Communiqué
Session of 15 juin 2004

Boissons alcooliques : l’Académie nationale de médecine s’inquiète des conséquences sanitaires d’éventuelles modifications législatives risquant de favoriser la surconsommation d’alcool

MOTS-CLÉS : alcoolisme. boissons alcoolisées. publicité. réglementation gouvernementale.
KEY-WORDS : advertising. alcoholic beverages. alcoholism. government regulation.

Roger Nordmann au nom de la Commission V (Troubles mentaux — Toxicomanies)

 

A l’heure où sont proposées des modifications des dispositions législatives actuellement en vigueur concernant les boissons alcooliques (et, en particulier, la publicité les concernant) l’Académie nationale de médecine s’inquiète de l’impact négatif que pourraient avoir de tels aménagements sur la Santé publique.

Malgré la diminution de la consommation d’alcool au cours des dernières décennies, celle-ci demeure, en effet, source de dépendance, d’accidents, de nombreuses pathologies, de mortalité prématurée, ainsi que de violences et désordres familiaux et sociaux. La consommation d’alcool au cours de la grossesse est de plus la cause majeure de retard mental d’origine non génétique ainsi que d’inadaptation sociale de l’enfant.

Il apparaît donc particulièrement dommageable d’envisager tout aménagement susceptible de favoriser la consommation de boissons alcooliques, quelles qu’elles soient.

Les partisans de modifications des dispositions législatives actuelles mettent notamment en avant que le vin (qui demeure la boisson alcoolique la plus consommée en France) aurait les caractéristiques d’un aliment.

Il est, en effet, exact que, lorsque sa consommation ne dépasse pas les limites établies par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), l’alcool qu’il contient représente une source énergétique, sans être toutefois un élément indispensable à l’organisme.

 

Cependant, au-delà de ces limites, la consommation d’alcool entraîne fréquemment des désordres nutritionnels, l’apport calorique qu’il représente étant compensé par une réduction de l’apport d’aliments indispensables à l’organisme, notamment glucidiques et protéiques.

La consommation excessive d’alcool a de plus de graves conséquences liées aux caractéristiques de son métabolisme : absence de possibilités de stockage, voie principale d’élimination par oxydation quantitativement limitée, d’où emprunt de voies accessoires productrices d’éléments toxiques responsables d’atteintes cellulaires ainsi que d’activation de substances procancérigènes et d’interférence avec de nombreux médicaments.

Ces caractéristiques du devenir de l’alcool sont identiques, quelle que soit la boisson alcoolique consommée (vin, bière, cidre ou spiritueux).

Pour ces motifs, l’Académie nationale de médecine s’inquiète de l’allégation selon laquelle certaines boissons alcooliques se caractériseraient par une valeur alimentaire particulière, sans que soient mis en exergue les dégâts sanitaires liés à la fréquente surconsommation de ces boissons, laquelle concerne en particulier les jeunes et les personnes en état de précarité. Elle souligne de plus que de tels dégâts peuvent survenir chez des sujets sensibles même lorsque leur consommation ne dépasse pas les limites établies par l’OMS. Ceci est, en particulier, le cas des femmes enceintes, comme cela a été souligné dans le communiqué émis par l’Académie le 2 mars 2004.

 

L’Académie nationale de médecine souhaite que seules soient adoptées des modifications législatives susceptibles de faciliter l’objectif de réduction de la consommation d’alcool tel que défini par la Loi de Santé Publique, et non d’accroître la banalisation de cette consommation, quelle que soit la boisson alcoolique considérée. En conséquence, elle soutient les efforts associatifs de lutte contre l’alcoolisme et estime que toute tentative visant à assouplir les exigences législatives actuelles porterait préjudice à la Santé Publique et aurait des effets contraires aux priorités des plus hautes autorités de l’Etat : lutte contre le cancer, sécurité routière, lutte contre les handicaps.

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L’Académie, saisie dans sa séance du mardi 15 juin 2004, a adopté ce communiqué à l’unanimité, moins une abstention.

 

* Membre de l’Académie nationale de médecine. Président de la Commission V.

 

Bull. Acad. Natle Méd., 2004, 188, no 6, 1059-1060, séance du 15 juin 2004