Publié le 19 janvier 2021

 

Séance dédiée : Détérioration de la colonne vertébrale avec le vieillissement

 

Organisateur : Jean DUBOUSSET

 

Détérioration de la colonne vertébrale et vieillissement. Renseignements fournis par l’imagerie. Revue. Dr Gérard Morvan, Centre d’imagerie de l’appareil moteur Léonard de Vinci, Paris

Les remaniements morphologiques de la colonne vertébrale sont extrêmement fréquents au cours du vieillissement et souvent asymptomatiques (40% des cas). Le rôle, délicat, de l’imagerie est de repérer, parmi ces remaniements, ceux qui sont symptomatiques. Cela n’est possible que par une étroite confrontation des données de l’imagerie avec celles de la clinique. La dégénérescence de l’unité fonctionnelle de la colonne commence habituellement par des remaniements biochimiques du disque, suivis de remaniements  structuraux. Ils aboutissent à un pincement de celui-ci qui surcharge les plateaux vertébraux et les articulations zygapophysaires, ce qui entraîne discarthrose et arthrose zygapophysaire, susceptibles de générer à leur tour sténose canalaire et instabilité. A l’inverse, les troubles statiques de la colonne lorsqu’ils sont secondaires à son vieillissement, restent rarement muets surtout lorsqu’ils sont marqués et s’accompagnent d’une instabilité segmentaire. L’IRM et les radiographies du corps entier type EOS (imagerie ostéoarticulaire de tout le squelette, très peu exposante aux rayons X, et permettant une reconstruction 3D) représentent à l’heure actuelle les outils d’imagerie  les plus performants pour l’étude de la colonne vieillissante.

 

 

Colonne vertébrale et Vieillissement, Examen. Dr Catherine MARTY-POUMARAT, Rhumatologie, Médecine physique et de réadaptation, Centre Médical Tourville, Paris

Le vieillissement est responsable de plusieurs pathologies de la colonne vertébrale, caractérisées par des troubles de la statique. Ces pathologies sont la scoliose dégénérative (SD), la cyphose l dégénérative (CLD), le canal lombaire étroit, l’ostéoporose fracturaire avec tassements vertébraux, les complications de la chirurgie vertébrale, le spondylolisthésis dégénératif, la camptocormie ou syndrome de latête tombante. La SD est en rapport soit avec une scoliose préexistante souvent modérée qui évolue depuis l’âge adulte, soit avec une scoliose qui apparaît tardivement (de novo), la période critique étant le plus souvent la ménopause. La CLD est une cyphose lombaire non réductible due à des lésions dégénératives discales et articulaires postérieures étagées. La camptocormie est une cyphose thoracolombaire d’au-moins 45° réductible, mais très invalidante ; les causes en sont multiples : neurologiques (périphériques neuromusculaires ou centrales (syndrome extrapyramidal)), métaboliques, ou médicamenteuses, mais aussi à un âge tardif l’évolution possible d’une SD ou d’une CLD. Les conséquences de ces troubles de la statique sont les douleurs, les difficultés à la marche, le préjudice esthétique et parfois en cas de camptocormie des troubles digestif s et respiratoires. Les traitements sont essentiellement la kinésithérapie avec un travail postural, musculaire et proprioceptif, les infiltrations radioguidées par des radiologues expérimentés dans les déviations de la colonne vertébrale, après une analyse précise de la cause des douleurs permettant une infiltration ciblée, et les corsets plastiques et/ou en tissu sur mesure. Le but des corsets est d’améliorer les douleurs, la statique vertébrale et de freiner l’évolution. L’autre solution est la chirurgie, mais s’agissant d’une chirurgie souvent étendue elle est le plus souvent contrindiquée après 70 ans.

Indications des traitements en imagerie interventionnelle sur la colonne vertébrale vieillissante. Pr Jean-Denis Laredo, Imagerie ostéo-articulaire, Hôpital Lariboisière, APHP, Paris

Les deux situations cliniques les plus souvent traitées en imagerie interventionnelle vertébrale sont la lombosciatique aigüe par hernie discale et les fractures-tassements ostéoporotiques.

– Dans la lombosciatique aiguë par hernie discale sans déficit moteur important ni troubles sphinctériens trois handicaps sont à considérer : 1/ La correspondance anatomoclinique est loin d’être parfaite.. 2/Depuis le retrait du marché de la chymopapaïne, aucun traitement percutané intradiscal (nucléolyses chimiques et nucléotomies mécaniques) n’a donné de résultats suffisants pour la remplacer. Restent les injections vertébrales de corticoïdes (« infiltrations »), seul l’hydrocortancyl possède une AMM pour l’utilisation vertébrale. 3/ L’effet des corticoïdes est de durée brève. La prise en charge de la lombosciatique par hernie discale non déficitaire doit être multidisciplinaire : le médecin généraliste doit rassurer le patient et lui expliquer que l’évolution naturelle se fait vers la guérison, le plus souvent en quelques semaines ou mois et qu’il est possible de le soulager par des antalgiques, des AINS, une contention lombaire et lui apprendre à éviter une activité néfaste (port de charges, long trajets en voiture). Les « infiltrations » de corticoïdes permettent de soulager les phases douloureuses aiguës. Cette stratégie permet d’éviter l’intervention chirurgicale chez plus de 90% des patients.

– Dans les fractures-tassements vertébraux dus à l’ostéoporose post-ménopausique ou du sujet âgé, la vertébroplastie et kyphoplastie consistent à injecter une résine qui se solidifie et permet de stabiliser la fracture du corps vertébral. Cette stabilisation permet, dans la plupart des cas, de diminuer de façon importante et rapide les douleurs et de reprendre une station debout et la marche, point essentiel chez les sujets âgés exposés au risque des complications du décubitus. L’ostéoporose fracturaire est une maladie évolutive, il est donc essentiel de la dépister et de la traiter. Il faut donc lutter pied à pied avec l’installation d’une cyphose vertébrale progressive qui réduit les capacités respiratoires et fonctionnelles, handicapent la marche et augmentent le risque de chute. C’est dire l’importance de la prévention précoce de l’ostéoporose, de l’atrophie musculaire (sarcopénie) et des facteurs de risque de chute chez le sujet âgé.

 

 

 

Les possibilités et indications des traitements chirurgicaux. Pr Hugues PASCAL-MOUSSELLARD, Chirurgie orthopédique et traumatologique, GH de la Pitié-Salpêtrière, Paris

La spécificité des indications chirurgicales du sujet âgé doit tenir compte des pathologies en cause (traumatiques et dégénératives), des problèmes techniques liés à l’ostéoporose car responsable d’un ancrage osseux déficient, et de la nature des objectifs spécifiques : nécessité d’un résultat rapide (reprise de l’autonomie), pérennité des résultats à long terme. L’âge n’est pas en lui-même un facteur de risque de complications postopératoires, ce qui compte ce sont les comorbidités.

– En traumatologie, la colonne est raide et arthrosique et il faut différencier les traumatismes cervicaux (C1-C2 odontoïde) et ceux de la colonne ostéoporotique (traumatisme thoracolombaire avec tassement vertébral) lors d’un impact faible (chute) ; pour la fracture de l’odontoïde le diagnostic est tardif dans 15% des cas, et la fracture survient chez 95% des patients après 70 ans, le traitement orthopédique s’accompagne de pseudarthrose dans 30-50% des cas;  et la , bien tolérée, est une arthrodèse C1-C2 ou Occ-C1-C2 ; pour les autres fractures vertébrales, elles  sont classées par grade de sévérité croissante de 0 à 3, le traitement initial, qui dépend de la douleur, est la vertébroplastie, la kyphoplastie ou l’ostéosynthèse percutanée  dont l’objectif est la stabilisation immédiate du corps vertébral.

– Pour la pathologie dégénérative (canal étroit) : la chirurgie est soit une décompression (peu agressive), soit, en cas de spondylolisthésis, une chirurgie plus agressive pour laquelle se discute le bénéfice/risque. De même, pour scoliose et sténose, la clinique est à considérer : quel est le déséquilibre prédominant ? y a-t-il un syndrome compressif prédominant (mono ou pluriradiculaire) ?. La place de la chirurgie localisée (pour rétablir l’équilibre sagittal) est controversée : elle est discutée  en cas de radiculalgie mécanique par sténose foraminale dynamique, chez un sujet âgé de plus de 80 ans, associé à une déformation ; elle est formelle pour une souffrance monoradiculaire mécanique de cause très localisée (foramen, récessus). En conclusion, l’âge n’est pas un facteur de risque chirurgical, mais, pour une pathologie donnée bien identifiée, la question est, outre les éventuelles spécificités techniques, celle du bien-fondé d’un recours chirurgical vis-à-vis d’atteintes sténotiques et scoliotiques.

 

 

 

Quelques pistes pour la prévention

Pr Jean Dubousset

Membre de l’Académie nationale de médecine

– Pratiquer une activité physique et psychique régulière (créations d’emplois spécifiques aux retraités) ;

– Détecter précocement des déformations de la colonne vertébrale (clinique et imagerie corps entier sans jamais oublier la colonne cervicale dont la pathologie existe dans près de 50% des cas) ;

– Prévenir les chutes ;

– Récupérer la motricité le plus rapidement possible et la maintenir après toute agression , quelle que soit son origine (traumatique, pulmonaire, infectieuse, urinaire….).

– Se méfier des médicaments (en particulier des polymédications), et s’assurer de leur observance stricte.

– Ne pas oublier les vaccinations, une alimentation de qualité, la prise de vitamine D, et une bonne hydratation. En un mot : « PRENDRE SOIN DE SOI » !