Rapport
Session of 24 mars 2009

09-10 Sur la demande de classement de la commune de Saint-Dié-des-Vosges (Vosges) en station climatique

MOTS-CLÉS : eau minéralisée.. sources thermales

Patrice Queneau, Christian-François Roques

Patrice QUENEAU * et Christian-François ROQUES **

PRÉAMBULE

La ville de Saint-Dié a transmis à la Préfecture des Vosges (mai 2006) une demande de classement en station climatique.

Cette demande s’inscrit dans le cadre réglementaire suivant :

— Code de la santé publique : articles L. 1321-1 s. ; R 1321-1 s. ; D. 1321-103 s.

— Code de l’environnement : articles L 214-1 s.

— Code général des collectivités territoriales : articles R 2223-24 s.

L’examen du dossier appelle l’examen des rubriques suivantes :

— Climat — Pollution atmosphérique — Effets thérapeutiques établis par des études — Équipement et structures adaptées à la spécialisation clinique de la station La DDASS des Vosges (par courrier du 17 Juillet 2006 au préfet des Vosges) a fait un examen critique des documents fournis — certaines remarques concernent les éléments généraux du dossier de classement des stations :

— eau de consommation, assainissement, élimination des déchets, — piscines, baignades en milieu naturel, campings, — qualité de l’air intérieur (amiante, radon), la qualité de l’air extérieur, les nuisances sonores — D’autres remarques concernent le classement en station climatique ; la DDASS faisait remarquer l’absence totale de documents concernant le climat, la pollution atmosphérique, les effets thérapeutiques, l’équipement et structures adaptées à la spécialisation climatique de la station ; la couverture sanitaire n’était pas non plus renseignée.

Présentation générale de la ville

Sous-préfecture du département des Vosges (région Lorraine), siège d’un évêché jusqu’à la Révolution, Saint-Dié des Vosges est située à 360 m d’altitude (48° 17′29’’ N et 6° 56′51’’ E), dans les Vosges gréseuses, au pied du massif de la Bure et est entourée de massifs forestiers. La ville est au croisement des route nationale 59, 415 et 420 à une distance de 53 kilomètres d’Epinal et de Colmar, 97 de Strasbourg, 108 de Mulhouse ; elle est construite au confluent de la Robache et du Taintroué avec la Meurthe ; sur la Meurthe existe un important plan d’eau contigu au Géoparc ; Saint-Dié est desservie par le TGV est-européen (distance de Paris, 2h20).

La population est de 25 000 habitants au sein d’un bassin de 90 000, la Déodatie (Dié = Dieudonné). Saint-Dié, sous-préfecture des Vosges, a perdu ses activités industrielles traditionnelles de métallurgie et textile ; mais la ville a été reconnue comme pôle de compétitivité (pôle mondial d’innovation industrielle et technologique), pour le projet Matériaux innovants, produits intelligents (MIPI Lorraine) ; elle dispose d’un environnement universitaire (école d’ingé- nieurs INSIC, IUT, centre de recherche CERTES (CNRS), IFSI, complétant les onze collèges et lycées de la ville.

Son PLU a été adopté le 11 avril 2008 avec zonage d’assainissement. Elle a également adopté un plan de prévention des risques naturels prévisibles qui concerne le risque inondation.

Équipement touristique

Saint-Dié dispose d’un office de tourisme classé trois étoiles (Préfecture des

Vosges, 31 Janvier 2001). Le point culminant de l’animation culturelle est l’organisation annuelle d’un festival international de géographie ; la ville en effet se veut capitale mondiale de la géographie car les géographes, en 1507, y baptisèrent America le nouveau monde.

On dénombre neuf hôtels en ville dont quatre appartiennent à des chaînes nationale ou internationale ; il s’agit essentiellement d’établissements deux étoiles ; la capacité totale n’est pas renseignée dans le dossier ; les quatre hôtels figurant au guide Michelin regroupent 101 chambres. On dénombre plus de trente restaurants.

Le camping municipal est délégué en gestion à un entrepreneur privé. Sa superficie totale est de 2,5 hectares. Il comporte deux bâtiments de sanitaires collectifs et 118 emplacements de camping équipés avec 95 prises de courant individuelles, 48 branchements d’eau, 27 points d’eau et 97 évacuations d’eaux usées individuelles. Le camping dispose d’un site internet. 4 600 personnes y sont accueillies par an, pour environ 17 000 nuitées, représentant un total de location de 9 800 jours emplacements.

Assainissement

Le territoire de la commune est couvert par un réseau collectif d’assainissement et par la station d’épuration intercommunale de la Pêcherie ; les écarts sont traités par assainissement autonome. Le volume annuel des eaux usées traitées est de l’ordre de 2 millions de m3 ; le taux de conformité des rejets est de 100 % ainsi que le taux des boues rejetées selon une filière pérennisée ; la qualité est attestée par des taux de points noirs et de débordements bas. Les installations sont certifiées iso 9001 ou iso 14001.

Élimination des déchets

La collecte des ordures ménagères et des déchets triés s’effectue deux fois par semaine porte à porte et dans dix espaces propreté ; les objets encombrants font l’objet d’un enlèvement bimestriel, la commune dispose d’une déchetterie ;

les déchets sont traités par le syndicat mixte départemental. La ville dispose d’un zonage et d’un règlement d’assainissement non collectif.

Alimentation en eau potable

La commune est alimentée en eau potable par cinq stations de traitement d’eau neutralisée et chlorée qui met à la disposition de la population les eaux de captage de 28 sources ou groupes de source et trois puits ; le périmètre de protection de ces captages a été déclaré d’utilité publique (Arrêtés Préfectoraux de 1993 et 1998) ; 205 kilomètres de conduites distribuent 1 200 m3 à 8 853 clients. Le taux des conformités microbiologique et physico-chimique est de 100 % ; la protection de la ressource est assurée à 100 % ; le taux d’interruption du service est de 2,12 pour 1 000 habitants. La qualité est vérifiée par un laboratoire agréé et le concessionnaire (Suez) bénéficie de la certification iso 9001 et iso 14001 pour deux des stations d’épuration. Il existe 1 128 branchements en plomb sur les 6 878 en service.

 

L’eau est donc de très bonne qualité bactériologique, exempte de pollution par les nitrates, de type douce, à teneur très faible en fluor (< à 0.1 mg/l), exempte de pesticides. Le résultat de toutes les analyses figure au dossier.

Les eaux de loisir

Le site de « Saint-Dié plage » est situé au Géoparc. Il s’agit d’un établissement recevant du public, classé X de troisième catégorie, à type de grand bain extérieur traité par désinfection chlore stabilisé. Six rapports d’analyses effectuées entre 2005 et 2007 sont joints au dossier ; ils attestent d’une bonne qualité microbiologique et physico-chimique. Il est administré sur la base d’un règlement intérieur pris par arrêté municipal (21 Juin 2006) ; ce texte précise les conditions d’hygiène, le nombre de baigneurs susceptible d’être accueillis en même temps dans le bassin (120) et dans l’établissement globalement (600 personnes), les règles de sécurité et de surveillance. Un golf miniature existe sur le site.

Climat

Le climat lorrain est océanique dégradé à influence continentale. Les saisons sont contrastées et bien marquées mais en fonction des vents dominants peuvent se succéder du jour au lendemain des périodes de précipitations (influence océanique) ou de forte amplitude thermique (influence continentale).

A Saint-Dié, les vents dominants sont O-NO (cinq années sur les sept dernières années) avec une force annuelle variant de 2.4 à 5.9.

La pression atmosphérique moyenne des six dernières années a varié entre 1 016 et 1 018 hectopascals (hPa), la médiane étant de 1 017. Les pressions minimales ont varié entre 981 et 993 hPa, avec une médiane à 990. Les pressions maximales se sont échelonnées entre 1 032 et 1 040 hPa, avec une médiane à 1 036.

La pluviosité annuelle a varié sur les 7 dernières années de 60 à 185 jours avec une médiane à 170 jours ; les précipitations annuelles ont varié de 355 à 2 128 l/m2 avec une médiane à 1 200 l/m2.

La température moyenne de l’année est de l’ordre de 10° C ; les températures minimales moyennes annuelles sont de l’ordre de 5° C mais les minimales extrêmes varient de — 9 à — 18° C, la médiane se situant à — 11° C ; la température maximale moyenne est de 15° C avec une médiane des extrêmes supérieurs à 34° C.

Aucun renseignement concernant le climat de Saint-Dié n’est mentionné dans le dossier ; ces données ont été obtenues à partir du site de la station météo de Saint-Dié. L’équipement de la station météo de Saint-Dié n’est pas connu. Les éléments météorologiques suivant ne sont pas accessibles en archives sur le site : hygrométrie, ensoleillement, nébulosité ; ces données ne sont communiquées que pour la période en cours. Elles n’ont donc pas de pertinence dans le cadre de ce rapport.

Qualité de l’air-pollution atmosphérique

Qualité de l’air intérieur : le dossier fait figurer le diagnostic amiante des bâtiments municipaux et les campagnes de mesure du radon.

Amiante : la totalité des rapports concernant les bâtiments appartenant à la commune est fournie dans le dossier ; il n’y a pas de synthèse ; l’examen de ces rapports ne révèle pas de problème majeur lié à l’amiante.

Radon : le rapport sur la présence de radon indique que des mesures ont été effectuées sur un échantillon de cent établissements scolaires en 2002 : un établissement avait une concentration supérieure à 1 000 becquerels et pour un autre la concentration était comprise entre 400 et 1 000 B ; pour tous les autres la concentration était inférieure à 400 B (seuil de précaution) ; la ville a entrepris des travaux pour ramener le taux de radon aux normes exigées.

Qualité de l’air extérieur

La ville de Saint-Dié est adhérente à AIRLOR, structure chargée de surveiller la qualité de l’air en Lorraine. La campagne de mesures effectuée à Saint-Dié à l’automne 2006 fait apparaître :

— pour le dioxyde d’azote : la valeur limite pour la santé (48 μg/m3) est respectée sur les 42 sites de fond et les 8 sites de proximité automobile examinés. L’objectif de qualité de la ville est de 40 μg/m3, il est atteint sur tous les sites à l’exception de deux sites de proximité automobile implantés le long de la voie rapide N59.

— Pour le benzène : le seuil de limite pour la santé est de 9 μg/m3 en 2006 (5 à l’horizon 2010) ; il est respecté en tous points. L’objectif de qualité pour la ville est de 2 μg/m3 ; il est atteint sur tous les points de mesure à l’exception d’un seul site (site de proximité automobile en centre ville).

— Ces éléments sont confirmés par la campagne 2007.

— Tous les rapports d’évaluation de la qualité de l’air figurent au dossier.

Nuisances sonores

Le bruit est surveillé à Saint-Dié depuis 1999. Les bruits urbains sont essentiellement liés à la circulation ; l’amélioration de la qualité des chaussées et des véhicules contribue à le réduire. Les nuisances sonores liées à l’activité industrielle est réduite par leur regroupement dans des zones spécifiques. La réglementation prévoit les plages horaires d’utilisation des outils bruyants (jardinage), des sources de musique (fête foraine, bars à musique, discothè- que). La carte des 65 mesures effectuées en 1999 montre des intensités sonores entre 47 et 74 décibels ; la médiane se situant à 65 décibels.

Équipement et couverture sanitaires

La ville dispose d‘un centre hospitalier accrédité en 2003, de 868 lits et places concernant — le court séjour (médecine : 227, chirurgie : 157, gyn-obs : 44), — le moyen séjour (70), — le long séjour (70), — l’hébergement (300) ; il existe un service d’accueil des urgences et un SMUR, une imagerie avec scanner X et IRM ; ce CH assure les besoins de santé de la Déodatie (pays de SaintDié)(90000 habitants). Les principales spécialités médicales y sont représentées ainsi que la chirurgie générale et digestive, l’orthopédie-traumatologie, la gynécologie-obstétrique, l’ORL et l’ophtalmologie. Le CH de Saint-Dié participe au réseau oncologique de Lorraine.

La communauté accueille 32 médecins généralistes et 38 médecins spécialistes libéraux, 14 pharmacies, 26 masseurs-kinésithérapeutes libéraux, environ 15 infirmiers DE libéraux.

Plusieurs maisons de retraite publiques et privées sont recensées.

Activités climatiques de santé — Établissements susceptibles d’avoir un caractère climatique : Saint-

Dié a accueilli un établissement de bains , vraisemblablement non hydrominéral, construit à la fin du e e XIX ou au début du XX siècle ; son fonctionnement très déficitaire le fit rapidement acquérir par la ville qui y installa son établissement de bains-douches.

Le préventorium Abel Ferry , fut construit en hommage au fils de l’homme d’Etat ; la famille Ferry était originaire de Saint-Dié. Ce préventorium avait été construit à l’initiative de personnes privées et en particulier de la veuve d’Abel Ferry, à 480 mètres d’altitude, au pied du massif de l’Ormont, sur le terrain de la propriété de la famille Ferry (terrain offert par celle-ci). La montagne de l’Ormont est installée sur un bassin permien et est faite d’alternance de grès et d’argile. Il n’est donc pas possible de dire si le site avait été choisi en raison de vertus particulières de son climat ou plus simplement dans le cadre d’une action de bienfaisance destinée à maintenir la mémoire d’Abel Ferry. Ce préventorium a été ouvert en 1930 ; il accueillait alors 25 garçons et 25 filles ; il a connu diverses vicissitudes durant la seconde guerre mondiale, fut victime d’un incendie au début des années 60 et entièrement reconstruit à cette époque. Géré par une congrégation (religieuses de Saint-Charles), il accueillait environ 200 enfants par an pour une trentaine de milliers de jours d’hospitalisation ;

n’accueillant plus que six enfants, il a cessé de fonctionner ne 1976. Aucun relais sanitaire n’a été pris attestant d’une volonté d’action climatothérapique à Saint-Dié. Il n’y pas à Saint-Dié de maison d’enfants à caractère sanitaire et aucune ayant pu exister dans le passé n’est mentionnée dans le dossier.

Effets thérapeutiques et travaux scientifiques attestant du caractère bénéfique pour la santé du climat de Saint-Dié : aucun élément n’est fourni dans le dossier concernant les propriétés du climat de Saint-Dié ; aucune publication scientifique (monographies, mémoires, articles, référence de communication scientifique à un congrès médical, …) n’est mentionnée.

Équipements et structures sanitaires adaptées à la spécialisation climatique de la station : pas de structure de court ou de moyen séjour dont l’activité comporterait un volet climatique, pas de maison d’enfants à caractère sanitaire ; donc aucun élément de structure susceptible de revendiquer une activité de climatisme médical.

Nombre de curistes : aucun nombre de curistes n’est fourni en dehors de ceux indiqués plus haut et qui concernent les patients pris en charge au préventorium.

En synthèse : il n’existe donc à l’heure actuelle à Saint-Dié aucune activité sanitaire que l’on pourrait rattacher à la médecine climatique ; on peut en plus s’interroger sur l’existence de telles démarches dans le passé ; l’implantation du préventorium peut avoir obéi à une démarche où le climatisme n’était pas l’élément unique. On peut reconnaître au préventorium de Saint-Dié une activité climatique dans le domaine de la primo-infection tuberculeuse. Mais il n’y a pas de données d’évaluation scientifique de ce bénéfice sanitaire qui figure au dossier : pas de thèses de médecine, pas de mémoires, pas d’articles scientifiques, pas de références de publications dans des congrès.

Le dossier transmis ne fait figurer aucun document, outre de vieilles photographies et coupures de presse de l’établissement de bains et du préventorium, qui puisse porter témoignage d’une activité sanitaire de type climatique autre que celle du préventorium aujourd’hui disparu. Cet élément avait été pointé par la DDASS des Vosges dans son analyse des pièces initialement transmises.

Il n’y a aucune étude médicale jointe au dossier qui permettrait d’établir le caractère bénéfique pour la santé du séjour climatique à Saint-Dié.

Il n’y a, dans le dossier, mention d’aucune structure sanitaire qui puisse revendiquer cette activité.

Au total le caractère bénéfique pour la santé du climat de Saint-Dié n’est nullement attesté dans le dossier par des observations médicales ou contrôles objectifs effectués sous la direction de personnalités médicales spécialisées ;

— Saint-Dié ne dispose d’aucun équipement sanitaire destiné à la mise en œuvre actuelle d’un climatisme médical.

 

Il parait donc difficile de retenir une dimension de climatisme médical à Saint-Dié des Vosges.

 

En foi de quoi le rapporteur propose à la Commission XII de donner un avis négatif au classement de la ville de Saint-Dié des Vosges en station climatique.

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L’Académie saisie dans sa séance du 24 mars 2009 a adopté le texte de ce rapport moins sept abstentions

<p>* Membre de l’Académie nationale de médecine ** Professeur en médecine physique et réadaptation — Faculté de Médecine — Université Paul Sabatier Toulouse 3. Président du Conseil scientifique de l’Association Française pour la Recherche Thermale. Président de l’Institut du thermalisme Université Victor Segalen — Bordeaux 2</p>

Bull. Acad. Natle Méd., 2009, 193, no 3, 769-776, séance du 24 mars 2009