Communication scientifique
Session of 29 mai 2001

Aspects actuels des allergies alimentaires : nécessité d’une allergo-vigilance

MOTS-CLÉS : allergie aliment. politique sanitaire.
Present aspects of food allergies : the need for a vigilance policy
KEY-WORDS : food hypersensitivity. health policy.

D-A. Moneret-Vautrin

Résumé

La prévalence de l’allergie alimentaire dans les populations européennes est évaluée entre 1,8 et 4,4 %. Elle est de 3,24 % dans la population française. Cette fréquence, comme la gravité de certaines manifestations, a déjà entraîné des mesures préventives et curatives des accidents en milieu scolaire. Leur augmentation est en relation avec des facteurs environnementaux multiples : modifications de la microflore intestinale, diversification alimentaire précoce chez l’enfant, interférence de médicaments favorisant la sévérité clinique chez l’adulte. L’allergénicité peut être modifiée par des technologies agroalimentaires. L’apparition d’aliments nouveaux (protéines exotiques ou dérivées de l’alimentation animale et bientôt OGM), l’utilisation croissante de protéines alimentaires comme ingrédients, constituent de nouveaux risques. L’absence de méthodes expérimentales validées d’évaluation du risque allergique des protéines alimentaires rend nécessaire une allergo-vigilance appliquée aux nouveaux aliments. Les études du risque allergique de la farine de lupin, nouvel ingrédient de produits de boulangerie, sont données à titre d’exemple. Elles indiquent la fréquence de la sensibilisation et de l’allergie croisée arachide, lupin, le faible seuil réactogène indiquant le risque du taux d’incorporation actuellement admis. Elles permettent le dépistage actuel de cette allergie dans la population. Une allergo-vigilance alimentaire est un concept actuel visant à instaurer pour les aliments une surveillance des risques analogue à celle réalisée par la pharmacovigilance pour les médicaments. Un projet de structure est discuté. Si la structure centrale est de l’initiative de l’Agence Française de Sécurité Sanitaire de l’Alimentation et de l’Institut de Veille Sanitaire, les auteurs précisent quel devrait être un réseau périphérique d’allergologues, analysent le contenu souhaitable des flux d’informations bidirectionnels, et proposent d’envisager un organisme intermédiaire régulateur, spé- cialisé en allergologie alimentaire. La conception que les pressions environnementales sur la génétique de l’atopie, aboutissent à un continuum des réponses IgE dépendantes dans toute la population, vis-à-vis de tous les allergènes potentiels, appuie la création d’une telle structure, au nom du principe de précaution.

Summary

The prevalence of food allergy in European populations has been evaluated at between 1.8 and 4.4 %. In the French population it is 3.24 %. This frequency, as well as the gravity of some manifestations, has already led to preventive and curative measures being taken in school settings. This increase is related to multiple environmental factors : changes in intestinal microflora, early diversification of foods in children, interference of drugs favoring clinical severity in adults. Allergenicity can be modified by food industry techniques. The appearance of novel foods (exotic proteins or those derived from animal feed, and soon GMOs), the growing use of food proteins as ingredients, constitute new risks. The absence of validated experimental methods for evaluating the allergic risk of food proteins makes it necessary to implement a policy of allergy vigilance for novel foods. Studies concerning the allergic risk for lupin flour, a new ingredient used in baked goods, are given as an example. They indicate the frequency of sensitization and cross peanut-lupin flour allergy, the low reactive threshold, indicating the risk of the level of incorporation presently allowed. They make possible current screening for this allergy in the population. Allergy vigilance is a recent concept that aims to set up surveillance of food allergy risks in a manner analogous to that of pharmacovigilance for drugs. A project for creating such a structure is being discussed. Although the central structure remains at the initiative of the Agence Française de Sécurité Sanitaire de l’Alimentation (French Agency for Food Safety) and the Institut de Veille Sanitaire (Institute of Health) the authors specify what a peripheral network of allergists should be, analyze the desired content of the bi-directional flow of information, and propose envisaging an intermediate regulatory organization, specialized in the diagnosis and treatment of food allergies. The ongoing idea is that environmental pressures on the genetics of atopic disease lead to a continuum of IgE-dependent responses towards all the potential allergens in the entire population. Consequently, the creation of such a structure is advised in the name of the Precautionary Principle.

La prévalence des maladies atopiques a augmenté de façon continue depuis une trentaine d’années [1-3]. C’est dans cette dynamique évolutive que s’inscrit l’allergie alimentaire, première maladie atopique chronologique [4-5]. Diverses études se sont attachées à en rechercher la prévalence par une méthodologie en deux étapes : un questionnaire relevant les tableaux caractéristiques de l’allergie alimentaire, portant sur de larges populations, puis des tests ciblés sur un échantillon de telles populations, permettant d’établir une sensibilisation IgE dépendante et d’affirmer l’allergie par des tests de provocation orale standardisés. Les publications fixent une fourchette de 1,8 % à 4,4 % [6-12].

Une étude française a été réalisée par un questionnaire détaillé en deux étapes, à neuf mois d’intervalle. Elle a porté sur 33 110 personnes formant un échantillon

FIG. 1. — Incidence des allergies alimentaires dans la population.

Données du CICBAA établies sur 903 patients.

représentatif des tranches d’âge de la petite enfance à 60 ans, des catégories socioprofessionnelles, et de la répartition citadins-ruraux. La comparaison d’un sous-groupe de cette population ayant une allergie certaine, antérieurement établie par un bilan allergologique, avec les individus ayant répondu positivement mais n’ayant pas eu un tel bilan, a permis, par la concordance de toutes les données, d’établir un chiffre vraisemblable de 3,24 % [13].

Première affection atopique de l’enfance, l’allergie alimentaire prélude à l’installation de sensibilisations aux pneumallergènes [14, 15]. À ce titre, elle éveille un intérêt tout particulier puisque son diagnostic pourrait mener à des attitudes préventives plus larges, dans l’espoir de diminuer la fréquence de ces maladies ultérieures. Elle est également susceptible d’apparaître plus tardivement dans l’âge adulte [16]. Nous disposons d’une banque de données établie actuellement sur 1 008 cas certains d’allergie alimentaire diagnostiqués selon les critères scientifiques actuels [5, 17].

La répartition des catégories d’âge fait apparaître que l’allergie alimentaire survient chez un adulte pour 3,6 enfants (Fig. 1).

Une caractéristique frappante de l’allergie alimentaire est la multiplicité des tableaux cliniques, liée aux divers organes ou systèmes concernés : peau, bronches,
intestin, système cardio-vasculaire au premier chef. L’attention est actuellement attirée sur les formes sévères : le choc anaphylactique, parfois léthal, pourrait être cinq fois plus fréquent qu’il y a 20 ans [18-24].

L’asthme aigu grave doit être mis en exergue : une étude sur les admissions pour urgence allergique indique qu’il représente 66 % des cas et que l’allergie alimentaire serait en cause dans 42 % des cas [25]. Cette forme d’allergie alimentaire pourrait tirer sa gravité de facteurs associés, comme l’effort, ou l’inhalation de pollens chez les enfants sensibilisés [26]. L’asthme est la principale cause de mortalité par allergie alimentaire [27-29]. Un troisième type d’urgence allergique est représenté par l’angiœdème laryngé [30]. Il paraît plus fréquent chez l’adolescent et l’adulte jeune (données du CICBAA, non montrées).

Ces formes graves sont à risque de survenir en milieu scolaire [19]. La nécessité d’une prise en charge des mineurs confiés à l’Éducation nationale a fait l’objet de l’attention des pouvoirs publics. Une circulaire issue de l’Éducation nationale a précisé récemment les aspects de cette prise en charge par les divers intervenants, en concertation avec les familles. Un document particulier (projet d’accueil individualisé en milieu scolaire) comportant un protocole de soins et d’urgence réalisé par le spécialiste doit être mis en place dans de tels cas (circulaire 99-181, novembre 1999).

La gravité de l’allergie alimentaire n’est pas le seul fait de la population pédiatrique.

L’interrogation de la banque de données du CICBAA, établie sur 1 008 individus allergiques alimentaires, indique que si l’allergie alimentaire est trois fois moins fréquente chez l’adulte, elle est beaucoup plus souvent sévère car plus l’âge avance et plus la proportion relative d’anaphylaxies (uniques et récidivantes) augmente (Fig. 2).

Parmi les allergies alimentaires, l’allergie à l’arachide est préoccupante par son augmentation de fréquence, sa sévérité potentielle et sa persistance. Elle est responsable de la plupart des morts par allergie alimentaire [19], mais également par le fait qu’elle n’évolue que rarement vers la guérison. Elle représente le tiers des allergies alimentaires de l’enfant (derrière l’œuf et le lait) et pourrait concerner 1 % de la population pédiatrique, aux États-Unis comme en Angleterre [31]. Cette augmentation récente ressort d’une étude familiale : observée chez 0,1 % des grands-parents d’un enfant allergique à l’arachide, celle-ci est notée chez 0,6 % des oncles et tantes, 1,6 % des parents, 6,9 % de la fratrie [32]. C’est en se fondant sur l’état actuel des connaissances que le Ministère de la Santé du Royaume-Uni propose aux mères à risque accru de descendance atopique, de réaliser une éviction de tout produit contenant de l’arachide pendant la grossesse et la période d’allaitement [33].

Une autre préoccupation est issue de l’augmentation rapide du syndrome des allergies multiples chez le jeune enfant de moins de 2 ans. Ce syndrome décrit par Hill concerne actuellement plus de 50 % des nourrissons ayant une allergie au lait [34, 35] : 73 % dans la série française de Ammar ! [36]. Ceux-ci additionnent

FIG. 2. — Prévalence des chocs anaphylactiques selon l’âge. Données du CICBAA établies sur 903 patients, dont 61 cas de chocs anaphylactiques.

fréquemment une allergie à l’œuf, à la farine de blé, à l’arachide ou au soja [37-38].

Un enfant sur six conserverait ce syndrome au-delà de 3 ans et pose de difficiles problèmes thérapeutiques [38].

Il n’est donc pas exagéré d’affirmer que l’allergie alimentaire est d’ores et déjà un problème de Santé Publique [39].

C’est dans cette optique de la Santé Publique qu’il paraît utile d’analyser les facteurs qui interviendraient aussi bien dans la fréquence que dans la gravité des allergies alimentaires. Ces facteurs ont trait à l’environnement individuel, et de façon de plus en plus prégnante à l’environnement alimentaire tel qu’il est transformé par les technologies agroalimentaires.

Au niveau individuel, tout un courant de travaux a trait aux modifications de la flore intestinale des nourrissons d’aujourd’hui, qui paraît significativement corrélée avec la fréquence de l’allergie alimentaire. Ces modifications, dont les causes ne sont pas claires, ne permettraient plus à la flore intestinale d’exercer un rôle immunorégulateur s’opposant à une réponse lymphocytaire Th2 initiant l’allergie IgE dépendante [40, 41].

Une diversification trop précoce de l’alimentation du nourrisson est unanimement dénoncée depuis l’étude de Fergusson [42]. Enfin, il a été avancé que l’exposition à la tabagie passive doublerait le taux de sensibilisation aux protéines alimentaires [43].

Chez l’adulte, l’attention est attirée sur la gravité des réactions et la relation significative des chocs anaphylactiques avec des facteurs favorisants qui sont la prise de traitements béta-bloqueurs ou d’inhibiteurs d’enzyme de conversion, d’aspirine et d’anti-inflammatoires non stéroïdiens avec l’aliment, médicaments largement prescrits et dont la consommation croît avec l’âge [13, 44].

Les procédés industriels agroalimentaires peuvent aussi bien modifier l’allergénicité des protéines alimentaires que poser des problèmes nouveaux, soit par l’introduction d’aliments nouveaux, soit par l’utilisation courante de protéines alimentaires comme additifs ou ingrédients, devenant autant d’allergènes masqués.

Différents procédés, comme le stockage de longue durée des graines, de fruits (pommes), l’irradiation par l’oxyde d’éthylène, l’utilisation sur les cultures de légumes de produits chimiques en pulvérisation, à visée insecticide et anti-bactérienne, comme l’acide salicylique et l’éthophon, ont déjà prouvé qu’ils suscitaient des néoallergènes ou qu’ils augmentaient le taux d’expression d’allergènes naturels [45, 46].

Le chauffage des protéines peut créer des néo-allergènes [47]. Même poussé à 180° C et plus, il ne fait pas disparaître l’allergénicité de certaines protéines, comme il a été montré pour les huiles végétales d’arachide et de tournesol [48-50]. Par des tests de provocation orale en double insu, nous avons pu formellement incriminer ces huiles dans le déclenchement de réactions asthmatiques ou oedémateuses [51-52]. De telles études pourront éventuellement guider vers un raffinage plus poussé.

De nombreuses questions méritent d’être posées. Les procédés de texturisation, en modifiant profondément la structure physico-chimique, ne sont-ils pas à risque d’exposer des épitopes séquentiels, normalement « enterrés » dans la structure tertiaire, et d’augmenter le risque de sensibilisation à ces épitopes ? Quelles consé- quences ont les procédés d’hydrolyse des protéines ? N’ont-elles pas le même risque d’augmenter l’allergénicité ? Le développement des traitements enzymatiques des protéines n’introduit-il pas de nouveaux risques d’allergie aux enzymes, s’il en subsiste dans le produit fini ? Quelles sont les conséquences de processus chimiques assurant la glycosylation des protéines alors que l’on sait que les principaux allergènes alimentaires sont des protéines glycosylées [54-55] ?

Les aliments nouveaux comportent actuellement des protéines exotiques comme la mangue, le kiwi, la noix de Macadamia, la noix de Nangailles, le quinoa, la viande de Kangourou, etc…. Si les allergies aux deux premiers fruits sont connues eu égard au recul de quelques années de consommation, le risque ne peut être que postulé pour les autres…

Toutefois, il n’est pas certain qu’ils représentent le risque majeur. Celui-ci pourrait être plutôt le fait de protéines alimentaires utilisées comme additifs ou comme ingrédients.

Le lysozyme du blanc d’œuf, la caséine du lait, la papaïne sont utilisés comme additifs et les publications ayant trait à leur allergénicité, ainsi qu’à des accidents sérieux liés à ces allergènes masqués, sont nombreuses. Plus récemment, les protéines de soja, la farine de lupin, la farine de pois blond, le gluten sont incorporés à titre d’ingrédients dans des produits divers. Leur étiquetage, contrairement au cas des additifs, n’est pas obligatoire si la quantité est inférieure à 25 %.

L’allergénicité de ces protéines, isolées puis incorporées dans d’autres aliments, est-elle similaire à celle de ces protéines au sein de l’aliment d’origine ?

Il n’y a pas d’éléments de réponse, puisqu’il n’existe pas encore de méthodes d’évaluation validées, bien que la souche de rat Brown Norway paraisse intéressante [56].

Les organismes génétiquement modifiés sont de futurs aliments. Dans les prochains OGM, les protéines transgéniques viseront à un enrichissement nutritionnel de l’aliment d’origine. La protéine transgénique représentera une quantité de quelques pour cent du total des protéines.

Une méthodologie d’évaluation du risque allergique des OGM a été proposée par l’administration américaine, la FDA [57-58]. Elle repose sur une convergence d’analyses. La comparaison de la séquence de la protéine transgénique avec celle des allergènes alimentaires connus permet l’évaluation de l’homologie et surtout la vérification que cette protéine ne présente pas une identité de 12 à 20 acides aminés contigus, ce qui correspond à la dimension connue des épitopes. La stabilité de l’antigénicité de cette protéine, soumise au chauffage comme à une simulation de digestion dans des modèles de digestion artificielle, est ensuite étudiée. Par exemple, la protéine CP4 EPSP synthase, conférant la résistance à l’herbicide, voit ainsi son activité détruite en 15 secondes alors que les allergènes alimentaires d’œuf, arachide, soja, poisson, résistent une heure et plus. Une troisième étape de l’analyse du risque allergique recherche la reconnaissance éventuelle de cette protéine par les sérums de sujets allergiques à la plante donneuse de cette protéine transgénique.

Ce protocole ne garantit pourtant pas contre trois éventualités, dont les deux premières ont trait au risque d’allergénicité croisée, et dont le troisième se rapporte au risque d’immunogénicité :

— laisser inclure une protéine qui soit un allergène majeur encore non identifié (on ne connaît actuellement que quelques centaines d’allergènes sur des milliers…

[59] ;

— avoir à compter avec une modification du métabolisme de la protéine transgénique dans la plante d’accueil. Ceci peut conduire à l’accumulation d’un métabolite qui serait un allergène mineur de la plante d’origine, non identifié jusque-là.

Sa présence en forte quantité créerait un risque nouveau, pour certains sujets allergiques à la plante d’origine ;

— voir apparaître une sensibilisation de novo à la protéine transgénique, si celle-ci n’avait antérieurement jamais été consommée par l’homme. Le taux d’expression de cette protéine, s’il est faible, atténue probablement ce risque mais rien ne
peut être assuré en l’absence de connaissances sur la quantité minimale d’une protéine suffisante pour induire une sensibilisation.

Un consensus international est largement établi, que tout risque de l’environnement pour la santé doit être étudié, maîtrisé, et prévenu dans la mesure du possible.

D’une part, la complexité de l’environnement alimentaire doit être prise en compte en fonction de la situation actuelle : aucun risque allergique alimentaire ne peut-être complètement prévenu avant mise sur le marché ; d’autre part surgissent continuellement des facteurs de risque d’allergie alimentaire, inconnus il y a peu. Ces faits sont à la base du concept d’allergo-vigilance alimentaire. À l’instar de la pharmacovigilance, l’allergo-vigilance aurait pour but d’appliquer aux nouvelles consommations alimentaires une surveillance particulière de leur risque allergique.

L’exemple de la farine de lupin peut illustrer ce concept d’allergo-vigilance.

La farine de lupin ( Lupinus albus variété Ares ) a été introduite en France en 1997 dans l’alimentation comme ingrédient de la farine de blé, afin d’améliorer la qualité et la saveur de la pâte, dans la limite de 10 % du produit fini. Elle n’est pas soumise à l’obligation d’étiquetage. Le présupposé était son innocuité, dans la mesure où les graines de Lupin font partie des aliments traditionnels au Pérou et où aucun effet indésirable de nature allergique n’était connu.

En 1998, un ensemble de réflexions pouvait cependant faire envisager un risque allergique. L’innocuité d’un aliment dans une population lointaine, dont les caractéristiques génétiques et les modalités de l’alimentation sont certainement différentes de celles de la population européenne, ne peut avoir valeur absolue. On doit aussi remarquer que le problème de groupes à risques (enfants atopiques ou allergiques à l’arachide) n’avait pas été envisagé. Or, le Lupin est une Légumineuse, comme le soja et l’arachide. Toutes les Légumineuses présentent une réactivité croisée avec les allergènes de l’arachide. La sensibilisation croisée, explorée par tests cutanés, est fréquente : 20 % à 30 % des cas et l’allergie croisée aux légumineuses est constatée dans moins de 3 % des allergies à l’arachide [60]. Un premier cas d’allergie croisée Arachide – Lupin avait été publié [61]. Ingrédient de farine de blé, cette farine de Lupin pouvait donc être consommée quotidiennement. Le non-étiquetage pouvait conduire à l’ignorance de son implication dans d’éventuelles allergies, de la part du public comme des allergologues.

Les études conduites dans le groupe considéré à risque (allergiques à l’arachide) ont montré que la sensibilisation croisée arachide Lupinus albus est observable dans 40 % des cas. Elle est plus fréquente que pour les autres Légumineuses. Les tests de provocation orale standardisés ont confirmé la fréquence d’une allergie croisée au Lupin chez ces sujets : 63 % des cas. On peut donc évaluer le risque de l’allergie croisée au Lupin pour les patients allergiques à l’arachide : il concernerait 25 % d’entre eux [62-65]. Deux particularités notables ont été mises en évidence : d’une part la farine de Lupin paraît particulièrement asthmogène et le risque d’asthme aigu grave est certain [65] ; d’autre part, les doses réactives de farine de Lupin sont
équivalentes à celles de l’arachide : 13 sujets sur 14 ont réagi à moins d’un gramme.

L’intensité des réactions est également similaire. Or, compte tenu du taux admis de cet ingrédient, ces quantités sont à risque d’être consommées [64].

Les conséquences immédiates de cette étude d’allergo-vigilance, première du genre, ont été la diffusion de ces connaissances en milieu allergologique, l’information de l’Agence Française de Sécurité Sanitaire des Aliments et le conseil de l’étiquetage.

C’est à partir de 1999, environ deux ans après la commercialisation, que l’utilité de cette étude a été confirmée par les premiers cas d’allergie alimentaire à la farine de Lupin dans la population [66]. Nous avons observé le cas d’un enfant allergique à l’arachide, dont l’allergie à un biscuit en contenant a nécessité l’hospitalisation en urgence. Un cas de choc anaphylactique est survenu chez un enfant sensibilisé sans le savoir à l’arachide, après consommation d’une pizza fabriquée avec une farine contenant 5 % de farine de Lupin. La quantité consommée a été évaluée entre 800 mg et 1,6 gr. Nous signalons encore le premier cas d’allergie professionnelle chez une technicienne de l’environnement amenée à manipuler cette farine : le contact des muqueuses oculaires et nasales avec une minime quantité dans l’atmosphère issue d’un geste maladroit lors du transvasage de cette farine, a provoqué dans un délai de deux heures une conjonctivite avec œdème palpébral, rhinorrhée et obstruction nasale.

Il sera donc nécessaire de poursuivre l’étude préliminaire des allergènes de la farine de Lupin [64-67]. On pourrait en attendre la possibilité ultérieure d’une variété de Lupin modifiée hypoallergénique. Dans l’immédiat, on peut s’interroger sur le dispositif de surveillance qui permettrait d’évaluer ce nouveau risque, et de conduire à un étiquetage, voire au retrait de cet ingrédient. Ces questions pourraient faire l’objet de travaux d’une structure d’allergo-vigilance.

La réflexion actuelle porte donc sur le type de structure qui pourrait assurer l’allergo-vigilance alimentaire, ainsi que les flux et les informations que fournirait une telle structure.

Elle paraît devoir comporter trois parties : une structure centrale, développée sur l’initiative de l’Agence Française de Sécurité Sanitaire des Aliments et de l’Institut de Veille Sanitaire, un réseau périphérique sur l’étendue de la France, formé de tout ou partie des allergologues, un organisme médical de régulation des informations, spécialisé en allergologie alimentaire (Fig. 3).

Il n’est pas dans notre propos de rappeler les missions de l’AFSSA qui s’appuiera tant sur les organismes de recherche INRA, INSERM, CNRS, laboratoires universitaires que sur ses moyens propres et ses cellules de coordination avec l’IVS, les industries agroalimentaires, etc.

La structure d’allergo-vigilance nécessitera de la part de l’AFSSA et de l’IVS la création de circuits d’information avec un réseau périphérique d’allergologues et d’autres médecins, visant à les informer des produits et des technologies alimentaires
.

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nouveaux, en permettant d’autre part la mise à disposition des aliments nouveaux ou / et protéines transgéniques.

Le réseau périphérique serait constitué d’allergologues, sans exclusion d’autres médecins. La constitution de ce réseau pourrait être un objet d’étude des groupes représentatifs des allergologues. Leur rôle serait la communication régulière d’informations spécialisées, portant sur la déclaration de cas mortels, d’accidents graves ou de tableaux cliniques nouveaux, soupçonnés d’origine allergique alimentaire, l’alerte sur des modifications de fréquence d’allergies à un allergène ou le dépistage de nouvelles sensibilisations, puisque la mise à disposition d’aliments nouveaux et/ou de protéines transgéniques permettrait l’identification de sensibilisations nouvelles.

Ce flux d’informations conçu comme bi-directionnel paraît indispensable au fonctionnement d’une telle structure. En effet, si les informations nécessaires à un corps de données épidémiologiques seront celles fournies par les allergologues, le dépistage des nouveaux risques comme les évaluations de fréquence des allergies nécessitent une communication régulière des informations nécessaires au plein exercice allergologique.

Les informations ascendantes provenant du réseau périphérique conduiront à des évaluations quantitatives précises, données manquant actuellement de façon à peu près totale. Elles permettraient à l’AFSSA et à l’IVS de prendre des décisions motivées.

Il est probable toutefois que le fonctionnement d’une structure d’allergo-vigilance nécessiterait un organisme médical de régulation entre la structure centrale au sein d’une administration d’une part, et le réseau périphérique médical des allergologues d’autre part.

Ses rôles seraient multiples :

— sélectionner les informations descendantes directement utiles et renforcer leur impact sur les allergologues praticiens par la mise de ces informations dans le contexte allergologique ;

— recueillir les informations ascendantes, les compléter par entretien direct, les mettre en forme pour les transmettre à la structure centrale ;

— synthétiser ces informations à l’usage des responsables de l’administration ;

— énoncer des questions qui naîtraient des informations recueillies, et qui pourraient entraîner des hypothèses de recherche ;

— assurer la coopération régulière des allergologues du réseau ;

— acheminer à ces allergologues les aliments nouveaux et/ou protéines transgéniques en cas de suspicion établie par une première déclaration validée, afin d’établir l’existence d’une sensibilisation croisée ou d’une nouvelle sensibilisation.

La structure que nous avons créée en 1993, le Cercle d’Investigations Cliniques et Biologiques en Allergie Alimentaire, réunit actuellement plus de 250 allergologues
français, elle s’appuie sur deux services hospitalo-universitaires de recherche clinique et un laboratoire de recherches associé, sans compter des collaborations avec d’autres partenaires. Elle pourrait préfigurer un tel organisme de régulation, dont la mission serait essentiellement d’ordre médical visant au cheminement avisé des informations grâce à une lisibilité suffisante.

L’alimentation est une composante environnementale qui a subi d’extraordinaires mutations. Dans sa forme actuelle, elle réalise une véritable « pression environnementale » sur la génétique du système immunitaire. Pour certains auteurs, la notion d’un terrain génétique particulier qui conditionnerait l’atopie doit être nuancée : des pressions environnementales pourraient accentuer des réponses IgE dépendantes chez tout individu [68]. Cette conception d’un continuum des réponses IgE dans toute la population soutient la nécessité de la surveillance des allergènes potentiels que sont toutes les protéines alimentaires, au nom du principe de précaution. La création d’une structure d’allergo-vigilance alimentaire répondrait à cette nécessité, comme elle permettrait aussi, ultérieurement, d’installer des stratégies préventives.

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DISCUSSION

M. Pierre GODEAU

L’allergovigilance intervient-elle dans la possibilité de transmission de l’allergie alimentaire lors d’une transplantation d’organes, susceptible d’entraîner des accidents sérieux voire mortels, comme ceci a été observé avec l’allergie à l’arachide ?

Le risque de transmission d’une allergie alimentaire par une transplantation d’organe a effectivement été documenté dans un cas d’allergie à l’arachide. Il serait utile, lorsque le questionnaire sur l’état de santé du donneur d’organe est rempli, que ce questionnaire inclue une question : le sujet a-t-il présenté une allergie alimentaire sérieuse, (choc anaphylactique, angio-œdème laryngé ou asthme aigu grave) ? A mon avis, ceci ne devrait pas constituer un frein à la transplantation d’organes mais pourrait permettre d’en informer le sujet transplanté de façon à ce qu’il prenne des précautions.

M. Alain LARCAN

Quelle est la fréquence de la nature des manifestations cliniques digestives en réponse à ces allergènes alimentaires : gastroduodénites-colopathies spasmodiques-colites ulcéreuses, … ? Connaît-on tous les antigènes alimentaires ? N’existe-t-il pas une modification de la réactivité des lymphocytes T, de l’expression des CD63, de la libération des LTC4 et même de la sécrétion des immunoglobulines E dans la population européenne « normale » sous l’influence de l’environnement et des changements alimentaires, en particulier chez les enfants ? Existe-t-il une allergie (ou une pseudo-allergie) au vin et aux champignons ?

Les manifestations digestives de l’allergie alimentaire paraissent plus fréquentes chez le nourrisson que chez l’enfant, et chez l’enfant que chez l’adulte. Toutefois, des troubles intestinaux chroniques chez l’adulte, souvent diagnostiqués comme syndrome du côlon irritable, pourraient être dus à une allergie alimentaire. D’autre part, les tests de provocation intra-muqueuse ont permis de caractériser un petit contingent de colites ulcéreuses liées à une allergie alimentaire. Nous en avons récemment publié un cas guéri par éviction au bout de 18 ans d’évolution. Il est vrai que l’incidence des sensibilisations IgE dépendantes aux pneumallergènes comme aux trophallergènes a beaucoup augmenté depuis 25 ans et qu’elle témoigne donc d’une activité d’une sous-population lymphocytaire Th2. On recherche évidemment dans l’environnement les conditions favorisant ce déséquilibre d’activité Th1 Th2. Elles sont probablement multiples. On les groupe sous le nom « d’hypothèse de l’hygiène » : la décroissance des maladies infectieuses rendrait compte de la moindre stimulation des Th1. Par ailleurs, des modifications de la flore intestinale expliqueraient une moindre activité de T régulateurs intestinaux s’opposant à l’activité des Th2. Il est possible que d’autres facteurs, comme les particules de diesel, modulent défavorablement la réponse immunologique aux allergènes. En ce qui concerne le vin, il peut donner lieu à des fausses allergies alimentaires par de nombreux constituants : amines biogènes, métabisulfites, phénols… L’allergie à l’alcool est rarissime. Il existe d’exceptionnelles allergies aux champignons comestibles. En revanche, nous connaissons bien le risque d’alvéolites allergiques par inhalation de spores de champignons.

M. Pierre DELAVEAU

La production du lupin en France est liée à la volonté des autorités de réduire les importations de graine de soja. Le soin apporté à l’allergovigilance est-il une préoccupation chez les spécialistes de l’amélioration des plantes alimentaires, particulièrement dans le cas des organismes génétiquement modifiés ? Comment se situent les aliments d’origine asiatique largement disponibles actuellement ? Les protéines responsables d’allergies croisées sontelles prises en considération dans les actuels travaux de révision des classifications des espèces végétales ?

Il est certain que la préoccupation liée au risque allergique alimentaire s’est faite jour clairement à l’occasion des premiers OGM. Un rapport très récent de l’OMS-FAO fait le point sur l’algorithme des études nécessaires pour tester l’allergénicité d’un OGM. J’ai fait remarquer que tous les aliments nouveaux (qui ne sont pas forcément des OGM) doivent bénéficier de la même préoccupation. La meilleure stratégie est d’adapter une surveillance de ces aliments après leur commercialisation. Toutefois, comme je l’ai montré pour le lupin, il est possible de rechercher, dès le début de la commercialisation, une sensibilité croisée éventuelle avec des aliments courants. Les protéines responsables des allergies croisées ont en général des fonctions cellulaires importantes et sont conservées au cours de l’évolution dans des espèces très diverses. Leur caractérisation ne remet donc pas en cause les classifications botaniques ou zoologiques actuelles. Je prendrai l’exemple de pan-allergènes fréquents des fruits et légumes, les profilines, qui ont une réactivité croisée importante avec une profiline du cytosquelette de nos propres cellules…

En ce qui concerne les aliments d’origine asiatique, les nids d’hirondelle sont les aliments les plus allergisants à Hong-Kong ; leur consommation n’est pas répandue en Europe. En revanche, le sésame paraît un allergène de plus en plus fréquent donnant lieu à des réactions sévères.

M. Roger NORDMANN

Vous avez indiqué que le fait de rôtir les arachides aboutit à des réactions de Maillard responsables de l’allergénicité. Peut-on conclure que le chauffage est indispensable pour que ce pouvoir allergisant se révèle et que l’huile d’arachide non chauffée en serait dépourvue ?

Vous avez mis l’accent sur le rôle aggravant des polluants, notamment des particules issues de moteur diesel. Il apparaît de ce fait aberrant que les tuyaux d’échappement des véhicules soient placés à la hauteur des bébés et jeunes enfants. Même si cela peut paraître utopique, ne devrait-on pas, pour des raisons sanitaires, recommander aux constructeurs de placer cet échappement au sommet du véhicule ?

Le chauffage peut jouer de façon très diverse dans l’allergénicité : il annule l’allergénicité de certaines protéines ou il fait apparaître une néo-allergénicité ou encore, il crée des composés de Maillard qui paraissent plus réactogènes que les protéines naturelles.

L’allergénicité des huiles est un sujet que nous étudions beaucoup à Nancy. Pour l’huile d’arachide, il existe bien des allergènes alors que l’huile a été chauffée à 180° C et plus. On ne commercialise pas d’huile d’arachide pressée à froid.

M. Charles RICHET

Les protéines intactes peuvent-elles ou non franchir la barrière intestinale ? Y a-t-il des expériences bien conduites prouvant que les détergents facilitent ou non le passage de ces protéines intactes ?

Oui, des protéines intactes peuvent franchir la barrière intestinale. Certains produits chimiques comme le dithiotreitol, dissociant les dimères d’IgA sécrétoires du glycocalix ont entraîné un passage accru de protéines alimentaires à travers la muqueuse intestinale, en altérant la fonctionnalité des anticorps anti-IgAs anti-aliments.

M. Maurice TUBIANA

On observe aussi une intensification dans les pays occidentaux avec augmentation de la fréquence de l’asthme. La comparaison entre l’ex-Allemagne de l’Est, où la pollution de l’air était forte et la fréquence de l’asthme faible et l’Allemagne de l’Ouest où la pollution atmosphérique était moindre et la fréquence de l’asthme plus élevée, avait contribué à une théorie selon laquelle quand le système immunitaire est peu sollicité, la fréquence des allergies est plus élevée. Est-ce que la modification de la flore intestinale, dont vous avez parlé, apporte des arguments en faveur de cette théorie ?

Les modifications de la micro-flore intestinale entraîneraient une diminution de l’activité des lymphocytes T régulateurs et une diminution de production de TGF bêta nécessaire à la tolérance alimentaire. Je ne sais pas si l’on peut résumer en disant que le système immunitaire est peu sollicité, il serait peut-être plus juste de dire qu’il est différemment sollicité.

M. Maurice MERCADIER

Quels sont les degrés de gravité des allergies alimentaires ? Quelle est l’importance des éléments protéiniques dans les fruits à l’origine d’allergies alimentaires ?

Les accidents mortels dus aux allergies alimentaires sont majoritairement liés à un asthme aigu fatal. D’autres morts sont liées au choc anaphylactique et à l’angio-œdème laryngé. Il n’y a pas de données précises sur la proportion des accidents graves dans l’ensemble des allergies alimentaires. Toutes les allergies alimentaires sont liées à des protéines, même lorsque le fruit responsable contient 99 % d’eau, comme la pêche. On attire l’attention sur le fait que les allergènes alimentaires sont très souvent des protéines glycosylées.

M. Claude MOLINA

Il est classique de signaler la plus grande fréquence mais la moindre gravité de l’allergie alimentaire du nourrisson et de l’enfant par rapport à celle de l’adulte. Pouvez-vous confirmer la rareté du choc anaphylactique menaçant la vie du sujet, au-dessous de l’âge de 6 à 7 ans ? Ne craignez-vous pas, étant donné la fréquence des fausses allergies alimentaires (par surcharge alimentaire en histamine, intolérance aux métabisulfites, glutamates addi-
tifs) l’inflation de déclarations, par des médecins peu formés à la discipline, d’autant que le diagnostic précis de l’allergie alimentaire IgE dépendante nécessite les investigations précises et délicates (tels que tests de provocation en double aveugle…). La suppression prochaine de la Capacité Nationale d’Allergologie ne risque-t-elle pas d’aggraver l’insuffisance de formation des médecins dans cette discipline ?

Il est tout à fait vrai que le choc anaphylactique est d’autant plus fréquent que l’on observe une catégorie d’âges plus avancés. Il faut y voir le reflet de facteurs favorisants liés à l’âge adulte : prise simultanée de bêta-bloqueur, d’aspirine ou d’anti-inflammatoire non stéroïdien, d’inhibiteur d’enzyme de conversion, d’alcool ou association d’effort physique. Toutefois, si l’enfant fait moins de chocs anaphylactiques que l’adulte, il présenterait aussi fréquemment un angio-œdème laryngé. Il y a, à l’évidence, une insuffisance de connaissances sur les formes graves de l’allergie alimentaire. Votre seconde question me permet de préciser que le réseau d’allergo-vigilance que j’ai créé repose uniquement sur des allergologues qualifiés en tant que tels par notre examen national de Capacité et non sur des médecins non-allergologues, de façon à éviter des déclarations erronées par confusion avec des fausses allergies alimentaires. Je vous rejoins tout à fait dans l’espoir que la Capacité Nationale d’Allergologie, à l’institution et à l’enseignement de laquelle vous avez consacré beaucoup d’efforts, persistera au-delà de 2006 pour assurer une excellente formation en France.

M. Roland ROSSET

Vous avez indiqué que les traitements des denrées alimentaires, notamment le chauffage, pourraient provoquer la formation d’allergènes. On a observé des accidents allergiques chez des enfants, à la suite de la consommation de poissons congelés alors que les poissons frais n’entraînaient pas de réactions. Pensez-vous que la congélation, en fonction des processus mis en œuvre (congélation lente ou rapide) puisse modifier les molécules protéiques et être responsable de ces accidents ?

Je n’ai pas consulté d’études qui se seraient intéressées à des modifications d’allergénicité liées à la congélation. C’est certainement un point intéressant à considérer.

M. Alain RÉRAT

Vous avez évoqué la présence des séquences de sept acides aminés comme étant susceptibles d’induire des allergies alimentaires. Naturellement, se pose la question de savoir pourquoi de telles séquences peuvent subsister lors du transport entérocytaire, puisque, classiquement, elles sont hydrolysées soit au niveau de la bordure en brosse, soit dans l’entérocyte par l’action combinée des olipeptidases et des dipeptides. Contiennent-elles des acides aminés tels que la proline dont on sait que, quand ils sont en position amino-terminale, pénultième ou antépénultième, dans son oligopeptide, ils bloquent leur séparation d’avec les acides aminés voisins ? Quel est, dès lors, le mécanisme d’apparition de l’allergie ?

Des travaux comme ceux de Mme Heymann ont montré qu’il existe toujours une petite proportion de protéines qui échappe à la digestion et est retrouvée intacte à la base des entérocytes.

M. Jean-Daniel SRAER

Est-il possible que l’absorption répétée de petites quantités d’antigènes alimentaires soit responsable de maladies plus chroniques que les accidents aigus des réactions anaphylactiques classiques (maladies par immuno-complexes circulants, maladies auto-immunes ) ?

La relation de certains aliments avec des maladies auto-immunes est un sujet très peu exploré, tout à fait passionnant. On peut citer le syndrome éosinophilie-myalgie lié à la consommation de tryptophane comme les poussées de LED induites par la consommation de canavaline présente dans les feuilles et graines de luzerne. On peut se demander aussi si le système immunitaire, lorsqu’il est durablement sollicité par des allergènes, ne risque pas de développer consécutivement une réactivité anormale aux anto-antigènes.

C’est un sujet d’étude auquel il faut prêter attention.


* Service de Médecine Interne — Immunologie Clinique et Allergologie, CHU de Nancy — Hôpital Central, Avenue de Lattre de Tassigny — 54035 Nancy cedex. Tirés-à-part : Professeur Denise-Anne MONERET-VAUTRIN, à l’adresse ci-dessus. Article reçu le 17 avril 2000, accepté le 4 décembre 2000.

Bull. Acad. Natle Méd., 2001, 185, no 5, 943-962, séance du 29 mai 2001