Communication scientifique
Séance du 14 mars 2006

Syndrome métabolique : prévalence, marqueurs de risque associés et mortalité dans une population française de 62 000 sujets

MOTS-CLÉS : epidémiologie. facteurs de risque. inflammation.. maladies du foie. mortalité. pression artérielle. psychologie. rythme cardiaque. syndrome métabolique x
Metabolic syndrome : prevalence, risk factors and mortality in a French population of 62 000 subjects
KEY-WORDS : blood pressure. heart rate. inflammation.. liver diseases. metabolic syndrome x. mortality. psychology. risk factors

Louis Guize, Frédérique Thomas, Bruno Pannier, Kathy Bean**, Nicolas Danchin**, Athanase Bénétos**.

Résumé

Le but de ce travail est d’évaluer la prévalence, les marqueurs de risque associés et l’impact sur la mortalité toute cause du syndrome métabolique (SM) et de ses composants. La population étudiée concerne les sujets âgés de 40 ans et plus, volontaires pour un bilan de santé gratuit au Centre IPC (Investigations Préventives et Cliniques, Paris) de 1999 à 2002, soit 40 977 hommes (53,2 fi 9,1 ans) et 21 277 femmes (55,9 fi 10,3 ans). Le statut vital (INSEE) a été établi jusqu’en mars 2004 : suivi de 3,6 fi 1,1 ans. Durant cette période, 271 hommes et 87 femmes sont décédés. La définition NCEP-ATP III a été utilisée. Le risque de mortalité a été établi au moyen du modèle de Cox [Hazard Ratio (95 % CI)]. La présence du SM est observée chez 11,8 % des hommes et chez 7,6 % des femmes. De 1999 à 2002, la prévalence a augmenté de 11,0 % à 12,8 % chez les hommes et de 7,2 % à 8,8 % chez les femmes. Les paramètres significativement associés au SM, après ajustement sur l’âge, sont : une réduction de l’activité physique et de la capacité vitale, une augmentation de la pression artérielle pulsée, de la fréquence cardiaque, des gamma-GT, des transaminases, des phosphatases alcalines, de l’acide urique, des leucocytes, des globulines, des signes d’inflammation bucco-dentaire, des scores d’anxiété et de dépression. L’excès de risque de mortalité lié au SM, par comparaison aux sujets qui ne l’ont pas, après ajustement sur l’âge, est de * Membre correspondant de l’Académie nationale de médecine Université Paris Descartes ** Centre IPC (Investigations Préventives et Cliniques), 6 rue La Pérouse, 75116 Paris. Tirés-à-part : Professeur Louis GUIZE, même adresse. Article reçu et accepté le 6 mars 2006. 1,82 (1,35-2,43) chez les hommes et de 1,80 (1,02-3,20) chez les femmes. Après ajustement sur l’âge, le sexe, la consommation tabagique, le cholestérol total, l’activité physique, le statut socioéconomique et les antécédents cardiovasculaires, le risque de mortalité est de 1,69 (1,28-2,22). Pour évaluer l’impact sur la mortalité de chaque composant du SM et de leurs combinaisons par trois, un groupe témoin de sujets sans aucun des composants du SM a été utilisé. Après ajustement sur l’âge et le sexe, le risque de mortalité est ainsi de : 2,36 (1,65-3,37) pour le périmètre abdominal augmenté, 2,08(1,44-3,01) pour les triglycérides élevés, 1,71 (1,07-2,72) pour le HDL-cholestérol abaissé, 1,75 (1,29-2,38) pour la pression artérielle élevée, 2,93 (2,04-4,22) pour le glucose élevé. Parmi les diverses combinaisons de trois facteurs, l’association périmètre abdominal augmenté + triglycérides élevés + glycémie élevée a l’impact le plus marqué [HR=4,95 (2,92-8,37)]. En conclusion, dans cette vaste population française, où la prévalence du SM est modérée, les sujets porteurs de ce syndrome ont une fréquence accrue de désordres hémodynamiques, respiratoires, hépatiques, inflammatoires et psychologiques, et un risque de mortalité augmenté de 70 %. L’obésité abdominale associée à l’élévation des triglycérides et de la glycémie est la triade la plus délétère.

Summary

We evaluated the prevalence, risk factors and impact on all-cause mortality of the metabolic syndrome (MetS) and its components in a large French population. The study population consisted of subjects aged 40 years or more who volunteered for a free health check-up at the IPC Center (Investigations Préventives et Cliniques, Paris) between 1999 and 2002. There were 40 977 men (53.2 fi 9.1 years) and 21 277 women (55.9 fi 10.3 years). The cutoff date for mortality data was March 2004. The mean follow-up period was 3.57 fi 1.12 years. During this period, 271 men and 87 women died. MetS was defined according to NCEPATP III criteria. Cox regression models were used to evaluate the risk of death [hazards ratio (95 % CI)]. MetS was present at baseline in 11.8 % of men and 7.6 % of women. The prevalence of MetS increased from 9 % in men aged 40 to 49 years to 12.5 % in men aged 70 years. In women, the prevalence rose from 4.9 % to 11.3 %, respectively. From 1999 to 2002, the prevalence of MetS increased from 11.0 % to 12.8 % in men and from 7.2 % to 8.8 % in women. The following clinical and biological parameters were significantly associated with MetS in men and women, after adjustment for age : lower physical activity, lower vital capacity ratio, higher pulse pressure and heart rate, higher gamma-glutamyl transpeptidase, ASA and ALA transaminase and alkaline phosphatase levels, higher uricemia, leukocyte and globulin levels, dental and gingival inflammation, and higher stress and depression scores. After adjustment for age, the excess risk of all-cause mortality in subjects with MetS compared to subjects without MetS was 1.82 (1.35-2.43) in men and 1.80 (1.01-3.19) in women. After adjustment for age, gender, smoking, cholesterol, physical activity, socioeconomic status and prior cardiovascular disease, the risk of all-cause mortality was 1.69 (1.28-2.22) in the entire population. In order to evaluate the impact of each Mets component, and combinations of three MetS components, on all-cause mortality, a control group of subjects with no MetS components was used. After adjustment for age and gender, the risk of death associated with each MetS component was 2.36 (1.65-3.37) for high waist circumference, 2.08 (1.44-3.01) for elevated triglyceride levels, 1.71 (1.07-2.72) for low HDL-cholesterol levels, 1.75 (1.29-2.38) for elevated arterial pressure, and 2.93 (2.04- 4.22) for elevated glucose levels. Waist circumference + elevated triglycerides + elevated glucose was the three-component combination with the strongest impact [HR=4.95 (2.92- 8.37)]. In this large French population, in which MetS was moderate, MetS was associated with other hemodynamic, hepatic, inflammatory and psychological risk factors, and with a 70 % increase in all-cause mortality. The three-component combination most strongly associated with mortality was high waist circumference + elevated glucose + elevated triglycerides.

INTRODUCTION

Le syndrome métabolique (SM), dont le substrat physiopathologique est l’insulinorésistance, associe une obésité centrale, une augmentation des triglycérides, de la pression artérielle, de la glycémie, et une diminution du HDL-cholestérol. Plusieurs auteurs, notamment Jean Vague en France [1] et Gerald Reaven [2], ont contribué à la description de ce syndrome. Le SM s’est révélé représenter un élément global de risque de survenue de maladie cardiovasculaire et de diabète [3, 4]. La mortalité cardiovasculaire est très dépendante de la combinaison de certains facteurs qui le définissent [5, 6]. Il constitue un problème de santé publique croissant, en raison de la progression de la surcharge pondérale dans la population. Plusieurs définitions ont été proposées après celle de l’OMS [7], dont celle du National Cholesterol Education Program — Adult Treatment Panel III (NCEP-ATP III) [8] largement utilisée, et récemment, celles de l’

International Diabetes Federation (IDF) [9] et de l’

American Heart Association/National Heart, Lung, and Blood Institute Scientific Statement (AHA/NHLBI) [10] qui en ont élargi les limites, l’ IDF exigeant par ailleurs l’augmentation du périmètre abdominal.

Ce syndrome reste cependant un sujet de controverses. Celles-ci concernent en particulier son homogénéité, l’importance de son impact spécifique sur le risque de morbidité et de mortalité par rapport à celui de ses divers composants, ainsi que le bien-fondé des limites définies pour chacun de ses constituants [11]. L’objectif de ce travail est d’étudier, dans une vaste population française, la prévalence, les marqueurs de risque associés et l’impact sur la mortalité du SM et de ses divers composants.

MATÉRIEL ET MÉTHODES

Population

Elle concerne des sujets qui ont eu un bilan de santé pluridisciplinaire standardisé au Centre IPC (Investigations Préventives et Cliniques, Paris). Ce centre, conventionné par l’Assurance Maladie (CNAMTS et CPAM de Paris et d’Ile de France), propose aux adultes assurés et ayant droit, de toutes catégories socio économiques, un bilan de santé gratuit tous les cinq ans. Depuis plus de trente ans, 20 à 25 000 personnes, vivant dans la région parisienne, ont été examinées par an. A partir de 1999, le dosage du HDL-cholestérol a été effectué systématiquement pour tous, complétant ainsi l’enregistrement de l’ensemble des paramètres qui permettent de définir le SM.

Tous les sujets âgés de 40 ans et plus, examinés entre janvier 1999 et décembre 2002, ont été retenus pour cette étude, soit 40 977 hommes âgés en moyenne de 53,2 fi 9,1 ans et 21.277 femmes âgées en moyenne de 55,9 fi 10,3 ans.

Le périmètre abdominal a été mesuré en position debout par une infirmière entraî- née. La pression artérielle a été mesurée au bras droit en position couchée après dix minutes de repos ; la moyenne de trois mesures a été prise en compte. Les analyses biologiques du bilan standard ont été effectuées à jeun, par méthode enzymatique (automate Hitachi 917) ou colorimétrique (ABX, Pentra 120). Les données concernant le statut socioéconomique, le mode de vie, les antécédents médicaux, les prises de médicaments, ont été enregistrées par autoquestionnaire. Des scores d’anxiété et de dépression ont été établis [12]. Un électrocardiogramme, des tests ventilatoires (spiromètre ST200, Fukuda Sangyo) ont été réalisés, ainsi qu’un examen dentaire effectué par un spécialiste.

Pour chaque sujet examiné, le statut vital a été établi à partir des données de l’Institut National de Statistiques et d’Etudes Economiques (INSEE). La population étudiée a été suivie jusqu’en mars 2004. Durant cette période moyenne de 3,6 fi 1,1 ans, 271 hommes et 87 femmes sont décédés.

Le centre IPC a reçu l’autorisation du Comité National d’Informatique et des Libertés (CNIL) pour, avec l’accord des sujets, analyser les données et le devenir.

Analyse des données

Pour l’ensemble des analyses, la définition du

NCEP-ATP III [8] a été retenue.

Celle-ci nécessite l’association d’au moins trois des cinq critères suivants :

— périmètre abdominal > 102 / 88 cm (hommes / femmes) — triglycérides ≥ 1,50 g/l — HDL-cholestérol < 0,40 / 0,50 g/l (hommes / femmes) — pression artérielle ≥ 130/85 mmHg — glycémie à jeun ≥ 1,10 g/l Pour l’étude des marqueurs de risque associés, les sujets avec SM ont été comparés aux sujets sans SM. Des analyses multivariées incluant l’âge ont été utilisées pour les paramètres quantitatifs, des tests χ2 ont été effectués pour les variables qualitatives.

L’impact sur la mortalité du SM et de ses composants, isolés puis groupés par trois, a été étudié en utilisant le modèle de Cox [Hazard Ratio (HR) et intervalle de confiance 95 %] avec comme groupe témoin, soit les sujets sans SM, soit les sujets sans aucun des composants du SM.

Toutes les analyses statistiques ont été réalisées avec le logiciel SAS version 8.02 (SAS Institute, Cary, North Carolina, USA).

FIG. 1. — Prévalence (%) du syndrome métabolique selon l’âge et le sexe.

RÉSULTATS

Prévalence

La fréquence du SM observée dans cette population est de 11,8 % chez les hommes (n=4851) et de 7,6 % chez les femmes (n=1626). Elle augmente avec l’âge, de 9 % chez les hommes de 40-49 ans à 14,5 % chez ceux de 60-69 ans, puis s’atténue après 70 ans (12,5 %). Chez les femmes, la fréquence augmente de 4,9 % à l’âge de 40-49 ans à 11,3 % à l’âge de 70 ans et plus ( Figure 1 ). Globalement, l’âge moyen des sujets qui ont un SM est plus élevé que celui des sujets qui ne l’ont pas : 54,3 fi 8,2 ans vs 52,5 fi 8,4 ans chez les hommes, et 57,7 fi 9,1 ans vs 54,6 fi 9,2 ans chez les femmes.

En conséquence, toutes les analyses ont été ajustées sur l’âge.

De 1999 à 2002, la prévalence du SM a augmenté, de 11,0 % à 12,8 % chez les hommes et de 7,2 % à 8,8 % chez les femmes.

Parmi les sujets qui ont un SM, 8,8 % des hommes et 5,3 % des femmes ont trois des composants, nécessaires et suffisants pour définir le syndrome ; 2,6 % et 2,0 % ont quatre composants ; seulement 0,46 % et 0,35 % ont les cinq composants.

La distribution des divers composants du SM est, respectivement chez les hommes et chez les femmes, de : 14,7 % et 18,3 % pour le périmètre abdominal, 20,6 % et 8,0 % pour les triglycérides, de 8,1 % et 9,2 % pour le HDL-cholestérol, 58,5 % et 44,6 % pour la pression artérielle, 16,6 % et 7,4 % pour la glycémie.

TABLEAU — Moyennes (écart type) ajustées sur l’âge de paramètres cliniques et biologiques selon l’absence ou la présence de syndrome métabolique (SM), chez les hommes et chez les femmes.

Sans SM

Avec SM p

Hommes Index de masse corporelle (kg/m2) 25,4 (0,01) 29,4 (0,05) <0,0001 Pression artérielle pulsée (mmHg) 54,3 (0,06) 59,6 (0,17) <0,0001 Capacité vitale (mesurée/théorique) 0,94 (0,01) 0,89 (0,01) <0,0001 Fréquence cardiaque (bts/min) 62,3 (0,05) 67,6 (0,14) <0,0001 Cholestérol (g/l) 2,22 (0,01) 2,33 (0,01) <0,0001 Globulines (g/l) 31,7 (0,02) 33,0 (0,06) <0,0001 Hémoglobine(g/100ml) 14,9 (0,01) 15,3 (0,03) <0,0001 Leucocytes (Giga/l) 6,63 (0,02) 7,17 (0,05) <0,0001 Gamma-GT (UI/l) 37,6 (0,3) 60,7 (0,8) <0,0001 ALAT (UI/l) 33,9 (0,1) 48,3 (0,3) <0,0001 ASAT (UI/l) 28,1 (0,08) 32,1 (0,2) <0,0001 Phosphatases alcalines (UI/l) 75,1 (0,1) 81,2 (0,01) <0,0001 Uricémie (mg/l) 57,6 (0,06) 64,2 (0,2) <0,0001 Femmes Index de masse corporelle (kg/m2) 24,0 (0,02) 30,5 (0,08) <0,0001 Pression artérielle pulsée (mmHg) 54,5 (0,09) 63,1 (0,14) <0,0001 Capacité vitale (mesurée/théorique) 1,00 (0,01) 0,93 (0, 01) <0,0001 Fréquence cardiaque (bts/min) 64,9 (0,07) 69,9 (0,24) <0,0001 Cholestérol (g/l) 2,20 (0,01) 2,34 (0,01) <0,0001 Globulines (g/l) 32,3 (0,03) 34,6 (0,10) <0,0001 Hémoglobine (g/100ml) 13,4 (0,01) 13,8 (0,04) <0,0001 Leucocytes (Giga/l) 6,60 (0,02) 7,25 (0,08) <0,0001 Gamma-GT (UI/l) 21,0 (0,4) 41,7 (1,3) <0,0001 Alat (UI/l) 22,5 (0,2) 33,1 (1,1) <0,0001 Asat (UI/l) 23,5 (0,1) 26,9 (0,4) <0,0001 Phosphatases alcalines (UI/l) 71,4 (0,2) 87,8 (0,6) <0,0001 Uricémie (mg/l) 42,3 (0,08) 52,0 (0,3) <0,0001 Marqueurs de risque associés

Les paramètres cliniques et biologiques, ajustés sur l’âge, significativement associés au SM sont présentés dans le Tableau . Parmi les paramètres cliniques, autres que ceux définissant le SM et l’index de masse corporelle, on observe une augmentation de la pression artérielle pulsée et de la fréquence cardiaque, une réduction de la capacité vitale respiratoire. Les gamma-GT, les transaminases ALAT et ASAT, les phosphatases alcalines, sont augmentées ; ces paramètres sont corrélés à la consommation de boissons alcooliques (déclarée par autoquestionnaire), mais la relation avec le SM est observée quel que soit le niveau de celle-ci. On remarque aussi une augmentation des globulines, des leucocytes et de l’acide urique.

Le score d’anxiété est significativement plus élevé en cas de SM : 3,79 (0,04) vs 3,47 (0,02) p<0,0001 chez les hommes, 5,34 (0,07) vs 4,55 (0,02) p<0,0001 chez les
femmes. Il en est de même pour le score de dépression : 1,44 (0,04) vs 1,25 (0,04) p<0,0001 chez les hommes, 3,04 (0,06) vs 2,33 (0,02) p<0,0001 chez les femmes. Le pourcentage de sujets traités pour dépression est aussi plus élevé en présence de SM :

6,0 % vs 5,0 % (p<0,001) chez les hommes, 16,8 % vs 13,5 % (p<0,0001) chez les femmes.

La comparaison de l’état bucco-dentaire objective une situation inflammatoire plus marquée en présence qu’en absence de SM : plaque dentaire 76,5 % vs 75,0 % (p<0,0001) chez les hommes et 69,0 % vs 66,0 % (p<0,0001) chez les femmes, gingivite 7,7 % vs 5,1 % (p<0,0001) chez les hommes et 5,9 % vs 4,8 % (p<0,08) chez les femmes.

Les sujets qui déclarent avoir une activité physique régulière sont moins nombreux parmi ceux qui ont un SM : 41,4 % vs 48,3 % (p<0,001) chez les hommes, 36,5 % vs 46,5 % (p<0,0001) chez les femmes.

Mortalité

Comparé aux sujets qui n’ont pas de SM, l’excès de risque [HR] de mortalité toute cause lié au SM, après ajustement sur l’âge, est de 1,82 (1,35-2,43) chez les hommes et de 1,80 (1,02-3,20) chez les femmes. Après ajustement sur l’âge et le sexe, le risque est de 1,82 (1,40-2,36) pour la population totale. Lorsqu’on ajuste sur l’âge, le sexe, ainsi que sur la consommation tabagique, le cholestérol total, l’activité physique, le statut socioéconomique et les antécédents cardiovasculaires, l’excès de risque de mortalité reste significatif : HR=1,69 (1,28-2,22).

Afin d’étudier l’impact sur la mortalité des divers composants du SM et de leurs associations, un groupe témoin stable, de sujets n’ayant aucun des composants du SM, a été constitué. Par comparaison à ce groupe témoin, l’excès de risque [HR] de mortalité lié au SM, ajusté sur l’âge et le sexe, est de 2,72 (1,86-3,87). Celui lié à chacun des composants du SM pris isolément est, après ajustement sur l’âge et le sexe, de : 2,36 (1,65-3,37) pour le tour de taille, 2,08 (1,44-3,01) pour les triglycérides, 1,71 (1,07-2,72) pour le HDL-cholestérol, 1,75 (1,29-2,38) pour la pression arté- rielle, 2,93 (2,04-4,22) pour la glycémie.

L’impact de chacune des diverses combinaisons à trois des paramètres composant le SM n’est pas homogène (Cf. Figure 2 ). Comparée aux sujets qui n’ont aucun des composants du SM, après ajustement sur l’âge et le sexe, la combinaison qui a l’impact le plus élevé est : l’augmentation du tour de taille + les triglycérides élevés + la glycémie élevée [HR=4,95 (2,92-8,37)].

DISCUSSION

La fréquence du SM observée dans cette population (11,8 % chez les hommes et 7,6 % chez les femmes) est proche de celle constatée, avec la même définition

FIG. 2. — Risque de mortalité (Hazard Ratio et intervalle de confiance 95 %) selon les diverses combinaisons des composants du syndrome métabolique analysés trois par trois, comparé aux sujets qui n’ont aucun composant de ce syndrome (définition NCEP-ATP III ).

T.T. : tour de taille ; TGly : triglycérides ; HDL : HDL-cholestérol ; PArt : pression artérielle.

NCEP-ATP III [8] , dans l’étude française D.E.S.I.R. qui s’adresse, comme ici, à des sujets volontaires pour un examen de santé, mais un peu plus jeunes (<64 ans) :

9,7 % chez les hommes et 6,6 % [13]. Elle est moins élevée que dans l’étude des trois registres français MONICA, plus représentative de la population générale, mais qui utilise une définition élargie incluant les sujets traités pour hypertension artérielle ou diabète (22,5 % chez les hommes et 18,5 % chez les femmes, âgés de 35 à 65 ans) [14].

Cette fréquence du SM en France est globalement inférieure à celle observée au Québec [15], en Europe du Nord [16] et aux USA [17-19]. Les définitions récentes de l’ IDF [9] et de l’ AHA/NHLBI [10] ont conservé les mêmes composants du SM, mais l’

IDF exige l’augmentation du périmètre abdominal avec des seuils différents selon les ethnies (≥ 94 / 80, hommes / femmes, pour les Européens) et, toutes deux, ont abaissé le seuil de la glycémie (≥ 1,00 g/l) et inclus les sujets traités pour hypertension artérielle, dyslipidémie ou diabète. Cela augmente en conséquence la fréquence du SM ainsi défini : dans l’analyse récente de l’étude ACLS [20] qui concerne 20.789 hommes de 20 à 83 ans, des fréquences respectives de 19,7 %, 27 % ou 30 % ont été trouvées selon l’utilisation des définitions NCEP-ATP III , AHA/NHLBI ou IDF.

Hormis la pression artérielle classique retenue dans la définition, il existe dans notre étude deux marqueurs de risque hémodynamiques associés au SM : la fréquence
cardiaque qui est augmentée de 5 bts/min en moyenne dans les deux sexes et la pression artérielle pulsée qui est augmentée de 5 mmHg chez les hommes et de 8 mmHg chez les femmes. La fréquence cardiaque pourrait être liée à une augmentation de l’activité sympathique impliquée dans l’insulinorésistance [21]. L’augmentation de la pression pulsée est à rapprocher de celle de l’épaisseur artérielle observée dans le SM [22]. Ces paramètres étant des déterminants significatifs de morbidité et de mortalité cardiovasculaire [23, 24], ils pourraient contribuer à un accroissement de risque chez les patients avec SM.

Les patients avec SM ont par ailleurs une diminution de la capacité vitale respiratoire dont l’origine est multifactorielle. Il est bien établi que l’altération de la fonction respiratoire est considérée comme une mesure indirecte de l’état de santé, au moins chez les sujets âgés [25].

Plusieurs marqueurs d’altération de la fonction hépatique sont, dans notre étude, corrélés au SM, indépendamment du niveau de consommation de boissons alcooliques. Une stéatose hépatique non alcoolique a été décrite dans le SM et peut être considérée comme faisant partie de l’insulinorésistance [26, 27]. L’uricémie est augmentée, comme habituellement [1].

On constate aussi que les signes d’inflammation bucco-dentaire sont plus fréquents chez les sujets avec SM que chez les autres. Ils représentent un marqueur de risque cardiovasculaire indépendant [28]. L’augmentation des leucocytes peut être rapprochée de cet état inflammatoire, comme cela a été constaté dans l’étude INVEST qui par ailleurs a montré que l’infection gingivale était associée à l’athérosclérose artérielle [29]. L’augmentation des leucocytes dans le SM a été précédemment observée dans l’étude NHANES [30].

Les scores d’anxiété et de dépression sont augmentés chez les sujets qui ont un SM.

Ils pourraient avoir un impact sur le pronostic de ce syndrome, car les facteurs psychosociaux sont un indicateur franc du risque d’infarctus myocardique [31] et la dépression aggrave son pronostic [32]. Il est difficile de savoir quelles sont les parts respectives de la cause et de la conséquence de ces paramètres psychologiques dans le SM, notamment lorsqu’il y a une obésité abdominale. Par ailleurs, une interaction avec la condition socioéconomique existe. Il apparaît important de tenir compte de l’ensemble de ces facteurs et de les intégrer dans la prise en charge thérapeutique globale du SM.

L’impact du SM sur la mortalité toute cause est, dans notre étude, semblable chez les hommes et chez les femmes, respectivement HR=1,82 et HR=1,80 après ajustement sur l’âge. Lorsqu’on regroupe l’ensemble de la population et que l’ajustement est effectué, non seulement sur l’âge, le sexe, mais aussi sur la consommation tabagique, le cholestérol total, l’activité physique, le statut socioéconomique et les antécédents cardiovasculaires, l’excès de risque de mortalité toute cause reste significatif :

HR=1,69 (1,28-2,22). Ces résultats sont proches de ceux observés dans d’autre études utilisant la même définition du SM : 1,67 dans l’étude finlandaise de Kuopio concernant une cohorte d’hommes de 42-60 ans [33], 1,47 dans la San Antonio Heart

Study chez des hommes et femmes plus jeunes (25-64 ans) [34]. Dans la Hoorn study hollandaise , chez des sujets âgés de 50-75 ans, le HR est plus élevé chez les hommes (1,98) que chez les femmes (1,18) [35]. Le risque de mortalité est évidemment dépendant de la définition du SM utilisée. Ainsi, dans l’étude DECODE qui utilise une définition OMS modifiée et regroupe 11 études prospectives de cohortes européennes, concernant des sujets de 30 à 89 ans, le risque de mortalité toute cause est de 1,44 chez les hommes et de 1,38 chez les femmes [36]. Dans l’analyse récente de l’étude ACLS [20], ce risque est de 1,36 avec la définition NCEP-ATP III [8] que nous avons utilisée, de 1,31 avec la définition

AHA/NHLBI [10] et de 1,26 avec celle de l’IDF [9]. Cette diminution du risque, avec l’utilisation des nouvelles définitions, de mortalité toute cause comme celui de la mortalité cardiovasculaire (respectivement de 1,79, 1,67 et 1,67 dans cette étude) et retrouvée chez les femmes [37], peut prêter à discussion sur l’impact du SM ainsi redéfini et de son homogénéité [11].

A cet égard, l’analyse originale que nous avons effectuée concernant l’impact sur la mortalité des diverses combinaisons de trois des composants, nécessaires et suffisantes pour définir le SM selon la définition NCEP-ATP III utilisée, est particuliè- rement informative. L’association de quatre, et plus encore de cinq, composants est sûrement plus délétère [18], mais elle ne concerne dans notre population que respectivement 2,4 % et 0,5 % des sujets, ce qui aurait rendu l’analyse plus aléatoire.

L’impact de chaque composant, considéré isolément, est plus marqué pour le périmètre abdominal, les triglycérides et surtout la glycémie (dont le seuil exigé est ≥ 1,10 g/l dans la définition utilisée) que pour le HDL-cholestérol et la pression artérielle (dont le seuil apparaît ici un peu bas comparativement à ceux des autres paramètres). L’association de l’obésité abdominale à l’élévation des triglycérides et de la glycémie est la combinaison de trois facteurs qui est liée au risque de mortalité toute cause le plus élevé. L’augmentation du périmètre abdominal intervient dans la majorité des situations les plus à risque, ce qui plaide en faveur de la définition nouvelle de l’ IDF [9]. La mortalité cardiovasculaire liée à la surcharge pondérale est très dépendante des facteurs de risque associés [6]. L’impact de l’augmentation des triglycérides associée à celle du périmètre abdominal, bien apparent dans notre étude, est considéré comme important [15]. Celui de la pression artérielle est particulièrement significatif lorsque son élévation est associée à celle du périmètre abdominal et de la glycémie. La participation d’un taux de HDL-cholestérol bas apparaît globalement plus modeste, hormis le cas où il est associé à une élévation des triglycérides et de la glycémie. L’impact de la glycémie est important dans cette étude. L’accroissement de la mortalité cardiovasculaire, secondaire à son élévation associée à celle de la pression artérielle, est bien établi [5]. Cependant, le poids de ce paramètre pourrait être atténué avec les nouvelles définitions qui en ont abaissé le seuil.

Cette étude, réalisée sur une large population francilienne à risque global modéré avec une durée moyenne de suivi de 3,6 ans, confirme l’importance du SM en termes de santé publique. Sa fréquence croissante et son impact significatif sur la mortalité, qui est augmentée de 70 % dans cette population, nécessitent une stratégie de prise
en charge multifactorielle adaptée. Celle-ci doit tenir compte des différents facteurs constituant sa définition, mais aussi de plusieurs marqueurs de risque associés, tels la fréquence cardiaque, la pression artérielle pulsée, la fonction respiratoire, la fonction hépatique, l’état inflammatoire notamment dentaire, le profil psychologique et l’activité physique. Plusieurs de ces paramètres sont modifiables et influencent la longévité [38]. Au sein de ce syndrome, et dans les limites de la définition du NCEP-ATP III utilisée dans cette analyse, le groupement d’une obésité abdominale avec une élévation des triglycérides et de la glycémie apparaît lié à un risque de mortalité toute cause particulièrement augmenté. Cela devra être confirmé avec l’utilisation des nouvelles définitions et précisé vis à vis du risque de mortalité cardiovasculaire.

REMERCIEMENTS

Cette étude a été réalisée grâce à la CNAMTS (Caisse Nationale d’Assurance Maladie des Travailleurs Salariés, France) et de la CPAMP (Caisse Primaire d’Assurance Maladie de Paris, France), avec une subvention des laboratoires FOURNIER PHARMA, France.

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DISCUSSION

M. Michel BOUREL

Syndrome métabolique ou dysmétabolique… Les deux termes sont aussi flous… Avez-vous pu préciser les limites de ce flou en demandant — non pas l’histologie hépatique hors sujet dans une telle étude — mais la férritinémie et ou les marqueurs génétiques type C282Y ?

Malheureusement non, car il n’a pas été possible d’effectuer de dosages biologiques autres que ceux du référentiel définis dans le bilan de santé conventionné par l’Assurance Maladie (CNAMTS et la CPAMP). Et nous regrettons que, dans cette étude, nous n’ayions pu constituer de sérothèque, de plasmathèque, de banque d’ADN .

M. Claude JAFFIOL

De multiples définitions ont été proposées, mais l’obésité viscérale reste le dénominateur commun justifiant notre proposition de l’appeler ‘‘ obésité maligne ’’. Pourquoi avez-vous
choisi la définition américaine NCEP avec des normes différentes des valeurs européennes plus basses ? Cela n’entraîne-t-il pas un artefact dans le calcul de la prévalence ? Avez-vous des chiffres précis en ce qui concerne la corrélation du syndrome métabolique avec l’héré- dité, l’alimentation, la prise de vin, la pratique de l’exercice physique, le niveau socioéconomique et l’incidence de la ménopause et de son traitement ?

Ce travail a été réalisé avant que les nouvelles définitions (IDF et AHA/NHLBI 2005) ne soient publiées. Nous avons retenu pour cette étude la définition américaine NCEP ATP-III 2001, car nous n’avions pas de dosage de l’insulinémie qui aurait permis d’utiliser une autre définition ; par ailleurs, de nombreuses études l’avaient validée. Nous n’avons comparé nos taux de prévalence et de mortalité qu’à ceux des études qui ont utilisé cette même définition. Les nouvelles définitions 2005 du syndrome métabolique (SM) ont abaissé le seuil du glucose, inclus les sujets traités pour dyslipidémie, hypertension artérielle ou diabète ; par ailleurs l’IDF a abaissé le seuil d’obésité abdominale tout en exigeant la présence de ce paramètre. En conséquence, les taux de prévalence du SM se sont élevés. Dans notre population, avec la définition AHA/NHLBI ces taux sont de 20 % chez les hommes et 14 % chez les femmes ; avec la définition IDF ils sont de 24 % et 15 %. Il en résulte aussi un risque de mortalité moindre : ajusté sur l’âge et le sexe, HR = 1,48 (1,17-1,86) avec la définition AHA/NHLBI, HR = 1,31 (1,05-1,65) avec la définition IDF. Concernant l’hérédité, les sujets qui ont un SM ont des antécédents familiaux significativement plus élevés que chez ceux qui n’ont pas de SM : infarctus du myocarde (28,8 % vs 25,2 % chez les hommes et 17,5 % vs 15,5 % chez les femmes), mort subite avant l’âge de 60 ans (6,9 % vs 5,9 % et 9,3 % vs 6,3 %), accident vasculaire cérébral (12,0 % vs 10,6 % et 16,7 % vs 14,8 %), hypertension artérielle (28,8 % vs 25,2 % et 41,7 % vs 35,0 %), diabète (21,5 % vs 15,5 % et 30,4 % vs 20,0 %). Nous n’avons pas de données concernant l’alimentation. La consommation de vin est en moyenne plus élevée en cas de SM chez les hommes, ce qui est corrélée à l’augmentation des taux de gamma-GT. Mais l’augmentation des gamma-GT observée en cas de SM est en partie indépendante de la consommation alcoolique. Les sujets qui ont un SM déclarent moins fréquemment que ceux qui n’ont pas de SM avoir une activité physique régulière : 41,4 % vs 48,3 % chez les hommes et 36,5 % vs 46,5 % chez les femmes. Le SM est plus fréquent chez les ouvriers et les commerçants que chez les employés. La fréquence la plus basse est observée chez les cadres et dans les professions intermédiaires. Cela est constaté tant chez les sujets en activité que chez les retraités. Il n’y a pas de relation significative entre l’âge de la ménopause et la présence de SM. Les femmes qui prennent un traitement hormonal substitutif sont moins nombreuses en cas de SM [RR ajusté sur l’âge = 0,53 (0,47-0,59)], mais il y a probablement plusieurs facteurs confondants.

M. André VACHERON

Votre travail sur cette importante population de plus de 62 000 hommes et femmes fait apparaître une augmentation du risque de mortalité chez les sujets atteints de syndrome métabolique. Quelle est l’incidence de l’infarctus myocardique et de la mortalité coronarienne durant le suivi de 3,6 ans de l’étude ?

Nous n’avons malheureusement pas eu les moyens d’enregistrer la survenue des événements non létaux. Par ailleurs la durée de suivi de notre étude n’a pas encore permis de préciser les causes de mortalité, qui ne sont actuellement disponibles auprès de l’INSERM qu’après un délai de deux ans. Nous effectuerons ce travail dès que cela sera possible ; il est en effet fondamental pour affiner les résultats.

M. Pierre GODEAU

Quel est le rôle positif des traitements médicamenteux, du régime, de l’exercice physique…

sur la réduction de la mortalité liée à ce syndrome métabolique ? Il semble que les documents fournis par la littérature dans ce domaine soient très pauvres, voire totalement absents. Y a-t-il des données nouvelles dans ce domaine ?

Les études spécifiques démontrant la réduction du risque de mortalité du syndrome métabolique par un traitement médicamenteux ou comportemental ne sont en effet encore que très parcellaires. Une publication récente de la Helsinki Heart Study ( Arch

Intern Med 2006 ) relance l’intérêt des fibrates. Avec la poursuite du gembibrozil durant dix-huit ans, cette étude a mis en évidence, chez les patients dont l’index de masse corporelle et les triglycérides étaient les plus élevés (tertiles supérieurs), une réduction de la mortalité coronaire de 71 % et une réduction de la mortalité toute cause de 33 %. Les études BIP (bezafibrate) et VA-HIT (gemfibrozil) avaient aussi montré une réduction des événements cardiovasculaires liée à la réduction des triglycérides et l’augmentation du HDL-cholestérol, même en l’absence de baisse du LDL-cholestérol. Plusieurs études dont l’ Aerobic Center Longitudinal Study ont mis en évidence une corrélation entre l’activité physique et la réduction du risque de mortalité cardiovasculaire. Le

Diabetes Prevention Program (Ann Intern Med 2005) a montré qu’une intervention intensive sur le mode de vie (diététique et activité physique) ou la metformine réduisaient respectivement de 41 % ou de 17 % la survenue de SM par rapport au placebo. Chez les patients qui avaient initialement un SM, on a observé une disparition de celui-ci dans 38 % des cas dans le groupe mode de vie, dans 23 % des cas dans le groupe metformine et dans 18 % des cas dans le groupe placebo. Les inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine, les antagonistes des récepteurs de l’angiotensine II, l’amlodipine ont des effets favorables sur le risque de survenue d’événements cardiovasculaires. On attend l’impact sur la morbi-mortalité du rimonabant qui, dans les études RIO (2005, 2006) , a démontré son efficacité pour la réduction de plusieurs facteurs du SM.

M. Patrice QUENEAU

Vous avez évoqué la pression pulsée dont on sait qu’elle est un bon signe de rigidité artérielle… La pression pulsée ne serait-elle pas une donnée de meilleure valeur pronostique que la pression artérielle systolique et diastolique, pour affiner le paramètre hypertensif de ce syndrome métabolique ?

Les définitions actuelles utilisent des seuils relativement bas concernant le paramètre pression artérielle : ≥ 130 mmHg de pression systolique ou ≥ 85 mmHg de pression diastolique ou patients traités pour hypertension. Cela inclut beaucoup de sujets et dilue l’impact sur la morbi-mortalité. Il est en effet possible que la pression artérielle pulsée soit un paramètre particulièrement intéressant, puisque la rigidité artérielle est augmentée en cas de SM. Nous l’évaluerons plus spécifiquement lorsque nous aurons un suivi de plus longue durée et les causes de mortalité.

M. Claude-Henri CHOUARD

Comment peut-on expliquer la prévalence des signes bucco-dentaires ?

La prévalence des signes inflammatoires bucco-dentaires et le syndrome métabolique ont en partie comme facteur commun, le statut socioéconomique : la présence de plaque dentaire est observée chez 8,6 % des cadres (où la prévalence du SM est la plus faible) et chez 20,5 % des sujets les plus défavorisés (où la prévalence du SM est la plus forte). Mais cela n’explique pas tout. Le manque d’hygiène, le diabète et l’obésité sont des facteurs de causalité.

M. Roger NORDMANN

Parmi les paramètres associés au syndrome métabolique (SM), vous n’avez pas cité la consommation d’alcool. Il est admis que celle-ci favorise l’hypertension artérielle et l’élé- vation des triglycérides mais peut, à l’inverse, jouer un rôle protecteur en élevant les HDL.

Ces effets inverses expliquent vraisemblablement les divergences considérables des résultats publiés à propos d’une éventuelle relation SM/alcool. Etant donné le nombre très élevé des sujets sur lesquels porte votre étude, votre conclusion sur cette éventuelle relation me paraît d’un intérêt majeur. Parmi les inhibiteurs des récepteurs cannabinoïdes CB1, le rimonabant a fait l’objet d’études avancées en tant qu’agent anti-obésité. Exerce-t-il parallèlement une action bénéfique sur les autres éléments du SM, ce qui permettra de les classer comme thérapeutique de ce ‘‘ syndrome ’’ (dans la mesure où celui-ci représente bien une véritable entité) ?

La relation entre la consommation de boissons alcooliques (déclarée) et le SM est effectivement un peu hétérogène dans notre étude. La consommation moyenne d’alcool par jour, ajustée sur l’âge, est, chez les hommes, plus élevée en cas de SM (75,2 g/j fi 1,4 vs 70,0 g/j fi 0,5, p = 0,0007) ; elle ne l’est pas chez les femmes (33,5 g/j fi 1,5 vs 33,5 g/j fi 0,4). Inversement, les sujets qui déclarent être abstinents sont plus nombreux parmi ceux qui ont un SM : 12, % vs 10,3 % chez les hommes et 29,8 % vs 17,8 % chez les femmes. Le rimonabant diminue la surcharge pondérale et le périmètre abdominal, mais aussi les triglycérides, l’insulino-résistance et augmente le HDL-cholestérol, ainsi que l’adiponectine. Il réduit globalement la prévalence du SM. En outre, une analyse combinée de quatre essais du programme RIO a montré que l’amélioration des paramètres cardio-métaboliques était plus élevée que ne le laissait espérer la perte de poids seule.

Bull. Acad. Natle Méd., 2006, 190, no 3, 685-700, séance du 14 mars 2006