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Séance du 20 février 2001

Sur les journées d’appel de préparation à la défense. Premiers résultats d’une enquête sur la santé et les comportements des jeunes

MOTS-CLÉS : enquête santé.. santé publique. service national
KEY-WORDS : france.. health surveys. public health. service national

R. Henrion, J.M. Costes, F. Beck, S. Legleye, P. Peretti-Watel

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INFORMATION

Sur les journées d’appel de préparation à la défense.

Premiers résultats d’une enquête sur la santé et les comportements des jeunes

Roger HENRION, Jean-Michel COSTES, François BECK, Stéphane LEGLEYE, Patrick PERETTI-WATEL A la suite de la loi du 28 octobre 1997 portant sur la réforme du service national, celui-ci a été remplacé par la Journée d’Appel de Préparation à la Défense (JAPD). De ce fait, les enquêtes et visites médicales qui étaient effectuées dans les centres de sélection au cours de la période des trois jours et lors des visites d’incorporation ont disparu, supprimant ainsi la détection de maladies méconnues ou de handicaps variés, les vaccinations, l’éducation à la santé et les enquêtes épidémiologiques faites par le Service de Santé des Armées. Pour pallier ces manques, une Enquête sur la Santé et les Comportements lors de l’Appel de Préparation à la Défense (ESCAPAD) a été mise au point sous l’égide de l’Observatoire Français des Drogues et des Toxicomanies (OFDT).

Elle est fondée sur un autoquestionnaire, strictement anonyme, comportant un ensemble de questions sur la santé physique et psychique des jeunes, leur comportement social et leur consommation de substances psychoactives, questionnaire qui doit être rempli au printemps de chaque année, un samedi ou un mercredi, par tous les participants, hommes et femmes.

Cette enquête, qui a été approuvée à l’unanimité par l’Académie nationale de médecine dans sa séance du 15 février 2000 [1], a été appliquée, pour la première fois, les mercredi 10 mai et samedi 13 mai 2000, en France métropolitaine. Les résultats obtenus sont riches d’enseignement en ce qui concerne notamment la consommation de substances psychoactives. Dans l’enquête, le terme d’expérimentation désigne le fait d’avoir déjà consommé un produit au moins une fois au cours de sa vie, celui d’usage répété le fait d’avoir fumé au moins une cigarette par jour et/ou consommé de l’alcool au moins dix fois au cours des 30 derniers jours, d’avoir fumé du cannabis au moins dix fois au cours des 12 derniers mois.

L’autoquestionnaire a été distribué dans 94 salles le mercredi 10 mai et dans 267 salles le samedi 13 mai 2000. Le nombre d’appelés convoqués était de 16 391. Parmi eux, 1 444 (8,8 %) ne se sont pas rendus à la JAPD. En fait, la plupart des individus absents viendront faire leur journée ultérieurement puisqu’ils sont autorisés à le faire jusqu’à 25 ans et, parmi les présents, certains régularisaient leur situation. Quatre-vingt-onze participants ont rendu un questionnaire vierge (0,6 %). D’autres ont été éliminés en raison d’un trop grand nombre de non réponses aux questions posées. L’étude porte finalement sur 13 957 individus : 5 053 garçons de 17 ans, 3 736 de 18 ans et 1 807 de 19 ans et 3 361 filles de 17 ans, celles-ci n’étant convoquées que depuis le 1er avril 2000, les évolutions selon l’âge n’intéressent, pour le moment, que les garçons.

La qualité de remplissage du questionnaire est apparue très satisfaisante : les incohérences sur les questions de consommation de produits psychoactifs ne concernent que 2 % des individus. Les jeunes ont, dans l’ensemble, apprécié que l’on s’occupe de leur santé. Certains ont même fait des remarques très pertinentes sur le libellé des questions. L’enquête a fait l’objet d’un rapport très complet de l’OFDT, paru le 5 février 2001 [2].

Les substances psychoactives couramment consommées

L’enquête confirme les résultats plutôt alarmants d’autres enquêtes récentes sur le tabac, l’alcool, le cannabis, les médicaments psychotropes.

Le tabac (Tableau 1)

A 17 ans, les filles fument désormais plus que les garçons (79,4 % contre 76 %). Mais l’écart s’estompe lorsqu’il s’agit d’usage répété (40,2 % contre 41,9 %). Il est inquiétant d’apprendre qu’à cet âge 6,4 % des filles et 6,8 % des garçons fument un paquet ou plus par jour. Chez les garçons, expérimentation et usage répété augmentent sensiblement avec l’âge puisqu’à 19 ans, 84 % ont déjà fumé et 50,9 % fument quotidiennement.

L’alcool (Tableaux 2 et 3)

La différence entre les sexes est plus marquée pour la consommation d’alcool.

A 17 ans, les filles sont un peu moins nombreuses à avoir bu de l’alcool au cours du dernier mois (77,3 % contre 80,8 %). Surtout, elles sont trois fois moins nombreuses à déclarer un usage répété (5,5 % contre 16 %). Les résultats sont similaires pour les épisodes d’ivresse. A 17 ans, 49,8 % des filles et 63,5 % des garçons ont déjà été ivres au cours de leur vie ; 15,1 % des garçons et seulement 4,6 % des filles l’ont été au moins dix fois. A 19 ans, 74,9 % des garçons ont été ivres et 25,4 % l’ont été au moins dix fois.

Le cannabis (Tableau 4)

L’expérimentation du cannabis est devenue banale tant chez les filles que chez les garçons (à 17 ans, 40,9 % des filles et 50,1 % des garçons), mais la consommation régulière est plus importante chez les garçons (12,6 % des filles

Tableau 1. — Expérimentation et usage répété du tabac.

Tableau 2. — Consommation d’alcool au cours des 30 derniers jours

Tableau 3. — Fréquence des ivresses au cours de la vie Tableau 4. — Expérimentation et usage répété de cannabis et 23,8 % des garçons). Chez les garçons la proportion d’expérimentateurs et d’usagers augmente avec l’âge. A 19 ans, ils sont 60,3 % à avoir une expérience du cannabis, 32,7 % à en faire un usage répété et 16 % à avoir fumé vingt fois ou plus au cours des trente derniers jours.

Les médicaments psychotropes (Tableau 5)

La consommation de ces médicaments est l’apanage des filles. A 17 ans, 29 % des filles et 10,6 % des garçons ont pris de tels médicaments. Chez ces derniers, le pourcentage n’augmente que peu avec l’âge : 13,6 % à 19 ans.

L’enquête ne permet pas de déterminer si ces médicaments ont été ou non prescrits.

Les autres substances psychoactives (Tableau 5)

Leur consommation est beaucoup plus rare. Les substances les plus souvent citées sont les champignons hallucinogènes, le poppers, l’ecstasy, les produits

Tableau 5. — Expérimentation des autres produits psychoactifs à inhaler et, dans une moindre mesure, le LSD, les amphétamines et la cocaïne. Chez les garçons de 19 ans, l’expérimentation ne dépasse 5 % que pour quatre d’entre eux : les champignons hallucinogènes (8,7 %), le poppers (8,3 %), l’ecstasy qui continue la percée signalée par le Service de Santé des Armées en 1996 (6,7 %) et les produits à inhaler (6,3 %). La cocaïne fait une apparition discrète mais nette (3,3 %) et le LSD fait une réapparition (4,8 %). En revanche, l’héroïne est peu consommée (1,3 %).

La polyconsommation des substances psychoactives

Elle est préoccupante. A 17 ans, 75,9 % des filles et 74,7 % des garçons ont expérimenté au moins deux produits parmi le tabac, l’alcool et le cannabis. A cet âge, l’expérimentation des trois produits, simultanément ou successivement, est plus fréquente chez les garçons (46,9 %) que chez les filles (35,8 %).

Elle augmente avec l’âge pour atteindre 82,6 % chez les garçons de 19 ans et 57,2 % pour la combinaison tabac, alcool, cannabis. Les variations selon le sexe sont beaucoup plus prononcées pour la polyconsommation régulière. A 17 ans, elle est deux fois plus fréquente chez les garçons (23,4 %) que chez les filles (12,4 %). Pour les deux sexes il s’agit surtout du tabac et du cannabis, le tabac étant le principal dénominateur commun des polyconsommations.

La fréquentation des fêtes « techno »

A 17 ans, près d’une fille sur 4 (23,3 %) et un garçon sur 3 (29,4 %) sont déjà allés à une fête techno (rave partie, technival), proportion qui s’élève chez les garçons à 36,8 % à 19 ans. Chez les garçons comme chez les filles, la fréquentation de ces fêtes est associée à de larges consommations de tabac, d’alcool et de cannabis et à une forte propension à consommer des substances psychoactives stimulantes (ecstasy, amphétamines, cocaïne, LSD). Cependant, il existe de grandes différences de comportement entre les participants et la consommation de substances stimulantes est loin d’être la règle, comme le montre l’analyse détaillée des réponses.

Conclusion

Le rapport établi par l’OFDT fourmille de données intéressantes pour qui veut connaître le comportement de nos adolescents. Le rapport complet aborde une dizaine de thèmes. Il étudie notamment les relations entre les usages de substances psychoactives et la santé, les situations scolaires et familiales et la pratique sportive. Des esprits chagrins feront observer que cette enquête comporte des biais : certains jeunes, parmi les plus marginaux, ne se font pas recenser. C’est oublier que la proportion des objecteurs de conscience et surtout des exemptés, souvent recrutés dans la meilleure société, était autrefois beaucoup plus élevée. Cette étude complète d’autres enquêtes [3-6].

Elle a, en outre, l’avantage d’atteindre une proportion non négligeable de jeunes non scolarisés et de mieux garantir la confidentialité des réponses que les enquêtes en milieu scolaire où tous les élèves d’une même classe remplissent le questionnaire en même temps. Elle paraît aussi plus performante que les enquêtes par téléphone, en particulier chez les usagers de drogues illicites. Enfin, l’enquête qui sera reconduite chaque année permettra une étude transversale répétée des consommations des substances psychotropes, en temps réel, puisque les résultats sont exploités en quelques mois, ce qui est exceptionnel.

BIBLIOGRAPHIE [1] HENRION R. — Information sur les Journées d’Appel de Préparation à la Défense.

Bull.

 

Acad. Natle. Med , 2000, 184 , 491-493.

[2] BECK F., LEGLEYE S., PERETTI-WATEL P. — Regards sur la fin de l’adolescence : consommations de produits psychoactifs dans l’enquête ESCAPAD 2000, rapport OFDT 2000, 220 p.

[3] BALLION R. — Les conduites déviantes des lycéens. Paris : Rapport OFDT, 1999, 243 p.

[4] BAUDIER F., JANVRIN M.P., ARENES J. — Baromètre Santé jeunes 97/98. Vanves, CFES, 328 p.

[5] DE PERETTI C., LESELLBAUM N. — Les lycéens parisiens et les substances psychoactives :

évolutions. Paris : Rapport OFDT, 1999, 170 p.

[6] BECK F., CHOQUET M., HASSLER C., LEDOUX S., PERETTI-WATEL P. — Consommations de substances psychoactives chez les 14-18 ans scolarisés : premiers résultats de l’enquête ESPAD1999, évolutions 1993-1999. OFDT, Tendances, 2000, no 6.

 

Bull. Acad. Natle Méd., 2001, 185, no 2, 445-450, séance du 20 février 2001