie, obstétrique et pédiatrie. Mais nombre de disciplines de médecine de l’enfant et de l’adulte sont aussi concernées. De façon non exhaustive citons la nutrition, l’endocrinologie dont le diabète, la cardiologie, la néphrologie, la pharmaco-toxicologie…
Quelles orientations de médecine préventive peut-on suggérer à la lumière de ces constats ?
En premier lieu, prévenir les effets délétères qui s’opposent aux conditions optimales du développement en tenant compte des périodes de vulnérabilité. Certaines recommandations sont apparemment simples comme procurer une nutrition adéquate, non seulement à l’enfant, mais à sa mère. Les carences en folates susceptibles d’induire des malformations, ou en iode source de retards mentaux, sont des exemples qui concernent des micro-nutriments. On se doit aussi de veiller à l’éviction de xénobiotiques dangereux, qu’il s’agisse de médicaments, de pesticides, de composés chimiques divers, présents dans notre environnement. Durant la grossesse, la question peut être épineuse, car il est nécessaire de traiter la mère hypertendue, diabétique, porteuse d’une infection, ou une atteinte de troubles neuropsychiques.
En second lieu, la connaissance de risques à long terme incite à développer d’authentiques mesures préventives, associées à un dépistage précoce, ce qui commence à se faire pour la fonction rénale ou la pression artérielle chez des enfants ayant souffert d’un important retard de croissance intra-utérin.
Les problématiques soulevées par la découverte des conséquences de la programmation précoce de la santé n’échappent pas à des considérations éthiques, partagés que sont les spécialistes entre le désir de prévenir et les excès de la médecine prédictive. Sans doute, sommes-nous entrés dans une ère nouvelle, de renouvellement des concepts, évoquant celle qu’ont connu les médecins des débuts de l’ère pastorienne ?
BIBLIOGRAPHIE [1] Newham J.P. and Ross M.G. — Early life origins of human health and disease, Basel, Karger pub. 2009, 224 p.
Bull. Acad. Natle Méd., 2011, 195, no 3, 529-530, séance du 15 mars 2011