Publié le 3 avril 2018

Daniel COUTURIER, secrétaire perpétuel de l’Académie nationale de médecine

Pascale COSSART, secrétaire perpétuel de l’Académie des sciences

Christian CHATELAIN, président de l’Académie nationale de médecine

Pierre CORVOL, vice-président de l’Académie des sciences

Frédérique VIDAL, ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation

 

« Les anticorps monoclonaux thérapeutiques »

 

Allocution de Mme Frédérique VIDAL, ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation. Le texte intégral de cette allocution est disponible sur le site internet de l’Académie de Médecine.

Consulter le discours

 

Conférence invitée : La santé à l’heure de l’Intelligence Artificielle par Cédric VILLANI, membre de l’Académie des sciences, député de la 5e circonscription de l’Essonne.

La santé doit, en même temps que la mobilité (transport), l’environnement et la défense, bénéficier du développement de l’intelligence artificielle (IA). Il faut former et recruter des experts en IA, constituer et exploiter des bases de données importantes. Elles existent en France, mais construites pour un usage administratif. Mettre à disposition des outils de calcul à haute capacité est nécessaire : ils manquent en France. L’interface pluridisciplinaire est encore à construire. Trois axes sont importants :

-l’expérimentation, en stimulant la recherche, en formant 2 à 3 fois plus de jeunes chercheurs en IA,

-le partage : oui pour partager les algorithmes, plus délicat pour partager des données : qui a accès ?

-la souveraineté : nationale et continentale, l’Europe a la bonne taille pour rivaliser avec les Etats-Unis et la Chine. En santé le partage est nécessaire entre public et industriels, entre laboratoires universitaires et privés : des passerelles doivent être établies.

Il existe un fort besoin d’information des citoyens pour lever les réticences et méfiances face à l’IA.

 

Après une introduction de la séance par Jean-François BACH, secrétaire perpétuel honoraire de l’Académie des sciences, membre de l’Académie nationale de médecine et membre de l’Académie nationale de pharmacie, quatre communications et une conclusion sont successivement présentées :

 

  • The antibody revolution par Greg WINTER, directeur de recherche émérite au Laboratory of molecular biology, Cambridge, Grande-Bretagne.

Greg Winter a retracé la révolution qu’a représentée, à côté des thérapeutiques chimiques, la découverte des anticorps monoclonaux (AcMo) et l’historique de ce développement : utilisation d’hybridomes et production de monoclonaux de rongeurs, puis grâce aux travaux de G Winter, production d’AcMo par génie génétique, d’abord chimérique partiellement humanisé, puis complétement humanisé. Les avantages de ces AcMo humanisés, mieux tolérés, ayant de meilleurs profils pharmacocinétiques, ont été expliqués, en comparaison des traitements chimiques.

 

  • Les anticorps monoclonaux thérapeutiques : une efficacité remarquable mais des effets secondaires inattendus par Lucienne CHATENOUD, professeur d’immunologie à l’université Paris Descartes, directeur du laboratoire d’immunologie biologique de l’Hôpital Necker-Enfants Malades.

Les anticorps monoclonaux (AcMO) anti-lymphocytes T, immunosuppresseurs, ont été utilisés dès les années 1980 pour les transplantations d’organes. Les nouveaux AcMo humanisés couvrent maintenant de nombreux domaines de la médecine dont la transplantation, l’auto-immunité, l’allergie et, plus récemment, les tumeurs, avec des résultats remarquables. Certains sont de puissants immunosuppresseurs, d’autres vont induire voire restaurer la tolérance immunitaire. Des effets indésirables surviennent parfois : libération transitoire de cytokines, survenue de pathologies auto-immunes. Enfin l’immunisation contre l’AcMo, même humanisé, peut engendrer la neutralisation de l’effet thérapeutique.

 

  • Thérapies ciblées dans les maladies auto-immunes : indications et perspectives par Loïc GUILLEVIN, membre de l’Académie nationale de médecine.

Les anticorps monoclonaux (AcMo) font aujourd’hui partie des traitements qui ont permis d’améliorer le cours évolutif des maladies auto-immunes, notamment la polyarthrite rhumatoïde. Les vascularites bénéficient également des AcMo, Mais dans le lupus érythémateux systémique rien d’efficace n’a été identifié à ce jour. L’effet dans les maladies auto-immunes n’est que suspensif et impose une administration répétée. Le coût élevé de ces traitements reste un problème majeur de santé publique, justifiant la mise en place d’études médico-économiques. (Voir la vidéo YouTube associée)

 

  • Le paradigme des anticorps monoclonaux immunostimulants en oncologie par Laurence ZITVOGEL, professeur à l’université Paris Saclay, directeur scientifique de l’Immuno-Oncologie, Institut Gustave Roussy.

Des efforts importants pour développer en oncologie des médicaments cytotoxiques qui ciblent spécifiquement les cellules cancéreuses ont été réalisés. Ces « thérapeutiques ciblées » sont parfois mises en échec par l’émergence d’un sous-clone de cellules tumorales ne possédant pas la cible thérapeutique. Les dernières recherches ciblent spécifiquement le système immunitaire afin d’inverser l’immunotolérance induite par le cancer. La validité de ces stratégies par anticorps monoclonaux dans le mélanome métastatique, le cancer du rein et le cancer bronchique…, est avérée. Deux principales familles de nouveaux médicaments ciblant le système immunitaire sont apparues : les agonistes des récepteurs de motif de reconnaissance et les anticorps monoclonaux immunostimulants. (Voir la vidéo YouTube associée)

 

  • Synthèse et conclusions : le cas de l’infection VIH par Patrice DEBRÉ, membre de l’Académie nationale de médecine.

Patrice Debré   souligne le caractère révolutionnaire des anticorps monoclonaux thérapeutiques et s’interroge sur leur extension aux maladies infectieuses. Des anticorps neutralisants divers apparaissent chez les sujets infectés par le VIH, mais ce virus acquiert des mutations en permanence et rend difficile l’identification d’un monoclonal qui par définition est spécifique d’un motif antigénique. Les tentatives négatives à ce jour de vaccination contre le VIH illustrent bien cette difficulté. Cependant un monoclonal inhibant le site de liaison du VIH aux lymphocytes CD4 (VRC01) est en cours d’étude en phase I-II. Une autre infection virale hautement pathogène et meurtrière, due au virus EBOLA, a fait l’objet, lors de l’épidémie de 2014-2015 en Afrique de l’Ouest, d’une étude contrôlée d’un traitement par une association de 3 monoclonaux (ZMapp). Le résultat apparaissait favorable sans atteindre le seuil prédéfini.

La place des anticorps monoclonaux dans le traitement des maladies infectieuses mérite d’autres recherches.