Rapport
Séance du 1 octobre 2013

Mort subite au cours des activités physiques et sportives. Recommandations pour des mesures préventives

MOTS-CLÉS : mort subite. prévention et contrôle. Sports
Death. Sudden prevention & control. Sport

Michel Rieu (**), Dominique Lecomte (***), Jean-Pierre Goullé (****), Vincent Probst (*****), Xavier Jouven (******),Patrice QUENEAU *

 

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Mort subite  au cours  des activités  physiques et sportives

 Recommandations pour des mesures préventives

 Rapport à l’Académie nationale de médecine

 

 

Patrice Queneau (*), Michel Rieu (**), Dominique Lecomte (***), Jean-Pierre Goullé (****), Vincent Probst (*****), Xavier Jouven (******)

 

Au nom d’un Groupe de travail « Sport et Dopage » de l’Académie nationale de médecine (rattaché à la commission II).

 

 (*) Membre de l’Académie nationale de médecine, Membre correspondant de l’Académie nationale de pharmacie, représentant l’Académie nationale de médecine au Collège de l’Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) et au Comité de préfiguration des modalités d’instauration du profil biologique du sportif.

(**) Ancien Conseiller scientifique de l’Agence française de lutte contre le dopage (AFLD)

(***) Membre correspondant de l’Académie nationale de médecine, Professeur de Médecine Légale à l’Université Paris 5 et ancien Directeur de l’Institut Médico-légal de Paris.

(****) Membre de l’Académie nationale de médecine et de l’Académie nationale de pharmacie, représentant l’Académie nationale de pharmacie au Collège de l’AFLD, Professeur de toxicologie, Biologiste des hôpitaux.

(*****) Professeur de cardiologie au CHU de Nantes, responsable du Centre de référence national pour la prise en charge des maladies héréditaires rythmiques et du Centre de prévention de la mort subite du sujet jeune (invité).

(******) Professeur de cardiologie à l’Hôpital Européen Georges Pompidou (AP-HP), responsable d’équipe mixte de recherche AP-HP/Université Paris Descartes/Inserm, et coordonateur du Centre d’expertise de la mort subite de l’adulte (invité).

 

 

Introduction

 

L’étude par l’Académie nationale de médecine de la mort subite au cours des activités physiques et sportives a pour objectif essentiel de contribuer par des mesures préventives à limiter le nombre de personnes exposées à ce drame.

Elle s’inscrit dans le suivi du Rapport « La lutte contre le dopage : Un enjeu de santé publique »,  adopté par l’Académie nationale de médecine le 5 juin 2012 (1) et plus particulièrement de la deuxième recommandation de ce Rapport : « Mettre en place un observatoire des accidents et complications liés au dopage. L’Académie demande que tout décès sur un terrain de sport soit obligatoirement suivi d’une autopsie comportant un examen anatomo-pathologique, toxicologique et génétique ».

C’est dans ce contexte que le Conseil d’Administration de l’Académie nationale de médecine a proposé de poursuivre une réflexion visant à proposer qu’une autopsie soit obligatoire en cas de mort subite au cours d’activités physiques et sportives, avec recommandations pour des mesures préventives.

La mort subite est un problème majeur de santé publique puisque 40 000 cas surviennent chaque année dans la population générale, avec un taux de survie inférieur à 5%2. Or, 800 à 1000 de ces cas sont des morts subites non traumatiques survenues pendant une activité sportive (3) : il s’agit très majoritairement d’hommes (environ 95 % des cas) et la moitié environ des décès surviennent dans des enceintes sportives, avec un âge moyen de 46 ans pour l’ensemble de ces morts de « sportifs » et de 39 ans pour celles survenues dans les enceintes sportives, alors que l’âge moyen des 40.000 morts subites identifiées annuellement dans la population générale française précitée est de 65 ans.

Il convient de préciser que seules sont prises en considération les morts subites survenant pendant ou au décours immédiat (délai d’une heure) d’un effort physique moyen ou intense. En effet, les efforts d’intensité faible sont souvent difficiles à distinguer des activités de la vie courante.

 

 

I – Etat des lieux et situation du problème

 

De nombreux travaux ont permis d’établir une meilleure connaissance sur la mort subite3-9. Concernant la mort subite liée au sport, bien que l’activité physique régulière présente des avantages pour la santé cardiovasculaire10, le sport pratiqué vigoureusement, augmenterait le risque de mort subite pendant ou peu de temps après un exercice11-13. Cela étant, la grande majorité des données concernant les cas de mort subite liée au sport s’est focalisée sur les athlètes de haut niveau14-15, alors que les données concernant la mort subite liée au sport en population générale restent insuffisantes16-17.  Un décès par mort subite liée au sport est soudain, c’est-à-dire qu’il s’est produit dans l’heure suivant le début des symptômes, soit pendant l’activité sportive soit jusqu’à l’heure de cessation de l’activité sportive.

En 2005, le Ministère de la jeunesse, des sports et de la vie associative et le Conseil de prévention et de lutte contre le dopage ont demandé à l’équipe INSERM dirigée par le
Professeur Xavier JOUVEN la réalisation d’une étude épidémiologique concernant la mort subite lors de la pratique sportive. Cette étude nationale prospective, réalisée en France de 2005 à 2010, a porté sur des sujets de 10 à 75 ans. Le recensement des cas de mort subite liée au sport, comprenant les arrêts cardiaques réanimés, a été réalisé en utilisant les rapports des services de SAMU et par recherche systématique des communiqués de presse sur internet2. Pendant cette période de 5 ans,
820 cas de mort subite liée au sport ont été dénombrés, avec une minorité de cas survenant chez
les athlètes de haut niveau. L’âge des sujets était relativement jeune, avec une prédominance masculine. La moitié des cas de mort subite a eu lieu sur des stades. Bien que la majorité des cas soit survenue devant un témoin, une réanimation cardio-respiratoire n’avait été débutée que dans un tiers d’entre eux. La survie à la sortie de l’hôpital était faible, de l’ordre de 15%. Enfin, dans seulement
1 cas sur 4, un diagnostic clair était disponible en raison du faible nombre d’autopsies réalisées.

La mort subite liée au sport est un évènement dramatique et le recensement réalisé entre
2005 et 2010 a permis de connaître l’ampleur du problème : la majorité des cas de mort subite liée au sport touche essentiellement la population générale, la survie est peu importante et le taux de diagnostic de certitude reste faible en raison du faible nombre d’autopsies réalisées. De plus, la  mort subite est un problème complexe qui ne peut être appréhendé que de manière multidisciplinaire. Cette réflexion a abouti à la création du Centre d’Expertise sur la Mort Subite, premier Centre multidisciplinaire au monde qui a été inauguré en septembre 2011 par l’INSERM, l’Université Paris Descartes et l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris18. En 2007, l’Académie nationale de médecine avait fortement contribué à l’obtention du « décret relatif à l’utilisation des défibrillateurs cardiaques externes  par des personnes non médecins » (Décret n° 2007-705 du 4 mai 2007, JO du 5 mai 2007).

 

Il apparait actuellement nécessaire d’effectuer systématiquement une autopsie minutieuse et complète avec examens anatomo-pathologiques ainsi que des prélèvements à visées toxicologique et génétique qui seront éventuellement analysés dans un second temps s’ils sont jugés nécessaires, dans la mesure où ces examens ne pourront pas être faits de manière systématique en raison de leur coût.

Ces données permettraient de connaître l’impact des anomalies morphologiques mais également l’influence de facteurs génétiques et de l’usage de produits dopants dans les cas de mort subite liée au sport. Des études suggèrent en effet que certaines personnes ont une susceptibilité particulière à développer une fibrillation ventriculaire 8,19-20. De plus, la plupart des produits dopants augmentent le risque de mort subite21-29. Cela étant, la fréquence d’exposition aux produits dopants n’est pas connue, notamment chez les sportifs qu’ils soient de haut niveau mais également amateurs.

 

II – L’autopsie

 

Une autopsie minutieuse est nécessaire pour connaître les causes de la mort. C’est un examen indispensable d’autant que la population concernée est jeune (à forte prédominance masculine). La mort subite survient dans de nombreux sports collectifs ou individuels, parfois de très haut niveau, mais aussi et souvent lors d’un entrainement ou d’une simple activité d’agrément.

Cette autopsie :

            -est souvent demandée par la justice, autopsie médico-légale, car toute mort suspecte peut mettre en cause un tiers (article 74 de Code de Procédure Pénale)

            -exige l’excellence. Ses règles sont harmonisées dans l’Union européenne (Recommandation de 1999 n°R 99-3 du Conseil de l’Europe, avec tarif inscrit dans le Code de procédure pénale : article R117) .

            -doit être effectuée le plus précocement possible et dans son intégralité, avec examen de tous les organes, car la mort subite peut être d’origine cardiaque (80%), mais aussi extra-cardiaque (20%) : notamment vasculaire (par hémorragie cérébrale, rupture aortique…).

            -doit être minutieuse ; l’examen du cœur à l’œil nu doit s’effectuer à l’état frais pour apprécier la coloration du muscle (aspect jaunâtre de la dysplasie ventriculaire droite, polychrome avec épaississement de la cardiomyopathie, rougeâtre de l’ischémie récente, blanchâtre de la fibrose…) ; le cœur doit être pesé après ouverture des cavités vidées de leur contenu ; les mensurations des parois, des valves, des gros vaisseaux doivent être effectuées. Le cœur sera conservé après fixation dans une solution de formaldéhyde diluée a 10% pour examen anatomopathologique attentif permettant de détecter des lésions parfois invisibles à l’œil nu (petits foyers de fibrose, cellules inflammatoires, taille irrégulière des fibres myocardiques……).

            -doit conduire à réaliser sans délai des prélèvements :

                        -à visée bactériologique, virologique, biologique (liquide céphalo-rachidien et échantillons d’organes), et toxicologique : la recherche de drogue ou de produit dopant dans le sang, les urines, la bile, le contenu gastrique et des échantillons d’organes) doit être systématique lors de toute mort subite chez le sportif.

                        -à visée génétique : prélèvement d’un tube de sang lors des manœuvres de réanimation à adresser à un Centre spécialisé.

Si le médecin qui effectue l’autopsie ne peut réaliser ces prélèvements, il doit sans délai confier le bloc cœur-poumons à un service d’anatomie pathologique hospitalier compétent.

Certains de ces prélèvements ne peuvent évidemment être réalisés que dans des structures adaptées, disposant de tous ces moyens. Sinon le décédé doit y être transféré. Dans ces Centres, on pourrait recommander la mise en œuvre d’un protocole semblable à celui utilisé dans la mort subite du nourrisson.

 

Parmi les causes cardiaques, on recherche principalement :

            -avant 30 ans, une cardiomyopathie hypertrophique (primitive génétique),
ou une cardiomyopathie dilatée (familiale, virale, immunologique, toxique ou métabolique),
ou une dilatation ventriculaire droite (familiale), une myocardite (virale, immuno-allergique..) et
un pont myocardique dû à un trajet intra-myocardique de l’artère inter-ventriculaire antérieure. 

            -après 30 ans, une athérosclérose coronaire (sténose supérieure à 75% ou thrombose) et toute pathologie cardiovasculaire (rétrécissement aortique, coarctation de l’aorte… entre autres).

            -à tout âge, des lésions des voies de conduction (anomalie du faisceau de His, du tissu de conduction, thrombose de l’artère du nœud auriculo ventriculaire).

 

III – Volet toxicologique

 

Suite à l’autopsie, le but est de proposer des examens toxicologiques pertinents en cas de mort subite du sportif30.

 

La recherche d’un certain nombre de substances psychoactives s’avère indispensable.          En effet, l’usage de cocaïne et de stimulants est souvent incriminé, notamment dans un cadre  festif (Pr M. Audran – Pr F. Carré31). Le rôle du cannabis, récemment reconnu dans certains accidents vasculaires cérébraux et certains infarctus du myocarde, doit également être pris en compte32.

En cas de suspicion d’usage de produits dopants, les substances suivantes peuvent être recherchées dans les cheveux : stéroïdes anabolisants, corticoïdes, bêta-adrénergiques, stupéfiants, stimulants. Des analyses ciblées d’une de ces catégories, si les autres milieux biologiques ont été analysés, peuvent être envisagées ponctuellement.

En cas de mort subite, l’expertise toxicologique de référence prévue par la note de la Chancellerie en date du 04 août 2006 dans le cadre des recherches des causes de la mort répond parfaitement à ces objectifs.

En cas d’impossibilité de l’autopsie, il convient de demander les prélèvements nécessaires aux analyses toxicologiques et génétiques.

 

Quels prélèvements ?

Ce sont ceux de la « boîte complète » (prélèvements standards dans le cadre d’une autopsie). Pour ce qui est des cheveux, ils doivent être « orientés » (2 mèches) : si les cheveux sont courts, prélever des poils pubiens, sinon ceux des aisselles et sinon 2 ongles (ceux des pouces). Penser à nouer avec une petite ficelle la base de la coupe, ce qui d’une part facilite le prélèvement et d’autre part permet de repérer le côté de la racine du cheveu (élément essentiel).

Cette « boite complète » est constituée des prélèvements suivants :

  • sang et liquide hématique (3 flacons) ;
  • urines ;
  • contenu gastrique ;
  • humeur vitrée ;
  • bile (si pas d’urines) ;
  • fragments de viscères : cœur, poumon, cerveau, rein, foie ;
  • cheveux.

 

Quel coût ?

L’expertise toxicologique de référence est tarifée (note de la Chancellerie du 04-08-2006). L’analyse des cheveux sur des cas ponctuels, en complément de la toxicologie de référence est tarifée en fonction des molécules à rechercher.

 

IV – Une composante génétique de la mort subite du sportif ?

 

Des études anciennes suggèrent que certaines personnes ont une susceptibilité particulière à développer une fibrillation ventriculaire. Ainsi, la cause la plus commune de décès chez des patients ayant ressuscité d’une mort subite est un nouvel épisode d’arrêt cardiaque. Chez des patients ayant survécu à un épisode de tachycardie ou de fibrillation ventriculaire, le taux de récidive de l’épisode rythmologique létal dans les 2 années qui suivent l’inclusion est très élevé (25 à 40 %).

 

Par ailleurs, plusieurs études cliniques ont démontré une prédisposition familiale à la mort subite :

     -dans l’Enquête Prospective Parisienne (X. Jouven in Circulation [9]) qui a analysé une cohorte de plus de 7000 individus de la préfecture de police de Paris sur une durée de 23 ans, un antécédent de mort subite chez un des parents multiplie le risque de mort subite par 2, et par 9 si les deux parents sont décédés de mort subite. De plus, les sujets décèdent de mort subite à peu près au même âge que leurs parents. A l’inverse, le facteur familial n’augmente pas le risque de décès non soudain au cours de l’infarctus du myocarde.

     -dans une étude en cours coordonnée par l’Université d’Amsterdam et qui compare une cohorte d’infarctus avec ou sans mort subite inaugurale, le risque de décéder soudainement est 3.5 fois plus élevé lorsqu’il existe des antécédents familiaux de mort subite. Dans la même étude,
les autres facteurs de risque (hypercholestérolémie, tabagisme, étendue des lésions coronariennes…) ne permettent pas de discriminer les groupes avec et sans mort subite. Ainsi, une susceptibilité génétique individuelle (facteur primaire) favoriserait l’éclosion d’un trouble du rythme grave voire létal sur un cœur anormal remodelé (facteur secondaire ou structurel) soumis à une agression ischémique (facteur tertiaire ou environnemental). Découvrir la nature de la susceptibilité génétique permettrait de mieux appréhender le risque individuel et éventuellement la prévention. Dans cette étude, il est par ailleurs démontré une liaison génétique par une approche de GWAS (genome-wide association study) sur le chromosome 21q21 dont le gène le plus proche est le gène CXADR 33, qui code pour un récepteur viral impliqué dans la survenue de myocardites et de cardiomyopathies dilatées, et qui a été récemment impliqué également comme un modulateur de la conduction cardiaque.

 

Eliminer les causes génétiques rares à risque de récidive dans la famille

 

De nombreuses maladies génétiques peuvent être à l’origine de mort subite chez les sujets et en particulier chez les sportifs. Ces pathologies ont toutes en commun d’être souvent asymptomatiques avant la survenue de l’accident. Leur diagnostic clinique n’est pas toujours simple car si, parfois, les examens de débrouillage permettent d’en faire le diagnostic aisément, il est également fréquent que ces examens ne montrent que des anomalies mineures qui demandent l’interprétation d’un expert du domaine pour être identifiées. On peut séparer ces pathologies en deux grandes catégories :

          -les pathologies avec modification structurelle cardiaque dans lesquelles on retrouve la cardiomyopathie hypertrophique (CMH) et la dysplasie arrhythmogène du ventricule droit (DAVD)

          -et les maladies rythmiques héréditaires dans lesquelles le cœur est structurellement normal (Annexe 1).

 

Pour la CMH comme pour la DAVD, en cas de mort subite, l’autopsie peut révéler des aspects spécifiques ; mais il faut savoir que parfois les accidents rythmiques surveniennent très précocement alors que les anomalies structurelles sont encore très limitées. En outre, le diagnostic de DAVD peut être porté par excès lors des autopsies car il est probable qu’une réanimation cardiaque prolongée puisse induire des aspects assez proches. Enfin, chez le sportif très entraîné, il n’est pas rare de voir survenir des modifications structurelles cardiaques proches de ces pathologies uniquement par le fait de l’entraînement intense (sans caractère pathologique).

Les maladies rythmiques héréditaires sont caractérisées par l’absence d’anomalie structurelle cardiaque et les anomalies ne peuvent être vues que sur l’électrocardiogramme. Chez ces patients en cas de survenue d’une mort subite l’examen anatomopathologique sera donc normal et seule la réalisation d’un dépistage familial génétique et clinique permettra d’établir le diagnostic.

 

Pour l’ensemble de ces pathologies, un diagnostic génétique est possible, avec un taux de succès qui varie de 20 à 80%. Dans  tous les cas, plusieurs gènes sont impliqués dans la survenue de la pathologie, ce qui complexifie le diagnostic moléculaire.

 

L’élément commun à ces maladies rythmiques héréditaires est le risque de mort subite chez des patients qui ont un cœur morphologiquement normal et dont l’autopsie sera donc normale.

Le deuxième élément majeur est le risque de récidive de mort subite dans la famille, puisqu’il s’agit le plus souvent de maladie à transmission autosomique dominante.

 

Les nouvelles techniques de génétique.

Jusqu’à présent les technologies de biologie moléculaire ne permettaient de tester qu’un nombre restreint de gènes (<10) alors que de nombreux gènes ont été associés à ces arythmies héréditaires. Une révolution technologique est actuellement en cours avec l’arrivée du séquençage très haut débit.

 

Différentes techniques peuvent être utilisées, qui ont en commun de permettre d’identifier un nombre important de mutations génétiques pour un coût faible. Par exemple, la technologie HaloPlex® (Agilent technologies) qui permet d’analyser une ou plusieurs régions cibles de taille comprise entre 1kb et 5 Mb. Grâce à ces puces, nous avons un modèle qui comprend les régions codantes de 168 gènes d’intérêt, gènes déjà associés aux maladies rythmiques héréditaires ou impliqués dans la physiologie cardiaque et qui couvre 1.3 Mb (dont 500 kb de régions codantes). La technologie est aujourd’hui mature et permet pour moins de 250 euros par patient de disposer des résultats complets de l’analyse en deux mois.

Cette technique est très séduisante par son efficacité mais il faut garder en mémoire que lorsque l’on examine un grand nombre de gènes, on va mettre en évidence un nombre important de variants génétiques ; ainsi, en l’absence d’orientation clinique, il ne sera pas toujours simple de déterminer l’implication des variants identifiés dans la survenue de l’accident rythmique.

 

Quelle est la part des maladies rythmiques héréditaires chez les sujets jeunes et les sportifs ?

 

Il n’existe pas actuellement de données génétiques chez les sportifs. En revanche, des travaux récents ont pu montrer la part majeure des maladies rythmiques héréditaires chez les patients de moins de 45 ans décédés de mort subite.

En cas d’autopsie moléculaire qui, jusqu’à présent, n’a été réalisée que sur un nombre limité de gènes (les 5 gènes principaux du syndrome du QT long et le gène principal de la tachycardie ventriculaire catécholergique), Ackerman avait pu identifier la présence d’une anomalie génétique chez 26% des 173 patients testés 34.

 

Lorsque ces autopsies moléculaires sont orientées par une approche de dépistage familial avec la réalisation d’examens cliniques simples chez les apparentés du premier degré (enfants, parents, frères et sœurs) du patients décédé, la rentabilité augmente encore et il devient possible d’identifier la cause de la mort subite dans près de la moitié des cas.

 

La réalisation systématique de ce dépistage familial avec autopsie moléculaire est déjà recommandée par les sociétés savantes européennes et américaines. En France, deux Centres se sont mis en place (Paris : Xavier Jouven et Nantes : Vincent Probst) avec pour vocation de structurer
la prise en charge sur le territoire national sur le modèle de ce qui a pu être fait avec les centres de référence et de compétence.

 

Les difficultés rencontrées actuellement restent encore nombreuses.

Certaines sont en passe d’être résolues, en particulier la demande faite aux équipes de SAMU de réaliser un prélèvement sanguin en cas de mort subite d’un sujet jeune. Les Centres de prise en charge de la mort subite effectuent un gros travail d’information mais les équipes sont nombreuses ce qui rend la systématisation des prélèvements complexe.

Les obstacles éthiques qui rendaient la réalisation du prélèvement complexe (information de la famille obligatoire et impossibilité de prélever un sujet décédé) ont pu être levés.

En revanche, il reste nécessaire d’informer les familles et d’obtenir leur consentement avant de pouvoir faire les analyses moléculaires et le dépistage familial, ce qui demande beaucoup de temps.

 

Enfin, le financement des analyses moléculaires non prises en charge par la Sécurité sociale et celui des personnels en charge d’informer les familles sur l’importance du dépistage familial et de l’autopsie moléculaire, reste une faiblesse majeure de l’organisation, qui repose aujourd’hui essentiellement sur la bonne volonté des Centres et sur des crédits de recherche.

 

V – Recommandations

 

Prenant en considération le nombre élevé de morts subites au cours d’activités physiques et sportives ou à leur décours immédiat (dans l’heure qui suit l’arrêt de l’effort), l’Académie nationale de médecine recommande, dans une finalité préventive :

           -1- que toute mort subite au cours d’activités physiques et sportives conduise désormais à une déclaration obligatoire par l’équipe de premiers secours auprès du Procureur de la République.

            -2- qu’une circulaire interministérielle conjointe au Ministère de la Justice, au Ministère de la Santé et au Ministère des Sports, soit adressée aux Procureurs de la République, leur demandant de faire procéder, le plus rapidement possible et de façon obligatoire, à une autopsie réalisée selon le protocole ci-dessus de façon à disposer, grâce aux différents prélèvements réalisés, du maximum de preuves génétiques, bactériologiques, biologiques, toxicologiques et anatomo-pathologiques ayant trait au cœur lui-même et aux vaisseaux.

            La biologie moléculaire permettra également de mettre en évidence un risque familial et la mise en œuvre de mesures préventives.

           –3– qu’une autopsie médico-légale à haut niveau d’exigence scientifique, respectant les recommandations européennes précitées, soit pratiquée avec la compétence d’un anatomo-pathologiste hospitalier (et non par un seul médecin légiste), comportant un examen anatomo-pathologique minutieux et complet, de même que les prélèvements nécessaires, notamment à visée toxicologique et génétique, en application du protocole. Ces différents prélèvements feront l’objet d’analyses par étapes en fonction des besoins du diagnostic.

Le procureur peut saisir le concours d’un anatomo-pathologiste spécialisé en la matière.

En effet, le principal organe impliqué dans la mort du sportif au cours de l’effort est le cœur, ce qui impose une étude exhaustive des différents tissus cardiaques et la recherche d’une explication rationnelle.

            -4- que des recherches cliniques et fondamentales soient conduites et soutenues sur les morts subites au cours des pratiques physiques et sportives afin :

            -d’en mieux connaître les causes

                        -d’en évaluer le risque létal sous certains traitements (psychotropes, psycho-stimulants…) ou après prise de produits dopants ou stupéfiants (amphétamines, cocaïne, cannabis, stéroïdes anabolisants, glucocorticoïdes…).

            -de développer les stratégies appropriées de prévention :

                        -en sanctionnant sévèrement l’usage de produits dopants et en respectant les critères du « bon usage approprié des médicaments », approprié à chaque personne

                        -par la pratique de bilans appropriés, de précautions et d’éventuels traitements préventifs, susceptibles de diminuer les accidents chez les membres des familles exposées en fonction des facteurs de risque identifiés (coronaropathies, dysrythmies génétiques…).

            -5- que soit développée dans ce domaine une formation des médecins (réévaluer et améliorer le certificat médical d’aptitude au sport pour les sportifs professionnels et non professionnels), des pharmaciens, de tous les autres soignants concernés ainsi que toutes personnes susceptibles de pratiquer les « gestes qui sauvent » : forces de l’ordre, secouristes, encadrements sportifs, pompiers, etc. L’apprentissage des « gestes qui sauvent » doit être mis en œuvre pour tous les citoyens qui doivent recevoir une formation appropriée au cours de l’enseignement secondaire (prérequis nécessaire pour passer le baccalauréat et pour s’inscrire à l’université, dans une école supérieure  et toutes formations professionnelles).

Chez les sportifs de haut niveau et les sportifs à risque, notamment coronarien, il est recommandé de pratiquer un bilan cardiaque non invasif comprenant un électrocardiogramme de repos et d’effort, une échocardiographie et un enregistrement Holter sur 24 heures.

 

            -6- que la présence d’un défibrillateur cardiaque externe soit  rendue obligatoire dans les stades et les enceintes sportives.

                       

Références 

1: Rieu M., Queneau P. – Rapport à l’Académie nationale de médecine au nom d’un Groupe de travail « La lutte contre le dopage : Un enjeu de santé publique »,  Bull.Acad. Ntle. Med., 2012, 196, n°6, 1169-1172, séance du 05 juin 2012.

2: Centre d’Analyse Stratégique du Premier Ministre : Note d’analyse 321 – Gestes de premiers secours : une responsabilité citoyenne : http://www.strategie.gouv.fr/content/gestes-premiers-secours-na-321#les-ressources

3: Marijon E, Tafflet M, Celermajer DS, Dumas F, Perier MC, Mustafic H, Toussaint JF, Desnos M, Rieu M, Benameur N, Le Heuzey JY, Empana JP, Jouven X. Sports-related sudden death in the general population. Circulation. 2011 Aug 9;124(6):672-81. doc: 10.1161/CIRCULATIONAHA.110.008979. Epub 2011 Jul 25. PubMed PMID: 21788587.

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31: Actes du Colloque sur la mort subite non traumatique liée aux activités physiques et sportives, 26 janvier 2010, du CNOSF (Comité National Olympique du Sportif Français)

32:  Dubois G. Le cannabis, Bull. Acad. Natle Méd., 2012, 196, n°3, 759-760, séance du 13 mars 2012

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Annexe 1 : principales causes génétiques rares

 

La cardiomyopathie hypertrophique (CMH)

Cette maladie est caractérisée par un épaississement anormal des parois du ventricule gauche avec une désorganisation des fibres musculaires à la biopsie. La contraction du muscle est normale. Des syncopes peuvent survenir chez les patients atteints. Le mécanisme probablement le plus fréquent est l’obstruction de la chambre de chasse ventricule gauche par l’épaississement du muscle cardiaque qui empêche l’éjection du sang. Ce type de syncopes survient essentiellement à l’effort. Des syncopes peuvent également être liées à des troubles du rythme ventriculaire à type de tachycardie ventriculaire ou de fibrillation ventriculaire. Dans ce cas, l’accélération brutale de la fréquence cardiaque ne permet plus un remplissage correct des cavités cardiaques ce qui entraîne une chute du débit cardiaque, puis du débit cérébral pouvant être à l’origine de syncopes parfois convulsivantes. Cette maladie peut toucher des sujets jeunes et parfois les troubles du rythme ventriculaire surviennent alors que l’hypertrophie est encore très modérée et difficile à identifier. Cette maladie  doit être recherchée, particulièrement chez les sportifs qui ont une augmentation physiologique de l’épaisseur des parois du ventricule gauche lié à l’entrainement. De nombreux gènes, principalement impliqués dans la contraction myocardique ou la transmission des forces dans les cellules myocardiques, ont été identifiés comme responsables de cette maladie.

 

La dysplasie arrhythmogène du ventricule droit (DAVD)

Au plan histologique, cette maladie est caractérisée par un remplacement des fibres musculaires en particulier au niveau du ventricule droit par des cellules graisseuses. Deux types de complications peuvent survenir chez les patients atteints de cette maladie. L’apparition, le plus souvent tardive au cours de la vie, d’une insuffisance cardiaque en particulier droite ou la survenue de troubles du rythme ventriculaire qui peuvent survenir précocement. Le diagnostic de cette pathologie est souvent difficile. Elle est caractérisée sur l’électrocardiogramme par la présence d’un bloc incomplet de la branche droite associée à des ondes T négatives dans les dérivations précordiales droites et on peut parfois observer la présence d’une onde caractéristique appelée ondes epsilon. Le diagnostic le plus souvent évoqué sur l’électrocardiogramme sera confirmé par la ventriculographie droite ou l’I.R.M. cardiaque permettant de montrer une dilatation du ventricule droit associée à une diminution de la contraction. Actuellement, 7 gènes sont identifiés dans cette maladie. Il s’agit principalement des gènes qui codent pour les protéines des desmosomes.

 

Pour la CMH comme pour la DAVD, en cas de mort subite l’autopsie peut révéler des aspects spécifiques mais il faut également savoir que des accidents rythmiques peuvent survenir très précocement alors que les anomalies structurelles sont encore très limitées. Enfin, pour ce qui concerne la DAVD, il est assez fréquent que le diagnostic soit porté par excès lors des autopsies car il est probable qu’une réanimation cardiaque prolongée puisse induire des aspects assez proches de la DAVD.

 

Le syndrome du QT long

Les premières descriptions du syndrome du QT long par Jervell et Lange-Nielsen, puis Romano et coll. et Ward et coll. remontent au début des années 60. Outre la présence ou l’absence de surdité congénitale, la différence majeure entre les syndromes de Jervell et Lange Nielsen et de Romano-Ward réside dans le mode de transmission de l’anomalie génétique. En effet, le syndrome de Romano-Ward, de loin le plus fréquent (il représente plus de 90 % des cas), se transmet selon le mode autosomique dominant, tandis que le syndrome de Jervell et Lange-Nielsen se transmet sur un mode autosomique récessif.

Le phénotype est caractérisé par un espace QT allongé à l’ECG (supérieur à 440 millisecondes en valeur corrigée), par une onde T de morphologie anormale ainsi que par
une dynamique anormale de la repolarisation ventriculaire. Le problème majeur posé par ce syndrome est le risque de « torsades de pointe » pouvant dégénérer en fibrillation ventriculaire à l’origine de mort subite. Par ailleurs, il existe de nombreux sujets génétiquement atteints, asymptomatiques, qui n’ont pas d’anomalie de la repolarisation, mais qui peuvent tout de même avoir un risque de survenue de mort subite dans des conditions particulières et spécifiquement en cas de prise de molécules qui allongent le QT. Il est probable que la fréquence des porteurs d’un défaut génétique dans l’un des gènes du QT long dans la population générale, est plus importante qu’on ne le pensait, ce qui pourrait expliquer la fréquence des QT longs dits « acquis », dont une partie non encore définie est en effet liée à des formes congénitales ignorées. Ces patients, bien que porteurs de l’anomalie génétique, ont un électrocardiogramme normal. En présence de certaines substances qui allongent la durée du QT, ils peuvent devenir symptomatiques et sont sujets  à des syncopes voire des morts subites. La réponse aux nouvelles molécules sur la dynamique du QT est maintenant bien étudiée en pharmacologie et on peut penser que, même si il n’y a pas de données à ce sujet, une part des morts subites du sportif puisse être liée à ce type d’anomalie, en particulier en cas de prise de substances mal connues au plan pharmacologique.

Depuis la description du premier locus, dix localisations chromosomiques ont été identifiées, mettant en évidence l’hétérogénéité génétique de cette maladie.

Certains types de syndrome de QT long (LQT1 et LQT2) peuvent être traités avec succès par les bêtabloquants alors que dans la troisième forme de syndrome de QT long ce traitement est moins efficace.

 

Le syndrome de Brugada

Le syndrome de Brugada a été décrit en 1992 chez des patients morts subitement de fibrillation ventriculaire idiopathique. Il associe un aspect de bloc incomplet droit et une anomalie de la repolarisation caractérisée par une surélévation du segment ST dans les dérivations précordiales droites. Ces anomalies sont variables dans le temps et modulées par le système neurovégétatif. Certains patients atteints peuvent avoir un électrocardiogramme normal à certaines périodes (en fait plus de 50% des patients atteints de cette maladie). Les anomalies électrocardiographiques peuvent cependant être démasquées par l’utilisation de tests utilisant l’injection de drogue bloquant le canal sodique.

Dans ces maladies, les accidents de mort subite surviennent essentiellement au repos et souvent la nuit et touche préférentiellement les hommes entre 20 et 40 ans. Les morts subites sont dues à des épisodes de fibrillation ventriculaire mais une des caractéristiques de cette maladie est que contrairement à ce que l’on peut observer habituellement la fibrillation ventriculaire peut spontanément s’arrêter. Cela explique que certains patients peuvent récupérer de malaises très profonds.

Cette maladie est familiale dans plus de 50 % des cas, et en 1998, une liaison génétique a été mise en évidence avec le gène SCN5A. Des mutations sur ce gène sont retrouvées chez un peu plus de 20% des patients atteints de cette maladie. Actuellement, 13 gènes différents ont pu être identifiés mais en dehors de SCN5A les autres gènes ne jouent qu’un rôle mineur.

Il n’existe actuellement aucun traitement médical qui a fait la preuve de son efficacité, même si des espoirs sont mis dans l’utilisation de la quinidine. La seule thérapeutique efficace est la mise en place d’un défibrillateur automatique implantable chez les patients pour lesquels le risque rythmique est considéré comme élevé.

Plus récemment, en 2008 nous avons pu décrire une nouvelle forme de maladie, le syndrome de repolarisation précoce. Cette pathologie serait responsable de 30% des morts subites inexpliquées chez les patients n’ayant pas de cardiopathie sous-jacente. Elle peut également être familiale avec une transmission autosomique dominante. Les bases génétiques de cette maladie restent actuellement encore mal connues même si deux gènes ont pu être identifiés.

 

 

Les tachycardies ventriculaires catécholergiques

Les tachycardies ventriculaires catécholergiques sont caractérisées par la survenue de troubles du rythme ventriculaire au cours de l’exercice ou d’un stress. Cette maladie  touche essentiellement les enfants et les jeunes adultes et peut en raison du risque de troubles du rythme ventriculaires graves être responsables de syncopes et de mort subite.

Les patients qui en sont atteints ont un cœur morphologiquement normal. Leur électrocardiogramme est également normal et seule la réalisation d’une épreuve d’effort ou d’un Holter ECG permet d’identifier les troubles du rythme.

Cette maladie  est également héréditaire et trois gènes ont été identifiés. Le traitement repose sur l’utilisation des bêtabloquants et éventuellement de la flécaïne, voire la mise en place d’un défibrillateur automatique implantable lorsque  les troubles du  rythme ne sont pas bien maîtrisés par les bêtabloquants.

 

 

(*) Membre de l’Académie nationale de médecine, Membre correspondant de l’Académie nationale de pharmacie, représentant l’Académie nationale de médecine au Collège de l’Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) et au Comité de préfiguration des modalités d’instauration du profil biologique du sportif.
(**) Ancien Conseiller scientifique de l’Agence française de lutte contre le dopage (AFLD)
(***) Membre correspondant de l’Académie nationale de médecine, Professeur de Médecine Légale à l’Université Paris 5 et ancien Directeur de l’Institut Médico-légal de Paris.
(****) Membre de l’Académie nationale de médecine et de l’Académie nationale de pharmacie, représentant l’Académie nationale de pharmacie au Collège de l’AFLD, Professeur de toxicologie, Biologiste des hôpitaux.
(*****) Professeur de cardiologie au CHU de Nantes, responsable du Centre de référence national pour la prise en charge des maladies héréditaires rythmiques et du Centre de prévention de la mort subite du sujet jeune (invité).
(******) Professeur de cardiologie à l’Hôpital Européen Georges Pompidou (AP-HP), responsable d’équipe mixte de recherche AP-HP/Université Paris Descartes/Inserm, et coordonateur du Centre d’expertise de la mort subite de l’adulte (invité).

Bull. Acad. Natle Méd., 2013, 197, n° 7, 1419-1435, séance du 1er octobre 2013