Communiqué
Session of 26 mai 2009

À propos de l’utilisation des cabines à bronzer

MOTS-CLÉS : cancérogénèse. esthétique.. rayonnements ultraviolets/effets secondaires

Jean CIVATTE * et Jacques BAZEX *

 

Les experts du Centre de Recherche sur le Cancer du Royaume Uni (Cancer Research Centre, UK) viennent de rappeler à nouveau que le mélanome est le cancer de la peau le plus grave et que sa fréquence est actuellement supérieure à celle du cancer du col de l’utérus chez les anglaises de moins de 50 ans ; ils insistent surtout sur la mise en cause des expositions aux rayons ultraviolets (RUV) des cabines de bronzage. En Grande Bretagne, on dénombre actuellement 9 000 nouveaux cas par an de mélanome, chiffre qui pourrait atteindre 15 500 cas annuels d’ici quinze années. Cette augmentation serait essentiellement liée à la fréquentation croissante des centres de bronzage en cabine à R.U.V. : l’étude du Cancer Research Centre du Royaume Uni précise en effet que 80 % des utilisatrices de cabines recourent à ce bronzage artificiel avant l’âge de 35 ans et que 9 % des jeunes filles de 11 à 17 ans l’ont déjà recherché [1].

En France, le mélanome est l’une des tumeurs dont l’incidence a le plus augmenté ces vingt dernières années : sa fréquence a été multipliée par quatre chez les hommes et par trois chez les femmes. Considérant que ce problème relevait de sa responsabilité, l’Académie nationale de médecine a mis en garde nos concitoyens à plusieurs reprises d’abord contre les excès d’exposition solaire puis contre les expositions intempestives aux rayons UV artificiels initialement considérés à tort comme peu agressifs.

Mais, malgré les mises en garde de l’Académie nationale de médecine, notamment dans son rapport intitulé « La prévention des effets nocifs des rayons ultraviolets » adopté le 2 décembre 1997, la fréquentation des salons à bronzer ouverts au public n’a fait qu’augmenter, et ceci grâce à une intense publicité.

On sait depuis longtemps qu’il n’y a aucun bénéfice à attendre pour la santé d’expositions répétées aux rayons ultraviolets artificiels en plus des expositions naturelles au soleil. Il est au contraire largement prouvé que les expositions aux rayons ultraviolets A et ultraviolets B sont responsables de la recrudescence des cancers cutanés dont le nombre double tous les dix ans. Il est bon de rappeler que les rayons UV A, autrefois considérés comme inoffensifs, sont en réalité aussi agressifs que les rayons UV B et ont une part déterminante dans la carcinogenèse, ce que vient encore confirmer le rapport cité en référence [1].

La législation, en réalité faussement protectrice de l’individu, laisse croire que, sous réserve d’une stricte observance des recommandations émises par les pouvoirs publics et d’un encadrement de cette activité par un personnel qui n’est formé qu’en quelques heures, l’utilisation des cabines émettant des rayons UV resterait acceptable [2].

Or, selon les enquêtes conduites par les associations de consommateurs, les recommandations, qui, en réalité, ne mettent pas à l’abri de risques réels, ne sont jamais respectées.

D’autre part, toutes les études sérieuses montrent que, bien avant que n’apparaisse la pigmentation attendue par l’utilisateur des cabines à UVA, des altérations de la peau sont déjà présentes et, pour certaines, définitives ; en outre, point qui n’est jamais signalé par les gestionnaires des centres de bronzage, la pigmentation obtenue n’aura aucune action protectrice lors de futures expositions au soleil.

C’est pourquoi l’Académie nationale de médecine regrette vivement que les pouvoirs publics — n’aient pas pris en compte ses recommandations, — refusent de modifier la législation actuelle et de signaler qu’une telle pratique est dangereuse pour tous les individus, — tolèrent que des chaînes nationales de télévision acceptent d’assurer la promotion de cette pratique et que des messages publicitaires puissent être présentés dans des salles de cinéma et autres lieux publics sans un avis défavorable du Conseil Supérieur de l’Audiovisuel ;

— elle ne peut donc que manifester à nouveau sa très forte opposition à une pratique dont le caractère dangereux est manifeste.

RÉFÉRENCES [1]

Ireland sees 75 % rise in melanoma in women under 50. Cancer Research UK News &

Resources News archives (13 mai 2009) [2] Décret 97-617 du 30 mai 1997 *

* *

L’Académie, saisie dans sa séance du mardi 26 mai 2009, a adopté le texte de ce communiqué à l’unanimité.

 

* Membre de l’Académie nationale de médecine

 

Bull. Acad. Natle Méd., 2009, 193, no 5, 1195-1196, séance du 26 mai 2009