Publié le 15 juillet 2020

Avis de l’Académie : Les séquelles de la Covid-19

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Les séquelles de la Covid-19

Avis de l’Académie nationale de médecine

15 juillet 2020

L’épidémie de Covid-19 diminue nettement en France. Chez les malades les plus sévèrement atteints, les séquelles sont une menace réelle dont l’importance reste mal évaluée (1). Des soignants et des malades feront également face à des séquelles psychiques qu’il ne faut pas mésestimer.

Les séquelles de la Covid-19 peuvent être séparées en deux groupes. Le premier rassemble celles des atteintes organiques de la phase aiguë, non ou peu réversibles. Le second inclut les troubles complexes mal étiquetés survenant quelques semaines après la guérison dont l’origine et le devenir restent inconnus. Du fait de l’extension de la pandémie, même un faible pourcentage de séquelles représente un problème de santé publique à l’échelle du pays.

1- Séquelles des atteintes organiques survenues au cours de la phase aiguë

– Les atteintes respiratoires résiduelles (2)
Le poumon est l’organe le plus fréquemment atteint à la phase aiguë de la maladie et les épidémies dues à d’autres coronavirus comme le Sars-CoV et le Mers-CoV ont montré qu’une fibrose pulmonaire pouvait persister après l’infection initiale.
La fibrose pulmonaire interstitielle est la conséquence fréquente de la détresse respiratoire observée à la phase aiguë de la maladie. Elle peut aussi résulter d’une phase aiguë de la maladie qui semblait pourtant peu grave. Elle est surtout attribuée à la production accrue de cytokines pro-inflammatoires, conséquence indirecte de l’infection virale. D’autres facteurs peuvent intervenir, comme l’hyperpression dans les voies respiratoires faisant suite à la ventilation artificielle et l’anoxie liée à un déséquilibre entre les besoins en oxygène et le volume qui en est fourni.
Elle est caractérisée par un déclin progressif de la fonction respiratoire, une extension des lésions visibles sur la tomographie thoracique, une sensibilité accrue aux infections respiratoires. Même un faible degré de fibrose résiduelle peut accroitre la mortalité chez les sujets âgés.

– Les atteintes cardiaques (3).
Une myocardite inflammatoire avérée par l’élévation de la troponine et du BNP (« B-type natriuretic peptide ») est fréquemment retrouvée chez les malades traités en soins intensifs et peut conduire à une insuffisance ventriculaire gauche. Un infarctus du myocarde peut survenir en rapport avec une rupture de plaque favorisée par l’infection ou une anoxie prolongée. Une insuffisance ventriculaire droite secondaire à une hypertension artérielle pulmonaire conséquence de la fibrose respiratoire et/ou d’embolies pulmonaires à la phase aigues est également possible. Des troubles du rythme sont parfois observés, dont des extrasystoles, une tachyarythmie ventriculaire et une fibrillation auriculaire. Insuffisance cardiaque, nécrose myocardique et troubles du rythme persistent après la sortie de la phase aiguë et réclament surveillance prolongée et traitement approprié.

– Les atteintes rénales (4)
Une protéinurie, une hématurie microscopique et une élévation modérée de la créatininémie sont fréquentes à la phase aiguë, traduisant une atteinte rénale. Le dosage de la créatinine étant un marqueur de la diminution de la filtration glomérulaire plus que des lésions tubulaires, des marqueurs plus spécifiques comme le KIM-1 (« kidney injury molecule-1 ») et le NGAL (« neutrophil gelatinase associated lipocain ») doivent être utilisés. Des insuffisances rénales aiguës réversibles en rapport avec des troubles hydro-électrolytiques ont été observées. Les atteintes directes liées au virus se traduisent par une nécrose des cellules épithéliales tubulaires inconstamment réversible pouvant conduire à une insuffisance rénale chronique terminale. L’évolution vers l’insuffisance rénale chronique étant toujours silencieuse, les malades ainsi atteints doivent être surveillés sur une longue période.

– Les atteintes directes ou indirectes du système nerveux central (5)
L’atteinte cérébrale peut être directement liée au virus ou plus souvent la conséquence d’une anoxie prolongée chez les malades sous ventilation artificielle, d’accidents vasculaires cérébraux, ou d’un syndrome auto-immun comme l’encéphalomyélite aiguë disséminée qui, s’il s’accompagne de troubles périphériques et touche le diaphragme, peut aggraver les troubles respiratoires. On a décrit aussi des atteintes du tronc cérébral qui contribuent aux difficultés respiratoires.

– Les sarcopénies sont quasi constantes chez les malades immobilisés plusieurs semaines en soins intensifs, ce qui nécessitera une rééducation prolongée lors de la convalescence.

2- Les troubles mal étiquetées prolongeant la convalescence ou survenant à distance (6)

On a pu constater que des malades apparemment sortis de l’épisode aigu nécessitaient une convalescence prolongée ou se plaignaient de nouveaux symptômes après une période de rémission. L’infection initiale a été souvent courte et a guéri spontanément. La négativité des tests de recherche du virus permet d’éliminer une réinfection et la présence d’IgG spécifiques pour le Sars-CoV-2 confirme l’infection antérieure. Les troubles dont se plaignent ces sujets sont un malaise général, des douleurs musculaires, des arthralgies, de la fatigue au moindre effort physique ou intellectuel, une perte de la mémoire et, parfois, des accès de tachycardie. L’examen clinique reste négatif à part souvent une perte de poids traduisant une dénutrition. Ces troubles sont le plus souvent épisodiques, mais ont parfois un caractère prolongé. Le traitement en est difficile, à part la prescription de paracétamol, le soutien psychologique et la correction d’une éventuelle dénutrition par un diététicien. Il est difficile de faire la part de ce qui revient aux suites du Covid-19 ou à d’autres causes, comme c’est le cas dans le syndrome post-borréliose de la maladie de Lyme.

3- Les séquelles psychiques (7)

Les séquelles psychiques sont à craindre chez les patients, les soignants et les victimes du confinement.
– Chez les patients
Ceux sortant de réanimation avec ventilation assistée et sédation profonde, puis d’une longue convalescence, sont intensément marqués. En plus de la récupération fonctionnelle des organes atteints, ils ont besoin d’un soutien psychologique leur permettant de retrouver un travail et une vie sociale normale. Ceux qui ont guéri spontanément en ont aussi parfois besoin, lorsqu’ils souffrent des troubles divers et mal étiquetés considérés plus haut.
– Chez les personnels soignants
Qu’ils travaillent dans des hôpitaux ou des EHPADs, qu’ils occupent des fonctions de médecin, infirmier, aide-soignant, brancardier, manipulateur…, ces personnels ont été soumis à des horaires de travail prolongés associés à des responsabilités accrues, vu l’état préoccupant des patients traités, entraînant fatigue, anxiété et manque de sommeil. Même si chez la plupart d’entre eux ces troubles disparaissent avec le retour à l’activité habituelle et la possibilité de congés, certains gardent fatigue, anxiété et insomnie, qui nécessitent un suivi et un soutien psychologique.
– Chez les victimes du confinement
Bien que l’ensemble de la population ait été soumis aux règles du confinement limitant les sorties du domicile et les contacts sociaux, quelques groupes ont été particulièrement touchés : les enfants et jeunes adultes handicapés qui ont quitté leur institution d’accueil ; les enfants privés d’école et de tout contact avec leurs camarades ; les étudiants retournés chez leurs parents et dont les études ont été interrompues. Si ces troubles sont souvent spontanément résolutifs, ils peuvent nécessiter chez quelques-uns une aide psychologique.

Pour traiter les séquelles, dans la limite de nos connaissances actuelles, l’Académie nationale de médecine recommande :

– la reprise d’une activité physique, dont la marche est la plus simple, dès que possible.
– la vigilance quant à la qualité fonctionnelle des organes les plus souvent atteints (cœur, cerveau, muscles et poumon) ;
– une surveillance de l’évolution à long terme de ces séquelles en assemblant une cohorte de patients pour une étude longitudinale de plusieurs années ;
– des mesures concernant l’organisation du travail dans les hôpitaux et les EHPADS (recrutement de personnels soignants ; augmentation des rémunérations), pour diminuer le risque de « burn out » et les tensions psychologiques liées à un travail excessif ;
– aider les parents d’enfants handicapés qui, en cas de reconfinement, auraient à remplacer les institutions d’accueil.

Références

1- Les phases de l’épidémie du Covid-19 : critères, défis et enjeux pour le futur. Pré rapport de l’Académie nationale de médecine 15 mai 2020. http://www.academie-medecine.fr/pre-rapport-de-lacademie-nationale-de-medecine-les-phases-de-lepidemie-du-covid-19-criteres-defis-et-enjeux-pour-le-futur.
2- Peter M George, Athol U Wells, R Gisli Jenkins. Pulmonary fibrosis and COVID-19: the potential role for antifibrotic therapy. Lancet Respir Med. 2020 May 15 doi: 10.1016/S2213-2600(20)30225-3
3- Allawala UK. ; Denniss AR. ; Zaman S.; . Bhindi R. Cardiovascular disease in the post-covid-19 era. The impending tsunami. Heart, lung and circulation.
https://doi.org/10.1016/j.hlc.2020.04.004
4- Martinez-Rojas MA., Vega-Vega O., Bobadilla NA. Is the kidney a target of Sars-CoV-2? Am J Physiol Renal Physiol. 2020 Jun 1; 318(6): F1454–F1462.
Published online 2020 May 15. doi: 10.1152/ajprenal.00160.2020
5- Traore A., Bonvin C., Alvarez V. Neurologie et Covid-19. Rev. Med. Suisse. 2020 ; 16 : 947-949.
6- Balachandar V., Mahalaxmi I., Subramaniam M et al. Follow-up studies in COVID-19 recovered patients – is it mandatory? Published online 2020 Apr 27. doi: 10.1016/j.scitotenv.2020.139021
7- Rogers JP., Chesney E., Pollak TA., McGuire P., Fusar-Poli P., Zandi MS., Lewis G., David AS. Psychiatric and neuropsychiatric presentations associated with severe coronavirus infections: a systematic review and meta-analysis with comparison to the COVID-19 pandemic. Lancet Psychiatry. 2020 Jul; 7(7): 611–627. Published online 2020 May 18. doi: 10.1016/S2215-0366(20)30203-0