Publié le 5 novembre 2020

Communiqué de l’Académie nationale de médecine et de l’Académie vétérinaire de France : Mutation du virus Sars-CoV-2 chez les visons danois et mesures de précaution

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Mutation du virus Sars-CoV-2 chez les visons danois et mesures de précaution

Communiqué de l’Académie nationale de médecine et de l’Académie vétérinaire de France

5 novembre 2020

 

Le risque de propagation épizootique du SARS-CoV-2 dans les élevages de vison et la crainte de contaminations humaines à partir de ce réservoir animal, évoqués par le communiqué bi-académique du 20 juillet 2020 [1], viennent d’être confirmés au Danemark. La découverte de deux mutations virales du Sars-CoV-2 dans 5 fermes de visons et la transmission du virus muté à 12 personnes ont conduit les autorités sanitaires danoises à décider l’abattage immédiat de tous les visons élevés sur son territoire, soit près de 17 millions d’animaux. Cette décision, lourde de conséquences économiques pour le premier exportateur mondial de peaux de vison, a été prise pour éviter la propagation d’un nouveau virus qui pourrait compromettre le développement des candidats vaccins contre la Covid-19 en raison d’une moindre efficacité protectrice des anticorps développés par l’Homme contre le virus mutant [2].

En médecine vétérinaire, l’expérience de la vaccination contre le coronavirus de la bronchite infectieuse aviaire (BIA) éclaire la décision du gouvernement danois. Première coronavirose, décrite dès 1931, la BIA est un véritable fléau pour les élevages de poules pondeuses, la chute du taux de ponte sans mortalité provoquant des pertes économiques majeures dans l’élevage avicole. La mise en œuvre des mesures de biosécurité ne suffisant pas à contrôler cette maladie très contagieuse, seule la vaccination permet une prévention efficace. Elle est appliquée dans le monde entier pour les troupeaux de poules pondeuses. Le vaccin utilisé initialement ne correspondait qu’au seul sérotype Massachusetts. Puis des virus « variants » sont apparus, porteurs d’une mutation du gène codant la glycoprotéine de spicule S1 du virus. La surveillance épidémiologique de la BIA a permis d’identifier les virus « variants » pouvant circuler dans un même élevage et d’adapter les programmes de vaccination en utilisant des vaccins recombinants correspondant aux nouveaux virus en cause.

Dans le cas des visons danois, les 2 mutations du gène codant la protéine S1 du Sars-CoV-2 présentant un danger potentiel de santé publique ont été signalées dès le 4 septembre par le Statens Serum Institut de Copenhague [3]. Cette plasticité de la protéine S1 confère au virus un avantage décisif pour franchir la barrière d’espèce [4]. Elle justifie la surveillance des virus isolés chez les animaux, en particulier chez les visons puisque c’est la seule espèce pour laquelle une transmission de la Covid-19 de l’animal à l’Homme a été observée.

 

Instruites pas ces constatations et approuvant la décision du gouvernement danois d’éliminer l’ensemble de ses élevages de visons pour éviter des contaminations humaines et tout risque de propagation ultérieure, l’Académie nationale de médecine et l’Académie vétérinaire de France recommandent, dans le cadre d’une stratégie globale « une seule santé » :

– de renforcer la surveillance épidémiologique des coronaviroses animales, en particulier chez les mustélidés (visons et furets) afin de détecter précocement la constitution de réservoirs ;

– de s’assurer que l’abattage des visons a permis d’arrêter définitivement la propagation du virus variant isolé au Danemark ;

– de détecter toute mutation parmi les SARS-CoV-2 isolés chez les animaux, en particulier chez les visons, pouvant limiter l’efficacité d’une vaccination future contre la Covid-19 ;

– de mettre en œuvre les mesures de biosécurité les plus strictes dans les élevages de visons encore indemnes dans les autres pays ;

– d’éviter tout contact entre les personnes potentiellement infectées par le SARS-CoV-2 et leurs animaux de compagnie, notamment les furets, et d’observer les mêmes mesures barrière que vis-à-vis des personnes de leur entourage (port du masque, lavage des mains).

 

 

Références

 

[1] Communiqué de l’Académie nationale de médecine et de l’Académie vétérinaire de France « Les animaux contaminés par le SARS-CoV-2 représentent-ils un risque pour l’Homme ? » 23 juillet 2020

 

[2] Covid-19 abattage de masse après une mutation menaçante du virus chez des visons au Danemark. Dépêche AFP du 4/11/2020 (17h10)

 

[3] https://www.information.dk/telegram/2020/10/myndigheder-rugede-paa-viden-coronamutationer-mink

 

[4] Leroy E et al. Transmission du Covid-19 aux animaux de compagnie : un risque à ne pas négliger. Bull Acad Vét de France 2020 ; http://www.academie-veterinaire-defrance.org/