Communication scientifique
Séance du 1 mars 2005

Zoonoses dues aux bactéries du genre Bartonella : nouveaux réservoirs ? nouveaux vecteurs ?

MOTS-CLÉS : bartonella. endocardite. maladie des griffes du chat. zoonoses.
Zoonotic diseases caused by bacteria of the genus Bartonella genus : new reservoirs ? new vectors ?
KEY-WORDS : bartonella. cat-scratch disease. endocarditis. zoonoses.

Bruno B. Chomel et Henri Jean Boulouis

Résumé

Les animaux domestiques et sauvages constituent un important réservoir de Bartonelles et au moins huit espèces ou sous-espèces sont maintenant directement incriminées comme agents de zoonoses. De plus, de nombreuses manifestations cliniques isolées sont à présent associées sur des bases essentiellement sérologiques, à des infections par Bartonella henselae, l’agent principal de la maladie des griffes du chat. Diverses espèces de mammifères parmi les carnivores, les rongeurs et les ruminants représentent les principaux réservoirs de ces bactéries. Si le chat domestique est le principal réservoir de l’agent de la maladie des griffes du chat, le rôle du chien en tant que réservoir de Bartonelles est moins évident. Il semblerait que les chiens domestiques, au moins dans les régions tempérées soient surtout des hôtes accidentels de l’infection et constituent d’excellentes sentinelles de l’infection humaine. Les bartonelloses sont des maladies à transmission vectorielle. Le rôle de la puce du chat commence à être bien élucidé dans l’épidémiologie de la maladie des griffes du chat et de nouveaux vecteurs potentiels ont été récemment identifiés, qu’il s’agisse des tiques ou des mouches piqueuses. Les connaissances actuelles concernant l’étiologie, les nouvelles manifestations cliniques et l’épidémiologie de ces zoonoses émergentes sont présentées.

Summary

Domestic animals and wildlife represent a large reservoir for bartonellae, at least eight species or subspecies of which have been reported to cause zoonotic infections. In addition, numerous orphan clinical syndromes are now being attributed to Bartonella henselae infection. Many mammalian species, including cats, dogs, rodents and ruminants are the main bartonellae reservoirs. Cats are the main reservoir for B. henselae. It appears that domestic dogs, at least in non tropical regions, are more likely to be accidental hosts than reservoirs, and constitute excellent sentinels for human infections. Bartonellae are vectorborne bacteria. The mode of B. henselae transmission by cat fleas is now better understood, but new potential vectors have recently been identified, including ticks and biting flies. This articles summarizes current knowledge of the etiology, new clinical features and epidemiological characteristics of these emerging zoonoses.

INTRODUCTION

Les

Bartonella sont des bactéries hémotropes, à transmission principalement vectorielle, dont huit espèces ou sous-espèces (sur les dix connues pour être pathogènes chez l’homme) ont été directement incriminées depuis une douzaine d’années comme agents de zoonoses. Durant la majeure partie du XXe siècle, seulement deux maladies humaines avaient été associées aux bactéries du genre Bartonella . Si la fièvre des tranchées due à

Bartonella (anciennement Rochalimaea ) quintana était une maladie bien connue des médecins militaires durant la première guerre mondiale, affectant plus d’un million de soldats, la fièvre de Oroya et sa forme chronique connue sous le nom de veruga peruana, apparaissait comme une maladie plus exotique, localisée aux confins des montagnes andines. La fièvre des tranchées est réapparue depuis dans de nombreuses parties du monde, en particulier dans les camps de réfugiés en Afrique, mais aussi parmi les populations de sans-abri en Europe, Amérique du Nord et Russie [1]. L’infection est transmise à l’homme par les déjections de poux ( Pediculus humanus corporis ) infectés sur des humains bactérié- miques. Il n’existe pas de réservoir animal connu. Le vecteur principal est le pou du corps, mais B. quintana a été détectée ces dernières années par PCR chez des puces de chat [2] et des tiques [3]. Quelques très rares cas humains d’infection à

B. quintana ont été associés à la présence de chats [2] ; mais B. quintana n’a jamais été isolée du sang de chats et l’infection expérimentale n’induit pas de bactériémie dans cette espèce [4]. Quant à la zone d’endémicité de la fièvre de Oroya, elle semble s’être étendue à des zones habituellement indemnes [5]. L’infection est transmise par un phlébotome du genre Lutzomia et aucun réservoir animal autre que l’homme n’a pu être identifié.

L’association de Bartonella henselae à la maladie des griffes du chat (MGC) au début des années 1990 a ouvert de nouvelles perspectives pour ce genre qui comporte actuellement plus de vingt espèces.

ÉTIOLOGIE

Les bartonelles sont de petits bacilles Gram négatif, de culture difficile. Bactéries intracellulaires, elles se localisent dans les cellules endothéliales ou les globules rouges [6]. Le tableau I recense les espèces de Bartonella agents de zoonoses confirmées ou suspectées ainsi que leur principaux réservoirs et vecteurs. Pour certaines espèces de bartonelles, le vecteur possible est donné dans l’attente d’une confirmation du vecteur principal.

Hormis pour B. henselae , le nombre actuel d’infections humaines causées par ces bactéries zoonotiques se limite à un cas unique ou au maximum à quelques cas pour chaque espèce ou sous-espèce de Bartonella impliquée.

B. henselae comporte au moins deux génotypes, désignés respectivement Houston-1 (type I) et Marseille (ex BATF) (type II) [7]. Le rôle de

B. clarridgeiae en tant qu’agent de la MGC semble être mineur et nécessite toujours d’être confirmé sur des bases moléculaires et pas uniquement sur des arguments sérologiques. Hormis B.

henselae et B. koehlerae , la plupart des bartonelles agents de zoonoses ( B. elizabethae , B. grahamii , B. vinsonii subsp. arupensis et B. washoensis ) ont pour réservoir des rongeurs. Enfin,

B. vinsonii berkhoffii , initialement isolée d’un chien souffrant d’endocardite, a été associée à un cas d’endocardite chez l’homme [8]. Par ailleurs, plusieurs autres espèces de Bartonella ont été identifiées chez des rongeurs, des lagomorphes et des ruminants [9].

TABLEAU 1. — Espèces et sous-espèces de Bartonella agents confirmés ou potentiels de zoonoses, hôtes principaux et vecteurs.

Bartonella

Réservoir Principal

Vecteur Principal

B. elizabethae

Rat (

Rattus norvegicus )

Xenopsylla cheopis

B. grahamii

Micromammifères sauvages Puces ( Clethrionomys glareolus, Microtus agrestris, Apodemus flavicollis )

B. henselae

Chat (

Felis catus )

Ctenocephalides felis

B. clarridgeiae

Chat (

Felis catus )

Ctenocephalides felis

B. koehlerae

Chat (

Felis catus )

Ctenocephalides felis

B. vinsonii subsp. berkhoffii

Coyote (

Canis latrans )

Inconnu (Tiques ?

Ixodes spp ) subsp. arupensis

Souris sauvage (

Peromyscus leucopus ) Inconnu (Puces ? Tiques ?)

B. washoensis

Écureuil fouisseur de Californie Inconnu (Puces ?) ( Spermophilus beecheyii )

BIOLOGIE ET ÉPIDÉMIOLOGIE DES BARTONELLOSES ZOONOSES

L’infection par

Bartonella se caractérise, chez l’hôte principal, par une bactériémie prolongée avec de possibles épisodes de récurrence. Une telle caractéristique est bien décrite chez l’homme infecté par B. bacilliformis ou B. quintana ou chez le chat infecté par

B. henselae ou B. clarridgeiae .

Maladie des griffes du chat

La maladie des griffes du chat (MGC) fut initialement décrite comme une entité clinique spécifique en France en 1950 par Debré et al. [10] et Mollaret et al. [11]. Le nombre de cas annuels de MGC est estimé entre 22.000 et 24.000 aux États-Unis d’Amérique et à plusieurs milliers dans différents pays d’Europe [12]. La MGC atteint préférentiellement les jeunes âgés de moins de 20 ans. Les principaux facteurs de risque associés sont la possession d’un chat de moins de 12 mois (infesté de puces) et la griffure ou la morsure d’un chat [13]. Le chat constitue le réservoir principal de B. henselae , la prévalence de chats bactériémiques étant toujours plus élevée chez les chats errants que chez les chats domestiques. Ainsi en France, le pourcentage de chats bactériémiques pour B. henselae et B. clarridgeiae varie entre 8 % et 16,5 % pour les chats domestiques et entre 53 et 62 % pour les chats errants [14]. La séroprévalence vis-à-vis de B. henselae chez les chats varie selon les régions du globe entre 0 % en Norvège à plus de 50 % dans les régions tropicales [14]. De même, les types de B. henselae semblent présenter des variations régionales [14] : le type

Marseille est dominant en Europe de l’ouest et dans l’ouest des USA, mais en proportions équivalentes avec le type Houston-I dans l’est des USA. En revanche, le type Houston-I est largement dominant en Asie du Sud-Est. Dans plusieurs pays, il semble que les cas humains de MCG soient plus fréquemment causés par le génotype Houston-1, malgré une plus grande prévalence du type Marseille dans la population féline.

L’isolement de B. henselae Houston-I de souris sauvages ( Apodemus sylvaticus ) au

Danemark ouvre de nouvelles perspectives en matière de réservoir sauvage pour l’agent de la MGC [15]. Pour les autres bartonelloses zoonoses, le nombre de cas décrits jusqu’à présent reste faible.

Mode de transmission et aspect vectoriel : nouveaux vecteurs ?

Le principal mode de transmission connu pour

B. henselae repose sur une effraction cutanée, essentiellement griffure, peut-être morsure de chat. En revanche, la possibilité d’une infection directement par piqûre de puce reste hypothétique. On commence à avoir une meilleure compréhension sur le rôle des puces dans l’infection par B. henselae . On sait depuis quelques années que la présence de puces ( Ctenocephalides felis ) est indispensable pour maintenir l’infection dans la population féline [16].

Depuis, il a été demontré que

B. henselae peut se multiplier dans le système digestif
des puces et survivre quelques jours dans les déjections des puces infectées [17].

Enfin, seuls les chats expérimentalement infectés avec des déjections de puces deviennent bactériémiques alors que ceux sur lesquels des puces ont été déposées (dans des boîtes de contention) ne deviennent pas bactériémiques [18]. Le mode d’infection le plus plausibe est donc l’inoculation de déjections pulicidiennes au moment de la griffure par un chat contaminé dont les griffes sont souillées par des déjections de puce.

Hormis la puce du chat, de nouveaux vecteurs ont été suggérés. En effet, de l’ADN de B. henselae a été détecté chez des tiques prélevés sur des humains [19], mais aussi chez des tiques adultes avant tout repas sanguin aussi bien en Amérique du Nord qu’en Europe [12]. Quelques cas humains d’infection à B. henselae ayant comme commémoratif une morsure de tique ont aussi été publiés. Enfin, l’ADN de

B.

henselae a été détecté récemment à partir d’une mouche piqueuse en Californie [20].

Le rôle de ces arthropodes doit encore être précisé. Néanmoins, plusieurs publications récentes ont établies une prévalence élevée de tiques infectées par différentes espèces de Bartonella et des taux encore plus importants chez des mouches piqueuses collectées sur des ruminants domestiques ou sauvages [21, 22].

Le chien : réservoir ou hôte accidentel ?

Le rôle du chien comme réservoir possible de bartonelloses est assez contrasté et nécessite plus d’études épidémiologiques pour déterminer le statut exact de l’infection dans différentes populations de chiens. En effet, la séroprévalence de l’infection à B. vinsonii berkhoffii chez les chiens de compagnie est relativement faible, inférieure à 3 % – 5 % dans plusieurs études aux États-Unis, en Europe [23, 24, 25, Boulouis, données non publiées) ou en Asie (Chang, Maruyama, communications personnelles) et même à l’Ile de la Réunion [26]. Cette situation contraste avec les quelques études menées en régions tropicales sur des chiens tout venant ou des chiens errants où la prévalence en anticorps anti- B. vinsonii berkhoffii est beaucoup plus élevée allant d’environ 18 % à l’Ile de la Réunion à 38 % en Thaïlande (chiens présentant des signes cliniques de fièvre, anémie et ou thrombocytopénie) [27] et jusqu’à plus de 50 % en Afrique subsaharienne [cité dans 12]. Certaines populations de chiens semblent être plus fréquemment infectées. Ainsi, dans l’étude réalisée en Caroline du Nord et en Virginie, la plupart des chiens séropositifs étaient d’origine rurale [23].

De même, une séroprévalence de près de 9 % a été observée parmi les chiens militaires ou de patrouille de surveillance aux États-Unis, avec des variations régionales notables (0 % pour les chiens stationnés dans les états montagneux et du Nord-Ouest contre 11 % pour les chiens stationnés dans le Sud-Ouest) [24]. En Californie, nous avons identifié les coyotes comme étant le réservoir principal de B.

vinsonii berkhoffii , avec 35 % des coyotes étant séropositifs [28]. De plus, dans une zone fortement infectée, 28 % des coyotes testés étaient bactériémiques [29]. Par comparaison, le nombre de chiens pour lesquels un isolat de B. vinsonii berkhoffii a été obtenu est très réduit.

D’autres espèces de bartonelles ont été encore plus rarement isolées du chien, dont B. clarridgeiae et B. washoensis dans des cas d’endocardite [30, 31] et tout récemment

B. henselae d’un chien originaire du Gabon [32]. L’isolement de B. clarridgeiae de cinq autres chiens gabonais pose la question du rôle du chien comme réservoir de

B.

clarridgeiae , rôle jusqu’à présent dévolu au chat. Plusieurs espèces de bartonelles pathogènes pour l’homme ont été aussi identifiées comme pathogènes chez le chien, dont B. henselae , B. clarridgeiae , B. elizabethae et B. washoensis . Enfin, deux études récentes [33, 34] semblent démontrer une prévalence non négligable en anticorps anti- B. henselae chez les chiens en bonne santé aussi bien aux États-Unis (10 %) qu’au Zimbabwe (14 %), mais encore plus importante chez les chiens malades (27 %).

Bartonelloses zoonoses ayant un rongeur comme réservoir

Si quelques infections humaines ont pu être associées à une infection par des Bartonella initialement isolées de différentes espèces de rongeurs (Tableau 1), le mode d’infection de ces patients n’a pas été clairement identifié. De même, très peu d’informations concernant les vecteurs potentiels sont disponibles, même si les puces infestant ces espèces de rongeurs sont fortement suspectées. La découverte sur plusieurs continents de nombreuses espèces nouvelles de Bartonella dans les populations de rongeurs sauvages laissent supposer l’émergence de nouveaux agents de zoonose (Kosoy, communication personnelle).

MANIFESTATIONS CLINIQUES

Les manifestations cliniques des bartonelloses se rencontrent majoritairement chez les hôtes accidentels. Le spectre clinique des infections à Bartonella commence à être mieux connu tant chez l’homme que chez le chien. Ainsi de nombreux syndromes ont pu être associés à une infection par B. henselae , essentiellement sur des bases sérologiques et parfois moléculaires (PCR). Les symptômes sont sensiblement comparables chez l’homme et le chien (Tableau II).

Chez l’homme

Chez les personnes immunocompétentes, l’infection par

B. henselae conduit à des symptômes classiques de la MGC (anciennement connue sous le nom de lymphoréticulose bénigne d’inoculation [11]) : une lésion érythémateuse cutanée au point d’inoculation apparaissant une à deux semaines après la griffure, une adénopathie loco-régionale pouvant durer plusieurs semaines à plusieurs mois, associée ou non à des signes généraux (fièvre, malaise) [35]. En général, les adénites régressent spontanément. Cependant, 10 % d’entre elles deviennent suppurées et nécessitent un drainage.

TABLEAU. II. — Aspects cliniques des infections à

Bartonella chez l’Homme et le Chien.

Espèce de

Bartonella

Symptômes

Homme

Chien

B. clarridgeiae

MGC ?

Endocardite Hépatite lymphocytique B. elizabethae

Endocardite, Neurorétinite Léthargie, anémie, perte de poids B. henselae

MGC, Endocardite, Hépatite granulomateuse Angiomatose bacillaire, Péliose Péliose hépatique hépatique, hépatite granulomateuse, Manifestations pseudotumorales, Arthrites, arthralgies, ostéomyélites, Nodules, érythème, pétéchies cutanés, Uvéite, neurorétinite, Purpura (Henoch-Schonlein), Glomérulonéphrite, Paronyxis, Périodontites B. grahamii

Neurorétinite, Occlusion bilatérale Pas diagnostiqué chez le des branches de l’artère centrale Chien de la rétine B. koehlerae

Endocardite Pas diagnostiqué chez le Chien B. vinsonii subsp. arupensis

Bactériémie, fièvre Pas diagnostiqué chez le Troubles neurologiques et Chien articulaires ; Endocardite subsp. berkhoffii Endocardite

Endocardite, myocardite, arythmie, uvéite, choroïdite boiteries, splénomégalie, polyarthrite B. washoensis

Fièvre, myocardite Endocardite De plus en plus de formes atypiques (5 à 15 % des infections) sont décrites, seules ou associées à la forme classique de MGC. Ainsi, une grande variété de pathologies oculaires a fait l’objet de descriptions, pour certaines anciennes (dont le syndrome oculo-glandulaire de Parinaud et la neurorétinite de Leber) et pour beaucoup d’autres plus récentes, depuis que des outils diagnostiques (sérologie, PCR) permettent de les associer aux Bartonelles, dont B. henselae [revu dans 14]. Elles comprennent des uvéites, divers types de neurorétinite, des kératites, œdème du disque oculaire, occlusions artérielles et veineuses, angiomatose bacillaire rétinienne et conjonctivale. Les formes neurologiques (méningites, encéphalites, atteintes céré- belleuses, myélites) sont rares et évoluent favorablement en quelques semaines à quelques mois. Des localisations viscérales (foie, rate) ou osseuses ont aussi été
décrites. Les atteintes osseuses se traduisent par une ostéolyse, principalement localisée aux vertèbres, sous forme de lacunes uniques ou multiples [9]. Plusieurs cas d’endocardite à Bartonella henselae , survenant le plus souvent sur une pathologie valvulaire pré-existante, ont été décrits. Quelques rares cas d’endocardite ou de myocardite ont été associés à des infections par B. elizabethae , B. koehlerae , B.vinsonii berkhoffii , B. vinsonii arupensis ou B. washoensis [8, 36-39] (Tableau 2). Des formes pseudotumorales ont été mises en évidence dans le parenchyme mammaire ou hépato-splénique. Deux cas de gammapathie mono et bi-clonale ont été associés à une infection à B. henselae . Enfin, des cas erratiques de purpura thrombocytopé- nique, anémie hémolytique, fatigue chronique, amygdalite, pleurésie, pneumonie, hépatosplénomégalie, paronyxis ont été rapportés à l’infection par Bartonella henselae [revu dans 14]. La plupart de ces syndromes régressent spontanément en quelques semaines à plusieurs mois. Au contraire des patients immunodéprimés, la bactériémie est rarement observée chez les individus immunocompétents, et les localisations sont plus circonscrites.

Chez les personnes immunodéprimées, on observe, entre autres, une angiomatose bacillaire (dont les lésions sont à distinguer de celles d’un sarcome de Kaposi) ou une péliose (avec différentes localisations dont une localisation hépatique), un syndrome fébrile prolongé et une bactériémie. De telles manifestations cliniques n’ont été associées jusqu’à présent, qu’aux infections causées par B. henselae ou B.

quintana .

En dehors des espèces de

Bartonella précédemment citées, B. vinsonii arupensis a été initialement isolée chez un patient bactériémique présentant une forte fièvre et différents troubles neurologiques et articulaires [40]. Enfin quelques cas de pathologie oculaire (neurorétinite, occlusion vasculaire) ont été associés à une infection par B. grahamii ou B. elizabethae [41-43].

Chez les animaux

Le chat semble être un porteur sain de l’infection. Cependant, la présence d’anticorps contre B. henselae a été associée de facon significative à des infections rénales et urinaires, des stomatites ou des lymphadénopathies [6]. Des cas d’uvéite et d’endocardite à B. henselae ont été décrits dans cette espèce. Expérimentalement, un épisode fébrile ainsi qu’une adénopathie et/ou un dysfonctionnement neurologique ont été observés ainsi qu’une lésion au point d’injection ou la présence de troubles de la reproduction ; mais de tels signes ne sont pas détectés systématiquement [6].

Au contraire du chat, la pathologie associée naturellement aux infections par les bartonelles chez le chien commence à être mieux identifiée. Plusieurs cas d’endocardite ainsi que quelques cas d’hépatite granulomateuse et de péliose hépatique, de lymphadénite et rhinite granulomateuses, d’uvéite et d’autres syndromes variés ont été associés à des infections par différentes espèces de Bartonella identifiées soit par isolement (

B. vinsonii berkhoffii , B. clarridgeiae et B. washoensis ) soit par des méthodes moléculaires (

B. henselae , B. clarridgeiae et B. elizabethae ) [6, 12, 44]. Il
apparaît donc que le chien pourrait constituer non seulement une excellente sentinelle mais aussi un excellent modèle pour les infections humaines à Bartonella , puisque le spectre clinique (Tableau 2) dans cette espèce est assez similaire au tableau clinique chez l’homme et que les espèces de Bartonella incriminées chez le chien sont aussi celles qui ont été identifiées comme pathogènes chez l’homme.

Pour les autres espèces naturellement infectées (micro mammifères sauvages et ruminants notamment), il n’est pas décrit de manifestations cliniques. Néanmoins des troubles de la reproduction ont été décrits chez des souris expérimentalement infectées [45].

DIAGNOSTIC, TRAITEMENT ET PRÉVENTION

Diagnostic

Le diagnostic d’une infection humaine à

Bartonella repose surtout sur des tests sérologiques (principalement immunofluorescence indirecte, parfois ELISA), moins fréquemment sur l’isolement bactériologique (souvent la culture est négative, surtout dans les cas de MGC) ou sur la technique d’amplification de gènes, tels que glt A (citrate synthase) ou ARN ribosomal 16S, directement à partir de différents prélèvements (ganglions lymphatiques, valve cardiaque, abcès hépatique, voire du sang complet non coagulé). La sérologie (mise en évidence d’IgG et d’IgM spécifiques) constitue le test de routine pour le diagnostic des bartonelloses humaines et canines. Néanmoins le choix des antigènes utilisés conditionne le nombre de faux négatifs. Des réactions croisées ont été notées ente B. henselae et Coxiella burnetii chez l’homme .

Chez les réservoirs animaux, pour lesquels la bactériémie est fréquente, l’hémoculture est la méthode de choix et la sérologie est d’intérêt plus limité. Dans tous les cas, l’identification de l’espèce de Bartonella s’appuie sur les techniques de biologie moléculaire (PCR, PCR-RFLP, séquençage de gènes) [12].

Traitement

Une excellente revue concernant le traitement et le choix des antibiotiques appropriés pour les différents types d’infections à Bartonella a été récemment publiée [46].

Le traitement des bartonelloses humaines est impératif dans le cas d’angiomatose bacillaire, de péliose bacillaire ou de bactériémie récurrente survenant chez un patient immunodéprimé. Des macrolides (érythromycine, azithromycine, clarithromycine), la rifampicine ou la doxycycline administrées sur plusieurs semaines voire deux à trois mois sont préconisés.

Le traitement des endocardites à Bartonella s’appuie sur l’association d’un aminoglycoside (notamment la gentamicine) pendant au moins 14 jours et du ceftriaxone avec ou sans doxycycline pour six semaines [46, 47]. En revanche, pour les patients
atteints de formes classiques de MGC, un traitement antibiotique n’est généralement pas mis en œuvre, car le bénéfice clinique est faible et les symptômes rétrocè- dent spontanément la plupart du temps. Dans les formes atypiques, l’azithromycine apparaît comme un antibiotique de choix.

Chez le chien, selon une étude récente, l’azithromycine, du fait de sa bonne pénétration intracellulaire ainsi que la doxycycline ou l’enrofloxacine apparaissent être des antibiotiques de choix lors d’une infection à Bartonella [48]. En ce qui concerne le chat, l’utilisation de cyclines, d’érythromycine ou d’enrofloxacine aboutit à des résultats inconstants [49].

Prévention

En raison du caratère vectoriel de la plupart des bartonelloses pour leur maintien dans leur réservoir respectif (puce du chat pour la MGC, puces ou autres vecteurs pour les bartonelles des rongeurs, éventuellement tiques ou mouches piqueuses), la prévention de l’infection animale et humaine passe essentiellement par la lutte contre les vecteurs grâce à l’emploi d’acaricides. Elle ne peut être envisagée pour l’instant que dans le cas des animaux de compagnie. Elle doit s’accompagner de conseil d’hygiène pour les propriétaires d’animaux susceptibles de véhiculer des bartonelles (jeunes chats infestés de puces).

Une seconde approche pourrait être la suppression des Bartonella chez les réservoirs (en particulier le réservoir félin) par la mise au point de vaccins (alternative à la relative inefficacité de l’antibiothérapie curative chez le chat). Cependant, la mise au point d’un vaccin félin se heurte à la diversité des espèces et types de Bartonella infectant le chat et à l’absence de protection croisée au moins entre espèces et peut-être entre types [14].

CONCLUSION

Le nombre des espèces identifiées de

Bartonella , notamment celles à caratère zoonotique, est en constante augmentation depuis le début des années 1990. De même, le spectre clinique des pathologies humaines rapportées à une infection par Bartonella henselae s’est considérablement accru. À côté de quelques cas imputables à de nouvelles espèces dont le mode de transmission à l’homme demeure inconnu, cet accroissement est manifestement lié à une amélioration des techniques de diagnostic et à l’extension du champ clinique de l’infection à Bartonella . Une meilleure connaissance des différents réservoirs et surtout des vecteurs et du mode de transmission des Bartonelles s’avère essentielle pour pouvoir prevenir l’apparation de ces infections émergentes dont un nombre croissant est identifié comme zoonotique.

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DISCUSSION

M. Jacques EUZÉBY

Quand on évoque Bartonella bacilliformis, il est juste de rappeler la mémoire de l’étudiant en médecine, Carion qui, désireux de prouver l’identité étiologique de la Verruga péruvienne et de la Fièvre de Oroya, s’inocula la Verruga et mourut de la Fièvre. On a fait intervenir dans
l’étiologie de la maladie des griffures de chat, l’inoculation par les aiguillons de rosier ; cette étiologie est-elle compatible avec le rôle de réservoir de germes attribué au chat ? Bartonella quintana n’a-t-elle pas un réservoir murin ? Je ne suis pas certain qu’on puisse attribuer à un insecte ou à un acarien hémato-lymphophage un rôle vecteur de Bartonella sur la seule présence d’ADN bartonellique dans leur organisme ; encore faut-il que les bactéries passent dans les glandes salivaires de l’arthropode. En ce qui concerne les tiques, les ixodidés ne prenant qu’un seul repas à tous les stades de leur évolution, il faut que les Bartonella soient transmissibles par voie transstadiale ou, si c’est une tique femelle qui contracté l’infection, qu’elle puisse la transmettre par voie intra-ovulaire. Qu’en est-il ?

Il est vrai que plusieurs publications déjà anciennes concernant la maladie des griffes de chat relatent la possibilité d’une contamination initiale par des épines de rosier. Aucune donnée récente ne peut supporter cette hypothèse, du moins en ce qui concerne le rôle de réservoir de germes attribué au chat. Il ne semble pas que Bartonella henselae soit présente dans le milieu extérieur et que cette bactérie puisse survivre longtemps dans l’environnement (quelques jours dans les déjections de puce). Cependant, B. henselae est phylogénétiquement très proche de bactéries de plantes (

Agrobacterium , Rhizobium ) et ces bactéries pourraient peut-être être une source d’adénopathie chez l’homme ? Non, le seul réservoir connu à ce jour est l’homme. Votre point de vue est tout à fait correct. La transmission de Bartonella spp. par les tiques n’a pas encore été prouvée expérimentalement. Cependant, le fait que, chez le chien, les animaux séropositifs pour

Bartonella vinsonii subsp. berkhoffii soit aussi fréquemment séropositifs pour des agents habituellement transmis par les tiques simplement suggère un tel mode de transmission.

M. Charles PILET

Ma question s’adresse à Henri-Jean BOULOUIS qui dirige à Alfort une équipe très active sur cette zoonose émergente et dont les travaux ont été couronnés l’an dernier pour l’Académie des Sciences. Pouvez-vous nous indiquer les renseignements que vous avez obtenus grâce au modèle murin que vous avez mis au point ?

Nous avons mis au point un modèle murin d’infection expérimentale par

Bartonella birtlesii qui reproduit la bactériémie au long cours décrite chez les réservoirs. Ce modèle nous a permis de démontrer expérimentalement l’existence d’une transmission transplacentaire de la bactérie dans cette espèce et un lien entre l’infection et différents paramètres de la reproduction en particulier l’induction de résorptions fœtales.

M. Michel ARTHUIS

Avez-vous une réponse actuelle sur la fréquence des accidents neurologiques ?

Ceux-ci sont assez rares et représentent moins de 1 % à 2 % (Carithers Advances in Pediatric Infectious diseases, 1993 ; 8 :1-21 des cas de maladie des griffures du chat (MGC). Les encéphalopathies représentent 2,5 pour 1000 cas de MGC (Lyon LW. Arch.

Neurol, 1971 ; 25(1) : 23-27)

M. Christian NEZELOF

À l’époque où la maladie des griffures du chat a été isolée par les équipes de Robert Debré et il a été remarqué que les maladies des griffures du chat s’observèrent chez des sujets victimes de griffures de chat ou de blessures par des épines d’un arbuste nommé épines noires ou des épines de rosiers, d’où l’idée que le commun dénominateur commun pourrait être l’oiseau comme réservoir. Qu’en est-il aujourd’hui ?

À ce jour, aucune publication ne signale l’existence de réservoirs aviaires de

Bartonella .

Nous avons nous-mêmes réalisé des hémocultures sur différentes espèces d’oiseaux dont des canards et des pigeons, sans résultat. Le laboratoire de B. Chomel a effectué des tentatives d’isolement sur des lézards, qui comme les oiseaux ont des globules rouges nuclées, qui n’ont pas non plus réussi.

M. Jacques-Louis BINET

Comment peut-on affirmer le diagnostic de la maladie des griffures de chat ? Antigène ?

Anticorps ? Quels sont les meilleurs antibiotiques ? Sont-ils utiles ? Quelle est la fréquence de la maladie en France ?

Le diagnostic de l’infection est essentiellement sérologique, fondé sur un titre en anticorps dirigés contre B. henselae et B. quintana , détectés par immunofluorescence indirecte. Un titre égal ou supérieur à 1 : 64 est considéré comme positif. Plus rarement, le diagnostic se fait par PCR (amplification génique) à partir d’une biopsie ganglionnaire.

Enfin l’isolement à partir du sang est exceptionnel lors de formes classiques de MGC. Il est important de souligner que le diagnostic des formes zoonotiques causées par des Bartonella isolées de rongeurs est rarement fait par l’utilisation d’antigènes spécifiques, à l’exception peut-être de

B. elizabethae . Dans les formes classiques de la MGC, les antibiotiques sont d’un intérêt limité. En revanche, pour les formes suppurées ou compliquées de MGC, dans le cas d’endocardite ou d’angiomatose bacillaire, l’utilisation de l’azythromycine, de l’érythromycine, de la doxycycline en association avec la rifampicine ou la gentamicine ont été recommandées (Rolain et al. , Recommendations for treatment of human infections caused by

Bartonella species. Antimicrob Agents

Chemother. 2004 ; 48 : 1921-1933). La MGC n’étant pas une maladie à déclaration obligatoire, nous n’avons pas d’estimation correcte de sa fréquence en France. Si on extrapole à partir des données américaines et des estimations faites pour les Pays-Bas, sachant aussi le nombre de chats domestiques présents dans les foyers français et le taux moyen de bactériémie chez les chats de compagnie, on peut estimer le nombre de cas de MGC à au moins 5.000 cas annuels en France.

M. André-Laurent PARODI

On décrit en pathologie vétérinaire une hémobartonellose du chat, anémie hémolytique, dont le diagnostic se fait par bactérioscopie sur frottis de sang. Il est même décrit une hémobartonellose du chien splenectomisé par Henri Cabanis. Ces hémobartonelloses sont-elles dues à des agents pathogènes appartenant à la famille des Bartonnelles que vous décrivez ou sont-elles différentes ?

Bien que ces bactéries aient une étymologie commune en hommage à A.L. Barton, elles n’appartiennent pas au même groupe bactérien. Le genre Haemobartonella que vous évoquez est maintenant classé dans les mycoplasmes (

Mycoplasma haemocanis , M.

haemofelis / Euzéby, J.P. : Dictionnaire de bactériologie vétérinaire.

http : //www.bacdico.net) alors que

Bartonella est proche de Brucella et d’ Agrobacterium .

M. Marc GIRARD

Vous mettez en doute le rôle du chien comme réservoir possible de Bartonelles. Pourtant, vous montrez que le chien est souvent infecté par des Bartonelles, y compris Bartonella henselae. N’y a-t-il donc aucun cas documenté de transmission du chien à l’homme ? Quel pourrait être l’éventuel vecteur ? Vous décrivez l’existence, chez le chat, de deux génotypes de Bartonella henselae, « Houston » et « Marseille ». En quoi diffèrent-ils l’un de l’autre ?

Sont-ils également pathogènes pour l’homme ? Pour les animaux ? Peut-on les distinguer par sérologie ? Vous mentionnez la découverte très importante de Bartonella henselae chez la tique. S’agit-il tout d’abord d’un ou de deux mêmes génotypes que chez le chat ? Ou d’un génotype nouveau ? A-t-on identifié le réservoir animal sur lequel les tiques s’infecteraient ?

Merci, pour votre question très pertinente. En effet, pour l’infection à

B. vinsonii berkhoffii on doit distinguer le cas des chiens en zone tempérée et celui de chiens en zone tropicale. Si dans cette dernière, les chiens errants sont fréquemment séropositifs (nos données non publiées du Maroc ou celles de Davoust et al. en Afrique subsaharienne), la prévalence de l’infection chez les chiens de compagnie en Europe ou aux États-Unis est en général très faible (moins de 5 %). En revanche, les coyotes constituent le réservoir de cette Bartonelle dans l’Ouest des États-Unis. De plus l’isolement de cette bactérie est très rare chez le chien. Il n’y a pas d’exemple confirmé de transmission de B. henselae du chien à l’homme, mais uniquement quelques cas de suspicion après griffure ou morsure de chien. Cependant le rôle du chien comme vecteur reste encore à prouver. On a suspecté le rôle de tiques pour la transmission de B. vinsonii berkhoffii chez le chien. Un cas humain d’endocardite causé par cette sous-espèce a été publié, mais l’origine canine de l’infection n’a pas été confirmée. En effet, deux génotypes de Bartonella henselae , « Houston » et « Marseille » ont été identifiés, sur la base de différences portant sur une portion de séquence du gène codant pour le 16S rDNA. Ces deux génotypes sont tous les deux pathogènes chez l’homme. Cependant, plusieurs publications, en provenance des PayBas, d’Allemagne et d’Australie, ont suggérées que le type « Houston » pourrait être plus pathogène, car plus fréquemment identifié chez les personnes développant une MGC, alors que dans ces pays les chats domestiques étaient plus fréquemment infectés par le type « Marseille ». Cet aspect est encore sujet à discussion ; néanmoins, nous avons pu démontrer que le type « Houston » était plus fréquemment impliqué que le type « Marseille » lors de lésions viscérales dans le cas d’angiomatose bacillaire (Chang et al. , J

Infect Dis. 2002 ; 186 : 1733-1739). Chez le chat, il est difficile de dire si un génotype est plus pathogène que l’autre. Il est intéressant de noter que les deux cas d’endocartite du chat à B . henselae que nous avons identifiés étaient de type ‘‘ Houston ’’. Ces deux génotypes ne sont pas distinguables aisément par sérologie traditionnelle et nécessitent des tests d’adsorption. En ce qui concerne B. henselae identifiée de tiques collectés sur des humains, les quatre tiques positives avaient un ADN correspondant à

B. henselae génotype ‘‘ Houston ’’ (Sanogo et al. , Emerg Infect Dis. 2003 ; 9 : 329-332). Pour les autres études, le génotype n’était pas précisé. Actuellement, le réservoir animal sur lequel ces tiques s’infectent n’a pas été identifié. Très récemment, B. henselae type ‘‘ Houston ’’ a été isolée pour la première fois de rongeurs sauvages au Danemark, suggérant aussi un possible réservoir murin (Engbaek K, Lawson PA. Identification of Bartonella species in rodents, shrews and cats in Denmark : detection of two

B. henselae variants, one in cats and the other in the long-tailed field mouse. APMIS. 2004 ; 112 : 336-341).


* Department of Population Health and Reproduction, School of Veterinary Medicine, University of California, Davis, California, 95616, USA. Tel. (1) 530-752-8112. Fax. : (1) 530-752-2377 or 530-752-5845. Email : bbchomel@ucdavis.edu ** Microbiologie-Immunologie, École Nationale Vétérinaire d’Alfort, 7 avenue du général de Gaulle, 94704 Maisons-Alfort — France. Tel : 3 3 1 43 96 71 55. Email : hjboulouis@vet-alfort.fr Tirés-à-part : Professeur Bruno B. CHOMEL, adresse ci-dessus. Article reçu le 11 janvier 2005, accepté le 21 février 2005.

Bull. Acad. Natle Méd., 2005, 189, no 3, 465-480, séance du 1er mars 2005