Published 18 June 2019

Séance franco-brésilienne :

« Progrès de l’imagerie et des technologies de l’intelligence artificielle »

Organisateurs : Jorge Alberto COSTA E SILVA et Jean François ALLILAIRE

 

Introduction par Jorge Alberto COSTA E SILVA (Président de l’Académie nationale de médecine du Brésil)

Le Pr COSTA E SILVA salue le bureau de l’Académie Nationale de Médecine pour cette invitation et adresse des remerciements très chaleureux.

Cette septième séance conjointe des deux Académies de Médecine, française et brésilienne(cette dernière a 190 ans d’existence), est l’occasion de présenter des communications illustrant la transformation de notre monde, de nos technologies d’exploration et de nos pratiques médicales grâce à l’intelligence artificielle, de l’imagerie moléculaire en oncologie à l’identification des mécanismes de fonctionnement de l’îlot pancréatique avec de nouvelles thérapeutiques en perspective.

 

Communications

 

Définition du protocole clinique et technique de TEP/RM avec PSMA pour l’évaluation du cancer de la prostate : première expérience et résultats par Giovanni G. CERRI (Membre de l’Académie nationale de médecine du Brésil, Professeur de l’Université de São Paulo)

Des stadifications et re-stadifications précises sont d’une importance majeure pour l’évaluation du pronostic et l’approche thérapeutique chez les patients atteints d’un cancer de la prostate en particulier. L’utilisation de la tomographie par émission de positrons / tomodensitométrie (TEP/TDM) s’est accrue ces dernières années après l’introduction en clinique de l’antigène membranaire spécifique de la prostate (PSMA) permettant une meilleure détection des métastases ganglionnaires et distantes, et un meilleur taux de détection des récidives, même à des taux de PSA très faibles. Bien qu’elle ne soit pas encore largement disponible, la tomographie par émission de positrons / imagerie par résonance magnétique (TEP/IRM) apparaît comme un outil encore plus  prometteur en raison de la meilleure performance de l’IRM par rapport à la TDM dans l’évaluation loco-régionale du cancer de la prostate combinée à la haute sensibilité et la spécificité de la TEP PSMA pour la détection des lésions.

L’étude présentée porte sur 11 patients avec pour objectif l’évaluation du protocole de TEP/IRM-PSMA dans le cancer de la prostate (en fonction de l’indication. Des statistiques descriptives ont été utilisées pour résumer quantitativement les caractéristiques de la TEP/IRM, y compris le protocole d’examen, la durée totale d’acquisition, le taux de PSA et les résultats de l’imagerie. En conclusion, l’utilisation de la TEP/IRM pour l’évaluation du cancer de la prostate est réalisable avec un temps d’acquisition tolérable lorsqu’une sélection appropriée des séquences IRM est effectuée en fonction de l’indication. L’analyse préliminaire de cette étude confirme le taux de détection élevé de l’imagerie TEP en PSMA à la fois pour la stadification primaire et pour l’évaluation de la récidive biochimique.

 

 

L’îlot pancréatique : ce que nous savons 150 ans après Langerhans par Carlos Alberto MANDARIM-DE-LACERDA (Membre de l’Académie nationale de médecine du Brésil ; Membre associé étranger de l’ANM de France ; Professeur Titulaire d’Anatomie et de Biologie Cellulaire, Laboratoire de Morphométrie, de Métabolisme et de Maladies cardiovasculaires, Centre Biomédical, Institut de Biologie, Université de l’État de Rio de Janeiro, Brésil)

Le médecin allemand Paul Langerhans a décrit il y a 150 ans ce qu’on appelle aujourd’hui l’îlot (pancréatique) de Langerhans. Au cours de ces années, nous avons appris à mieux connaître cette structure et son importance dans la sécrétion d’hormones liées au métabolisme des glucides. Les études actuelles visent à mieux comprendre les mécanismes de la production, de la protection, de la régénération et de la perte de cellules des îlots pancréatiques, pour mieux lutter contre la prévalence croissante de l’obésité, du diabète et de la maladie d’Alzheimer (ces trois affections sont liées au fonctionnement des îlots pancréatiques) Cette revue générale propose une synthèse des connaissances récentes sur les îlots pancréatiques, en soulignant l’évolution des idées et des perspectives pour le  traitement du diabète et de la maladie d’Alzheimer. Les recherches en cours  sur les microARN, la culture d’îlots et de pseudo-îlots (organoïdes) permettront de progresser dans  la compréhension des mécanismes d’action de nouveaux médicaments agissant sur les îlots / cellules (tels que le peptide semblable à l’hormone glucagon 1 – GLP-1). Ainsi dans la maladie d’Alzheimer, le dépôt de polypeptide amyloïde (ou d’amyline) d’îlots pancréatiques, co-localisé avec le bêta-amyloïde, est particulièrement abondant dans le cortex temporal. Cette co-localisation pourrait sous-tendre un mécanisme expliquant les symptômes de la maladie. L’utilisation de l’analogue du GLP1 diminue l’inflammation de l’hypothalamus et de l’hippocampe, ce qui fait   supposer un lien physiopathologique entre l’îlot pancréatique et les maladies neuro-dégénératives. Voici une nouvelle voie qui s’ouvre pour identifier les causes de l’association du diabète de type 2 et des maladies neuro-dégénératives, avec un potentiel important de développement thérapeutique.

 

Intelligence artificielle et imagerie, définition, applications et  opportunités par Francis BRUNELLE (Membre de l’Académie nationale de médecine)

 

L’émergence de l’intelligence artificielle, dont les premiers concepts datent des années 50 dans le domaine médical est la conséquence de trois bouleversements radicaux : la numérisation des images médicales permettant leur paramétrage, le développement des algorithmes autorisant l’utilisation des données saisies en langage naturel, et l’apprentissage profond (deep learning) permettant à partir de données radiologiques massives de développer des algorithmes de traitement automatique d’images médicales. Ces systèmes permettent dès aujourd’hui la détection automatique de lésions et ouvre la voie au dépistage du cancer du poumon, du sein ou de la prostate. Leur fiabilité est supérieure à celle des radiologues. Intégrées aux données médicales cliniques, biologiques, génétiques, ces techniques modifient considérablement l’organisation et la structuration du monde de la santé.

Développer des solutions contenant une certaine dose d’intelligence artificielle nécessite une structure organisationnelle adaptée, des technologies précises (infrastructure, architecture, outils, méthode d’analyses, etc.), un alignement stratégique, un investissement conséquent, mais l’humain en reste le centre névralgique. Ces procédés ne vont pas supplanter l’humain dans les processus de prise de décision ou dans les phases d’interprétation. Au contraire, ils permettent de  s’appuyer sur des faits plutôt que sur sa seule propre intuition. L’intelligence artificielle alimente l’innovation et la créativité. Des enjeux éthiques vont bien sûr émerger autour de la protection des données et du respect de la personne humaine. L’enseignement médical doit de manière urgente prendre en compte ces évolutions et construire au sein d’ensembles plus vastes (universités) des partenariats avec les sciences informatiques, mathématiques, entre autres. Alors que parmi les bénéficiaires du prix « Turing », aux côtés de Yoshua Bengio et de Geoffrey Hinton se trouve un Français Yann Lecun, il est essentiel que la France se saisisse très rapidement des outils de cette révolution du 21ème siècle.

 Conclusion par Emmanuel Alain CABANIS (Président de l’Académie nationale de médecine)