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beaucoup qu une loi générale sur l intelligence arti- ficielle n ait pas été soumise au vote du Parlement préalablement ou dans le même temps que la révision de la loi de Bioéthique. Elle rappelle que lorsque l informatique s est imposée comme un domaine nouveau dans la société, une loi générale a été votée en 1978 (La loi no78-17 du 6 janvier 1978 relative à l informatique, aux fichiers et aux libertés qui a créé la Commission nationale infor- matique et liberté, CNIL) avant qu elle ne soit déclinée plus tard dans le domaine médical. Un tel débat aurait été d autant plus utile que l opinion publique reste très peu informée du développement de l intelligence artificielle comme les débats l ont montré lors des « États généraux de bioéthique ». L ANM souligne que les garanties éthiques d ob- jectivité, d exhaustivité, de pondération adéquate du recueil des données et de prévention de l orien- tation éventuelle des calculs selon la nature des questions posées sont des points critiques pour la véracité des résultats. Il est donc indispensable de mettre en place au sein d une agence (HAS ?) les compétences capables d assurer les indispen- sables contrôles experts aptes à vérifier la qualité des étapes de conception, de recueil, d analyse des données et bien sûr leur protection. Il s agit là d un prérequis essentiel de sécurité pour les millions d usagers dont le destin en matière de soins dépen- dra de l intelligence artificielle. Il est indispensable qu une formation des professionnels de santé dans le domaine de l IA garantisse l humanité de la rela- tion et le questionnement éthique dans le respect, notamment, du partage des décisions avec les patients.
Concernant les neurosciences, l importance du sujet méritait davantage de réflexions, notam- ment sur l encadrement particulièrement étroit de toute recherche invasive sur le cerveau humain, le renforcement de la législation sur l évaluation des dispositifs médicaux intra- ou péri-cérébraux, l éventuel encadrement des outils commerciaux de neuro-modification disponibles sur internet.
Le titre IV vise à faciliter la recherche recourant à certaines cellules et en lien avec la médecine génomique Positions de l Académie nationale de médecine sur le titre IV
L ANM est généralement en accord avec les buts poursuivis concernant la différence entre embryon et cellules embryonnaires. Elle aurait souhaité que soit rendue plus aisée la procédure longue et complexe destinée au don d embryon à un autre couple d autant que le don d embryon répond aux mêmes demandes que celles d un double-don. Or,
le recul montre que les règles actuelles sont diffici- lement applicables.
Concernant l article 16-4 du code civil, l ANM est en accord avec la précision apportée. Elle regrette que la technique d édition du génome (CRISPR-Cas9) n ait pas été développée, car elle est au cœur des débats entre scientifiques. L ANM est en parfait accord avec l interdiction d embryons humains hybrides interspécifiques.
Le titre V améliore la qualité, la sécurité des pratiques et optimise l organisation des soins Positions de l Académie nationale de médecine sur le titre V
L ANM n a pas d observations particulières sur la plupart des dispositions proposées. Elle souhaite cependant, concernant la composition du « CCNE nouvelle formule » que l ANM soit considérée comme un membre de droit, à sa charge de dési- gner l académicienne ou l académicien pour la représenter.
Le titre VI habilite le Gouvernement à prendre des mesures d applications et d adaptations (O-M, UE) et mettre à jour le code de la santé publique en matière de législation des médica- ments de thérapie innovante Positions de l Académie nationale de médecine sur le titre VI
L ANM a peu de commentaires à formuler sur ces dispositions qui, pour la plupart, ne soulèvent pas de problèmes de fonds, mais correspondent à des modifications ponctuelles. Néanmoins, l ANM veut insister, au sein de l article 29, sur la place essentielle des espaces éthiques régionaux dans l organisation des débats au sein des territoires notamment pour prévenir l émergence de multiples « comités citoyens » autoproclamés.
Au total
Concernant l extension de la procréation hors indication médicale, elle a exprimé un certain nombre de réserves relevant du domaine de la médecine parce qu elles ne lui paraissent pas avoir été suffisamment prises en compte.
Généralement en accord avec les autres disposi- tions proposées, l ANM regrette, comme elle l a argumenté dans le texte, que ne soient pas traités différents sujets ayant bénéficié de progrès récent de la pratique quotidienne. Enfin, l ANM juge indispensable que la loi insiste sur une formation plus consistante d éthique en santé tout au long des études des futurs professionnels en ce domaine, car il s agit d un prérequis à la bonne compréhension et à l application des lois de bioéthique.
Mieux former les étudiants en médecine à l investigation clinique
RAPPORT 5 novembre 2019 - Indispensable à la progression du système de santé dans
tous ses aspects, la recherche clinique française est à la peine en raison, notam- ment, de la démotivation du corps médical. Le présent travail a eu pour objec- tifs de préciser la façon dont les unités de formation et de recherche (UFR) médicales sensibilisent, motivent, enseignent et soutiennent leurs étudiants en matière d investigation clinique (IC) et d émettre des recommandations propres
à améliorer la formation de tous les étudiants et à accroître leur investissement en IC. L enquête menée auprès des doyens et les auditions de différentes personnalités et de représentants des étudiants ont permis de constater une perception globale élitiste et tronquée de la recherche par les étudiants, un investissement insuffisant de leur part dans les activités d IC et les publications qui y sont associées, une formation éclatée sans vision globale, un encadrement insuffisant des thèses et mémoires et une répartition inadaptée des rôles et des crédits en lien avec l IC entre centre hospitalo-universitaire (CHU) et UFR. L Académie nationale de médecine propose de saisir l opportunité des réformes des 2e et 3e cycles pour renforcer l information et l incitation auprès des étudiants, leur offrir, à côté des parcours des Masters, un enseignement obligatoire, coordonné et regroupé autour de la lecture critique d article puis de la phase socle des diplômes d études spécialisées (DES) dans l objectif d en faire de bons lecteurs et de bons investigateurs, actualiser la forma- tion des encadrants, notamment les coordonnateurs de DES et les directeurs des hôpitaux, confier à une commission facultaire le soin de développer des actions institutionnelles de soutien à la réalisation des thèses et des mémoires et à leur publication, mettre en place des indicateurs de suivi pertinents, reproduc- tibles et harmonisés entre les UFR ainsi que dégager une partie des MERRI (missions enseignement recours recherche et innovation) modulables, actuellement alloués aux seuls établissements hospitaliers, au profit des UFR et valoriser par un titre et des vacations les praticiens hospitaliers ou libéraux particulièrement engagés en IC.
Rapporteurs Yves DEUGNIER Dominique Angèle VUITTON Au nom de la commission XV
Recommandations
INCITATION ET FORMATION
Pour les étudiants du cursus général de médecine
Informer les étudiants dès la première année du cursus sur la dimension « recherche clinique » de leur avenir professionnel et mettre en place des enseigne- ments obligatoires, regroupés et coordonnés, destinés à donner à tous les éléments de base pour devenir un bon lecteur d articles scientifiques/médicaux et un bon investigateur, et dispensés temporellement dans une phase du cursus proche de leur utilisation par les étudiants (préparation de la thèse).
Pour les étudiants en médecine intéressés par le cursus de Master et thèse d université
Donner la possibilité aux étudiants de toutes les UFR de valider effectivement les crédits capitali- sables de Master 1 au cours de leur cursus de méde- cine (DFASM), en les rendant aisément accessibles comme unités d enseignement du parcours person- nalisé, pour un accès aux Masters 2 qui eux-mêmes devraient mieux intégrer la recherche clinique de haut niveau dans leurs maquettes.
Pour les enseignants/encadrants
Inciter les encadrants - dont, en premier lieu, les
coordonnateurs de DES - à se préoccuper précoce- ment des sujets de thèse et de mémoire, c est-à-dire dès le choix de la spécialité, et à ce stade, à mettre à disposition des étudiants un « guichet unique hospita- lo-universitaire », accessible du site de l UFR comme du site du CHU, leur ouvrant des aides technico-ré- glementaires, méthodologiques et bio-statistiques ainsi qu un soutien pour la publication dans les revues médicales/scientifiques internationales indexées, et à rendre possible la préparation de thèses collectives lorsque l objectif le justifie.
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