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Nouvelles techniques d imagerie cérébrale, potentiel pour la maladie d Alois Alzheimer Denis LE BIHAN
La maladie d Alzheimer se caractérise par la présence de lésions spécifiques à type de plaques séniles, de dégénérescence neurofibrillaire, et de perte neuronale. Si la résolution atteinte par les méthodes de neuroimagerie in vivo ne permet pas encore de voir ces lésions, l Imagerie par Résonance Magnétique (IRM) permet d objecti- ver la perte de volume cérébral associée à la perte progressive des neurones, en particulier au niveau de l hippocampe. La mesure de l atrophie hippo- campique, liée à la mémoire, permet de prédire la conversion de troubles cognitifs modérés en maladie d Alzheimer à un stade précoce, mais n est pas spécifique. En revanche l évolution croissante de cette atrophie aux IRM successives prédit la survenue des troubles. Avec l avènement de l IRM à très haut champ magnétique et d outils d analyse dédiés, il devient possible de voir les couches et connections au sein de l hippocampe, en particu- lier grâce à l IRM de diffusion qui renseigne sur la microstructure du tissu neuronal. La Tomographie par Emission de Positons (ligand PiB) permet d objectiver la présence de dépôts amyloïdes bêta. Sur le plan de la recherche, ces méthodes d ima- gerie, regroupées au sein d études multicentriques dédiées (ADNI pour Alzheimer Disease Neuro- Imaging, ou la plateforme française CATI pour Centre Automatisé de Traitement des Images), permettent de mieux comprendre la maladie et ses mécanismes et donc de tester des approches thérapeutiques. A titre individuel, les méthodes de neuroimagerie aident au diagnostic précoce, en amont de la conversion, et à suivre l évolution de la maladie.
Les nouveaux traitements de la maladie d Alois Alzheimer Bruno VELLAS
La recherche d un nouveau médicament pour la maladie d Alzheimer (MA) est un proces- sus complexe. Les essais cliniques évaluant les thérapies centrées sur la pathologie amyloïde (les anticorps monoclonaux et inhibiteurs de β-sécré- tase principalement) sont jusqu à présent négatifs à l exception de l annonce toute récente (octobre 2019) de l efficacité clinique de l aducanumab, anticorps monoclonal anti-amyloïde, dans un essai clinique de phase III (étude EMERGE): un ralentissement significatif du déclin cognitif a été observé chez les malades ayant reçu les plus fortes doses. L aducanumab pourrait devenir le premier traitement à visée anti-amyloïde à être utilisé en pratique clinique. Son évaluation en cours par la Food and Drug Administration pour une « ré-ad- ministration » à tous les patients inclus dans les études de phase 1 et 3 est prometteuse. Les pistes actuelles sont représentées par la prévention avec la mise en place notamment d une intervention chez des sujets asymptomatiques sur le plan cogni- tif mais présentant un ou des biomarqueurs de la MA positifs ; les traitements anti-Tau constituent une alternative crédible à la cible amyloïde dans la MA, et l apport de la Géroscience permettra de mieux cibler les mécanismes impliqués dans le vieillissement cérébral et les pathologies neuro- dégénératives. Il apparaît aujourd hui nécessaire de différencier les essais cliniques thérapeutiques s adressant aux formes génétiques (autosomiques dominantes ou marqueurs de susceptibilité géné- tique comme APOE-4 par exemple) et les formes sporadiques multifactorielles mais dont le facteur de risque principal est l âge.
Organoïdes : biologie, technologies, applications thérapeutiques potentielles
SÉANCE CommunicationsAnne RIOS, Isabelle SERMET-GAUDELUS, Nathalie VERGNOLLE, Bernard BAERTSCHI
3 décembre 2019 - L imagerie 3D des organoïdes et l analyse multiparamétrique des dynamiques cellulaires révèlent les signatures comporte- mentales des cellules T pour cibler les cellules tumorales. Anne RIOS
Cette conférence présentera une nouvelle métho- dologie qui combine l imagerie 3D avancée et l analyse multiparamétrique des dynamiques cellu- laires, avec des modèles de co-culture entre des cellules immunitaires humaines et des organoïdes tumoraux dérivés de patients (ces structures cellu- laires 3D récapitulent les caractéristiques essen- tielles des tumeurs). Il s agit d une plateforme de pointe qui permet non seulement d améliorer notre compréhension limitée de l interaction des cellules T modifiées avec les tissus tumoraux, mais aussi de révéler leurs signatures comportementales spécifiques liées au ciblage et à la destruction des tumeurs.
Les organoïdes : quels enjeux pour la mucovis- cidose ? Isabelle SERMET-GAUDELUS
Les organoïdes sont des cultures en 3 dimensions qui permettent de mieux appréhender la complexité du vivant. Ceci est illustré par leur application dans la mucoviscidose. Cette maladie est due aux muta- tions du gène CFTR. Les essais cliniques ont fait la preuve que la manipulation pharmacologique de la protéine CFTR induit un bénéfice clinique important. Pour autant, toutes les mutations ne sont pas répondeuses, ni même tous les patients avec le même génotype. Repérer les patients suscep- tibles de bénéficier de ces traitements constitue un enjeu important. Les organoïdes issus de biopsies rectales constituent un biomarqueur en plein déve- loppement dans ce cadre. On manque pour autant d étude véritablement systématique, examinant la corrélation entre le niveau de réponse sur les orga- noïdes et le bénéfice clinique, notamment respira- toire, chez le patient. La génération d organoïdes respiratoires, plus pertinents, est plus complexe et difficile à interpréter, à l inverse des cultures primaires en 2 dimensions. Si les organoïdes modi- fient le paradigme de la recherche clinique dans la mucoviscidose, leur place dans la recherche de
demain est encore à définir.
Organoïdes de vessie humaine : quelles appli- cations ? Nathalie VERGNOLLE
Ayant utilisé au laboratoire la culture d organoïdes intestinaux humains, l équipe s est ensuite attachée à mettre au point la culture d organoïdes de vessie humaine normale et pathologique (cancéreuse). Les caractérisations fonctionnelles et phénotypiques de ces cultures seront présentées. Les limites de ces cultures seront discutées. L utilisation des cultures d organoïdes de vessie humaine pour des tests pharmacologiques, l identification de cibles théra- peutiques, des tests de médecine personnalisée ou encore la réparation des tissus sera exemplifiée et discutée. Enfin, les futurs défis associés au déve- loppement de modèles organoïdes seront évoqués.
Les organoïdes : quels enjeux éthiques ? Bernard BAERTSCHI
Depuis quelques années, notamment sur la base de cellules souches humaines, les chercheurs ont développé des entités qui exécutent certaines fonctions des organes du corps humain. C est ce qu on appelle des organoïdes. Comme c est régu- lièrement le cas avec les produits des biotechno- logies, leur utilisation suscite des interrogations éthiques. Celles-ci sont d ailleurs rarement tout à fait nouvelles, mais la création des organoïdes est l occasion de les formuler et de les examiner à nouveaux frais. Dans ma présentation, après avoir passé en revue ces interrogations, je me pencherai sur deux types d organoïdes qui posent des ques- tions plus spécifiques : les organoïdes cérébraux, ou cérébroïdes, car certains auteurs se demandent déjà s ils ne doivent pas être considérés comme doués de sensibilité, voire de conscience, et les gastruloïdes, c est-à-dire des organoïdes qui réca- pitulent le développement de l embryon humain et qui, de ce fait, pourraient mériter une forme de respect, à l instar des embryons, définis comme «personnes potentielles».
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