Communication scientifique
Session of 23 mars 2010

Conclusion

Roger Henrion *

 

Conclusion

Roger HENRION *

Peut-on imaginer plus douloureuse épreuve pour une jeune femme que d’apprendre en même temps que l’on est atteint d’un cancer et que le traitement utilisé, par ailleurs de plus en plus efficace et salvateur, risque d’entraîner une stérilité définitive, de perturber gravement sa sexualité ou de provoquer des complications lors d’une grossesse ultérieure. Et que dire de la souffrance des parents de jeunes enfants confrontés à ces drames.

Contrairement à ce que l’on pourrait croire, de tels dilemmes, qui étaient impensables en d’autres temps où le diagnostic de cancer était plus tardif et le pronostic beaucoup plus sévère, ne sont désormais plus rares. On assiste en effet, d’une part au rajeunissement de l’apparition de certains cancers, d’autre part au retard de plus en plus marqué de l’âge de la première grossesse ou à une grossesse tardive à la suite d’un remariage. Ainsi, on estime que 10 à 15 % des cancers du sein apparaîtraient avant 40 ans et 7 à 8 % des cancers épithéliaux de l’ovaire avant 35 ans. Aux ÉtatsUnis, environ 50 % des cancers du col de l’utérus surviennent avant 35 ans. Sans oublier les cancers survenant chez les enfants qui représentent 1 % des néoplasies.

Devant la détresse de leurs patientes, les médecins se sont ingéniés à diminuer les effets nocifs des traitements radiothérapiques et chimiothérapiques sur la fonction ovarienne ainsi que sur la texture et la vascularisation de l’utérus, effets précisément décrits par Philippe Morice et ses collaborateurs. À la meilleure maîtrise par les oncologues et radiologues des doses délivrées, des champs d’irradiation, de la nature des agents chimiques et de leur combinaison, s’est ajoutée toute une série de techniques employées par les gynécologues obstétriciens et les biologistes, techniques destinées à préserver les fonctions de reproduction, bien étudiées par Joëlle Belaisch-Allart et ses collaborateurs qui ont fait le point de la question.

Mais, si chez l’homme, la conservation du sperme est bien codifiée, avec des résultats éprouvés, la situation est plus complexe chez la femme. Outre la transposition de l’ovaire, connue de longue date, on a proposé des techniques de plus en plus sophistiquées dont les résultats sont plus aléatoires. Au recueil et à la congélation d’ovocytes, technique peu satisfaisante, sont venus s’ajouter la congélation d’embryons et la cryoconservation ovarienne avec autogreffe ultérieure. La vitrification ovocytaire, autre solution, n’est pas autorisée en France pour le moment. On peut aussi avoir recours à un don d’ovocytes, mais on en connaît les servitudes.

 

Quant à la gestation pour autrui, il serait étonnant qu’elle soit acceptée dans notre pays avant un certain nombre d’années.

Les choix sont d’autant plus difficiles à faire que l’on manque d’études portant sur de larges cohortes, ce qui laisse persister des doutes, d’une part sur les meilleurs traitements de la stérilité induite, d’autre part sur les effets d’une grossesse à court et long terme sur l’évolution du cancer ou l’apparition de récidives. Quoiqu’il en soit, même si le résultat ne peut être garanti, la simple annonce d’une possibilité d’avoir ultérieurement un enfant est ressentie comme un message d’espoir par la patiente.

Mais d’autres questions fort délicates ont été abordées. La première est celle du déroulement d’une grossesse après cancer gynécologique, sujet parfaitement traité par Bruno Carbone et Yan Ansquer. La seconde est celle de la contraception après cancer gynécologique ou chez une jeune femme ayant des antécédents familiaux de cancer du sein et porteuse d’une mutation délétère des gènes BCRA 1 et 2 par exemple, exposée avec beaucoup de clarté par Bernard Blanc et ses collaborateurs.

On conçoit la complexité et la gravité de telles décisions. À l’évidence, elles ne peuvent être prises qu’après concertation des différents intervenants et discussion au sein d’équipes se connaissant parfaitement, équipes dont la logique est, il faut le reconnaître, bien différente, puisque les uns veulent assurer avant tout la guérison de la femme et que les autres souhaitent préserver sa fertilité. On conçoit aussi la difficulté d’informer aussi humainement et complètement que possible les patientes et d’obtenir leur consentement éclairé, souci qui transparaît parfaitement dans les exposés du jour et fait partie de la noblesse de notre profession.

DISCUSSION

Jean NATALI

Cher Président, à la lumière de ce que nous venons d’entendre, quelle est votre position sur la GPA ?

Je confirme ma position, conforme à celle du groupe de travail sur le sujet. L’interdiction de la GPA doit être maintenue, mais dans des circonstances précises :

absence d’utérus à la naissance, ablation de l’utérus pour cancer dans l’enfance ou l’adolescence ou à la suite d’un accident obstétrical et, au cas par cas, la GPA devrait être autorisée et ses conséquences évaluées. Cette mesure pourrait être prise à titre dérogatoire et temporaire comme l’a été celle sur le devenir des embryons humains surnuméraires.

 

<p>* Président de l’Académie nationale de médecine</p>

Bull. Acad. Natle Méd., 2010, 194, no 3, 529-530, séance du 23 mars 2010