Résumé
La volonté des pouvoirs publics d’améliorer la condition des handicapés mentaux s’est traduite par deux lois promulguées à trente ans d’intervalle ; l’une en 1975 l’autre en 2005. La seconde, qui définit le handicap et distingue artificiellement handicap mental et psychique, va se concrétiser par la création de Maisons Départementales du Handicap, d’un Observatoire National du Handicap, et d’une prestation de compensation. La prévalence précise du handicap mental en France est difficile à évaluer du fait de l’absence d’un registre départemental et/ou national. Du point de vue médical, on constate que le handicap à la naissance n’a pas disparu bien au contraire et que globalement, et toutes causes confondues, la proportion d’enfants souffrant d’un retard mental reste comprise entre un et deux pour cent de la population infantile. Qu’il soit congénital ou acquis, ce trouble de l’adaptation entraîne une infériorité qui n’est jamais totalement compensée et ne peut évoluer vers une amélioration notable surtout lorsque coexistent des troubles neurologiques centraux dont la recherche est essentielle. Certes, la trisomie 21 et l’autisme sont au premier plan, mais bien des déficits mentaux demeurent à ce jour inexpliqués malgré les progrès apportés par la génétique et la neurobiologie. Du point de vue médico-social, il y a loin des intentions du législateur aux réalisations pratiques. Ceci est dû au manque de structures, faute de moyens matériels et de formation des personnels tant médicaux, et para médicaux qu’enseignants. Dans l’immédiat, les difficultés majeures concernent en effet l’intégration prévue dans une scolarité normale des enfants handicapés. Elle apparaît souvent comme une illusion aux parents confrontés aux difficultés de trouver un établissement de référence proche de leur domicile, possédant une structure adaptée ainsi que des maîtres référents, et dont le parcours s’apparente à celui du combattant. Dans le futur, l’augmentation considérable de la longévité des personnes en situation de handicap fait apparaître bien sombre l’avenir de ces enfants qui survivront à leurs parents, car rien n’est prévu pour les aider à assumer leur statut d’orphelins adultes. Le rôle des associations est une fois de plus fondamental, les études génétiques sont indispensables de même que la formation des médecins au dépistage des troubles du développement de l’enfant. Ceci aidera sans doute à combler le fossé existant entre l’immense bonne volonté réelle des concepteurs et la réalisation pratique de leurs intentions.
Summary
French government efforts to improve the condition of mentally disabled individuals are reflected in two laws enacted 30 years apart, in 1975 and 2005. The second law, which defines disability and artificially separates mental from physical disability, provides for the creation of county-level homes for the disabled, a National Disability Observatory, and compensatory benefits. The exact prevalence of mental disability in France is difficult to determine because of the lack of registries. Disability at birth has not been eliminated: overall, the proportion of children with mental retardation of all causes remains at between 1 and 2 percent. Whether congenital or acquired, these adjustment disorders lead to a loss of chance which is never fully compensated for and cannot be significantly improved, especially when associated with central neurological deficits. Trisomy 21 and autism are of course at the forefront of these disorders, while many mental deficits remain unexplained despite progress in genetics and neurobiology. From the medicosocial perspective, legislation is translated only very slowly into practical measures, owing to a lack of facilities, material resources, and training for medical, paramedical and teaching staff. In the short term, the main difficulty is with the planned integration of disabled children into mainstream schools. Parents find it massively difficult to find a suitable school close to home, with an adapted structure and qualified teachers. The dramatic increase in the longevity of individuals with disabilities points to a bleak future for children who survive their parents, nothing having been planned for these ‘‘ adult orphans ’’. The role of patient associations is once again fundamental. Genetic studies are crucial, along with physician training in screening for developmental disorders. More vigorous measures are needed to bridge the gap between legislators’ unquestionable goodwill and practical implementation of their recommendations.
La volonté des pouvoirs publics d’améliorer le dépistage et la prise en charge de l’enfant handicapé mental et la disponibilité active des associations de parents contraste avec le manque de moyens matériels et l’insuffisance de formation des personnels soignants et enseignants. Le retard pris par notre pays en ce domaine aboutit à des diagnostics tardifs, générateurs d’aggravations de handicap et d’insuffisance de prise en charge par la communauté.
Le cadre législatif
Les premières dispositions importantes en faveur des personnes handicapées ont été prises par la loi du 30 juin 1975. Celle-ci insistait sur l’importance de la prévention et du dépistage et faisait obligation éducative pour les enfants et adolescents handicapés. Elle envisageait déjà l’accès des administrations ouvertes à l’ensemble de la population aux personnes atteintes, en précisant la nécessité de leur maintien dans le cadre de vie habituel chaque fois que cela s’avérait possible. Il a cependant fallu attendre la loi du 11 février 2005, c’est-à-dire trente ans, pour qu’apparaissent les principes de l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.
Cette nouvelle loi se substitue à la précédente. Elle marquera une étape essentielle, à la seule condition qu’elle soit fidèle à ses ambitions et obtienne les moyens nécessaires à sa réalisation. La loi énonce en effet que « constitue un handicap toute limitation d’activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d’une altération substantielle, durable ou définitive d’une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d’un polyhandicap ou d’un trouble de santé invalidant. » Elle distingue les handicaps mental et psychique, le premier étant découvert dès la naissance, le second identifié plus tard dans l’enfance ou l’adolescence, à la suite d’une affection psychiatrique. Dans les deux cas, le sujet est atteint d’un niveau plus ou moins important d’incapacité. La loi pose le principe de la compensation sociale destinée à répondre aux besoins de toute nature. Elle crée une prestation de compensation. Elle envisage, selon l’âge, différentes dispositions : les enfants et adolescents handicapés relèvent de l’école ou de l’établissement le plus proche du domicile, dans toute la mesure du possible. Les établissements sont tenus d’inscrire les handicapés dans les mêmes conditions que les autres enfants.
Dans ce but, a été créée la Maison départementale des personnes handicapées sous la tutelle du département, ainsi qu’un Observatoire du handicap et une Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie.
La loi marque un progrès essentiel, mais on ne peut pas ne pas remarquer la lourdeur de ses structures et l’absence du corps médical et des professions de santé dans ses dispositions permanentes. En 2007, le Médiateur de la république soulignait plusieurs points de non application de la loi et le rapport des affaires sociales, deux ans plus tard, attirait l’attention sur les insuffisances du personnel et des moyens financiers qui l’accompagnaient. Il faudra donc encore longtemps pour pouvoir apprécier si les intentions exprimées par la loi ont été suivies d’effets à la mesure de l’espoir suscité.
Peut-on définir le handicap mental et apprécier sa prévalence ?
Le terme de handicap lui-même, que nous utiliserons dans ce rapport, est discutable, car il a une connotation non seulement d’infériorité mais aussi de pénalité et on pourrait suggérer de le remplacer par celui de trouble de l’adaptation. Nous n’envisageons ici que le handicap lié à des problèmes médicaux et n’aborderons pas le handicap dit « social », qui peut être extrê- mement douloureux tant pour les familles que pour la société, ce d’autant qu’il est souvent associé au handicap médical. Le handicap, qu’il soit congénital ou acquis, entraîne une infériorité qui n’est jamais correctement compensée, sans possibilité d’évolution vers une amélioration notable.
On ne peut détailler en France le nombre et l’origine précis des handicaps mentaux infantiles car il n’existe pas de registre comme ceux des pays scandinaves, hormis dans certaines régions privilégiées. On peut cependant évaluer l’incidence des déficiences sévères d’origine centrale à environ 7,2 pour 1 000 naissances : à titre d’exemple, les chiffres concernant les paralysies cérébrales infantiles sont passés de 1,5 à 1,7, voire 1,9 et 2 pour 1 000… tandis que ceux de la trisomie 21, la cécité, l’amblyopie et les retards mentaux légers restent stables. Ces appréciations restent très approximatives et n’ont l’intérêt que de nous alerter sur les grandes tendances de l’évolution des handicaps de notre société. Il nous semble, de plus, qu’il est impossible, en pratique, de dissocier handicap mental et handicap psychique, tant ils sont si souvent intimement mêlés, s’accompagnent souvent en outre d’autres troubles moteurs ou sensoriels. Il est important de reconnaître l’importance considérable, voisine de 50 %, des troubles neurologiques centraux dans la genèse et la prise en charge nécessaire, temporaire parfois, mais souvent définitive, de ces handicaps. Il serait indispensable de disposer d’un registre national et /ou départemental régulièrement mis à jour du handicap. Il faut souligner, à ce titre, le rôle majeur qui devrait être attribué au médecin traitant et à un expert spécialisé dans un comité médical au sein des maisons du handicap.
Le handicap à la naissance est-il appelé à disparaître ?
L’obstétrique et la néonatologie, faisant des progrès spectaculaires, aboutissent à une diminution de la mortalité et de la morbidité fœtale qui ouvre la voie à l’espoir de la diminution, voire de la disparition des handicaps à la naissance.
Il est juste de dire que les grossesses sont mieux surveillées, que le déroulement du travail et de l’accouchement sont mieux contrôlés qu’autrefois et que les manœuvres obstétricales risquées sont remplacées par une augmentation raisonnable du nombre des césariennes. En outre, les anomalies chromosomiques métaboliques et les malformations fœtales sont de mieux en mieux dépistées de manière systématique, aboutissant volontiers à une interruption de grossesse, à un geste chirurgical in utero ou encore à une intervention préparée à la naissance. Si l’on compare l’évolution des chiffres entre 1983 et 2007, le pourcentage de trisomie 21 dépistée passe de 9,5 a 90 %. Cependant, l’évolution de la société, notamment le retard de l’âge de la première grossesse influe sur la fertilité qui diminue à partir de trente-cinq ans et provoque un recours de plus en plus fréquent à la procréation médicalement assistée. Cette évolution retentit sur les pathologies maternelles préexistant à la grossesse, comme le diabète ou l’hypertension artérielle, dont les fréquences sont multipliées par deux ou par trois. Quant à la pathologie de l’enfant, elle est plus fréquente : le nombre d’anomalies du caryotype fœtal est multiplié par dix et celui des malformations congénitales par 1,5. Paradoxalement, les progrès de la médecine ont, de plus, des effets pervers. Un exemple est fourni par la réanimation d’enfants de moins de 28 semaines d’aménorrhée ou de moins de 1 000 grammes de poids à la naissance, chez lesquels le pourcentage de séquelles graves augmente avec la baisse de l’âge gestationnel. Le pourcentage d’infirmités motrices cérébrales reste de l’ordre de 10 à 20 %. De plus, même en l’absence de séquelles psychomotrices majeures, on déplore des troubles cognitifs ou des troubles du comportement dans 20 à 25 % des cas, ainsi que des difficultés scolaires mal quantifiées.
Quelle que soit l’évolution de la qualité de la prise en charge obstétricale et de la néonatologie quotidiennes, une partie des handicaps persistera tant que les futures mères continueront à consommer tabac, alcool et cannabis au cours de la grossesse, tant qu’elles diffèreront l’âge de la grossesse en raison de l’allongement des études ou du choix de faire carrière, tant qu’il sera difficile d’harmoniser activité professionnelle et vie de famille. Il en sera de même tant que certains médecins en quête d’exploits, sollicités par les familles, parfois appuyés par les tribunaux, continueront à entreprendre des réanimations de plus en plus aventureuses. Ce sera aussi le cas tant que la surveillance post-natale ne sera pas systématiquement plus adaptée.
L’ÉTAT ACTUEL DU POINT DE VUE MÉDICAL
Le retard mental
La prévalence estimée du retard mental, toutes causes confondues, varie entre 1 et 2 % parmi les enfants d’âge scolaire. Dans la population adulte on l’estime à 1 %. On peut donc estimer le nombre de personnes handicapées mentales à environ 650 000 en France. Chaque année, 20 000 enfants naissent qui présenteront une déficience intellectuelle.
Les causes et les mécanismes de retard mental, dont certains seront détaillés, sont multiples : il y a plus de 1 200 syndromes génétiques identifiés et près de 400 anomalies chromosomiques distinctes. On estime que 25 % des handicaps sont d’origine génétique 25 % d’origine acquise, et 50 % de causes indéterminées ou multifactorielles.
Reconstituer l’histoire familiale, rechercher par l’examen clinique une co-morbidité telle une dysmorphie, une anomalie oculaire une surdité, des anomalies cutanées, viscérales etc., suppose d’être aidé par un généticien et un neuro-pédiatre, d’effectuer un bilan du développement neurologique et une batterie d’examens complémentaires. Selon le protocole d’investigation, le mode de recrutement, les catégories diagnostiques retenues, on peut estimer qu’environ 50 % des patients n’ont pas de diagnostic étiologique, en particulier lorsque le retard est léger et qu’il n’y a pas de signes associés. On se tourne alors vers les examens cytogénétiques. Le caryotype conventionnel reste indispensable. Il est de faible sensibilité et d’autres tests sont utilisés: cytogé- nétique moléculaire ciblée sur lame, cytogénétique moléculaire quantitative, cytogénétique moléculaire pangénomique, auxquels s’ajoute le test moléculaire à la recherche de l’X fragile. Un bilan métabolique, dont le rôle dans l’identification étiologique paraît très faible peut cependant être fait, ainsi qu’une imagerie cérébrale qui n’est toutefois contributive que dans moins de 15 % des cas lorsqu’il n’y a pas de signes d’appel neurologiques.
C’est en réalité étape par étape, au cas par cas, que l’on pourra établir une véritable stratégie d’exploration d’un handicap mal ou peu expliqué.
La trisomie 21
C’est la plus fréquente des trisomies. Elle se caractérise par la présence d’un chromosome ou d’un fragment de chromosome surnuméraire sur le chromosome 21 des cellules diploïdes. Elle peut être complète, partielle, homogène (si elle est présente dans toutes les cellules de l’organisme) ou en mosaïque. Elle est également dite libre si les trois chromosomes de la paire concernée sont séparés les uns des autres, ou encore par translocation si le chromosome ou le segment de chromosome surnuméraire est accolé a un autre chromosome.
La plupart du temps, il s’agit d’une trisomie complète, homogène et libre, dont la fréquence augmente de façon exponentielle avec l’âge de la mère, passant de 1 pour 2 000 naissances chez les mères de 20 ans, à 1 pour 100 à 40 ans, et 5 pour 100 après 45 ans. Si l’on met à part l’aspect caractéristique du patient, les malformations associées sont vingt fois plus fréquentes que chez l’enfant normal : par ordre de fréquence décroissante, les cardiopathies représentent 40 % du total, suivies par la sténose duodénale, les anomalies oculaires (cataracte et glaucome), etc. La sévérité du retard mental varie considérablement d’un patient à l’autre, ce qui explique que certains enfants soient nettement plus performants que d’autres. Il peut y avoir d’importants troubles du comportement. Ce sont eux qui expriment les souffrances morales ou physiques, plus que l’affirmation de la douleur. C’est la raison pour laquelle les cancers sont décelés tardivement, particulièrement les séminomes et les cancers digestifs. Si le vieillissement, prématuré et accéléré, notamment cérébral, est souvent observé autour de la quarantaine, grâce aux vaccinations et aux progrès de la chirurgie cardiaque, la durée de vie a considérablement augmenté et la grande majorité des enfants de notre génération survivront à leurs parents.
Les handicaps mentaux inexpliqués
Les définitions ont considérablement varié depuis 1961 pour aboutir à la classification internationale des maladies (2007), mais il ne s’agit en réalité que de nuances. Il s’agit de l’arrêt ou du développement incomplet du fonctionnement mental, caractérisé essentiellement par l’altération, durant la période du développement, des facultés qui déterminent le niveau global d’intelligence c’est-à-dire des fonctions cognitives, du langage, de la motricité, et des capacités sociales. Le retard mental peut accompagner un autre trouble mental ou physique ou survenir isolément.
Si l’on mesure le quotient intellectuel, qui apparaît comme le dénominateur commun de ces diverses définitions, le retard mental léger est souvent diagnostiqué tardivement à l’entrée à l’école maternelle ou en cours préparatoire. Avec un soutien approprié, environ 50 % des sujets pourront cependant suivre une scolarité normale.
L’autisme
Ce syndrome affectant la communication sociale et l’adaptation a longtemps été considéré comme la conséquence rare d’attitudes maternelles pathogènes.
Puis, s’est imposée l’hypothèse d’un désordre de nature neurobiologique altérant, dès la vie fœtale, le développement du cerveau dit « social ». Il s’agit bien, en fait, d’un trouble neuro-développemental global très précoce qui touche en France 100 000 personnes et prédomine chez les garçons (8 pour 2 filles). Cette conception a toutefois, en France, été tardivement intégrée aux pratiques pédo-psychiatriques cliniques de recherche et de soins, si l’on met à part quelques équipes, notamment celle de Tours. C’est à partir de 1970 que les conceptions neurobiologiques ont commencé à contrebalancer les théories psycho-dynamiques, qui ont pu avoir un effet extrêmement délétère. L’hypothèse d’une insuffisance modulatrice cérébrale, proposée par Lelord, a donné lieu à une méthode de thérapie psychophysiologique. La biologie moléculaire, la génétique, l’imagerie cérébrale fonctionnelle ont permis l’essentiel des avancées. Des dysfonctionnements des systèmes cérébraux impliqués dans le décodage de l’information sensorielle motrice et émotionnelle ont été mis en évidence. Ils ont une importance majeure dans la perception des autres, de leurs intentions, de leurs émotions et de leurs réactions. L’association à l’autisme d’autres anomalies est fréquente et, dans 80 % des cas, un retard mental de sévérité variable est classiquement décrit : 50 % des enfants ne développeront pas de langage parlé. La recherche systématique d’une épilepsie est positive dans plus d’un tiers des cas. Chez 10 % des patients environ, des pathologies génétiques ou métaboliques peuvent être identifiées : syndrome de l’X fragile, phénylcétonurie, trisomie 21, etc.
Ces dix dernières années, sous l’impulsion des associations familiales en lien avec les différents groupes professionnels, un plan national a été mis en œuvre par le gouvernement, des textes de loi sont parus, des centres de ressources pour l’autisme ont été créés, et la Haute Autorité de Santé a publié des recommandations pour la pratique professionnelle du diagnostic. Celui-ci est déjà possible chez le bébé, qui semble insensible aux bras de sa mère. Plus souvent, c’est vers trois ans que le tableau est confirmé et qu’une triade majeure de troubles de trois secteurs du comportement : la socialisation, la communication et l’adaptation fait porter le diagnostic. Il reste, à ce jour, clinique, car il n’existe aucun marqueur biologique et la cause du syndrome demeure inconnue. Toutefois, il existe des types et des profils cliniques différents, liés à la sévérité des troubles dans les différents sous-groupes cliniques et à l’existence d’évolutions précoces particulières. Du point de vue thérapeutique, ces hypothèses neurobiologiques ont conduit à des thérapies d’échange et de développement qui aident l’enfant à l’apprentissage des moyens élémentaires de communication et de compréhension de son environnement. Les approches cliniques, de neuro-imagerie et de génétique moléculaire n’ont jusqu’ici permis que le démembrement des différents profils de l’autisme. La prise en charge des handicaps liés à l’autisme n’en est actuellement qu’à son début. Elle reste encore souvent mal adaptée et de très nombreux enfants et adultes atteints d’autisme se trouvent encore actuellement en situation d’exclusion.
L’apport de la neurobiologie
Les lésions touchant le cerveau en développement peuvent s’accompagner de séquelles importantes et chroniques sur les plans tant moteur que cognitif, et les fœtus nouveaux-nés ou enfants atteints de lésions cérébrales risquent donc des séquelles neurologiques et psychoneurologiques. La plasticité post lésionnelle est un phénomène complexe faisant intervenir de multiples facteurs :
— localisation et caractère uni ou multifocal des lésions cérébrales ;
— stade du développement auquel survient la lésion : certaines des étapes du développement seront soit plus ou moins — parfois définitivement — perturbées par le processus lésionnel lui même soit modulées positivement ou négativement lors des phénomènes de plasticité post- lésionnelle ;
— impact de la lésion et de la plasticité sur l’expression génique dans différentes sous populations de cellules neurales ;
— facteurs de protection ou, au contraire, de susceptibilité d’origine génétique ou environnementale.
Le résultat de ces interactions multiples et complexes peut être une plasticité post lésionnelle positive se traduisant par une adaptation du cerveau en développement et un gain de fonctions qui corrigera partiellement les déficits liés à la lésion initiale. Il peut être au contraire une plasticité lésionnelle négative , qui perturbe le programme de développement cérébral, dont les conséquences vont s’ajouter aux déficits liés à la lésion primitive.
Les progrès en neurobiologie permettent une première approche des grands principes concernant la plasticité du cerveau en développement ; utiliser des modèles animaux proches des pathologies humaines permettrait d’adopter des stratégies de neuroprotection et de réadaptation chez l’enfant, visant a éviter la plasticité lésionnelle négative et stimuler la plasticité post lésionnelle positive .
L’apport de la génétique
Les causes, extrêmement hétérogènes, du handicap mental peuvent être de nature génétique, qu’il s’agisse d’anomalies chromosomiques ou qui portent sur l’un des très nombreux gênes indispensables au développement et au fonctionnement du système nerveux central. Des causes monogéniques seraient à l’origine d’environ la moitié des cas.
La trisomie 21 est de loin la première cause de retard mental (1/1 000 naissances). Parmi les autres anomalies chromosomiques connues en cause, les trisomies 13 et 18 sont les plus fréquentes, mais les mécanismes en jeu dans le développement du retard mental qui les caractérise, du moins quand les enfants survivent au delà des premiers mois, restent incompris. Des réarrangements chromosomiques plus subtils ont été récemment mis en évidence à l’origine de retards mentaux, ce qui souligne la nécessité de mettre au point des tests diagnostiques fiables pour leur caractérisation. Un autre phénomène génétique en cause dans le retard mental est la dérégulation de l’empreinte génomique ou empreinte parentale (syndrome de Prader—Willi).
L’altération directe des gênes, qu’ils soient liés au chromosome X ou qu’ils soient autosomiques représente un groupe important de causes de retard mental. Dans ce groupe très vaste, on distingue les retards mentaux liés à des anomalies détectables du développement du cortex cérébral et ceux pour lesquels le développement et l’organisation cérébraux paraissent normaux. Les retards mentaux associés à des anomalies de l’organisation cérébrale sont probablement dus à des défauts de la migration des cellules neuronales.
Lorsque l’organisation cérébrale est apparemment normale, l’hypothèse d’un dysfonctionnement synaptique, c’est à dire d’altérations post natales de la communication inter neuronale a été soulevée. Un dernier groupe beaucoup plus difficile à caractériser est celui qui fait intervenir dans le retard mental la dérégulation de l’expression de certains gènes.
En conclusion, il est tentant de spéculer que le déficit ou le dysfonctionnement de certaines protéines durant le développement pré-natal et post-natal est en cause dans certaines formes de retard mental et qu’il serait donc envisageable de les prévenir par une thérapeutique adaptée si un diagnostic précoce était réalisé. La création de modèles cellulaires et animaux pourrait servir a mettre au point des tests cellulaires et biochimiques exploitables afin d’identifier les molécules capables d’agir sur les processus régulés par les gènes impliqués dans le retard mental.
L’ÉTAT ACTUEL MÉDICO-SOCIAL
Dépistage et révélation du handicap chez le jeune enfant
Un grand nombre de facteurs de risque de handicap majeur peuvent être reconnus à la période péri-natale ou dans les premiers mois post-nataux. Le plus souvent, l’enfant devient handicapé faute de diagnostic précoce. Un diagnostic tardif, entre 4 et 5 ans par exemple, correspond à une perte de chance et donc à un surcoût aussi bien moral que financier. De qui va dépendre l’avenir de l’enfant à risque de handicap ? Quelle que soit la gravité des troubles, la précocité du repérage de signes parfois subtils est une condition importante du succès partiel, voire total, de la prise en charge. Le pronostic sera d’autant meilleur que les enfants à risque seront confiés à des professionnels compétents formés à l’examen d’enfants de très jeune âge. Il dépendra aussi de leur intégration dans des structures dédiées à la petite enfance comportant des intervenants spécialisés délivrant une information spécifique pour chaque cas. A titre d’exemple, au point de vue neurologique, une évaluation complète cognitive et sensorielle est indispensable afin d’étudier par exemple la coordination visuo-spatiale.
Les moments du dépistage se situent :
— à la période ante-natale où l’on préconise, au 4e et 7e mois de grossesse, un dépistage systématique des menaces d’accouchement prématuré, des anomalies de croissance fœtale et des malformations par échographie, des marqueurs sérologiques à la recherche du risque de trisomie 21 ;
— à la naissance , un score d’Apgar, considéré comme un test de vitalité est quand il est bas, un indice de risque de déficit neurologique pour la première année. L’hypothyroidie congénitale, la phénylcétonurie, la mucoviscidose et l’hyperplasie congénitale des surrénales font l’objet, en France, de dépistages néonataux de masse et la drépanocytose d’une recherche ciblée chez les enfants d’ascendance africaine, antillaise ou asiatique ; le dépistage systématique de la surdité se met en place progressivement. Aucun de ces examens ne permet à lui seul de faire un diagnostic. Il s’agit seulement de la sélection d’enfants qui doivent être soumis à des examens approfondis pour confirmation ou infirmation du diagnostic.
Les examens de santé du nourrisson et du jeune enfant, théoriquement pratiqués vingt fois de la naissance à 6 ans, devraient permettre un large dépistage systématique de la plupart des facteurs de handicap. En fait, ils ne sont pas suffisamment effectués en raison du manque d’effectifs des services de PMI et de médecine scolaire. Les médecins ne sont pas souvent formés dans ce domaine en raison de la réduction massive du nombre des pédiatres.
De nombreux dépistages de troubles cognitifs, comportementaux, sensoriels ou de motricité fine sont effectués par les enseignantes d’école maternelle qui sont les meilleures observatrices des enfants. Les obstacles au dépistage sont multiples : incompétence ou fuite devant les constats (le mot de « retard » est souvent utilisé). L’échec du traitement substitutif des hypothyroïdies congénitales diagnostiquées tardivement est un bon exemple des conséquences de ces « retards ».
Parmi les autres facteurs de dépistage tardif, il est possible de citer :
— le déficit de compétence des professionnels par manque de formations semblables à celles qui sont organisées dans de multiples pays étrangers (pédiatrie du développement et du comportement) ;
— l’errance des familles facteur de ruptures du suivi car le désarroi des parents s’accentue au fur et à mesure de leur changement de région, et donc d’interlocuteur.
— les difficultés psychologiques ou/et la désunion des parents, autre élément de déni ou de prise en charge tardive d’un déficit mental de l’enfant : à la fragilité du lien parental, vient s’ajouter la souffrance et le désarroi d’un couple qui doit se reconstruire.
Certes, il n’est pas de structure dévolue à la petite enfance qui ne participe de manière plus ou moins systématique à cette mission, souvent difficile, de distinguer ce qui est développement normal ou pathologique ; maternités, consultations libérales, médecine scolaire, Centres d’Action Médico-Sociale Précoce bien entraînées au dépistage, au diagnostic et à l’orientation, mais qui sont victimes de leur succès car les listes d’attente sont longues et limitées à l’âge de six ans qui leur est imposé.
Les problèmes posés par l’intégration scolaire
L’extrême complexité de la situation du handicap, qui entraîne de multiples répercussions des déficiences sur le développement global de l’enfant et surtout sur son entourage, est l’objet d’un déni. Ce rejet inavoué frappe particulièrement les enfants porteurs de troubles de la conduite et du comportement, ce qui explique le dépistage tardif, l’absence de prévention à l’école maternelle, la culpabilisation des familles et des enseignants.
L’école apporte une illusion de normalisation ; les lois de 1975 et de 2005 reconnaissent le droit à tout enfant handicapé d’être inscrit en milieu ordinaire à l’école la plus proche du domicile, appelé établissement de référencé. Un maître référent est désigné pour chaque enfant. Malheureusement, ce maître peut être responsable de nombreux enfants (parfois plus de cent). Un projet d’accueil individualisé, et un projet personnel de scolarisation est établi avec l’avis de l’enseignant, du médecin qui suit l’enfant et de la famille. S’il n’existe pas d’établissement de référence de structure adaptée, l’enfant peut être orienté vers un autre établissement scolaire :
— pour l’enseignement primaire, les classes d’intégration scolaire (CLIS) pour handicap mental auditif, visuel, moteur ou trouble du langage ;
— pour l’enseignement secondaire, les unîtes pédagogiques d’intégration (UPI) pour les mêmes handicaps, ainsi que les établissements régionaux d’enseignement adapté (EREA) ;
— pour l’enseignement professionnel les établissements d’enseignement général et professionnels adaptés (EGPA).
Pour ce qui concerne les enfants ayant une déficience intellectuelle un accueil en école maternelle est souvent possible s’il n’existe pas de troubles du comportement ; mais il ne faut pas imposer une scolarisation à tout prix en cours primaire et lors de l’adolescence. La CLIS est une très bonne solution si son fonctionnement est adapté et si l’enfant bénéficie de la présence d’un auxiliaire de vie scolaire. Il faut reconnaître que l’enfant sera parfois plus heureux en établissement spécialisé (Institut médico-éducatif, IME, ou établissements médico-pédagogiques, EMP) ou plus tard en institut médicoprofessionnels (IMP) où il se sentira moins différent des autres. Pour ce qui est des enfants autistes, après une rééducation précoce, il serait possible d’envisager une intégration secondaire en CLIS, mais il faudrait créer des centres de rééducation adaptés en nombre suffisant. En ce qui concerne les psychoses infantiles, l’intégration scolaire n’est pas adaptée. Des centres spécialisés ou des hôpitaux de jour comportant des éducateurs spécialisés, des orthophonistes, des psychologues, des psychiatres, manquent cruellement dans notre pays. Pour les troubles du langage et les troubles sensoriels, l’orientation vers une classe normale ou spécialisée se fera après avis d’un Centre de référence.
Le parcours des parents
C’est une course d’obstacles qui peut débuter au moment du diagnostic néonatal devant un choix qui n’en est pas un: garder un enfant handicapé viable, acte héroïque, ou non.
La loi HPST, qui vise à faire collaborer plus étroitement le secteur sanitaire et le secteur médico-social sur un même territoire ne confirme pas le statut de coordinateur du projet de soin dévolu au médecin traitant. Le retard de la recherche thérapeutique au profit de la recherche diagnostique est perçu comme une absence de volonté collective de recherche sur la personne handicapée et fait mettre en doute la volonté de son intégration. Par ailleurs, les associations de parents reprochent aux praticiens de ville un désengagement du suivi du jeune patient qu’ils confient au Centre d’Action Médico-Sociale Précoce (CAMSP). En conséquence, l’enfant, à l’âge de six ans, arrive à la fin de la prise en charge du CAMSP et ne dispose plus de structure de soins. Il serait utile que le médecin traitant dispose de conditions lui permettant de prendre le temps de coordonner les intervenants du soin, car la situation actuelle est génératrice de redondances d’examens, de surcoûts et d’épuisement des parents. Elle génère un défaut de prise en charge et une aggravation du handicap qui augmenteront les dépenses médico-sociales.
La recherche nécessite une base épidémiologique solide qui avait été confiée aux Maisons départementales des personnes handicapées mais le cloisonnement disciplinaire dans ce secteur est défavorable au développement d’approches transversales telle celles que pratiquent les pays anglo-saxons.
À côté de ces difficultés qui concernent la prévention, les soins et la recherche, se pose le problème de l’accessibilité aux structures éducatives. Pour le petit enfant, la carence de place en halte garderie et en jardin d’enfants adaptés est un obstacle majeur à l’intégration. Les parents tentent volontiers de prendre en charge l’intégration sociale de leur tout petit enfant. L’expérience prouve toutefois que ce réflexe d’hyper-protection peut conduire à la maltraitance lorsque la personne handicapée arrive à l’âge adulte, car les parents s’épuisent à cette prise en charge qui conduit dans de nombreux cas à l’éclatement familial. La scolarisation constituera une thématique prioritaire de l’application de la loi de 2005. Les effets positifs s’en font certes déjà sentir mais on ne peut occulter un point fondamental qui fait obstacle à la scolarisation des enfants handicapés : le médecin scolaire doit être formé à la prise en charge des différents types de handicaps, notamment cognitifs et psychiatriques et devenir le correspondant naturel du médecin de l’équipe pluridisciplinaire de la Maison du handicap. Les auxiliaires de vie scolaire (AVS) sont des personnels de l’Education nationale, le plus souvent sous contrat à durée déterminée, fréquemment sans formation spécifique. Ils devraient être seuls par enfant, ce qui n’est malheureusement, pas le cas et, devant l’incohérence juridique de ces contrats non renouvelables pour un enfant qui nécessite une aide particulièrement stable, il n’a malheureusement pas été trouvé d’autre solution que de renvoyer la responsabilité de gestion au secteur associatif. Les associations posent la question de savoir la raison pour laquelle la gestion de ces personnels n’est pas confiée actuellement aux services d’éducation spéciale et de soins à domicile, ce qui permettrait de lever l’obstacle du cloisonnement administratif. Le champ des loisirs est le seul pour lequel on peut considérer que l’objectif a été atteint : visites de monuments, de sites touristiques, cinémas, expositions, clubs sportifs, etc… En revanche, le problème du transport entre la structure de soins et la structure éducative n’a pas été traité.
Certaines structures de soins prennent en charge le transport et l’organisent ;
d’autres ne le font pas. Enfin le temps post-scolaire reste un sujet ignoré. Pour ce qui est de la pré-professionnalisation, l’accompagnement humain est à la personne handicapée mentale ce que le fauteuil roulant est à la personne handicapée physique et les aides, qu’elles soient humaines ou techniques, pour assurer l’accompagnement à toutes les étapes de la vie, et dans tous les environnements, sont à traiter à niveau égal. La suite des unités pédagogiques d’intégration n’est pas assurée et on assiste, malheureusement, aux premiers suicides d’adolescents handicapés.
Les Maisons départementales des personnes handicapées ont constitué un effort considérable et efficace vers l’humanisation des démarches administratives, l’accueil et l’information des parents, l’évaluation de leurs besoins et la reconnaissance de leurs droits. Il n’en reste pas moins que l’accès à l’information reste un problème majeur pour les parents et a fortiori pour ceux qui sont issus de l’immigration ou de milieux socio-économiques défavorisés. Pour ces derniers l’accès aux droits est complexe et les procédures peu compréhensibles. Le soutien du secteur associatif reste encore actuellement indispensable.
L’accompagnement des parents
Après avoir détaillé les difficultés auxquelles les parents sont confrontés, vient pour eux la nécessité d’un accompagnement. Le conseil national consultatif des personnes handicapées , crée en 1975, a vu, au cours du temps, l’élargissement de son rôle : ne pas considérer le handicap comme une situation d’exception mais comme une réalité ordinaire de la vie. C’est grâce à lui qu’a été décrit le plan personnalisé de compensation, dont le décret portant sur la coopération entre les établissements, les services, les personnels d’enseignement et ceux du secteur médicosocial.
Le rôle des maisons du handicap est, en associant les familles, de construire le projet de vie de l’individu en partant de ses besoins et de ses aspirations. Il s’agit d’un projet évolutif qui ne peut être fondé uniquement sur les rapports médicaux mais doit faire appel à d’autres disciplines. En pratique, si l’esprit est en train de changer, la formation des personnels n’a pas été suffisante et un travail de sensibilisation reste à faire pour optimiser l’accueil des personnes handicapées mentales. Faut-il créer de nouveaux métiers dans le secteur éducatif pour réaliser les projets d’accompagnement — accessibilité ou d’aide compensation évoqués dans les textes ? L’enseignant référent est au premier plan du personnel responsable de l’accompagnement et il est la clé de voûte de tout le dispositif de scolarisation des élèves en position de handicap. Son rôle consiste à être le lien entre les parents et les différents partenaires de l’enfant.
Pour l’instant, malheureusement, le nombre de ces enseignants référents est trop faible dans la plupart des départements. De plus, ils sont assez souvent peu formés à leur nouvelle mission.
Il en est de même pour ce qui concerne les aides de vie scolaires , mais les missions de l’aide de vie scolaire ne répondent ni aux missions de l’enseignant ni à celles des professionnels de l’aide. Faut-il créer un nouveau métier ? En tous cas, ces auxiliaires peuvent exercer un rôle en classes maternelles, à l’école élémentaire, voire au collège mais leur rôle devient impossible dans le second degré. Quant au manque de formation initiale et continue spécialisée des personnels de l’éducation, il ne reflète que celui du personnel d’enseignement spécialisé ou non et du personnel non enseignant de toutes les académies et de tous les départements. La réforme qui fait disparaître les Instituts Universitaires de Formation des Maîtres aggrave encore cette situation. Tous ces inconvénients se retrouveront quand il s’agira de l’intégration dans l’emploi des personnes handicapées mentales.
Il est possible de résumer la situation comme suit :
— Après les « structures sanitaires » et les familles entrent en jeu les structures médico sociales et l’Éducation Nationale. Un enfant en milieu médico-social a déjà pris ses distances avec le soin.
— Nombre d’adolescents chez qui se révèle un handicap psychique (c’est le cas des schizophrénies à versant déficitaire) souffrent d’un manque de compétence dans leur orientation qui leur permettrait de sortir d’une impasse génératrice de souffrance et de désinsertion.
— Il ne faut plus opposer insertion en milieu normal et filières spécialisées. Ce qui importe est : que peut acquérir l’enfant? comment peut-il l’acquérir?
pour déboucher sur quel métier ?
Un centre départemental d’orientation à dimension sanitaire (comportant des médecins psychiatres), pédagogique, familiale et professionnelle devrait permettre d’évaluer les aptitudes de l’enfant et, par conséquent, de choisir une orientation et d’aider les parents à y adhérer pour soutenir l’enfant. Resterait ensuite à contacter le spécialiste de la profession correspondant au mieux à l’état de l’enfant pour mettre en place une démarche pédagogique tenant compte des possibles débouchés en entreprise. Un partenariat pédagogique soignant, entrepreneur, parents est donc à construire à l’issue de la période d’observation et d’orientation.
Réflexions sur l’augmentation de la longévité chez les sujets souffrant d’un handicap mental :
Trois questions se posent :
— Y a t il une spécificité médicale du vieillissement chez les sujets handicapés mentaux.
— Comment préparer le vieillissement des handicapés mentaux ?
— Qu’elle attitude sociale adopter vis-à-vis du handicapé mental qui vieillit ?
Il est banal de constater que la proportion de personnes âgées de plus de 65 ans en France est passée de 5,6 % de la population en 1800 à 15,30 % à la fin du xxe siècle. Cette évolution s’applique aux personnes souffrant d’un handicap mental, mais pour la première fois l’espérance de vie des handicapés n’a plus rien à voir avec ce qu’elle était dans la génération précédente et leur qualité de vie s’est considérablement améliorée. Il est urgent de coordonner, de consolider et de mettre en œuvre des initiatives nouvelles, car notre pays est en retard.
— Le vieillissement des personnes handicapées mentales se manifeste souvent plus tôt que dans la population générale et peut prendre des aspects spécifiques en fonction de la cause du handicap, ce qui peut rendre délicate la reconnaissance de la pathologie et l’accompagnement du patient : la douleur physique se traduit souvent par des troubles du comportement qui orientent plus vers le psychiatre que vers le médecin ou le chirurgien qui auront bien du mal à localiser leur origine. Cependant, la majorité des handicapés mentaux vieillira comme l’ensemble de la population, espé- rance de vie et problèmes de santé étant similaires. Chez les handicapés, le ralentissement, le rabâchage, les troubles de la mémoire, les tics, l’accentuation des rituels inquiètent aussi bien les familles que les professionnels et l’on parle volontiers de démence voire de maladie d’Alzheimer.
Toute détérioration progressive doit être comparée à son niveau avant l’apparition des signes inquiétants, particulièrement pour les déficients mentaux, raison pour laquelle l’identification d’une démence dans ce groupe de patients est si difficile. La démence sénile de type Alzheimer n’est pas une fatalité chez les personnes atteintes d’un handicap mental. Les études scientifiques montrent en effet qu’elle n’est pas plus fréquente que dans la population générale même chez les trisomiques 21: un trouble de l’orientation, une perte des automatismes, un changement d’humeur, une incontinence ne sont pas des signes conduisant systématiquement à ce diagnostic. Il faut donc se garder de tout rapprochement systématique entre la trisomie 21 et la maladie d’Alzheimer : la génétique a considérablement évolué, et depuis la découverte d’un gène impliqué dans la maladie d’Alzheimer sur le chromosome 21, on en connaît maintenant quatre autres situés sur d’autres chromosomes. Ce n’est pas le lieu ici de déterminer les différences séméiologiques entre la dépression et la démence sénile chez un sujet handicapé mental, mais il est indispensable de pouvoir éliminer l’existence de lésions cérébrales organiques auxquelles l’imagerie pourrait apporter son appui.
— Une deuxième question est de préparer le vieillissement de la personne handicapée mentale, d’autant plus difficile qu’il n’y a donc pas d’expérience antérieure. Il semble ce soit dès la petite enfance que la préparation, essentiellement sociologique, doive se faire : lui permettre d’avoir des amis, d’être heureux en dehors de la présence de ses parents, d’être fier de lui, de prendre son envol parce qu’il est devenu un homme ; tout ceci est inquantifiable et il est extrêmement difficile, du fait des contraintes administratives, que le retour au foyer parental ne soit pas programmé automati- quement et que l’enfant puisse demander à aller retrouver ses parents à n’importe quel moment.
— Une dernière question obsédante est celle-ci : que proposer au handicapé mental qui vieillit : que deviendra-t-il lorsque nous ne serons plus là ? Cette question est posée par tous les parents vieillissants actuellement. Il est encore des personnes handicapées mentales qui, à la quarantaine, n’ont jamais quitté le domicile de leurs parents car, lorsqu’ils étaient jeunes, les structures d’accueil n’existaient pas ou manquaient de place. Ils ne peuvent être admis en maison de repos spécialisée car ils n’ont pas l’âge requis. Si on les sépare, ils vont disparaître très vite, chacun de leur côté. Les autres, qui ont vécu en foyer CCAT, risquent à cause d’une limite d’âge fixée arbitrairement d’être chassés d’une structure d’accueil ou ils avaient trouvé une vie personnelle et collective satisfaisante pour eux. Chacun vit difficilement sa mise à la retraite, la question majeure restant celle du lieu de vie :
faut-il garder les résidents handicapés vieillissants dans les institutions où ils côtoient les plus jeunes ? Ne risque-t-on pas alors de transformer le foyer de vie en maison de retraite pour tous ? Faut-il transférer les personnes âgées dans d’autres structures adaptées à leur condition ? Ne risque-t-on pas alors de les reléguer dans un mouroir ? Nous n’avons aucune solution miracle à proposer et, une fois de plus, il faut se tourner vers les associations de familles, plus particulièrement l’UNAPEI (L’Union nationale des associations de parents, de personnes handicapées mentales et de leurs amis), pour tenter d’aider les parents d’enfants handicapés mentaux au soir de leur vie.
Une perspective nouvelle d’enseignement : la pédiatrie du développement et du comportement • Une appréciation grossière permet de chiffrer à 10 % environ le pourcentage d’enfants de trois à dix huit ans menacés d’un déficit physique mental ou comportemental nécessitant un accompagnement spécialisé. Pour la France, il s’agit de 70 000 à 80 000 enfants par classe d’âge, soit entre 1,2 et 1,5 millions d’enfants ou d’adolescents de 5 à 18 ans.
Les réponses institutionnelles reposent sur l’individualisation de différentes disciplines médicales : génétique, médecine fœtale, néonatologie, neurologie pédiatrique et pédo-psychiatrique, endocrinologie, médecine de réadaptation, tandis que des professions paramédicales se sont tournées vers des pathologies de l’enfant : kinésithérapeutes, ergothérapeutes, psychologues, psychomotriciens, orthophonistes, orthoptistes, éducateurs… Même s’il existe d’authentiques équipes multidisciplinaires, comme dans les Centres publics d’Action Sociale (CPAS), Centres médico-psycho-pédagogiques (CMPP), Centres médico-psychologiques (CMP), ces spécialités sont souvent cloisonnées et confinées dans des structures hospitalières, on manque de praticiens dûment formés au développement précoce de l’enfant. La mise en place récente de réseaux de suivi d’enfants vulnérables comme le sont les anciens prématurés se heurte à de réelles difficultés de qualification des médecins dans le domaine de la séméiologie fine durant les premières années.
Les connaissances récentes sur la plasticité cérébrale et l’influence des interactions très précoces entre l’enfant et son milieu remettent en question le rythme et la qualité de l’observation nécessaires pour juger de son développement. De multiples disciplines scientifiques et médicales se consacrent à l’étude du développement tant physique que pathologique. Leur acquis doit être transposé à la pratique non seulement du diagnostic et du traitement des maladies du développement, mais aussi à celle de leur prévention. L’insertion sociale requiert de plus en plus de compétences et les professionnels de santé susceptibles d’accompagner les familles auprès des enfants, notamment les pédiatres, se raréfient. Le transfert d’une mission de santé au personnel de l’éducation nationale, favorise l’intégration scolaire des enfants à risque de handicap mais ne résout en rien le paradoxe de l’accroissement du corpus de connaissances transposable en pratique et de la réduction du nombre des praticiens spécialisés. La perte de chances pour les enfants non secourus à temps dans la période cruciale de leur développement est majeure.
Une discipline transversale s’est progressivement développée aux Etats-Unis et au Canada, puis en Europe, où s’organisent des diplômes universitaires qui restent cependant encore séparés. La création d’une sur-spécialité de pédiatrie du développement, formant des spécialistes multidisciplinaires capables d’aborder l’ensemble des problèmes du développement des premiers mois permettrait de synthétiser, sans les remplacer, les compétences des sur-spécialités dont elle emprunterait les activités (pédiatrie, néonatologie, pédo-psychiatrie, neuropsychologie, etc.) L’organisation d’une telle spécialité nouvelle devrait être envisagée dans le contexte socio économique de la médecine française.
L’Académie nationale de médecine émet les recommandations suivantes :
— Mettre en place un registre national et départemental évolutif du handicap.
— Donner un rôle majeur aux médecins traitants et aux experts compétents dans un Comité médical au sein des Maisons du handicap.
— Reconnaître l’importance considérable des troubles neurologiques centraux dans la genèse et la prise en charge souvent définitive de ces handicaps.
— Combattre l’augmentation croissante de ces troubles en informant largement sur les risques des grossesses tardives, la consommation du tabac, de l’alcool et du cannabis au cours de la grossesse et en luttant contre la prématurité.
— Définir et évaluer rigoureusement les stratégies de prise en charge de l’autisme fondées sur des informations validées au plan international.
— Favoriser dans l’avenir les techniques d’analyse pangénomique validées afin d’améliorer la pratique des bilans d’exploration.
— Rechercher l’adéquation entre le nombre d’examens de santé du nourrisson et du jeune enfant et un véritable dépistage des maladies handicapantes : le manque de temps, voire de compétence, de médecins formés dans ce domaine est une des raisons de certaines des insuffisances persistant à cet égard.
— Renforcer l’information des médecins dans le domaine de la pédiatrie du développement et rendre cette action efficace en améliorant les moyens de prise en charge des enfants. A cet effet, créer une sur-spécialité de médecine de pédiatrie du développement, favoriser la formation de maîtres spécialisés et former les auxiliaires de vie scolaire en nombre suffisant en leur assurant un emploi stable.
— Ne pas imposer à tout prix une intégration scolaire, particulièrement dans l’enfance et l’adolescence. Mieux vaut un enfant heureux en institut éducatif que malheureux dans une classe normale.
— Préparer l’avenir de ceux qui, compte tenu de l’allongement prévisible de la durée de leur vie, seront orphelins. Dans ce but, créer pour ces enfants des centres d’accueil leur permettant des conditions d’existence convenables.
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L’Académie, saisie dans sa séance du 8 novembre 2011, a adopté le texte de ce rapport par 73 voix pour et 7 abstentions.
Bull. Acad. Natle Méd., 2011, 195, no 7, 1691-1709, séance du 25 octobre 2011