Published 6 October 2020

Communications de l’Académie nationale de médecine

Mardi 6 octobre 2020

Syndrome allergique pollen-fruit : rôle des protéines régulées par la gibbérelline. Rémy COUDERC Equipe « Allergie & Environnement », Hôpital Armand Trousseau, Paris

 En France, 20 à 25 % de la population générale souffrent d’une maladie allergique. De 20 à 70 % correspondent à un syndrome associé pollen-aliment, majoritairement dû aux grains de pollen d’arbres et de plantes anémophiles. Les symptômes se manifestent par une atteinte des muqueuses nasale et orale (3%), cutanées, gastro-intestinales, respiratoires (bronchospasme, asthme), voire par des réactions systémiques anaphylactiques (1.7%) en présence de cofacteurs (exercice physique, AINS, aspirine, IPP ..). Certaines familles de protéines allergisantes sont bien caractérisées sur le plan moléculaire et clinique : la famille des PR-10 (Pathogenesis-Related proteins) dont le prototype est Bet v 1, allergène du pollen de bouleau, les profilines, les lipo-transférases non spécifiques PR-14, et les protéines Thaumatin-like PR-5. La mise en évidence dans le pollen de cyprès d’un allergène de la famille des protéines régulées par la gibbérelline (Gibberellin-regulated proteins : GRP) (Cup s 7) est responsable du syndrome pêche-cyprès par la primo-sensibilisation due au cyprès chez des patients allergiques à la pêche. Le premier allergène de la famille des snakin/GRP, la péamacléine ou Pru p 7, a été décrit en 2013 dans la pêche, puis dans d’autres fruits comme l’abricot japonais, l’orange, et la grenade. Le réchauffement climatique induit une redistribution des espèces allergisantes comme les Cupressacées vers les régions du nord ; en effet il allonge la période de pollinisation du cyprès et  est aussi un facteur important favorisant les pollutions atmosphériques qui augmentent le pouvoir allergisant des pollens et la sensibilité des personnes atopiques.

 

 

Influence des régimes végétariens sur le statut nutritionnel et métabolique et le risque de malades chroniques. Jean-Louis GUEANT,, INSERM UMR_S1256, Nutrition-Génétique-Exposition aux risques environnementaux et Centre de Référence des Maladies Héréditaires du Métabolisme, Université de Lorraine et CHRU de Nancy

Les régimes végétariens (végétalien, lacto-végétarien, lacto-ovo-végétarien, pesco-végétarien, semi-végétarien) ont été proposés comme approche nutritionnelle pouvant réduire le risque de maladies chroniques non transmissibles. De plus, il existe une pression sociétale forte pour diminuer les aliments d’origine animale de la consommation alimentaire des pays occidentaux. Comparer les effets sur la santé des régimes végétariens et du régime omnivore est donc une question d’actualité. Les méta-analyses publiées sur ce thème apportent des réponses. Les régimes végétariens sont associés à une concentration plus faible de cholestérol sanguin total, LDL-cholestérol et HDL-cholestérol, et sont sans effet sur le taux de triglycérides. Ils sont protecteurs pour les maladies complexes cardiovasculaires en particulier HTA mais ils augmentent le risque de carence en vitamine B12, principalement chez les nourrissons de mères végétariennes, chez les femmes enceintes et les personnes âgées et ils diminuent les réserves en fer évaluées par la ferritine. En revanche, il existe un effet protecteur des régimes végétariens sur le risque d’obésité pathologique, des autres composantes du syndrome métabolique dont le diabète et l’hypertension et sur le risque de maladies cardio-vasculaires. L’étude des effets sur le risque de cancer a produit des résultats contradictoires. La revue exhaustive de la littérature montre qu’il existe des données très parcellaires sur les effets de chacun des types de régimes végétariens pour les acides gras oméga-3, l’iode, le calcium, la vitamine B12 et la vitamine D, ainsi que sur leur comparaison avec le régime méditerranéen. L’effet des régimes végétariens selon les tranches d’âge nécessite également une attention particulière.

 

Cytokines proinflammatoires et risque cardio-vasculaire : De l’infarctus du myocarde à la tempête cytokinique de la Covid-19. Pierre MIOSSEC Laboratoire Immunogénomique et inflammation EA 4130, Université de Lyon

Les mécanismes des maladies inflammatoires, spécialement chroniques, font intervenir les cytokines principales de l’inflammation (interleukine-1 [IL-1], Tumor Necrosis Factor [TNF], IL-6 et IL-17) qui sont les cibles thérapeutiques des biothérapies. Elles contribuent à l’atteinte locale de maladies différentes sur le plan clinique. A côté de ces aspects locaux, les cytokines ont des effets systémiques par leur action sur le foie (par action des IL-6 sur l’hépatocyte : sécrétion de CRP, hépatite, stéatose), le tissu adipeux, le muscle (fonte musculaire) et le système cardio-vasculaire (hypercoagulation intravasculaire, cardiomyopathie). Toutes ces maladies inflammatoires ont en commun, même sans expression clinique, une augmentation du risque cardio-vasculaire (en particulier par le taux élevé d’IL-17). Il en résulte tout l’intérêt d’une modulation thérapeutique des cytokines : ainsi les statines inhibent les effets prothrombotiques de l’IL-17. Dans la population générale, les mêmes concepts sont applicables, avec un lien entre une élévation même modeste de la CRP et le risque cardio-vasculaire. Plus récemment, la tempête cytokinique des formes sévères du Covid-19, favorisées par l’HTA, l’obésité, le diabéte, les maladies cardiovasculaires, un âge (surtout physiologique) élevé a montré que les interactions synergiques des cytokines, d’abord décrites in vitro, se retrouvent renforcées dans le tableau clinique avec atteinte multiple et sévère des organes clés, et baisse de l’immunité cellulaire. Il est donc recommandé de ne pas arrêter un traitement anti-inflammatoire au long cours. Dans ces contextes, le contrôle de l’inflammation par ciblage des cytokines et de leurs récepteurs est une nouvelle option thérapeutique en particulier à visée vasculaire, avec déjà des résultats importants pour l’IL-1.

 

Identification de biomarqueurs chez des sujets à risque pour la maladie d’Alzheimer. Marie-Claude POTIER Institut du Cerveau ICM, CNRS UMR7225, INSERM U1127, UPMC ; Hôpital de la Pitié-Salpêtrière

La maladie d’Alzheimer (MA) est la forme la plus fréquente de maladie neurodégénérative, avec environ 46,8 millions de personnes touchées dans le monde, coûtant aux soins de santé environ 1 milliard de milliards d’euros. Les patients asymptomatiques doivent être dépistés par la recherche des dépôts amyloïdes et de la protéine tau en particulier dans les formes familiales et dans la trisomie 21 (MA à partir de l’âge de 40 ans). Le dosage de biomarqueurs des voies métabolomique (830 métabolites à risque) et transcriptomique doivent permettre de prédire les combinaisons avec les risques les plus élevés.

Certains facteurs génétiques augmentent le risque de MA. Des mutations spécifiques dans les gènes codant la protéine précurseur de l’amyloïde (APP) ou ses enzymes de clivage présénilines 1 et 2, des microduplications du gène APP, la trisomie 21, la présence d’une ou deux copies de l’allèle rare ε4 du gène codant l’Apolipoprotéine E (APOE) présentent les risques les plus forts de développer une MA. De plus, des risques cumulatifs agrégés sur un certain nombre de facteurs de risque génétiques moins forts ont émergé, grâce aux études d’association à l’échelle du génome (GWAS) avec des dizaines d’allèles géniques fréquents impliqués (17 variants). Dans tous ces cas, les peptides β-amyloïdes se déposent avant l’apparition des symptômes. Quel que soit le contexte génétique, la charge amyloïde cérébrale est un facteur de risque de développement d’une MA. De nombreuses études visent à trouver des biomarqueurs sanguins qui pourraient prédire la charge amyloïde chez les individus asymptomatiques et permettre un traitement pendant la longue phase prodromique de la MA. Au total, la recherche de métabolites sanguins prédictifs et l’établissement de scores polygéniques devraient ouvrir la voie d’un dépistage de la MA avant même l’apparition des signes  IRM chez des sujets asymptomatiques.