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prénatale est insuffisante ou absente. L institution de la remise de chèques cadeaux à chaque visite prénatale aux femmes qui restent abstinentes s est montrée efficace. Il faut éradiquer le tabagisme pendant la grossesse.
Le tabagisme passif et l enfant Loïc JOSSERAN
Le tabagisme passif est lié à l inhalation par un non-fumeur de la fumée d une cigarette et surtout de celle expirée par des fumeurs proches. Cette fumée contient 4 000 composants, un gaz le monoxyde de carbone (CO), des goudrons (une cinquantaine de substances cancérogènes, certaines perturbant l endothélium vasculaire), de la nicotine. Si son impact sanitaire est connu, il est souvent minoré. Pourtant, le tabagisme passif est responsable de près de 3 000 décès annuels et, sur 12 personnes qui meurent du tabac en France, deux sont des non-fumeurs. Le message commence à passer: l exposi- tion à la maison est passée de 33% en 2005 à 28% en 2014 et le décret Bertrand en 2006 imposant l interdiction de fumer dans les lieux affectés à un usage collec- tif a joué un grand rôle. Mais la sensibilisation des femmes enceintes peine à s imposer : en 2016 30% des femmes interrogées ont déclaré avoir fumé juste avant leur grossesse et 17 % des femmes fumaient au moins une cigarette par jour au 3ème trimestre de grossesse, soit un niveau de consommation de tabac voisin de celui observé en population géné- rale chez les femmes des mêmes classes d âges. La prise en charge de ces femmes fumeuses doit être améliorée : 20% d entre elles ne sont pas interro- gées sur une éventuelle consommation de tabac par un professionnel de santé et, parmi les fumeuses, 54% ne reçoivent aucun conseil. Le problème du tabagisme passif de l enfant se pose avant même sa conception car le tabagisme de la femme diminue la fécondité. Pendant la grossesse l augmentation du taux de CO peut entraîner un retard de croissance, une mort fœtale, un accouchement prématuré, puis chez le nouveau-né et l enfant, malformation, mort subite, obésité, troubles ORL
La lutte contre le tabagisme passif passe par l aug- mentation du prix du tabac qui doit se poursuivre, les paquets neutres, la prise en charge de l aide au sevrage. Mais les industriels du tabac poursuivent la promotion d alternatives à la cigarette : tabac chauffé présenté sans preuve comme sans risque, chicha
L enfant et l adolescent, cibles de l industrie du tabac Daniel THOMAS
L industrie du tabac a toujours eu une préoccupa- tion vitale de recruter de nouveaux consommateurs, afin de remplacer ceux qui arrêtent et surtout ceux qui meurent prématurément. En 2017, en France, un adolescent de 17 ans sur quatre était fumeur quotidien. Les compagnies du tabac ont commu- niqué sur : fumer est une activité d adulte, donc attirante pour un adolescent et ont misé sur: l in- troduction de produits aromatisés, festifs (jusqu à leur interdiction partielle en France) ; l intrusion des « produits tabac » dans les films et séries
(publicité indirecte, passive!); la promotion massive des «influenceurs» sur les réseaux sociaux. La jeunesse des pays émergents, en voie de développement, sans légis- lation anti-tabac, est encore plus soumise précocement au tabagisme passif par ces stratégies, auxquelles s ajoute l exploitation illégale des enfants dans les plantations
de tabac. Les stratégies de lutte contre ces activi- tés meurtrières par des campagnes d information et des législations appropriées sont une priorité partout dans le monde.
Le tabac et l enfant : naissance d une addiction Bertrand DAUTZENBERG
En France 73000 fumeurs meurent chaque année du tabac, du fait d une maladie chronique incurable contractée «enfant» : la dépendance tabagique. Dès la consommation des premières cigarettes, des récepteurs à la nicotine se créent dans le cerveau, qui induisent un besoin de fumer dès que la nicotine est absente. La cigarette est une drogue dure, elle accroche autant que l héroïne, plus que l alcool ou le cannabis. L inoculation de la dépen- dance nicotinique est partie intégrante de la straté- gie formalisée il y a 50 ans par l industrie du tabac pour engranger des profits. Elle est le principal vecteur de la maladie. Les cigarettes aromatisées (vanille, menthol ) ont été développées pour atté- nuer l effet irritant (toux, nausées) des premières cigarettes et introduire plus vite la dépendance. Les cigarettes mentholées ne seront interdites qu en 2020, retard dû au lobbying intense des industriels.
Les substituts nicotiniques et le « vapotage », qui sont dépourvus des composants de la fumée, donc de la toxicité systémique, sont efficaces pour sortir progressivement de la dépendance. Le plan national de lutte contre le tabac prévoit que tous les
Ruptures et innovations en chirurgie
SÉANCE Communications Jacques CATON, Alain-Charles MASQUELET, Jean-Baptiste RICCO, Olivier GLEHEN, Michel HUGUIER
4 juin 2019 - Séance organisée par Jacques CATON, Lyon
Les progrès en chirurgie relèvent de deux ordres: innovations de rupture qui bouleversent un système antérieur, et innovations incrémentales qui améliorent les procédés existants. Il faut y ajouter le concept de sérendipité caractérisant le côté inat- tendu de ces évolutions.
En orthopédie-traumatologie Alain-Charles MASQUELET
Quatre innovations chirurgicales issues de travaux français ont une diffusion mondiale : L instrumentation rachidienne d Yves Cotrel et Jean Dubousset pour les scolioses ; La prothèse totale inversée d épaule de Paul Grammont ; le cotyle prothétique de hanche à double mobilité de Gilles Bousquet ; la technique de la membrane induite pour les reconstructions osseuses d Alain Masquelet.
Dans le traitement des anévrysmes aortiques Jean-Baptiste RICCO
Depuis une quinzaine d années, le traitement endovasculaire par endoprothèse a gagné du terrain de façon spectaculaire et a été validé par plusieurs études randomisées. Comme pour toutes les innovations, il y a eu des excès, car la pose des endoprothèses aortiques sous-rénales doit répondre à des critères anatomiques stricts. Pour les endo- prothèses aortiques intéressant l aorte thoracique et thoracoabdominale, une expertise spécifique est indispensable. Une centralisation est nécessaire pour maintenir cette expertise. Les étapes de la formation endovasculaire des chirurgiens doivent être connues ainsi que les limites des techniques concernées.
Cytoréduction péritonéale : de l incurable vers le curable Olivier GLEHEN
Les tumeurs primitives malignes du péritoine et les métastases ou carcinoses péritonéales ont été longtemps considérées comme un stade métasta- tique terminal. Le développement de techniques de cytoréduction et péritonectomies, de chimiothéra- pie intrapéritonéale associée ou non à l hyperther- mie, la mise en place de centres spécialisés dans la prise en charge de ces pathologies ont considéra- blement modifié le pronostic de ces pathologies. En moins de trois décennies, la médiane de survie des patients avec métastases péritonéales est passée de 5 à 40 mois pour celles d origine colorectale et de 3 à 25 mois pour celles d origine gastrique. Cette médiane de survie n est pas atteinte pour les pseu- domyxomes péritonéaux, mais elle est supérieure à 50 mois pour les mésothéliomes péritonéaux malins. Ces traitements chirurgicaux, lourds et complexes, nécessitent une prise en charge multi- disciplinaire spécialisée et doivent être réalisés dans des centres experts afin de mieux sélectionner les candidats, de limiter la mortalité et la morbidité des procédures chirurgicales et d optimiser la prise en charge périopératoire et la qualité de vie.
Conclusion Michel HUGUIER
Sans innovation il n y a pas de progrès possible. Mais toute innovation doit être évaluée. Une illus- tration de cette nécessité a été apportée, en patholo- gie digestive, par l infirmation, grâce à des études randomisées, de tout bénéfice pronostique des inhi- biteurs de la trypsine dans les pancréatites aiguës. La connaissance des méthodes d évaluation doit permettre de se forger une opinion critique vis-à- vis des sollicitations d améliorations techniques qui nous submergent. Tout étudiant en médecine doit acquérir cette connaissance dans le cadre d un enseignement pragmatique adapté à cette finalité.
enfants nés après 2014 appartiennent à de nouvelles «générations sans tabac» (moins de 5% de fumeurs réguliers par génération). Les données actuelles montrent que cet objectif est atteignable. La lutte contre la dépendance tabagique passe par la pour- suite de la dénormalisation du tabac et l émergence de générations sans tabac annoncées pour 2032. Si la cigarette est de moins en moins populaire et de moins en moins consommée par les jeunes, le tabac roulé, la chicha et les joints de tabac/cannabis
sont une source de tabagisme contre lesquels bien peu d actions sont conduites. Ainsi s explique que la consommation de cannabis n ait pas régressé au cours de la dernière décennie. L initiation au tabac de l enfant n est pas une fatalité. Avec une motivation politique forte, soutenue par toutes les autorités sanitaires, la France peut s engager à faire disparaître le tabac dans 10 à 20 ans, car le tabac est une drogue sans intérêt, si ce n est l intérêt financier de ceux qui en font la promotion.
« En France 73 000 fumeurs meurent chaque année du tabac, du fait d une
maladie chronique incurable contractée enfant . »