CONCLUSION
Jean-Paul BOUNHOURE *
La plus fréquente des arythmies cardiaques, la fibrillation atriale, est un sujet complexe, difficile, dont l’étude est de grande portée pratique, demandant la coopé- ration des internistes, des cardiologues, des neurologues, des spécialistes de la thrombose et bien entendu celle des médecins généralistes.
Sa forte prévalence chez une population âgée, hétérogène, une incidence croissante avec le vieillissement, le nombre des co-morbidités associées, la fréquence des hospitalisations, des explorations onéreuses, en font un authentique problème de santé publique.
Les dépenses de santé que cette arythmie occasionne sont considérables, évaluées à 2 ,5 milliards d’euros par an pour la France, 25 milliards d’euros par an pour l’Europe et 3 200 euros par patient !
La prévention de la FA est donc un objectif essentiel qui n’est souvent pas assez souligné. Une meilleure prise en charge de toutes les affections qui favorisent son apparition est indispensable. C’est « l’upstream treatment », le traitement en amont, fondé sur la prévention de l’hypertrophie myocardique, la normalisation des chiffres tensionnels, le traitement rapide de l’ischémie et de la nécrose myocardique, la correction avant la dilatation cardiaque de toutes les lésions valvulaires, un traitement soutenu du diabète et des dyslipidémies.
L’évaluation du risque d’infarctus cérébral d’origine embolique est actuellement bien précisée par des scores, faciles à mémoriser et à appliquer, qui permettent d’appliquer rigoureusement des stratégies thérapeutiques, validées par de nombreux essais cliniques. Il faut suivre les recommandations des Sociétés savantes, tout particulièrement celles de la Société européenne de cardiologie, dont Jean-Yves Le Heuzey a été un des rédacteurs.
La part respective des antivitamines K, des anti-agrégants plaquettaires est bien définie, en sachant que pour les patients sans risque l’abstention thérapeutique est aujourd’hui la règle. Le problème majeur des antivitamines K, dont on élargit les indications, demeure leur faible fenêtre d’efficacité, la cible deux à trois, alors que les évènements ischémiques sont nombreux au-dessous de deux et les évènements hémorragiques fréquents quand l’INR dépasse 4 ! On place beaucoup d’espoir dans les nouvelles molécules, anti-thrombine ou anti X a dont l’efficacité parait démontrée mais dont le maniement et la tolérance justifient des études de phase III complémentaires. En attendant mise sur le marché, les anti vitamines K demeurent la pierre angulaire du traitement préventif embolique mais les études démontrant leur efficacité ne concernent que la warfarine qui n’est pas la molécule la plus prescrite en France. Avec les antivitamines K le risque hémorragique doit être régulièrement réévalué avec le vieillissement du patient car les risques ne sont pas figés et évoluent avec le temps.
Le traitement de l’arythmie elle même a progressé et évolue d’année en année.
L’ablation des foyers à l’origine de la FA, l’isolement des veines pulmonaires, sont des techniques séduisantes, efficaces entre les mains d’équipes entraînées et qualifiées. Ces techniques améliorent les symptômes, la qualité de vie mais elles doivent prouver leur efficacité sur la morbidité et la mortalité à long terme.
L’apparition de nouvelles molécules antiarythmiques comme le vernakalant, efficaces dans le traitement de la crise semble une avancée de porté pratique intéressante. D’autres anti-arythmiques, efficaces et maniables apparaissent mais leur bonne tolérance mérite aujourd’hui des études complémentaires, avec un suivi prolongé.
Symptomatique ou silencieuse, bien tolérée ou source de complications dramatiques, la FA survient sur un terrain le terrain fragile, pour lequel toutes les prescriptions demandent l’évaluation rigoureuse du rapport bénéfice /risque. Des progrès sont survenus au cours de ces dernières années, mais beaucoup reste à faire et on doit espérer que dans un proche avenir des réponses seront données pour l’intérêt de nos patients, aux nombreuses questions qui se posent.
Bull. Acad. Natle Méd., 2011, 195, nos 4 et 5, 1003-1004, séance du 17 mai 2011