Résumé
Les adénomes hypophysaires sont des tumeurs bénignes qui peuvent être classées en fonction du type d’hormone secrétée, des données de l’immunocytochimie (qui confirment souvent la classification clinique) ou, maintenant, comme proposé par l’OMS en 2004, de marqueurs spécifiques de la différenciation des diverses lignées cellulaires. La pathogénie des adénomes hypophysaires reste largement méconnue. Si l’origine clonale des adénomes est très probable, aucune anomalie moléculaire univoque (hormis une mutation gsp dans 40 % des adénomes hypophysaires) n’a jusqu’à maintenant été mise en évidence. Les travaux concernant l’expression de protéines du cycle cellulaire, de divers facteurs de croissance et d’oncogénes éclairent un peu la complexité des mécanismes mis en jeu.
Summary
Pituitary adenomas are benign tumors that can be classified according to the type of hormone they produce, immunocytochemical characteristics (which generally confirm the clinical classification) or, as proposed by WHO in 2004, specific differentiation markers of the various ligneages. The pathophysiology of pituitary adenomas is largely unknown. Although a clonal origin is very likely, no univocal molecular abnormality (except for gsp mutations, found in 40 % of somatotropic adenomas) has yet been found. Studies of cell cycle proteins, growth factors and oncogenes are beginning to shed light on the complex underlying mechanisms.
Les adénomes hypophysaires sont des tumeurs bénignes développées aux dépens des cellules de l’ante-hypophyse. Elles peuvent être sécrétantes (révélées alors par un syndrome clinique variable selon la tumeur sécrétée en excès) ou non sécrétantes (révélées alors par un syndrome tumoral en rapport avec la proximité du chiasma optique ou par une insuffisance hormonale) CLASSIFICATION DES ADENOMES HYPOPHYSAIRES
Classification fonctionnelle ou clinicopathologique
La classification la plus simple des adénomes hypophysaires est faite en fonction de la présence ou non de signes cliniques d’hypersécrétion hormonale mais également des résultats de l’histologie. On distingue ainsi cinq à six grandes familles selon que les adénomes non fonctionnels et les adénomes gonadotropes sont ou non regroupés. Les six grandes familles d’adénomes hypophysaires sont les suivantes :
— Adénomes lactotropes (ou adénomes à prolactine — PRL — ou prolactinomes) — Adénomes somatotropes (ou adénomes à hormone de croissance — growth hormone , GH) — Adénomes corticotropes (ou adénomes à corticotrophine — adrenocorticotropic hormone , ACTH) — Adénomes thyréotropes (ou adénome à thyréostimuline — thyroid-stimulating hormone -TSH) — Adénomes gonadotropes (ou adénomes sécrétant des gonadotrophines) — Adénomes non sécrétants ou cliniquement non fonctionnels (ACNF) Classification cytopathologique
La caractérisation des adénomes cliniquement silencieux ou des adénomes apparemment non sécrétants, du moins cliniquement, a pu être affinée grâce aux progrès de l’immunocytochimie. C’est au cours des années 80 que l’immunohistochimie devint en effet l’outil de référence pour classer les tumeurs hypophysaires et permit, en particulier de réviser totalement les prévalences des différents histotypes. Ainsi, avant cela, les adénomes gonadotropes étaient considérés comme rares car leur identification reposait sur les seuls dosages plasmatiques des gonadotrophines, souvent peu élevés [1-3] : les séries rapportaient alors 2 à 5 % d’adénomes gonado- tropes. Dans les séries actuelles, 12 à 17 % des adénomes opérés sont de type gonadotrope [4] ; certaines études rapportent même des chiffres allant jusqu’à 30 à 37 % [5]. Pour Turner et al. , un taux de 60 % est observé dans une population âgée de plus de 65 ans [6]. Finalement, quand on considère les patients qui n’ont ni syndrome aménorrhée-galactorhée lié à une hyperprolactinémie, ni acromégalie, ni syndrome de Cushing (ceux qui portent un adénome cliniquement non fonctionnel — ACNF —) il apparaît que 60 à 70 % ont, en fait, un immunomarquage positif pour βFSH ( Follicle-stimulating Hormone ou folliculostimuline), βLH (
Luteinizing Hormone ou hormone lutéinisante) ou pour la sous-unité α des glycoprotéines [4, 7, 8].
Pour les adénomes somatotropes, certains auteurs différencient (grâce à la microscopie électronique) les adénomes somatotropes à cellules riches en grains de sécrétion (granulations denses), avec immunomarquage diffus et les adénomes à cellules pauvres en grains de sécrétion à immunomarquage éparpillé dans certaines cellules.
Enfin les adénomes (en particulier les adénomes somatotropes) peuvent avoir un immunomarquage limité à une seule hormone (adénomes purs) ou être marqués par plusieurs immunserums (adénomes mixtes, par exemple à GH et PRL, ou à GH et TSH, ou à GH, PRL, TSH ou encore à GH et sous-unité ∝) [9].
Classification OMS 2004
En 2004, le groupe de travail de l’OMS sur les Tumeurs Endocrines a revu cette classification et tenté d’apporter quelques précisions en terme de facteurs pronostiques [10, 11]. Dans la mesure où, en parallèle, les connaissances en biologie molé- culaire avaient permis d’avancer dans la compréhension de certains des mécanismes physiopathogéniques, il était possible de reclasser certains sous-types d’adénomes hypophysaires. De plus, la mise en évidence des facteurs transcriptionnels comme régulateurs de la différenciation cellulaire et donc de l’activité hormonale des cellules antéhypophysaires a conduit à scinder les adénomes en trois groupes embryologiquement distincts sur le plan cellulaire [12] :
— la production d’ACTH par les cellules corticotropes est définie par l’expression de Tpit — la production des gonadotrophines nécessite l’expression de SF-1 ( Steroidogenic
Factor-1 ), GATA-2 et la famille transcriptionnelle Lhx, plus particulièrement
Lhx4.
— l’expression de Pit-1 détermine les cellules somatotropes, mammosomatotropes, lactotropes et thyréotropes avec la participation de l’expression du récepteur aux estrogènes α (ERα) pour la production de PRL ou de TEF ( Thyrotroph Embryonic Factor ) pour la production de βTSH.
En se basant sur cette classification OMS 2004, la fréquence relative des diffé- rents types d’adénomes hypophysaires, observée sur un nombre important de patients opérés, dans une publication récente (registre allemand portant sur un total de 3 489 adénomes hypophysaires opérés entre 1996 et 2006) est la suivante [13] :
— Adénomes à GH avec granulations denses (9,2 %) et avec granulations dispersées (6,3 %) — Adénomes à prolactine (9,2 %) — Adénomes mixtes GH/PRL et mammosomatotropes (6,5 %) — Adénomes à ACTH (15,1 %) — Adénomes à TSH (1,5 %) — Adénomes gonadotropes (LH/FSH) (24,8 %) — Adénomes « null cell » (dépourvus d’immuno-marquage) (25,1 %) — Adénomes pluri hormonaux (1,3 %) — Adénomes atypiques (0,3 %) De plus, cette classification apporte quelques précisions en terme de pronostic.
Ainsi, les tumeurs hypophysaires peuvent être classées en trois groupes :
— Adénomes hypophysaires typiques — Adénomes hypophysaires atypiques, — Carcinomes hypophysaires Néanmoins, cette classification est loin de faire l’unanimité, car elle n’a pas été validée par des corrélations anatomocliniques précises et elle ne s’appuie pas sur les données de biologie moléculaire modernes.
PHYSIOPATHOLOGIE DES ADÉNOMES HYPOPHYSAIRES
Malgré de nombreuses études, la physiopathologie de la tumorigénèse hypophysaire reste complexe et encore mal élucidée.
Théorie monoclonale
En 1990 a été démontrée [14-16] le caractère monoclonal des adénomes hypophysaires : une (ou des) cellule(s) hypophysaires normales subi(ssen)t une mutation spontanée et l’amplification d’un clone cellulaire va se faire soit via des facteurs intrinsèques tels que l’acquisition de nouvelles mutations, soit via des facteurs extrinsèques comme un défaut de facteurs inhibiteurs ou la participation de facteurs de croissance. Ceci conduit à l’expansion tumorale. Cette théorie n’est néanmoins pas exclusive puisqu’on sait qu’en cas de récidive, la tumeur originale et la récidive peuvent s’avérer issues de deux clones indépendants. Il peut donc exister différents clones cellulaires au sein d’une même tumeur. Un clone dominant peut alors se développer en inhibant les autres et donner l’apparence d’une tumeur monoclonale.
La grande majorité des adénomes hypophysaires sont sporadiques ; dans une faible proportion ils surviennent dans le cadre de syndromes familiaux dont certaines mutations génétiques sont identifiées [77].
Mutations décrites dans le cadre de syndromes familiaux
Elles sont détaillées dans un autre article de cette revue.
Les mutations génétiques classiquement décrites dans la transformation cellulaire ne sont pas retrouvées dans les adénomes hypophysaires sporadiques.
Les altérations génétiques classiques impliquées dans la transformation cellulaire telles que des mutations des oncogènes ras ou BRAF ou une mutation du gène suppresseur de tumeur du rétinoblastome (
Rb ) n’apparaissent pas impliqués dans la tumorigénèse hypophysaire [17]. Néanmoins ras et myc semblent jouer un rôle dans la progression des tumeurs surtout dans les formes agressives [18].
Finalement, les mutations les mieux décrites sont les mutations activatrices du gène de la sous-unité α de la protéine Gs de transduction (mutation gsp ) sur le chromosome 20q13 dans 40 % des adénomes somatotropes [19-21]. Il s’en suit une hyperproduction d’AMPcyclique et l’activation de la voie de signalisation de la protéine kinase A puis la transcription de gènes cibles de l’AMPc. Ces mutations sont exceptionnelles dans les autres types d’adénomes hypophysaires (<10 %).
Les altérations habituellement rapportées de P53 dans la transformation cellulaire ne sont pas retrouvées dans les adénomes hypophysaires [17]. Une étude récente confirme cette absence de mutation du gène P53 dans les adénomes hypophysaires mais rapporte la présence de mutations de
P53 (et sa surexpression) dans les exceptionnels carcinomes hypophysaires [22].
Facteurs de croissance et leurs récepteurs
L’hypophyse est à la fois un site de synthèse et une cible de nombreux facteurs de croissance [23] qui modulent les sécrétions hormonales mais qui probablement jouent aussi un rôle dans la croissance cellulaire.
— Fibroblast growth factors (FGFs) et leurs récepteurs (FGFRs)
Les FGFs agissent en se liant à des récepteurs tyrosine-kinase, les FGFRs. Le FGF-2 (également nommé basic FGF ou bFGF) et le FGF-4 ont des propriétés angiogéniques puissantes et stimulent la vascularisation et l’apport sanguin aux tissus les exprimant. Le bFGF est exprimé dans l’hypophyse normale, principalement au niveau des cellules folliculo-stellaires. Li et al. ont caractérisé au niveau des adénomes hypophysaires différentes formes de bFGF et mis en évidence la présence de récepteur au FGF [24]. Le groupe de Ezzat et al. a aussi décrit des taux variables d’ARNm, de sécrétion in vitro et in vivo du bFGF [25], les taux les plus importants étant observés chez les patients ayant des tumeurs plus agressives.
Le profil d’expression des différentes isoformes des récepteurs du bFGF apparaît différent de celui de l’hypophyse normale. Dans les adénomes hypophysaires sporadiques on détecte la présence du ptd-FGFR4, ou pituitary tumor-derived FGFR-4 , protéine ayant des propriétés de transformation cellulaire in vitro et in vivo [26].
L’expression cytoplasmique du ptd-FGFR-4 est trouvée dans 60 % des adénomes à GH, ACTH, LH/FSH et ANCF, mais très rarement dans les prolactinomes et est absente dans le tissu hypophysaire normal. L’expression du ptd-FGFR-4 est par ailleurs plus importante dans les macroadénomes que dans les microadénomes et est corrélée avec la prolifération cellulaire objectivée par le Ki67 [27].
— Transforming growth factor (TGF) -α
TGFα, qui est normalement clivé de la membrane cytoplasmique, est exprimé sur la membrane des cellules adénomateuses hypophysaires [25]. TGFα influence non seulement la sécrétion de nombreuses hormones hypophysaires dont la GH, la PRL et la TSH, mais induit également la prolifération cellulaire [23].
— TGFβ L’activine et l’inhibine appartiennent à la famille des TGFβ (superfamille des cytokines) qui modulent la prolifération cellulaire et la différenciation. Les récepteurs de l’activine sont exprimés au niveau des adénomes gonadotropes alors que l’expression de la follistatine est diminuée [28]. Ces résultats ont permis de suggérer le rôle potentiel d’une augmentation de la signalisation de l’activine dans la pathogénie des adénomes gonadotropes.
— EGF ( Endothelial Growth Factor ) et son récepteur (EGFR)
EGF est exprimé dans les cellules hypophysaires et dans tous les types d’adénomes hypophysaires [29]. EGF est mitogène sur les cellules hypophysaires et induit la sécrétion de PRL et d’ACTH [30]. Dans l’hypophyse, l’expression d’EGFR est corrélée avec l’agressivité tumorale, particulièrement dans les adénomes à GH [29].
Angiogénèse, VEGF (Vascular Endothelial Growth factor) et son récepteur (VEGFR)
Schechter et al. [31] ont rapporté en 1972 que le parenchyme hypophysaire tumoral était moins vascularisé que l’hypophyse normale. Plusieurs études l’ont confirmé par des techniques de marquage de l’endothélium [32 , 33].
Le VEGF est présent dans l’hypophyse, plus précisément dans les cellules folliculostellaires [34, 35]. Dans les adénomes hypophysaires humains, les cellules tumorales synthétisent et sécrètent le VEGF-A [36-42] mais en quantité semblable à l’hypophyse normale.
Prolifération et protéines du cycle cellulaire
La prolifération cellulaire fait intervenir une cascade de réactions hautement coordonnées dans le temps, dépendantes de kinases qui augmentent ou diminuent au cours de la division cellulaire. Au cours du cycle cellulaire, les cyclines sont séquentiellement phosphorylées (par les CDKs ou cyclin-dependent kinases ) puis dégradées, permettant ainsi le passage d’une étape à une autre du cycle cellulaire : synthèse d’ADN, séparation des chromosomes et mitose. La régulation de ce processus et sa coordination font intervenir une série d’inhibiteurs des CDK ( CDK Inhibitors ou
CDKIs). L’étape la plus importante est le passage entre Cycline D/CDKs4/6 et Cycline E/CDK2 qui fait intervenir les CDKIs connues de la famille Ink4 (p15, p16, p18 pour CDK4 et 6) et de la famille kip/cip (p21, p27, p57 pour CDK2). Lorsque la cellule franchit ce passage, elle est capable de phosphoryler Rb conduisant à la dissociation de E2F, ce qui lui permet d’aquérir une capacité pro-proliférative [43].
Les gènes des CDKIs appartiennent à la famille des gènes suppresseurs de tumeur et c’est la perte d’expression de ces gènes qui est décrite dans les tumeurs. Chez l’homme, la grande majorité des adénomes hypophysaires présentent des altérations de la signalisation de RB1 (90 %) avec plus précisément une hyperméthylation du promoteur des gènes de p15 (INK4b), p16 (INK4a) et RB1 [44, 45]. Les gènes de p14 (ARF), p21 (Waf1/Cip1) et p73 sont hyperméthylés à un moindre degré alors que le promoteur du gène p27 (Kip1) ne l’est pas [45]. L’expression du produit du gène p27 serait réduite dans les adénomes hypophysaires (surtout dans les adénomes corticotropes) par rapport au tissu hypophysaire normal [46, 47], et absente dans les carcinomes hypophysaires [46]. La perte d’expression de p18 (INK4) a également été rapportée chez l’homme dans les adénomes hypophysaires [48, 49].
L’hyperméthylation du promoteur d’autres gènes clés du cycle cellulaire et de la croissance cellulaire a été décrite à l’origine d’une perte de leur expression : citons GADD45G ( Growth Arrest and DNA Damage inducible protein Gamma ) [50], DAP kinase (
Death Associated Protein Kinase ) [51], PTAG ( Pituitary Tumor Apoptosis
Gene ) [52], MEG3A ( Maternally-Expressed protein 3A ) [53] et ZAC ( Zinc Finger protein pleiomorphic adenoma gene-like 1 ) [54].
L’oncogène
Pituitary Tumor Transforming Gene (PTTG)
L’expression de ce gène dans de nombreux tissus normaux et sa surexpression dans de nombreux tissus tumoraux ont conduit à s’interroger sur son implication dans la physiopathologie de la tumorigénèse en général, mais plus particulièrement dans la tumorigénèse hypophysaire. En effet, PTTG a initialement été identifié dans les cellules tumorales hypophysaires de rat [55] puis son homologue humain a été cloné [56]. Les études ont montré que le produit du gène PTTG a une fonction identique à celle de la sécurine, un médiateur physiologique de la séparation des chromatidessœurs lors de la mitose [57]. Le rôle de PTTG/sécurine dans le cycle cellulaire normal est donc essentiel. PTTG est également impliqué dans de nombreux autres processus cellulaires normaux incluant la réparation de l’ADN, l’apoptose et l’angio- génèse.
PTTG est au centre d’un réseau de gènes qui permet le contrôle de la prolifération et de la division cellulaire. Sa surexpression ou, au contraire, son absence entraînent, dans les deux cas, une dérégulation de ce contrôle.
L’expression de PTTG est faible dans l’hypophyse normale [58, 59] mais augmente très nettement dans tous les types d’adénomes [60]. Différents modèles animaux ont bien montré que le degré d’expression de PTTG influence la plasticité cellulaire hypophysaire et la formation de tumeur, la surexpression de
PTTG entrainant l’apparition de tumeurs hypophysaires [61].
Aucune mutation de la séquence codante du gène PTTG [58] ni du promoteur promoteur de
PTTG [62] n’a été mise en évidence dans les tumeurs hypophysaires.
Récepteur des Estrogènes, Facteurs hypothalamiques et modulation de récepteurs, Récepteur nucléaire
La présence des récepteurs aux estrogènes (
Estrogen Receptor ou ER) a été mise en évidence au niveau des prolactinomes mais également d’une sous-population d’adé- nomes gonadotropes. La signification de ces résultats en terme de sécrétion hormonale et de croissance tumorale reste imprécise. Certains des variants de ER (générés par épissage alternatif) (∆2ER et ∆5ER) sont spécifiques des tumeurs hypophysaires, quel que soit le type histologique [63], sans qu’on en connaisse les conséquences.
Les cytokines et neuropeptides hypothalamiques : les interleukines IL-1, IL-2, IL-6 sont produites à la fois par l’hypophyse normale et les cellules adénomateuses et on y retrouve leurs récepteurs correspondants [64]. Aucune mutation des gènes des récepteurs de GnRH ou de GHRH ou de TRH ou de CRH ou de la dopamine n’a été décrite dans les adénomes hypophysaires [65-67].
Le groupe de Heaney [68] a décrit la présence de PPARγ en immunohistochimie dans l’hypophyse normale uniquement dans les cellules sécrétant l’ACTH. Par contre, ce récepteur nucléaire est exprimé dans tous les types d’adénomes hypophysaires alors qu’il l’est faiblement dans l’hypophyse normale [68, 69]. In vitro , le traitement de cellules corticotropes, gonadotropes, somatolactotropes ou non fonctionnelles humaines ou de rongeur avec les ligands PPARγ (thiazolidinediones) entraîne l’arrêt du cycle cellulaire en phase G0/G1, diminue la phase S et diminue la phosphorylation de la protéine du rétinoblastome. In vivo chez le rongeur, le développement et la croissance de tumeurs corticotropes, somatolactotropes et gonadotropes sont significativement diminués chez les souris traitées par la rosiglitazone [69]. Les effets de ce traitement chez l’homme, en particulier dans les cas d’adénomes corticotropes sont moins convaincants.
Apport des nouvelles technologies de biologie moléculaire (puces à ADN) et de protéomique
Les études génomiques utilisant les puces à ADN permettent une analyse des niveaux d’expression de milliers de gènes en une seule expérience. Cette technique a été appliquée aux adénomes hypophysaires dès le début des années 2000 [70-72]. Il faut néanmoins en interpréter les résultats avec précaution car l’hypophyse normale est très hétérogéne au plan cellulaire alors que les adénomes hypophysaires sont constitués d’une seule population cellulaire [73]. Ces travaux qui doivent donc être considérés comme préliminaires [74] ont néanmoins fait émerger 3 gènes déjà décrits dans d’autres tumeurs malignes [70, 71, 74] : le gène du récepteur du folate (surexprimé dans les ACNF et sous-exprimé dans les adénomes à prolactine et à GH), le gène ornithine décarboxylase (sur-exprimé dans les adénomes à GH et sous-exprimé dans les adénomes à ACTH) et le gène C-mer proto-oncogene tyrosine kinase (sur-exprimé dans les adénomes à ACTH et sous-exprimé dans les adénomes à prolactine). Le groupe d’Evans et al. [75] en se focalisant sur les adénomes à PRL a identifié 726 gènes différentiellement exprimés entre les prolactinomes et le tissu hypophysaire normal, alors que l’analyse protéomique n’a pu identifier que 4 protéines plus exprimées dans les adénomes et 19 moins exprimées.
Les études utilisant les puces à ADN ont aussi suggéré que les voies de signalisation Wnt et Notch pourraient être activées et impliquées dans la progression tumorale hypophysaire : sous expression du gène WIF1 ( Wnt Inhibitory Factor 1) ou encore
SFRP2 ( Secreted Frizzled Related Protein 2 ), SFRP3 ( Frizzled B) et SFRP4 [76] qui sont des inhibiteurs de la voie de signalisation Wnt-β-caténine (importante dans le développement hypophysaire).
Le gène LAPTM4B ( Lysosomal-associated protein transmembrane-4-b ), un nouveau gène surexprimé dans le carcinome hépatocellulaire, est significativement surexprimé dans les ACNFs et les adénomes corticotropes [72]. Le gène Bcl2-associated athanogene ( BAG1 ), qui code pour une protéine anti-apoptotique trouvée dans de nombreux cancers humains, est sur-exprimée dans les ACNFs et dans les adénomes à GH et à PRL [72, 75].
En terme d’étude protéomique sur les adénomes hypophysaires humains, le groupe de Ribeiro-Oliveira et al. [77] a récemment publié une analyse de protein western array comparant différents types d’adénomes hypophysaires à l’hypophyse normale et mettant en évidence 4 protéines différentiellement exprimées de manière significative : deux sont sur-exprimées : HSP110 ( Heat Shock Protein 110 ) et B2 bradykinin receptor ; deux sont sous-exprimées : CSK ( C-terminal src kinase ) et annexin II.
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DISCUSSION
M. René MORNEX
J’avais cru pouvoir affirmer que le traitement médical (Parlodel) pouvait non seulement suspendre les symptômes, mais guérir les tumeurs. Cela est-il confirmé ?
On a longtemps pensé que le traitement par les agonistes dopaminergiques n’était que suspenseur et que son interruption provoquait une réascension des concentrations de prolactine et une réexpansion tumorale. En fait, des publications récentes font état, dans un nombre non négligeable de cas, et à condition que le traitement ait été prolongé plusieurs années, qu’il utilise plutôt la cabergoline et qu’il ait permis non seulement la normalisation de la prolactinémie mais également la « disparition » de toute image d’adénome à l’IRM… d’une normoprolactinémie persistante et d’une absence de récidive tumorale à l’arrêt du traitement. Une surveillance prolongée après l’arrêt est bien sûr nécessaire avant de pouvoir, effectivement considérer que les patients ont « guéri » de leur prolactinome gâce au traitement agoniste dopaminergique !
Bull. Acad. Natle Méd., 2009, 193, no 7, 1543-1556, séance du 27 octobre 2009