Communication scientifique
Session of 14 décembre 2010

Comment dépister et pourquoi traiter précocement la maladie bipolaire ?

MOTS-CLÉS : trouble bipolaire. trouble cyclothymique.. troubles de l’humeur
Diagnosis of bipolar disorder and rationale of early treatment
KEY-WORDS : bipolar disorder. borderline personality disorder. comorbidity. cyclothymic disorder. dysthymic disorder. mood disorders

Jean-François Allilaire*

Résumé

La maladie bipolaire, autrefois nommée psychose maniaco-dépressive reconnaît un très grand nombre de formes cliniques qui rendent le diagnostic à la fois difficile et le plus souvent tardif. La notion de spectre bipolaire illustre cette difficulté et regroupe un très grand nombre de sous types cliniques de bipolarité. Seule la survenue d’un épisode maniaque permet d’affirmer le diagnostic et, les études cliniques montrent que, le plus souvent, il faut cinq à dix ans d’évolution pour établir ce diagnostic et par conséquent traiter correctement. Certains outils permettent d’identifier tôt les critères de ce diagnostic et de préciser le sous-type permettant de prescrire le traitement approprié et de prévenir les complications de la maladie. Cette communication a pour but de préciser les arguments cliniques en vue du traitement avant la phase des complications.

 

Summary

The earlier bipolarity is diagnosed and treated, the better the chances of durable recovery. The bipolar spectrum consists of a large panel of clinical syndromes with heterogeneous symptoms. Clinical studies show that, on average, a period of nine years elapses between onset of the first mood symptoms and appropriate prescription of mood stabilizers. Tools such as the bipolarity index can help with earlier and more precise diagnosis of bipolarity, and with the choice of the best treatment to prevent complications of bipolar illness.

INTRODUCTION

Toutes les études sur la bipolarité montrent que le diagnostic des différentes formes cliniques du trouble bipolaire n’est en général posé qu’entre cinq et dix ans après l’apparition des premiers symptômes de la maladie en raison des multiples masques cliniques du spectre de la bipolarité [1].

Ce n’est qu’après la survenue d’un épisode maniaque indiscutable que la certitude diagnostique est en général acquise et déclenche la mise en œuvre du véritable traitement de la maladie par la prescription des médicaments thymorégulateurs, et c’est le plus souvent après plusieurs années d’évolution sans traitement.

Or il est clair que plus tôt on traite, plus on a de chances de prévenir l’apparition de nouveaux épisodes et après eux le risque de complications (suicide ou actes médicolégaux) et de persistance de symptômes résiduels (chronicisation) handicapants.

L’objectif de cette communication est de montrer comment dépister et traiter le plus tôt possible ce grave trouble mental.

Rappel historique et nosographique

Rappelons pour commencer que le terme de trouble bipolaire a maintenant détrôné dans le vocabulaire médical l’ancienne appellation de psychose maniaco-dépressive.

On ne peut que s’en réjouir car il s’agissait de destigmatiser cette pathologie en faisant disparaître de son nom la terminologie de « psychose »jugée obsolète et déjà supprimée du vocabulaire de la classification psychiatrique américaine depuis le DSM III [2]. Cette nouvelle terminologie de troubles bipolaires a de plus bien souligné le fait qu’elle désigne un ensemble de syndromes cliniques comportant des symptômes dépressifs et/ou maniaques pouvant réaliser ainsi de très nombreux tableaux symptomatiques dont l’ensemble correspond à ce qu’il est d’usage d’appeler maintenant le spectre des troubles bipolaires.

Du point de vue historique, on peut rappeler que les premières descriptions remontent à la Grèce antique avec Aretée de Cappadoce et Hippocrate. C’est Thomas Willis qui aperçoit au xviie siècle l’alternance des états d’humeur mais c’est en 1854 à la Salpêtrière, que Jules Baillarger décrit la « folie à double forme » au même moment où son collègue Jean-Pierre Falret décrit de son côté la « folie circulaire ».

Un peu plus tard en Allemagne Kraepelin ne décrira pas moins de dix-huit types de folie maniaco-dépressive.

Il faudra attendre Kleist et Leonhard dans les années 60, qui proposeront la dichotomie entre troubles unipolaires et troubles bipolaires. Cette opposition sera confirmée par Angst [3], Perris [4], Winokur [5] et adoptée dans le DSM III. Enfin des auteurs récents comme Klerman en 1981, Akiskal en1999 ou Hirschfeld en 2003 [6] finiront par imposer une conception élargie de ces troubles de l’humeur (suivant l’expression consacrée depuis Jean Delay).

Actuellement deux grandes classifications s’imposent dans la nosographie psychiatrique : le DSM IV de l’American psychiatric Association et l’ICD 10 de l’OMS.

Elles s’accordent à décrire parmi les troubles bipolaires un trouble bipolaire de type I (forme typique avec alternance manie-dépression — phase inter critique) et de type II (épisodes hypomaniaques récurrents et inaugurant un épisode dépressif) mais aussi les troubles cyclothymiques et des troubles bipolaires sans précision ou non spécifiés. Les autres troubles de l’humeur sont soit des troubles persistants (dysthymie et autre trouble de l’humeur persistants) soit des troubles induits par une substance (stimulants, stéroïdes, L Dopa, antidépresseurs, sismothérapies, photothérapies) ou encore d’autres troubles de l’humeur tels que les épisodes mixtes ou les troubles dépressifs récurrents brefs.

En fait la question de l’existence de différents sous types de troubles bipolaires a été bien posée dès 1981 par Klerman [7].

Celui-ci propose alors six catégories :

— trouble bipolaire 1 et 2, — trouble bipolaire 3 (induit par les médicaments) — trouble bipolaire 4 (trouble cyclothymique) — trouble bipolaire 5 (avec antécédents familiaux de bipolarité) — trouble bipolaire 6 (avec des récurrences maniaques pures).

D’une façon encore plus détaillée notre confrère Akiskal a proposé avec Pinto en 1999 [8] une subdivision de la bipolarité en huit catégories :

— demi bipolarité correspondant au trouble schizo-bipolaire, — bipolaire 1, c’est la maladie maniaco-dépressive ;

— bipolaire 1 ½ dépression avec hypomanie prolongée, — bipolaire 2 dépression plus hypomanie spontanée discrète ;

— bipolaire 2 ½ dépression plus tempérament cyclothymique ;

— bipolaire 3 dépression plus hypomanie induite par les médicaments ;

— bipolaire 3 ½ avec des oscillations marquées de l’humeur associées à des addictions et à des abus d’alcool — bipolaire 4 avec des récurrences dépressives chez un sujet présentant un tempé- rament hyperthymique.

Pour en terminer avec ces différentes classifications, les groupes de travail du DSM V prévu pour 2012/2015 semblent confirmer une tendance à l’extension du concept de spectre du trouble bipolaire qui regroupe sous la bipolarité plusieurs entités y compris certains troubles de personnalité ainsi que des tempéraments.

 

Fig. 1. — Spectre des troubles bipolaires.

Cyclothymies, tempéraments thymiques et comorbidité, bipolarité/trouble border line

Envisageons plus précisément maintenant le trouble cyclothymique (md), puis la notion de tempérament, enfin la question de la comorbidité entre la bipolarité et les troubles borderline.

Rappelons que le trouble cyclothymique a été décrit dès 1882 par Kahlbaum. Il est défini par la durée minimale de deux ans d’épisodes mineurs de dépression ou de manie, la prévalence d’environ 1 % avec une légère prédominance féminine. Il s’agit d’une pathologie qui débute entre 15 et 25 ans, on sait maintenant qu’un tiers des cas évolueront vers une bipolarité de type 2 (c’est-à-dire hypomanie avec dépression majeure). Enfin on décrit de nombreux états subsyndromiques de troubles cyclothymiques qui présentent par ailleurs une hypersensibilité particulière au stress.

En ce qui concerne les tempéraments thymiques, il s’agit de tendances particulières mais non pathologiques tout en posant la question de leur caractère prémorbide.

On en décrit quatre types :

— Le tempérament cyclothymique avec alternance de repli et de désinhibition sociale avec troubles du sommeil plutôt à type d’hypersomnie.

— Le tempérament hyperthymique autrefois appelé « hypomanie constitutionnelle » marqué par l’exubérance et l’extraversion.

— Le tempérament irritable marqué par la dysphorie, la tendance à ruminer, l’humeur changeante, les colères…

— Enfin le tempérament dysthymique pour lequel il y a une prédominance voire une permanence dépressive.

 

Soulignons maintenant l’importance de la comorbidité entre bipolarité et trouble borderline. C’est un diagnostic difficile que l’on ne peut porter chez un patient que lorsqu’il y a un certain degré de stabilisation de l’humeur. En fait de nombreuses caractéristiques cliniques sont communes avec l’angoisse diffuse, la dysphorie labile à prédominance dépressive, la coexistence de symptômes névrotiques eux-mêmes labiles, un certain degré d’impulsivité et d’instabilité relationnelle, une tendance addictive et une tendance à l’ennui. Pour certains auteurs les personnalités borderline et troubles borderline sont en fait des formes de bipolarité, mais cette question reste controversée.

Les troubles bipolaires ont de fait une grande hétérogénéité clinique

Le point essentiel est ici de souligner la très grande hétérogénéité clinique c’est-à- dire le très grand nombre de formes cliniques des troubles qui montrent l’existence du spectre des troubles de l’humeur. En effet il existe une variabilité de la symptomatologie et les symptômes les plus fréquents ne sont pas toujours les plus typiques qu’il s’agisse de l’irritabilité (80 %), de la dépressivité (72 %), des idées mégalomaniaques et de la fuite des idées (plus de 70 %) ou encore d’idées délirantes avec les idées de grandeur qui peuvent se présenter dans près de 50 % des cas. Enfin il faut signaler que dans 15 % des cas on peut retrouver des idées d’influence ou des hallucinations psychosensorielles.

De même il peut exister une grande variabilité de l’état hypomaniaque qui se caractérise certes par les mêmes symptômes que ceux de la manie mais moins nombreux, moins intenses et moins invalidants. Signalons ici qu’ils passent souvent inaperçus et que le diagnostic peut se poser à partir de seulement quatre jours de durée symptomatique.

De même il existe une grande variabilité de l’état mixte : rappelons qu’il s’agit d’un état dysphorique observé dans 20 % des formes de bipolarité typique de type 1, pouvant aller jusqu’à un tableau de dépression agitée. La confusion est possible avec manie mixte, dépression mixte, manie dysphorique voire encore cycles rapides. Le diagnostic différentiel est souvent difficile avec le trouble border line comme on l’a indiqué précédemment.

De la même façon il existe une grande variabilité des états sub-syndromiques dont la persistance entre les épisodes confine parfois à la chronicité et qui peut pour certains auteurs (Angst 1995) durer jusqu’à 20 % de la vie des patients, et même pour Judd (2003) [9] jusqu’à 50 % du temps de vie des patients.

Il existe aussi de nombreuses formes évolutives suivant l’âge du début et suivant le type de séquence, F. Bellivier et coll [10] : la manie suivie de dépression, suivie d’intervalles libres est la plus typique. C’est celle qui répond le mieux à la thérapeutique par les sels de lithium. La séquence dépression suivie de manie, suivie d’intervalles libres répond moins bien à la thérapeutique par les sels de lithium. La séquence manie suivie de dépression, suivie de manie sans intervalles libres (l’ancienne folie circulaire) décrite par Falret, répond mal aux thymorégulateurs et a une tendance importante à l’aggravation. Les formes à cycles rapides (soit quatre épisodes par an) touchent plutôt la femme et en particulier lorsqu’il a une hypothyroïdie associée voire des conduites addictives (alcoolisme). Enfin les formes à évolution saisonnière sont à distinguer du trouble affectif saisonnier (SAD) avec sa symptomatologie souvent inversée. Pour terminer sur cette hétérogénéité des troubles bipolaires il faut aussi prendre en compte la fréquence des comorbidités. On sait par les études épidémiologiques que 20 % des cas de bipolarité sont associés à un trouble anxieux (trouble panique, phobique ou anxiété généralisée), 60 % sont associés à des conduites addictives et des troubles du comportement alimentaire. On sait maintenant que l’abus d’alcool favorise un début précoce, une fréquence plus élevée, une durée prolongée des épisodes ainsi qu’un retard aux rémissions des symptômes résiduels.

Pour conclure sur cette question de l’hétérogénéité, il faut insister sur le fait qu’il existe un multidéterminisme de la pathologie bipolaire : le modèle des troubles psychiatriques est actuellement le modèle bio-psycho-social qui met l’accent sur la notion de vulnérabilité, c’est-à-dire de facteurs de vulnérabilité présents dans l’un ou plusieurs des trois champs biologique psychologique et social, et en sachant que la notion de vulnérabilité s’applique aussi bien au plan génétique qu’à celui de la personnalité. Les recherches actuelles montrent l’importance du rôle des facteurs environnementaux dans le déclenchement des troubles de l’humeur (évènements précoces, deuils, carences affectives). On insiste aussi sur le rôle des évènements de vie, du stress, du surmenage et surtout de l’impact de ces conditions sur les rythmes sociaux (manque de sommeil, non respect des rythmes biologiques) comme étant autant de facteurs de décompensation.

Y a-t-il des outils pertinent pour se repérer tôt en clinique et guider la décision thérapeutique ?

Certaines échelles et index de bipolarité [11, 12] ont été construits pour déterminer devant un tableau clinique complexe ou atypique si l’on est en présence d’une forme mineure ou d’une forme sévère. Cet index prend en compte cinq dimensions cliniques cotées de 0 à 20 pour un index de bipolarité variant de 0 à 100.

La première dimension concerne les caractéristiques de l’épisode (unique, atypique, en post-partum, avec ou sans manifestation psychotique). La deuxième dimension concerne l’âge du début du premier épisode ou syndrome sachant qu’un début avant vingt ans est encore plus évocateur qu’un début avant trente ans. La troisième dimension concerne les caractéristiques évolutives et les troubles associés. La quatrième dimension concerne la réponse aux différentes thérapeutiques : on connaît en particulier l’importance du risque du virage maniaque ou hypomaniaque lors des modifications d’un traitement antidépresseur singulièrement lorsqu’on débute ce traitement ou lorsqu’on l’arrête. Enfin, la cinquième dimension clinique est celle de l’histoire familiale lorsqu’existent des antécédents familiaux de troubles bipolaires chez les apparentés du premier degré ou au second degré ainsi que le type unipolaire ou bipolaire.

Au total l’index de bipolarité prend en compte toutes les caractéristiques de l’épisode et de l’évolution. Il permet d’évaluer le degré de « pureté » de la dimension bipolaire. Si cet index est supérieur à 60, on peut affirmer qu’on est devant un trouble caractérisé justifiant un traitement thymorégulateur approprié mais si l’indice est faible on ne renonce pas pour autant aux thymorégulateurs compte tenu de leur grand intérêt sur les comportements hétéro agressifs, auto agressifs et impulsifs (risque suicidaire).

Implications thérapeutiques

En matière de traitement des dépressions bipolaires, les recommandations les plus récentes pour améliorer le traitement des troubles bipolaires [13] et des guidelines pour la prise en charge des patients atteints de troubles bipolaires [14], insistent dorénavant sur la place centrale du patient dans sa prise en charge : celui-ci doit être informé sur sa maladie et son traitement ; il doit participer aux décisions concernant son traitement ; ces décisions doivent tenir compte a la fois de ses préférences et des résultats antérieurs des traitements. Jusqu’en 2003, toutes les recommandations plaçaient en première intention pour le traitement des dépressions bipolaires les thymo régulateurs, puis les antidépresseurs, et éventuellement les ECT en cas de trouble sévère. De nouveaux algorithmes thérapeutiques ont été proposés depuis avec la démonstration de l’efficacité des antipsychotiques atypiques dans les dépressions bipolaires, les plaçant en deuxième intention après les thymo-régulateurs, seuls ou associés aux antidépresseurs. Les études sont actuellement en cours pour confirmer ces données.

CONCLUSION

On peut opposer deux aspects cliniques principaux au-delà de l’hétérogénéité du trouble bipolaire.

— d’un côté le syndrome bipolaire nucléaire (regroupant les formes de bipolarité de type 1 et de type 2) soit 1 à 2 % de prévalence avec un index supérieur à 60 et correspondant à des phénotypes cliniques homogènes accessibles à la recherche.

— d’un autre côté ce que l’on appelle maintenant le spectre élargi qui intègre tous les types, les tempéraments et les personnalités. Cette notion souligne le risque de bipolarisation et de méconnaissance du trouble. Les données épidémiologiques récentes tendent à faire penser comme nous le disions en introduction, que 30 à 50 % des dépressions en feraient partie et que la fréquence de ces présentations cliniques oscillerait entre 3 et 6 % de la population générale.

 

Pour terminer, on peut dire que face à un trouble aux expressions multiples, il faut remettre en question la validité des recommandations thérapeutiques en vigueur actuellement. On peut penser que ces recommandations s’appliquent à la forme nucléaire et restrictive mais qu’elles ne peuvent en aucun cas s’appliquer à l’ensemble du spectre élargi. Si bien que pour la pratique on s’attachera à poser au plus tôt ce diagnostic difficile et à l’identifier grâce aux éléments de l’index de bipolarité. De même, on tiendra compte du type de trouble de la personnalité du patient, des modalités évolutives de l’humeur, des co-morbidités associées en particulier avec une addiction mais aussi avec un trouble anxieux pour démarrer au plus vite et dans les meilleures conditions le traitement spécifique thymo-régulateur (sels de lithium, anticonvulsivants ou autres), seuls gages de prévention efficace des récidives et des complications avec ce qu’elles impliquent de rechutes et de chronicisation qui font toute le gravité de la maladie bipolaire BIBLIOGRAPHIE [1] Allilaire J.-F., Hantouche E.-G., Sechter D., Bourgeois M.-L., Azorin J.M., Lancrenon S., Châtenet-Duchêne L., Akiskal H.-S. — Fréquence et aspects cliniques du trouble bipolaire II dans une étude multicentrique française : EPIDEP L’Encéphale, 2001, XXVII , 149-58.

[2] Goodwin F.K., Jamison K.R. — Manic-depressive illness. New York Oxford: Oxford University Presse ed., 1990.

[3] Angst J., Presig M. — Course of a clinical cohort of unipolar, bipolar and schizoaffective patients. Results of a prospective study from 1959 to 1985. Scheweiz Arch. Neurol.. Psychiatry , 1995, 146 , 5-16.

[4] Perris C. — A study of bipolar and unipolar recurrent depressive psychoses.

Acta Psychiat

Scand. , 1966, 42, 194.

[5] Winokur G., Coryelle W., Endicott J. et al . — Further distinction between manic-depressive illness (bipolar disorder) and primary depressive disorder (unipolar depression).

Am. J. Psychiatry , 1993, 150 , 1176-81.

[6] Hirschfeld R.M.A., Calabrese J.R., Weissman M.M. et al. — Screening for bioplar disorder in the community.

J. Clin. Psychiatry , 2003 , 64 , 53-9.

[7] Klerman G.L. — The spectrum of mania. Compr. Psychiatry 1981, 22 , 11-20.

[8] Judd L.L., Akiskal H.S., Schettler P.J. et al. — A prospective investigation of the natural history of the long-term weekly symptomatic status of bipolar II disorder.

Arch. Gen. Psychiatry , 2003, 60 , 261-9.

[9] Akiskal H.S., Pinto O. — The evolving bipolar spectrum. Psychiatric Clinics North America, 1999, 22 , 517-34.

[10] Judd L.L., Akiskal H.S., Schettler P.J. et al . — A prospective investigation of the natural history of the long-term weekly symptomatic status of bipolar II disorder.

Arch. Gen. Psychiatry , 2003, 60 , 261-9.

[11] Bellivier F., Golmard J.L., Rietschel M. et al . — Age at onset in bipolar I affective disorder : further evidence for three subgroups.

Am. J. Psychiatry , 2003 May, 160 (5), 999- 1001.

[12] Sachs G.S. — Strategies for improving treatment of bipolar disorder: integration of measurement and management. Acta Psychiatr. Scand ., 2004, 110 , 7-17.

[13] Hantouche E.-G., Angst J., Lancrenon S., Gérard D., Allilaire J.F. — Faisabilité de l’autoévaluation dans le dépistage de l’hypomanie. Annales Médico-Psychologiques , 164 , (2006) 721-725.

[14] O’ Dowd A. — NICE issues new guidance to improve the treatment of bipolar disorder. BMJ , 2006, Jul. 29, 333 (7561), 220.

[15] Yatham L.-N., Kennedy S.H., O’Donovan C. et al. — Canadian network for mood and anxiety treatments (CANMAT), guidelines for the management of patients with bipolar disorder : update 2007. Bipolar disord ., Dec., 8 (6) , 721-39.

 

DISCUSSION

M. Henri LÖO

Parmi toutes les dénominations, il convient de rappeler aussi le terme de psychose intermittente, s’opposant à la forme rémittente particulièrement grave. La distinction unipolaire, bipolaire n’est pas rigoureuse : un unipolaire le reste jusqu’au jour où il présente un accès maniaque, ce qui peut être après une dizaine d’années. Dans la forme évolutive, ne convient-il pas d’évoquer la détérioration cognitive, le concept de démence vésanique ? Quels éléments favorisent cette évolution : la gravité et la durée des épisodes, le génie évolutif de la maladie ?

La précocité du traitement prévient-elle ou dénonce-t-elle cette possibilité évolutive ? A l’inverse, on a incriminé les traitements, leur importance, dans la genèse de la détérioration.

Il est tout à fait exact que de nombreux états psychotiques aigus récurrents ou périodiques sont des formes cliniques de troubles bipolaires. De même, il est exact que l’on ne parle d’unipolarité que jusqu’à la survenue parfois tardive dans l’évolution du premier épisode maniaque. Enfin, les évolutions démentielles, fréquentes en particulier dans les formes sévères, semblent de plus en plus devoir ètre corrélées avec la neurotoxicité des épisodes dépressifs, en particulier sur les structures hippocampiques avec ses conséquences sur les capacités d’apprentissage et la mémoire.

M. Jean-Jacques HAUW

Existe-t-il des pistes, tirées par exemple de l’imagerie cérébrale ou de l’étude des neurotransmetteurs cérébraux, en faveur d’un mécanisme physiopathologique précis ?

Malheureusement, aucune piste étiopathogénique ne se dégage des données d’imagerie Par contre, il est établi que les systèmes dopaminergiques, noradrénergiques et sérotoninergiques sont impliqués dans le mécanisme des épisodes dépressifs et maniaques, comme le démontre le mécanisme d’action des antidépresseurs.

M. Roger NORDMANN

Vous avez cité l’importance des conduites addictives en tant que comorbidité chez les patients présentant des troubles bipolaires. Cependant, vous n’avez mentionné que l’alcool.

 

D’autres substances psycho-actives — notamment le cannabis — ne peuvent-elles induire, révéler ou aggraver la maladie bipolaire et ne convient-il pas, lorsqu’une addiction est présente, de considérer son traitement comme l’un des objectifs prioritaires ?

Les amphétamines comme tous les agonistes dopaminergiques sont les molécules les plus pourvoyeuses de révélation ou d’aggravation de la bipolarité, mais il paraît clair que toutes les substances addictogènes comme l’alcool ou le THC sont susceptibles de précipiter le cours évolutif de la maladie. Toute addiction co-morbide de la bipolarité devient de facto un objectif prioritaire et supplémentaire de traitement afin d’éviter des formes évolutives malignes des deux pathologies.

M. Pierre RONDOT

L’étude de l’hérédité ne peut-elle faciliter le diagnostic de bipolarité ?

Les antécédents familiaux de bipolarité constituent un argument important doté d’un score élevé dans l’index diagnostic. On sait par ailleurs que de nombreux gènes de vulnérabilité ont été identifiés sur plusieurs chromosomes, faisant de la bipolarité une affection à transmission polygénique complexe. De plus, l’existence de nombreux cas sporadiques fait de l’étude des facteurs génétiques un thème de recherche plus qu’un domaine diagnostic formel.

M. Pierre GODEAU

Vous avez attiré l’attention sur l’intérêt du diagnostic précoce et des erreurs de diagnostic par défaut. N’y a-t-il pas un risque de diagnostic par excès et le risque à long terme d’un traitement peut être inopportun par les sels de lithium dont on connaît la toxicité somatique ?

Il ne faudrait pas tomber dans l’erreur inverse d’une tendance au sur-diagnostic car la prescription des sels de lithium n’est pas une décision anodine et exige des critères stricts précisés dans les guide-lines internationaux.

M. Jean-Daniel VINCENT

N’y a-t-il pas un effet de mode lorsque l’on parle de bipolaire ?

Cela paraît évident après la stigmatisation qui résultait du terme de psychose maniacodépressive. L’effet de balancier tient aussi à la survalorisation conférée par l’amalgame folie/génie/créativité et la publicité croissante autour des personnalités célèbres qui ont souffert de cette pathologie.

Mme Denise-Anne MONERET-VAUTRIN

Le concept de spectrotype « élargi » qui représenterait 10 % de la population n’est-il pas criticable dans la mesure où, d’une part il dépend de la culture et des caractéristiques de la société actuelle et, d’autre part il inclut des « tempéraments » ? Ne va-t-on pas vers une conception normative du « Meilleur des mondes » ? Ne serons-nous pas affrontés à une inflation de faux diagnostics de bipolarité border-line ?

 

Actuellement, les études rétrospectives tablent sur 6 à 9 %. Ceci devra être confirmé par des études prospectives beaucoup plus difficiles à réaliser. L’application stricte des critères cliniques de diagnostic doit permettre en attendant l’hypothétique découverte de critères paracliniques, d’éviter les dérives d’un diagnostic élargi de facilité que l’on doit combattre comme toute psychiatrisation abusive des personnes.

M. Jacques-Louis BINET

Existe-t-il des dépressions qui ne sont pas bipolaires ?

L’expérience clinique permet de l’affirmer, et il semble que la potentialité maniaque pourrait être liée à des facteurs neurobiologiques encore mal connus mais qui n’appartiendraient pas à tous.

M. Jacques BATTIN

L’hétérogénéité clinique de la psychose bipolaire pourrait évoquer la pénétrance et l’expressivité variables des génopathies dominantes. Les arbres généalogiques de ces malades sont-ils en faveur de cette transmission ?

Les modèles actuels de recherche génétique de la psychiatrie se rapprochent, à ma connaissance, plutôt de ceux de maladies polygéniques complexes intégrant les interactions gène-environnement telles que, le diabète ou l’hypertension artérielle .

 

<p>* Membre correspondant de l’Académie nationale de médecine, Psychiatrie, Hôpital de la PitiéSalpêtrière, 47 bld de l’hôpital — 75013 PARIS, e-mail : jf.allilaire@psl.aphp.fr Tirés à part : Professeur Jean-François Allilaire, même adresse Article reçu le 21 mai 2010, accepté le 7 juin 2010</p>

Bull. Acad. Natle Méd., 2010, 194, no 9, 1695-1704, séance du 14 décembre 2010