Rapport
Session of 16 juin 2009

09-14 Sur la demande d’autorisation d’exploiter, à l’émergence, l’eau du captage Saint Charles par l’établissement thermal de Berthemont-les-Bains, situé sur la commune de Roquebillière (Alpes Maritimes)

MOTS-CLÉS : eau minéralisée. roquebillière (alpes maritimes).. source « saint charles »

Richard Trèves

Richard TRÈVES *

CONTEXTE GÉNÉRAL DE LA DEMANDE ET MISE AU POINT PRÉALABLE DE L’ACADÉMIE NATIONALE DE MÉDECINE.

Le Ministère de la Santé et des Sports a saisi l’Académie nationale de médecine, le 25 janvier 2008, d’une demande d’autorisation d’exploiter, à l’émergence, l’eau du captage Saint Charles situé sur la commune de Roquebillière. Un complément d’information nécessaire pour instruire le dossier a été demandé par la Commission XII en juin 2008.

L’établissement thermal de Berthemont les Bains (commune de Roquebillière dans les Alpes Maritimes) est actuellement alimenté en eau thermo minérale par la source Saint Jean bénéficiaire d’une autorisation ministérielle.

Les indications de la station sont les maladies des voies aériennes et de l’appareil locomoteur.

Une demande d’autorisation de mélange des sources de Saint Jean Baptiste et de Saint Julien a été déposée en mars 2002. Cette demande, rejetée par l’Académie nationale de médecine, a été formulée ainsi : « Au vu des informations fournies dans le dossier et des propositions de l’AFSSA du 25 novembre 2004, la Commission XII de l’Académie Nationale de Médecine, réunie le 18 janvier 2005 sous la présidence du Professeur Claude Boudène, estime :

• que la composition chimique, les caractéristiques bactériologiques et physiques des eaux captées répondent aux exigences applicables aux eaux minérales naturelles, • que le mélange conserve ces mêmes propriétés et répond également à la définition d’une eau minérale naturelle, • que sa consommation doit obligatoirement se faire sous contrôle médical en raison de sa forte teneur en fluor, et, cependant, donne à l’unanimité un avis défavorable et propose de surseoir à la demande d’autorisation d’exploiter en tant qu’eau minérale naturelle, à l’émergence, après transport et après mélange, l’eau des captages « Saint Julien » et « Saint Jean Baptiste » (commune de Roquebillière) en raison de la fragilité du site, de la conception et de l’équipement des captages.

Le pétitionnaire devrait donc, estimait l’Académie nationale de médecine :

— poursuivre l’étude de mise en exploitation des forages « Saint Charles » et « Gabrielle » pour les substituer aux captages « Saint Julien » et « Saint Jean Baptiste » dans un délai à définir par les autorités sanitaires compé- tentes, — optimiser ses procédés de désinfection, les résidus de désinfection devant faire l’objet d’une auto surveillance et d’un contrôle renforcé dans le cadre du contrôle sanitaire.

Dans cette attente :

— les travaux de protection des captages préconisés dans le dossier devraient être réalisés dans les plus brefs délais, — un suivi microbiologique et physico-chimique renforcé des eaux devrait être mis en place.

À la suite de cet avis, la Direction Générale de la Santé informait le Préfet des Alpes Maritimes qu’elle interrompait l’instruction de la demande dans l’attente de la finalisation des études de la mise en exploitation du forage Saint Charles, et lui demandait d’informer la commune de cette disposition en lui octroyant un délai pour cette mise en exploitation.

Le Préfet notifiait le 18 novembre 2005 cette décision en fixant ce délai à deux années, et en demandant un dépôt de dossier dans les plus brefs délais.

Résultats des travaux et modifications demandés par la Commission XII

La commune de Roquebillière a confié au bureau d’étude SAFEGE Environnement cette mission qui a comporté :

— l’équipement du forage Saint Charles en vue de son exploitation : travaux achevés en 2004 et effectués par la Société Niçoise d’Assainissement S.N.A. sous la maîtrise d’œuvre de SAFEG, — un pompage de validation de longue durée sur le forage Saint Charles et des analyses d’eau (chimie, radioactivité) : opération pilotée et suivie par SAFEGE de novembre 2005 à mai 2006 Selon la DASS du département des Alpes-Maritimes et du Conseil Départemental de l’Environnement et des risques sanitaires et technologiques,(séance du lundi 9 juillet 2007) l’ensemble de ces études et travaux a été réalisé, à l’exception des travaux de connexion du forage à l’établissement thermal.

Présentation du forage Saint Charles

Localisation

Le captage par forage Saint Charles et le départ de la canalisation de transport sont localisés à environ 200 m à l’est de la source Saint Julien. On y accède à pied au départ de l’établissement thermal actuel à partir d’un sentier de grande randonnée ou par une piste forestière.

L’ouvrage est par ailleurs localisé sur une parcelle propriété de la commune de Roquebillière à l’altitude de 1 056 m.

Description de l’équipement du forage Saint Charles

Tubage, cimentation

La profondeur totale de l’ouvrage est de 450 m.

Le forage Saint Charles a été transformé en ouvrage d’exploitation en mettant en place une colonne de tubage en acier inox, cimentée jusqu’à 280 m, compatible avec la qualité physico-chimique des eaux à capter. Les venues d’eaux profondes restent en trou nu et sont les seules à être captées.

Mise en exploitation et instrumentation du forage.

La mise en exploitation du forage thermal Saint Charles a été réalisée dans un second temps et a débuté en 2003. Cette opération a consisté en la mise en place des systèmes de pompage, d’instrumentation, du départ de raccordement au réseau et de la protection du captage (tête de puits et local technique).

L’équipement du forage a été réalisé en 2003-2004 par la Société Niçoise d’Assainissement (SNA) sous la maîtrise d’œuvre de SAFEGE ENVIRONNEMENT. Ces travaux ont consisté en :

— l’aménagement et la protection de la tête de puits, — la réalisation d’un local technique continue au regard de la tête de puits, — la mise en place dans le forage d’une pompe immergée adaptée aux besoins et aux caractéristiques de l’aquifère, — la réalisation d’un équipement électrique.

L’ensemble des ouvrages a fait l’objet d’un procès-verbal de recollement par la DRIRE à l’issue d’une visite conjointe effectuée le 5 octobre 2006.

Résultats des investigations complémentaires

Pompage longue durée

Le pompage longue durée et l’appareillage du forage Saint Charles avaient pour objectif principal la confirmation des paramètres quantitatifs et qualitatifs de la nouvelle ressource thermale et de leur stabilité dans le temps (débit d’exploitation et qualité de l’eau).

Conditions de l’essai

Les essais de débit réalisés à l’origine de la création du forage Saint Charles ont permis de définir le débit d’exploitation du forage à 6 m3/h.

Un essai de pompage d’environ six mois a été retenu pour tester efficacement l’ouvrage (du 2 novembre 2005 au 11 mai 2006).

L’ensemble des données enregistrées à la station (niveau, conductivité…) selon un pas de temps d’une heure, a été transmis régulièrement à SAFEGE par la société SNA sous forme de fichiers Excel, ce qui a permis de s’assurer du bon déroulement de l’opération durant toute sa durée d’essai.

De plus, un technicien de l’établissement thermal de Berthemont s’et rendu au minimum une fois par semaine sur le site pour relever les affichages (débits, niveau d’eau, minéralisation et température).

Les paramètres ont continué à être suivis après l’arrêt du pompage.

Analyses d’eau réalisées sur le forage Saint Charles

L’objectif des analyses d’eau réalisées sur le forage Saint Charles était :

— de confirmer l’appartenance des eaux du forage Saint Charles au pôle thermal de la source exploitée, — de s’assurer de la constance de ses paramètres dans le temps, — de s’assurer de la faible vulnérabilité de cette ressource aux pollutions de surface par l’absence de contamination bactériologique.

Les prélèvements suivants ont été effectués :

— six analyses mensuelles bactériologiques et chimiques (+ sulfures) par le laboratoire de l’Environnement de Nice dont :

— cinq prélèvements comprenant les types d’analyses suivantes :

BM0 = B3 (soit bactéries viables, coliformes tolérants, entérocoques, spores d’anaérobie sulfito-réductrices) + pseudomonas aeruginosa ;

CM3 = Ca, C1, Cond., K, Mg, Na, NO2, NO3, pH, S04, TAC.

 

Sulfures totaux — deux prélèvements comprenant en plus les analyses suivantes :

CM2 : I, Br, Li, Sr, Ag, B, Pb, Se. V + Fe + Mn.

Le taux d’arsenic est < à 10 microgrammes par litre.

Deux analyses particulières (radioactivité : tritium, radon, « alpha global » et « beta global » par l’Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire (IRSN) effectué en début et en fin de pompage.

Ces analyses confirment que les eaux du forage Saint Charles ont le même faciès chimique que celles du pôle thermal de Berthemont :

— minéralisation faible et stable dans le temps, — faciès sodique marqué (entre 55 et 76,5 mg/l) — absence de tritium indiquant un trajet souterrain profond et long, — présence de sulfures. La concentration en sulfure des eaux du forage Saint Charles (0,8 mg/l à 0,8 mg/l) est sensiblement plus faible qu’au niveau des sources, indiquant un contexte de glissement différent, mais cela est cohérent avec les mesures de sulfures réalisées sur ce forage en 1994 (0,7 mg/l) ;

— grande stabilité des paramètres dans le temps, y compris des sulfures, comme le montre la comparaison des mesures réalisées en 1994 lors de la création du forage Saint Charles avec celles de 2005/2006.

En outre, l’eau du forage Saint Charles est dépourvue d’éléments indésirables, en particulier :

— absence de contamination bactériologique pendant toute la durée du pompage. Ceci confirme le caractère profond de la ressource, — résultats des radios analyses conformes aux valeurs fixées dans l’article R.1321-20 du code de la santé publique relatif aux eaux destinées à la consommation humaine.

La teneur en fluor se situe entre 8.47mg/l et 12 mg/l (analyses en 1993 et 2000) ce qui rend l’eau impropre à la consommation compte tenu des risques de fluorose.

Conclusions des essais

L’essai de débit réalisé sur le forage Saint Charles de novembre 2005 à avril 2006 permet de valider la possibilité d’exploitation de la ressource à un débit de 6 m3/h.

Les analyses d’eau (chimie et radioactivité) effectuées lors de la création du forage Saint Charles avaient conclu à l’appartenance des eaux du forage Saint Charles au pôle thermal (Saint Julien et Saint Jean Baptiste). Les analyses d’eau réalisées durant l’essai de pompage de novembre 2005 à avril 2006 viennent confirmer cela et attestent par ailleurs de la grande stabilité qualitative de cette eau. Cette ressource profonde ne subit apparemment aucune influence des pluies qui pourrait modifier la qualité de l’eau par dilution (la stabilité du niveau dynamique permet également de l’affirmer).

Enfin, l’absence de contamination bactériologique confirme que la ressource est protégée des pollutions de surface, ce qui en fait un atout majeur au regard du risque identifié au niveau de la source exploitée actuellement.

Périmètre sanitaire d’émergence du forage Saint Charles

Compte tenu des caractéristiques de l’ouvrage et l’ensemble des mesures quantitatives et qualitatives effectuées sur l’ouvrage, le périmètre sanitaire d’émergence proposé correspondait au périmètre défini par le local technique et par la boîte de regard de la tête de puits (qui et accolée au local technique).

MISES EN CONFORMITÉ SELON LES VŒUX DE LA COMMISSION XII RÉUNIE LE 18 JANVIER 2005 SOUS LA PRÉSIDENCE DU PR CLAUDE BOUDENE.

Données fournies par Alain Gounon, hydrologue agréé en matière d’eau et Hygiène Publique pour le département des Alpes-Maritimes (mai 2007).

Composition chimique /caractéristiques bactériologiques et physiques des eaux captées.

Un pH élevé de 9,7 Une conductivité de 326 à 332 s/cm Des températures comprises entre 22 et 30°c Une faible minéralisation.

La présence de sulfures entre 0,8 et 0,9 mg/l (8 à 10 fois moins dans les autres) Un faciès sodique très marqué entre 55 et 76,5 mg/l L’absence de tritium indiquant un trajet souterrain profond et long L’absence de contamination bactériologique.

 

La teneur en fluor est élevée (de 8.47 à 12mg/l).

 

La délimitation des périmètres de protection n’est ni rapprochée, ni éloignée.

Il n’y a pas apparemment d’influence des pluies qui pourraient modifier la qualité de l’eau par dilution et l’absence de contamination bactériologique confirmant que la ressource captée est protégée des pollutions de surface.

CONSIDÉRATIONS

L’eau du forage Saint Charles de la commune de Roquebillière (06) est dépourvue d’éléments indésirables en particulier :

— l’absence de contamination bactériologique pendant le pompage, ce qui accrédite le caractère profond de la ressource, — Les résultats des radioanalyses sont conformes aux valeurs fixées dans l’article R.1321-20 du Code de la Santé Publique relative aux eaux destinées à la consommation humaine.

La commission XII de l’A.N.M. rejetait, en 2005, la demande d’autorisation d’exploiter en tant qu’eau minérale naturelle à l’émergence l’eau des captages Saint Julien et Saint Jean Baptiste, mais demandait de poursuivre l’exploitation des forages Saint Charles et Gabrielle pour les substituer aux deux autres captages.

Seule la source Saint Charles a été étudiée (article R.1322-7 du Code de Santé Publique) et vérifiée conformément aux exigences sanitaires.

Les analyses d’eau (chimie et radioactivité) effectuées lors de la création du forage Saint Charles ont conclu à l’appartenance de ces eaux au pôle thermal des sources déjà exploitées (Saint Julien et Saint Jean-Baptiste).

Les analyses réalisées attestent de la grande stabilité qualitative de cette eau. Cette ressource profonde ne subit apparemment aucune influence des pluies qui pourraient modifier la qualité d’eau par dilution (voir le rapport de la mairie de Roquebillière de 2006).

L’absence de contamination bactériologique en 2006 confirme la protection des pollutions de surface.

 

CONCLUSION

Tout en considérant que la composition de l’eau est trop riche en fluor —le taux de fluor est compris entre 8,47 et 12 mg/l. — il est vivement déconseillé d’installer une buvette — et que la consommation de cette eau ne peut être autorisée, compte tenu des risques de fluorose, la Commission XII de l’A.N.M.

donne un avis favorable à la demande d’exploiter à l’émergence l’eau thermo minérale du captage Saint Charles à des fins thérapeutiques, et transport de l’eau minérale naturelle dans le site du bassin thermal de Berthemont.

La commission a pris acte des vérifications de conformité chimique, de radioactivité et de bactériologie dans le rapport de la mairie établi en 2006.

L’Académie nationale de médecine ne peut que regretter que les deux indications thérapeutiques (ORL et RHUMATOLOGIQUES) de la station n’aient pas été vérifiées par des études et essais cliniques (conformément aux recommandations émises Bull. Acad. Natle Méd, 2001 , 185, no 1, 203-206, séance du 30 janvier 2001).

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L’Académie, saisie dans sa séance du mardi 16 juin 2009, a adopté le texte de ce rapport moins trois abstentions.

 

<p>* Membre correspondant de l’Académie nationale de médecine.</p>

Bull. Acad. Natle Méd., 2009, 193, no 6, 1417-1424, séance du 16 juin 2009