Publié le 11 décembre 2018

Consacrée au thème « Environnement et développement postnatal », cette séance bi-académique, ouverte par Daniel Couturier, secrétaire perpétuel de l’Académie nationale de médecine, Pascale Cossart, secrétaire perpétuelle de l’Académie des sciences, et conclue par Pierre Corvol, vice-président de l’Académie des sciences, a comporté cinq communications.

 

La capacité régénérative du cœur néonatal, par Margaret Buckingham, membre de l’Académie des sciences, professeur honoraire à l’Institut Pasteur et directeur de recherches émérite au CNRS.

A la différence du tissu musculaire squelettique humain qui se régénère à partir de cellules souches, et du tissu cardiaque qui est doté d’une capacité régénérative remarquable chez les vertébrés inférieurs, le cœur de l’homme adulte se régénère mal comme en atteste son endommagement après un infarctus. Le modèle du poisson zèbre a montré, en 2010, que cette régénération cardiaque se fait à partir des cardiomyocytes qui se dédifférencient et prolifèrent avant de reconstituer le muscle cardiaque. La voie de signalisation dite Hippo bloque la prolifération des cardiomyocytes. L’inactivation de cette voie par manipulation génétique chez la souris adulte déclenche la capacité proliférative des cardiomyocytes avec une récupération partielle des fonctions cardiaques après un infarctus. Ce résultat ouvre la voie de perspectives thérapeutiques innovantes. En outre, l’étude du rôle des changements métaboliques néonataux dans l’activation du signal Hippo devrait pouvoir conduire à des applications médicales.

 

Développement cérébral du nourrisson : que nous apprend la neuro-imagerie ? par Jessica Dubois, ingénieur de l’Ecole centrale (Paris) et chercheuse Inserm, Neurospin (CEA, Saclay) et Hôpital pédiatrique Robert-Debré (Paris).

Quoi de plus fascinant qu’un bébé qui grandit ? Ses nombreux progrès reflètent un développement intense de son cerveau, lequel présente une organisation fonctionnelle relativement élaborée dès la naissance. Des processus complexes de maturation vont par la suite entrer en jeu au sein du cortex et de la substance blanche, particulièrement au cours des deux premières années post-natales, et ce en contraste de l’évolution observée chez le primate non humain. Il se produit une sélection et une stabilisation des connexions et réseaux pertinents, avec des périodes de maturation et de plasticité qui varient selon les fonctions cérébrales. Ce développement permet au nourrisson d’acquérir de nouvelles compétences dépendantes des stimulations auxquelles il est exposé. Des études récentes en neuroimagerie (et particulièrement grâce à l’IRM) illustrent ces mécanismes pour les modalités relatives au toucher, à la vision et au langage. L’exploration du développement précoce du cerveau est essentielle pour envisager comment l’espèce humaine a pu développer des fonctions cognitives élaborées ainsi que pour comprendre les mécanismes sous-jacents à de nombreux troubles du neurodéveloppement de l’enfant.

 

 

Impact de l’environnement parental sur le développement psychosomatique de l’enfant, par Jean-Michel Hascoët, membre correspondant de l’Académie nationale de médecine, professeur de pédiatrie-néonatologie, faculté de médecine de l’université de Lorraine.

Dès la naissance, la qualité de la relation parents-enfants influence le développement psychosomatique. Des travaux neurobiologiques suggèrent l’existence d’une relation étroite entre les systèmes de réponse au stress et l’adaptation à la maternalité. L’influence du maternage sur la réactivité de l’enfant au stress est médiée par des modifications de l’expression génique : des altérations épigénétiques liées à l’environnement expliquent les troubles du développement des enfants issus de contextes familiaux difficiles. Ainsi, le pronostic des enfants nés prématurés est corrélé au niveau socio-économique des familles. D’autres situations induisant un stress intense, comme une rupture familiale ou des violences intraconjugales, entraînent des retards de croissance. Ces situations s’accompagnent aussi d’un fort coût sociétal avec une surconsommation de médicaments contre la dépression, l’anxiété et les troubles du comportement. Toutefois, ce n’est pas une fatalité. Les études d’intervention montrent une efficacité quant à la résilience des enfants. Cette résilience permet de rompre le cercle vicieux d’une transmission intergénérationnelle de la pauvreté, de par le stress induit par la pauvreté elle-même.

 

Nutrition et contaminateurs environnementaux, par Olivier Claris, membre correspondant de l’Académie nationale de médecine, professeur de néonatologie et réanimation médicale, hôpital Femme Mère Enfant, Lyon et université Claude Bernard Lyon I.

Les perturbateurs endocriniens sont des produits chimiques, isolés ou sous forme de mélanges, capables d’interférer avec un fonctionnement hormonal. Parmi les 85000 agents chimiques commercialisés, au moins 1000 sont reconnus comme perturbateurs endocriniens, et certains ont été retrouvés dans le placenta, le liquide amniotique et le sang cordonal. L’hypothèse de l’origine développementale de certaines maladies repose sur la notion d’une période critique au cours du développement, marquée par sa sensibilité à des modifications nutritionnelles ainsi qu’à des facteurs environnementaux modifiant l’expression des gènes et l’organisation tissulaire. Ainsi, le syndrome métabolique, qui comporte obésité, résistance à l’insuline, diabète de type 2 et accidents vasculaires, peut être une conséquence tardive de la malnutrition in utero. Un lien a été retrouvé entre l’exposition prénatale au plomb et la méthylation génomique de l’ADN dans le sang du cordon chez l’homme. Dans différents modèles animaux, l’exposition pendant la gestation aux phtalates ou au bisphénol modifie l’ultrastructure pancréatique et favorise la survenue à l’âge adulte d’une intolérance glucidique.

 

Identification d’une dysbiose intestinale signant l’entéropathie environnementale pédiatrique associée au retard de croissance infantile : premiers résultats du projet Afribiota en Afrique sub-saharienne, par Philippe Sansonetti, membre de l’Académie de sciences, coordinateur du consortium Afribiota Institut Pasteur, professeur au Collège de France, en collaboration avec Pascale Vonaesch, microbiologiste , co-coordinatrice du consortium Afribiota, Institut Pasteur.

L’entéropathie environnementale pédiatrique (PEE) est considérée comme l’étiologie principale de la malnutrition dans les pays à faibles revenus, principalement d’Afrique sub-saharienne. Ses conséquences majeures sont le retard de croissance et de développement psychomoteur, en particulier des fonctions cognitives. Une étude contrôlée, conduite en République centrafricaine (Bangui) et à Madagascar (Tananarive), a porté sur un millier d’enfants de 2 à 5 ans, répartis en un groupe malnutri avec retard de croissance et un groupe normonutri de taille normale. Les résultats montrent l’existence d’une dysbiose duodénale, marquée par la présence massive de taxa bactériens (genres bactériens) de la flore bucco-gingivale et rhinopharyngée. Ces taxa montrent, en métataxonomie 16S (basée sur le séquençage des ARN ribosomaux 16S), une fréquence élevée dans les fèces d’enfants en retard de croissance en comparaison du groupe de taille normale. Ce résultat, inattendu au regard de la surcroissance anticipée de bactéries entériques éventuellement entéropathogène, permet de progresser dans la compréhension physiopathologique de la PEE, et d’ouvrir les voies non seulement d’un diagnostic microbiologique mais d’interventions thérapeutiques curatives et prophylactiques.