Résumé
La précision de l’échotomographie per-cutanée, investigation diagnostique inoffensive, augmente, quand la sonde émettrice-réceptrice se rapproche de l’organe exploré, d’où l’utilisation des voies naturelles (dont vagin et rectum). Ces sondes, fragiles et coûteuses, sont engainées et nettoyées après chaque examen pour éviter toute contamination. Les produits et techniques de désinfection, avec guides de bonnes pratiques, sont régulièrement mis à jour. La conférence de presse d’une association de patients à Paris le 16 janvier 2009, note une discordance entre opinion de scientifiques étrangers et recommandations du Haut Conseil de Santé Publique (HCSP) sur la désinfection des sondes endo-rectales et endovaginales (rapport (14.12.07) confirmé par avis (17.10.08) puis communiqué (16.01.09). M. Jean-Paul Delevoye, Médiateur de la République, s’en inquiète. Sa lettre au Secrétaire perpétuel (22.01.09) saisit l’Académie. Elle a déjà rapporté sur ces questions. Le groupe de travail constitué, dès les premières de ses vingt auditions, élargit l’analyse à tous les orifices naturels et aux spécialités médico-chirurgicales concernées. Un premier chapitre rappelle l’évolution technique et relationnelle de la médecine et définit les mots, sources de polémique. « Endo-cavitaire » oppose les sites naturels « ouverts » commençant là où la peau cède à la muqueuse, fragile et sécrétante, qui tapisse l’espace transitoirement rempli ou collabé (tube digestif, voies génitales) ou bien aérique (oreille moyenne, alvéoles pulmonaires), avec germes, pathogènes ou non, en gradient décroissant en profondeur (appareil génital féminin, voies aériennes supérieures) aux sites « fermés », stériles (vasculaires cérébro-spinaux, articulaires) non concernés ici. L’équilibre entre pouvoir pathogène des micro-organismes et défenses du sujet se décompense pour différentes raisons, dont celle de l’effraction de la muqueuse, par traumatisme iatrogène ou par geste chirurgical, diagnostique (biopsie prostatique transrectale…) ou thérapeutique (ablation de polype…). Les microorganismes pénètrent et deviennent pathogènes. Parmi les dispositifs médicaux (DM) introduits, ceux à diagnostic visuel direct (endoscopie ou échographie) respectent la muqueuse, alors que ceux à fonction chirurgicale diagnostique (biopsie) ou thérapeutique (exérèse) ne sont pas concernés (instruments jetables ou stérilisables). Il faut expliquer au public la relation entre efficacité et dangerosité des techniques, durée d’exposition, nature et concentration des produits utilisés… Le poids des mots joue : « haut et bas » niveaux n’ont pas le même poids s’ils s’appliquent à un risque ou à une action bienfaisante (annexes). Deuxième chapitre, celui de la règlementation en désinfection des DM, en France et à l’étranger, relève de deux démarches. L’évaluation d’un risque infectieux a trois niveaux (deux seulement aux USA, source de confusions), « haut » (donc stérilisation, circ. DGS/ DHOS (20.10.97), « médian » et « bas », mesurant le risque de transmission, selon l’acte médical, le tissu et une possible pathologie infectieuse (dont le risque prion Circ. DGS 14.03.01). Les deux derniers mènent à la désinfection, éliminant seulement les micro-organismes « indésirables ». Normalisation : la désinfection, aux niveaux de risques bas et moyen (méthodes, arbres décisionnels, procédures et produits utilisés) garantit méthodologies et réutilisation sécurisée des DM, avec consensus des sociétés internationales de spécialités. Une labellisation nationale « NF » (normes France, AFNOR, Ass. Fr. de NORmalisation) et européenne « NF EN » (plus de 25 ‘‘european norms’’) expliquent la norme « NF EN 14885 (février 2007), précisant propriétés et conformité des temps de contact, température, diluant d’un produit à propriétés désinfectantes et utilisation médicale. Nettoyeurs de DM et leurs désinfectants ont leurs normes NF EN et International Standard Organization (ISO 15883). À chaque procédure correspondent des propriétés bactéricides, fongicides, virucides, voire sporicides. La distinction d’efficacité se fait sur « l’état de propreté » de l’instrument après le premier patient et, non pas, sur le seul spectre anti-microbien. En France, se succèdent « Guide des bonnes pratiques de désinfection des DM » du CSHPF (1998), la mise à jour de la Circulaire « agents transmissibles non conventionnels », le rapport « Gaines de protection à usage unique pour DM réutilisables » (HSCP, CTINILS et AFSSAPS, 14.10.07), le rapport de l’Institut de Veille Sanitaire (InVS, 05.02.08) « Analyse du risque infectieux lié aux échographies endocavitaires en l’absence de protection ou de désinfections des sondes entre patients », suivis, le 17.10.08 par un « avis relatif à La désinfection des sondes à échographie endocavitaire. Recommandations sur l’utilisation de gaines de protection au lieu de la désinfection pour certains dispositifs médicaux », avis puis communiqué de presse HCSP (16.01.09). L’InVS conclut « Pour chacun des micro-organismes retenus dans cette analyse, les risques (…) sont très faibles (…), le risque infectieux lié aux échographies endocavitaires sans biopsie (…) inconnu. Aucun cas d’infection lié à ce contexte n’est rapporté dans la littérature (…) ». La classification de Spaulding (Guide 1998), classe les traitements en « niveaux de risque infectieux bas, médian ou haut » mais ne définit pas les caractéristiques des désinfectants. La Liste Positive des Désinfectants se base sur trois niveaux de traitement 1, 2 ou 3 avec leurs propriétés bactéricides, fongicides, virucides, voire sporicides. L’état de l’instrument après le premier patient définit le Niveau 1, « propre » (gaine sans contact ou contact de peau saine, désinfectant NF EN 14885, en conditions de propreté), le Niveau 2 (contact de secrétions biologiques ou gaine rompue = protocoles en conditions de saleté, prétraitement de nettoyage suivi de trempage (acide peracétique…) ou gaz-plasma). Un traitement stérilisant de niveau 3 est contre-productif sans prétraitement de nettoyage. Niveau 3 : l’instrument doit être utilisé stérile. La « désinfection par rayons UV C », présentée faussement comme de niveau 2 est non fondée, sans norme expérimentale, de niveau 1 seul, et nécessite un nettoyage préalable. Le chapitre suivant évoque l’affaire exceptionnelle du Dr X, origine de la demande (septembre 2007, 5 cabinets de radiologie du nord de la France). La discussion donne une explication mercantile au matériel à UVC, inefficace. Enfin, trois réponses viennent aux questions résumant la saisine : l’émotion initiale suscitée n’est pas justifiée, même si elle est explicable, car provoquée par une information incomplète, à l’occasion de l’événement exceptionnel ci-dessus ; sur les méthodes de désinfection, différentes pratiques ne s’opposent pas. Au contraire, les réglementations et normes industrielles convergent, en France, en Europe et aux USA. Depuis 2007, les sociétés savantes, médicales et chirurgicales, ont appliqué les recommandations du HCSP à leurs propres recommandations de bonnes pratiques ; la discordance « constatée » entre les recommandations de bonnes pratiques médicales du HCSP et l’opinion des scientifiques rassemblés par l’Association de Patients, n’est pas préoccupante. Elle n’est qu’apparente, par une discordance des mots et non des faits.
Summary
The precision of percutaneous echotomography, a safe diagnostic investigation, increases as the probe nears the target organ. Hence the use of natural pathways, including the vagina and rectum. These probes are fragile and expensive, and are sheathed and cleansed after each examination, to avoid infection. The products and techniques used for disinfection, and good practice guidelines, are regularly updated. The press conference held by a patient association in Paris on 16 January 2009 underlines a conflict of opinion between foreign scientists and the recommendations of the French Authority for Public Health (HCSP) on the disinfection of endorectal and endovaginal probes, dated 14 December 2007. M. J.-P. Delevoye, Mediator of the Republic, wrote to the Perpetual Secretary of the French Academy of Medicine on 22 Jan 2009, requesting an opinion. The Academy has already examined these questions. The task force, early in its series of twenty auditions, extended their analysis to cover all natural orifices and all relevant medico-surgical specialties. The first chapter of the Academy’s report recalls the relational and technical evolution of medicine and defines certain controversial terms. ‘‘ Endocavitary ’’ — ‘‘ open ’’ natural sites, where the skin is replaced by a fragile secretory mucosa, that lines the spaces transiently filled or collapsed (digestive tube, genital tracts) or air-filled cavities (middle ear, bronchi, etc.), in which micro-organisms (pathogenic or saprophytic) become gradually less abundant as the depth from the surface increases (female genital tract, upper airways, etc.) — are distinguished from ‘‘ closed ’’, sterile sites (vascular, cerebrospinal, articular), that are not concerned by this issue. The balance between microbial pathogenicity and host defenses may be upset by various factors, including mucosal damage due to iatrogenic trauma or surgery, and diagnostic (transrectal prostatic biopsy, etc.) or therapeutic procedures (polyp removal, etc.). Medical devices used for direct visual diagnosis (endoscopy or sonography) respect the mucous membranes, while those used for surgical diagnosis (biopsy) or treatment (excision) are not concerned, as they use disposable or sterilisable instruments. It is necessary to explain to the public the relationship between the efficacy and risks of a given technique, the duration of exposure, the nature and concentration of the products used, etc. The choice of words is important : ‘‘ high ’’ and ‘‘ low ’’ do not mean the same thing when describing a risk and a benefit (annexes). The second chapter examines the regulation and disinfection of medical devices in France and abroad, from two approaches. The three grades of infectious risk (only two in the United States, representing a source of confusion) : ‘‘ high ’’ (requiring sterilization, DGS/DHOS circular dated 20 October 1997), ‘‘ medium ’’ and ‘‘ low ’’, measure the risk of transmission, depending on the medical procedure, the tissue, and possible infections (including prions, DGS circular dated 14 March 2001). These latter two categories require disinfection, to eliminate only ‘‘ undesirable ’’ microorganisms. Normalization : disinfection, depending on the low and medium risk levels (methods, decision trees, procedures and products used) methodological guarantees and safe reuse of medical devices, with consensus statements from learned societies. A national label ‘‘ NF ’’ (French norm, AFNOR) and the European ‘‘ NF EN ’’ (more than 25 European norms) explain the norm ‘‘ NF EN 14885 (February 2007), specifying the properties and conformity of the disinfectant contact time, temperature, diluents, and medical use. Medical device cleaners and their disinfectants are covered by NF EN and International Standard Organization norms (ISO 15883). Each procedure is subject to bactericidal, fungicidal, virucidal and possibly sporicidal criteria. The distinction of efficacy is based on ‘‘ the state of cleanliness ’’ of the instrument after the first patient, and not only on the antimicrobial spectrum. In France, the relevant documents comprise ‘‘ Good practice guidelines for disinfection of medical devices ’’ from CSHPF (1998), an update of the ‘‘ Non conventional transmissible agents ’’ circular, a report entitled ‘‘ Single-use protective sheaths for reusable medical devices ’’ (HSCP, CTINILS and AFSSAPS, 14 October 2007), the Health Watch Institute report (InVS, 5 February 2008) entitled ‘‘ Analysis of the infectious risk linked to endocavitary sonography in the absence of probe protection or disinfection between patients ’’, followed on 17 October 2008, by an ‘‘ Opinion statement on disinfection of endocavitary ultrasound probes. Recommendations on the use of protective sheaths instead of disinfection for some medical devices ’’ ; and an opinion statement and press release from HCSP (16 January 2009). InVS concluded that ‘‘ For each of the microorganisms analyzed here, the risks (…) are very low (…), the infectious risk linked to endocavitary ultrasound probes without biopsy (…) is not known. No cases of infection in this setting have been reported in the literature (…) ’’. Spaulding’s classification (1998 Guide) classifies treatments as having a ‘‘ low, medium or high infectious risk ’’ but does not define the characteristics of disinfectants. The Positive List of Disinfectants is based on three levels of treatment (1, 2 and 3) and their bactericidal, fungicidal, virucidal, and possibly sporicidal properties. The state of the instrument after the first patient defines Level 1, ‘‘ clean ’’ (sheath without contact, or contact with healthy skin ; disinfectant NF IN 14885, in clean conditions), Level 2 (contact with biological secretions, or broken sheath = protocols in contaminated conditions, cleansing pretreatment followed by soaking (peracetic acid, etc.) or gas-plasma). Sterilizing treatment (level 3) is counterproductive without cleansing pretreatment. Level 3: the instrument must be used sterile. Disinfection with UVC radiation, falsely represented as level 2, has no firm basis, without an experimental norm ; level 1 only ; and necessitates preliminary cleansing. The next chapter examines the exceptional case of Dr X, from whom the request originated (September 2007, 5 radiology units in northern France). The discussion gives a mercantile explanation to UVC equipment, which is ineffective. Finally, three answers are provided to the initial question: the considerable emotion initially expressed was unjustified, although understandable, being due to incomplete information, following the exceptional event described above ; different methods of disinfection are acceptable. Regulations and industrial norms in France, Europe and the United States tend to agree. Since 2007, medical and surgical learned societies have applied HCSP recommendations to their own practice guidelines ; the ‘‘ observed ’’ conflict between HCSP guidelines and the opinion of scientists consulted by the patient association is not a source for concern. It is simply due to a problem of words, not facts.
CONCLUSION
Questions de la saisine et réponses du groupe de travail
La lettre du Médiateur de la République, Monsieur Jean-Paul Delevoye, se résume en trois questions :
La controverse actuelle relative à la désinfection des sondes d’échographies endocavitaires notamment endovaginales et endorectales mérite-t-elle l’émotion suscitée ?
La réponse est non : la controverse en question ne mérite sûrement pas l’émotion suscitée. Toutefois, cette émotion est explicable. Elle a été provoquée, à l’occasion d’un événement exceptionnel hors des normes et des règlements, par une information incomplète.
Différentes pratiques s’opposent-elles vraiment sur les méthodes utilisées pour les désinfecter ?
La réponse est non : les pratiques ne s’opposent pas.
Elles ne s’opposent pas en ce qui concerne les appareillages et les procédures ; au contraire leur convergence est en cours dans le domaine de la réglementation des normes industrielles entre la France, l’Europe et les USA.
Les pratiques médicales ne s’opposent pas, ni en France ni à l’étranger. Toutes les sociétés scientifiques spécialisées ont adapté les recommandations du HCSP depuis 2007 à leurs propres recommandations de bonnes pratiques.
Existe-t-il une discordance préoccupante entre les dernières recommandations de bonnes pratiques médicales du Haut Conseil de la Santé Publique et l’opinion des scientifiques rassemblés par l’Association de Patients, à l’occasion de sa conférence de presse du 17 janvier 2009 ?
La réponse est non : la discordance « constatée » n’est pas préoccupante.
Elle est seulement apparente : c’est une discordance de termes et non de faits.
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L’Académie, saisie dans sa séance du mardi 8 décembre 2009, a adopté le texte de ce rapport à l’unanimité.
Ce rapport, dans son intégralité, peut être consulté sur le site www.academie-medecine.fr
Bull. Acad. Natle Méd., 2009, 193, no 9, 2121-2126, séance du 8 décembre 2009