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Diagnostic précoce et traitements préventifs de la progression de la fibrose rénale[1]
Communiqué de l’Académie nationale de médecine
21 Janvier 2025
La maladie rénale chronique (MRC) touche plus de 10 % de la population mondiale. Son expansion continue est liée à plusieurs causes dont le vieillissement, le diabète et l’hypertension artérielle, auxquels s’ajoutent les maladies génétiques et auto-immunes (1). Quelle qu’en soit la cause, la progression de la MRC se fait selon des mécanismes communs conduisant à l’insuffisance rénale terminale qui nécessite un traitement substitutif par dialyse ou transplantation, ce qui absorbe jusqu’à 2,5 % du budget de l’Assurance-Maladie (1).
L’un des mécanismes majeurs de la dégradation de la fonction rénale est l’extension de la fibrose rénale, qui résulte d’un processus inflammatoire devenu chronique conduisant à une accumulation de la matrice extracellulaire et à la perte irréversible des néphrons fonctionnels. La cellule responsable de la fibrose est le myofibroblaste, qui produit des molécules pro-fibrosantes. L’inflammation persistante chronique du tissu rénal attire des polynucléaires et des macrophages qui évoluent d’un phénotype pro-inflammatoire à un phénotype pro-fibrosant (2).
Le diagnostic précoce de la maladie rénale chronique et idéalement de la fibrose rénale est essentiel, car les médicaments aujourd’hui disponibles peuvent freiner sa progression et retarder le passage aux traitements substitutifs :
– Les inhibiteurs de l’angiotensine II (Ang II), l’action directe de l’Ang II sur la fibrogenèse ayant été démontrée (3) ;
– Les inhibiteurs du cotransport sodium-glucose dans le tube proximal (SGLT2 inhibitors), initialement utilisés dans le diabète et qui réduisent de 20 à 30 % la morbidité et la mortalité chez les patients atteints de MRC (4) ;
– Les agonistes du glucagon-like peptide 1 receptor (GLP1R), qui réduisent la protéinurie, freinent la perte de la fonction rénale (5) et n’ont pas d’effets secondaires sévères ;
– Les inhibiteurs des récepteurs de l’endothéline et, plus encore, les inhibiteurs mixtes des récepteurs de l’endothéline et de l’Ang II, comme le sparsentan, dont l’efficacité serait liée au double blocage qu’ils induisent (6) ;
– Enfin, apparus plus récemment, les inhibiteurs non stéroïdiens des récepteurs des minéralocorticoïdes, notamment la finérénone (non disponible en France) (7), initialement recommandée dans le traitement de la MRC associée à un diabète de type 2 et qui réduit le risque de progression de l’insuffisance rénale en freinant la progression de la fibrose.
L’expérience clinique conduit à associer certains de ces médicaments, la diversité de leurs mécanismes d’action pouvant permettre une approche personnalisée.
De nouvelles molécules, dont l’effet est testé dans des essais thérapeutiques, visent d’autres cibles moléculaires impliquées dans la fibrogenèse comme le TGF-β ou d’autres voies de signalisation ; réduction de la production d’Ang II en inhibant la synthèse hépatique d’angiotensinogène ; inhibition des récepteurs à activité tyrosine kinase impliqués dans le développement de la fibrose ; antagonisme sélectif du recrutement des macrophages.
Face au poids en santé publique que représente la MRC, l’Académie nationale de médecine souligne l’importance de :
– Dépister le plus précocement possible les patients diabétiques, hypertendus, dyslipidémiques ou ayant des antécédents cardiovasculaires, donc à risque de développer une insuffisance rénale, en faisant appel aux biomarqueurs urinaires et plasmatiques de routine (albuminurie et créatininémie), mais aussi en développant les investigations rénales non invasives (8) ;
– Instituer un traitement des patients à risques pour éviter ou limiter leur évolution vers une insuffisance rénale terminale
– Associer aux essais thérapeutiques, le recours aux études de cohortes (9) ;
– Renforcer la recherche sur les mécanismes de développement de la fibrose, en vue d’adapter le traitement aux spécificités de la fibrose rénale chez chaque patient, et pour renforcer l’efficacité des médicaments actuels (ciblage tissulaire) (10, 11).
Références
– Cour des Comptes, Rapport public annuel, Février 2020. In : www. ccomptes.fr
– Klingberg F., Hinz B., White E.S., The myofibroblast matrix: implications for tissue repair and fibrosis. J Pathol, 2013; 229: 298-309.
– Boffa J.J., Tharaux P.L., Placier S., Ardaillou R., et al., Angiotensin II activates collagen type I gene in the renal vasculature of transgenic mice during inhibition of nitric oxide synthesis: evidence for an endothelin-mediated mechanism. Circulation, 1999; 100:1901-1908.
– Bailey C.J., Day C., Bellary S., Renal Protection with SGLT2 Inhibitors: Effects in Acute and Chronic Kidney Disease, Curr Diab Rep, 2022; 22: 39-52.
– Simms-Williams N., Treves N., Yin H., et al., Effect of combination treatment with glucagon-like peptide-1 receptor agonists and sodium-glucose cotransporter-2 inhibitors on incidence of cardiovascular and serious renal events: population-based cohort study BMJ, 2024:385: e078242.
– Rheault M.N., Alpers C.E., Barratt J. et al., Sparsentan versus Irbesartan in Focal Segmental Glomerulosclerosis, N Engl J Med, 2023; 389:2436-2445.
– Bakris G.L., Agarwal R., Anker S.D., et al., Effect of Finerenone on Chronic Kidney Disease Outcomes in Type 2 Diabetes. Efect of Finerenone on chronic kidney disease outcomes in type 2 diabetes, N Engl J Med, 2020;383:2219-2229.
– Correas J.M., Anglicheau D., Gennisson J.L., et al., Elastographie rénale. Nephrol Therap, 2016 ; 12 : S25-S34.
– Massol J., Janin G., Bachot C., et al. Pilot non dialysis chronic renal insufficiency study (P-ND-CRIS): a pilot study of an open prospective hospital-based French cohort, BMC Nephrol, 2016; 17:92.
– Midgley A.C., Wei Y., Zhu D., et al., Multifunctional natural polymer nanoparticles as antifibrotic gene carriers for CKD therapy, J Am Soc Nephrol, 2020; 31 :2292-2311.
– Kormann R., Chadjichristos .E. et Chatziantoniou C., Fibrose rénale: peut-elle être traitée ? Acad. Natle Méd., 2017, 201, P ; 785-797,
CONTACT PRESSE : Virginie Gustin +33 (0)6 62 52 43 42 virginie.gustin@academie-medecine.fr ACADÉMIE NATIONALE DE MÉDECINE, 16 rue Bonaparte – 75272 Paris cedex 06 Site : www.academie-medecine.fr / Twitter : @Acadmed
[1] Communiqué de la Plateforme de Communication Rapide de l’Académie.