Communiqué
Séance du 9 décembre 2003

À propos de l’euthanasie

MOTS-CLÉS : enjeux éthiques. euthanasie. suicide assisté.

Denys Pellerin

 

À propos de l’euthanasie

Denys PELLERIN La médiatisation des deux événements récents que furent le procès en appel de Christine Malèvre et la mort du jeune Vincent Humbert a ravivé les discussions sur le thème de l’euthanasie. Diverses instances s’interrogent à nouveau sur l’opportunite de légiférer sur ce douloureux et difficile problème.

L’Académie nationale de médecine a déjà fait connaître son avis sur cette question de société qui concerne au premier chef les médecins et les personnels de santé [1, 2]. Néanmoins, si devait s’ouvrir un débat parlementaire en vue de mettre en place un dispositif législatif encadrant l’euthanasie, l’Academie souhaite ici, rappeler solennellement sa position.

— Le rôle du médecin et d’une équipe soignante est de soigner et ne saurait être de donner la mort, quelle que puisse être leur motivation.

— L’Académie nationale de médecine rappelle qu’elle s’oppose à tout acharnement thérapeutique et que le devoir du médecin est d’y substituer des soins palliatifs notamment destinés à lutter efficacement contre la douleur et assurer l’apaisement de la personne qui doit être accompagnée jusqu’au terme de sa vie. Une relative réduction de la durée de survie résultant de l’arrêt d’un processus mécanique d’assistance ou des effets des sédatifs sur un organisme parvenu au seuil irréversible de sa défaillance organique ne peuvent en aucun cas être assimiles a un acte d’euthanasie.

Le refus d’entreprendre une réanimation ou de la prolonger lorsque toute possibilité de retour à une autonomie des fonctions vitales est devenue illusoire, de même que le refus de mettre en œuvre une thérapeutique d’une gravité disproportionnée avec l’objectif poursuivi ne sauraient être considérés comme une non assistance à personne en danger.

— L’Académie nationale de médecine se déclare résolument hostile à toute disposition visant à dépénaliser l’euthanasie et l’assistance au suicide, son [1] Séance thématique L’accompagnement de fin de vie. Bull. Acad. Natle Med., 1999, 183, no 5, 879-953.

[2] L. HOLLENDER. — L’accompagnement de fin de vie. Rapport, au nom d’un groupe de travail.

Bull. Acad. Natle Med., 2000. 184, no 8, 1765-1774.

équivalent, quand bien même les conditions de leur pratique seraient fixées par voie réglementaire à l’exemple des législations Néerlandaise et Belge, qui se démarquent en cela de la position européenne commune.

L’Académie estime en effet que les risques de dérives seraient patents.

Elle est fermement attachée à l’obligation déontologique du médecin de soigner le malade comme de l’accompagner quand sa guérison ne peut plus être espérée. Il serait inacceptable que la relation de confiance entre le malade et le médecin, notamment quand elle concerne les personnes âgées en fin de vie, puisse être ébranlée par le pouvoir donné au médecin de mettre un terme à la vie de celui ou celle qu’il avait le devoir d’accompagner jusqu’a son terme.

— En revanche, considérant le vide juridique actuel qui entoure l’euthanasie, constatant que le terme même ne figure dans aucun texte législatif ou réglementaire, observant que de ce fait un acte d’euthanasie est assimilé a un assassinat (dès lors qu’il ne peut être que prémédité), l’Académie nationale de médecine souhaiterait que si le législateur devait se saisir de la question, en dépit des risques que comporte l’approche législative d’un sujet si sensible, le terme d’euthanasie (de même que l’assistance au suicide) soient inscrits dans la loi au même titre que les termes meurtre et assassinat. Dès lors l’acte d’euthanasie serait bien reconnu pour ce qu’il est, transgression et crime mais cependant d’une autre inspiration qu’un meurtre ou un assassinat.

— Toutefois, l’A.N.M. ne peut méconnaître que peuvent exister des circonstances hors normes, qui dans des situations toujours uniques peuvent conduire un médecin et l’équipe soignante qui l’entoure à répondre à une demande clairement exprimée et réitérée d’une personne malade par un geste consenti après réflexion approfondie dans une décision collective.

Elle reconnaît qu’il s’agit là sans ambiguïté d’une transgression qui peut donner lieu à des poursuites judiciaires.

— Si une disposition législative sur l’euthanasie était limitée à son inscription comme l’Académie l’évoque ci-dessus, il appartiendrait au législateur d’introduire dans le code de procédure pénale les dispositions permettant au juge de disposer de toutes les informations sur les circonstances dans lesquelles l’acte d’euthanasie (ou d’aide au suicide) a été pratiqué afin qu’il puisse ou non retenir une qualification.

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L’Académie, saisie dans sa séance du mardi 9 décembre 2003, a adopté le texte de ce communiqué (deux voix contre, sept abstentions).

 

Bull. Acad. Natle Méd., 2003, 187, no 9, 1721-1722, séance du 9 décembre 2003