SÉANCE ANM DU 13 FÉVRIER 2018
La séance du 13 février a comporté une conférence et trois communications.
Conférence :
Résultats scientifiques et phénomènes d’opinion par Gérald BRONNER (Sociologie, Université Paris-Diderot. Membre correspondant libre de l’Académie de Médecine).
Un bon exemple du conflit entre sciences et opinions est représenté par la méfiance des Français sur la sécurité des vaccins. Elle est la plus élevée dans notre pays (41%) selon une enquête sur 67 pays en 2016. Ce taux a considérablement augmenté dans les 20 dernières années du fait de controverses sur des campagnes nationales de vaccination (1994-1998 hépatite B, 2009-2010 grippe H1N1), mais surtout à cause de la diffusion « virale » par internet d’assertions contredisant la science. Comme notre cerveau est préférentiellement attirée par ce qui déclenche la peur, les troubles soi-disant liés aux vaccins ou à un médicament sont plus diffusés (marché des sites) et pris en compte que les bienfaits.
-Asymétrie de motivation des acteurs. -Pression concurrentielle accrue sur le marché de l’information. -Biais de confirmation entre les scientifiques qui travaillent lentement et les complotistes du spectaculaire qui ne vérifient rien.
Communications :
- Zika virus, voies génitales et transmission sexuelle par Louis BUJAN (EA3694 Fertilité Humaine, Université Paul Sabatier, Médecine de la Reproduction, CECOS, Hôpital Paule de Viguier, Toulouse).
L’infection humaine par le virus Zika a pris une grande importance depuis 2013, sévissant en Polynésie puis en Amérique du Sud et aux Caraïbes en 2015-2016. Transmise par la piqûre d’un moustique Aedes, l’infection est le plus souvent bénigne, voire asymptomatique. Mais l’ampleur de l’épidémie a permis d’observer de rares cas de complications neurologiques et d’altérations du développement fœtal (microcéphalies). Une transmission sexuelle a été identifiée et elle est précisée dans ce travail portant sur le suivi chez 15 hommes infectés, symptomatiques. La détection du virus dans le sperme et simultanément dans le sérum, le sang complet et les urines a été réalisée de façon répétée jusqu’à 120 jours après l’infection. La détection tardive de l’ARN viral dans le liquide séminal, alors qu’elle a disparu du sang, mais aussi dans les spermatozoïdes, avec un virus capable de multiplication et d’infection cellulaire, rend compte pour la première fois d’une possibilité d’infection au stade initial de la fécondation. Chez la femme, la détection de l’ARN viral dans le tractus génital est observée, parfois après sa disparition du sang, mais persiste moins longtemps que chez l’homme. Ces résultats sont importants pour la compréhension des conséquences de l’infection Zika sur la fonction de reproduction et pour évaluer le risque de transmission sexuelle.
- Intérêt de développer des cliniques d’AIT (Accident Ischémique Transitoire) en France : est-ce utile pour la santé publique ? par Pierre AMARENCO (Service de neurologie et Centre d’accueil et de traitement de l’attaque cérébrale, APHP Hôpital Bichat, Paris).
L’AIT se caractérise par la survenue brutale de paralysie d’un hémicorps, d’un bras, d’une jambe, d’une main, anesthésie d’un hémicorps, aphasie, trouble de l’équilibre, cécité monoculaire, d’une durée de quelques secondes, quelques minutes, typiquement moins d’une heure. Après un AIT le risque d’AVC constitué est de 17% à 3 mois, et la plupart surviennent dans les heures ou jours suivant l’AIT. Or beaucoup de patients ne bénéficient pas d’une prise en charge rapide par un spécialiste neurovasculaire et leur chance d’éviter un AVC grave diminue. Il faut donc créer des cliniques d’AIT (2 seulement existent en France actuellement) disponibles 24 h/24, 365 j/an pouvant accueillir en urgence un patient qui n’a plus aucun trouble, mais doit bénéficier d’une exploration neurovasculaire immédiate avec une IRM de diffusion et de gestes et/ou traitements préventifs en ambulatoire, permettant de réduire de 80% le risque d’AVC constitué. Si tous les AIT étaient pris en charge dans une clinique d’AIT, cela permettrait d’éviter 5320 AVC constitués chaque année en France. Un lien étroit avec un service d’hospitalisation neurovasculaire doit néanmoins exister.
- Développer des cliniques d’AIT en France ? N’existent-elles pas déjà ? par Didier LEYS (Neurologie et pathologies neurovasculaires, Hôpital Roger Salengro, CHU de Lille).
La prise en charge en urgence des AIT est une nécessité. Les unités neurovasculaires existantes ont la capacité de les prendre en charge sans délai. Si certains services d’urgence neurovasculaire ne l’assument pas, ils doivent créer un secteur d’accueil ambulatoire permanent pour remplir ce rôle préventif. La priorité doit être mise sur des campagnes d’information auprès de la population et des soignants afin que ces patients puissent être pris en charge en urgence dès les premiers symptômes au même titre que ceux qui présentent un AVC constitué. Créer des cliniques d’AIT à côté des unités neurovasculaires reviendrait à diviser les moyens pour, dans les grandes métropoles, un nombre d’AIT attendus qui n’est que de 1 à 2 par jour et dans les agglomérations de 100 000 habitants, de 1 par semaine. Si certaines unités neurovasculaires ne peuvent prendre en charge les AIT, c’est qu’elles sont sous-dimensionnées et/ou sous-dotées et créer une autre structure à côté n’est pas la solution.
. A l’issue de ces 2 communications contradictoires sur l’AIT, une riche discussion s’est engagée sur les recommandations les plus pertinentes: il est précisé que, devant tout signe neurologique ou ophtalmologique déficitaire, de survenue brutale et rapidement régressif, la prise de 300 mg d’aspirine soit la première mesure à prendre avant d’obtenir un accueil dans une unité d’urgence neurovasculaire.